Le “lieu à soi” chez Virginia Woolf et Jean Rhys : état des lieux (communs)

  • Juliana Lopoukhine Université Paris Sorbonne

Résumé

Tant de choses semblent opposer Virginia Woolf à sa contemporaine Jean Rhys, ainsi que, à de rares exceptions, cela a été souligné par la critique. C’est pourtant le pari d’un « common ground » littéraire et politique que propose de faire cet article en lisant, depuis l’essai emblématique de Virginia Woolf, A Room of One’s Own, le motif de la chambre, ou plutôt du « lieu » « à soi », si l’on adopte la traduction récente de Marie Darrieussecq, dans les romans de l’entre-deux-guerres de Virginia Woolf et de Jean Rhys. Leur « terrain commun » ne se situe pas dans l’appropriation subjective et corporelle d’un lieu par les personnages, mais plutôt dans l’absence toujours reconduite de ce lieu. De manière différentielle et qui pourtant résonne, le « lieu à soi » demeure constamment hors de portée, qu’il se dérobe à l’investissement affectif et subjectif, ou que les personnages eux-mêmes se dérobent au lieu, et se diffèrent hors-lieu, recréant par là même dans le lieu une « pensée d’espace » au sens que lui donne Marie-Claire Ropars-Wuilleumier dans Écrire l’espace. C’est une pensée éthique et critique qui se façonne sur le seuil de ce lieu qui n’advient pas, une position liminaire qui donnerait forme à une pensée de la non-appartenance : le non-lieu imaginaire et évanescent d’un dialogue entre Jean Rhys et Virginia Woolf.

Mots-clés : lieu, espace, ville, Virginia Woolf, Jean Rhys, appartenance, appropriation, subjectivité, chambre, seuil, Un lieu à soi

Publiée
2022-03-11
Rubrique
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