Vol. 12 No 2 (2020): Lieux communs 1
Au fil de la réflexion sur la communauté que la pensée philosophique et politique a menée avec une intensité marquante depuis les années 80, s’affirme la nécessité de distinguer le « commun » et le « communautaire » et de penser la communauté contre les écueils – ou les ravages – d’une hypothétique communion. Le « lieu commun » dans cette perspective ne se maintient qu’à la condition qu’il ne cesse jamais de se désirer et de se chercher dans un « entre » qui ne saurait être aboli. Ce que la langue courante désigne pour sa part par « lieu commun » témoigne d’une fixité qui, si elle peut sembler rassurante, tend à être plutôt ressentie comme sclérosante : le « lieu commun » ne s’oppose pas seulement à toute idée d’originalité mais, plus encore, charrie un savoir qui s’énonce machinalement, sans se penser. Loin d’être étrangères à la question de « l’être-avec », ces formules toutes faites qui habitent la langue et font buter la parole sur sa propre limite nous interrogent sur les formes de partage qui s’instaurent dans l’espace commun. À ce point, deux questions convergent et se recouvrent : l’idée que le dire doit s’arranger avec un dit déjà constitué est indissociable de l’articulation entre un je et un nous.
— Numéro coordonné par Marie Laniel et Pascale Tollance