Selfie Seduction:Understanding the Power of the Image

Auteurs

  • Marina Merlo Université de Montréal

Résumé

Le selfie, par son caractère d’autoportrait et par sa pratique répandue de manière épidémique, est typiquement considéré comme un symptôme du narcissisme contemporain, en ligne avec une culture du moi pratiquée sur les réseaux sociaux. Cependant, d’autres interprétations du mythe de Narcisse font émerger des concepts théoriques plus aptes à analyser les rapports établis par le selfie : l’interface, d’une part, et l’attraction telle que théorisée par André Gaudreault et Tom Gunning pour le cinéma, de l’autre. Ces deux concepts servent à qualifier une organisation de l’espace entre spectateur et représentation et nous serviront à interroger, non le contenu du selfie, mais les relations qui occupent cet espace et leur pouvoir de séduction sur le spectateur.

La clé de l’histoire de Narcisse est qu’il ne comprend pas que l’image est une réflexion. Il tombe amoureux de son image, en pensant que l’image est quelqu’un d’autre. Narcisse adore son image à tel point qu’il n’est pas conscient des processus de médiation, de captation et de transmission. Il s’agit donc, au-delà d’une adoration de soi, d’une incompréhension totale des médiations et de l’espace dans lequel elles opèrent. Le contraire est vrai pour le selfie où le photographe sait très bien qu’il produit une image ; c’est un geste volontaire et réfléchi. Nous montrerons que l’espace mis en scène par le selfie est celui de l’interface, celui du rapport et du contact éventuel entre deux entités séparées. Le selfie rend compte de l’interface entre photographe et appareil et il illustre les rapports qui s’y jouent. Le concept d’attraction, lui, sert à décrire ces rapports et il permet d’inclure le spectateur dans le mode opératoire de la séduction du selfie. Ces deux concepts misent sur les stratégies spatiales du selfie à l’instar de penseurs qui voient dans le narcissisme une théorie de l’environnement (Julie Walsh 2015) et une stratégie du désir mimétique (René Girard, Robert Doran 2008).

Pour mettre à l’épreuve ces concepts théoriques nous proposons d’étudier un cas particulier de selfies truqués. En 2013, la firme publicitaire Lowe et Partners a créé une campagne pour The Cape Times qui exploite la séduction du selfie. Les publicitaires ont truqué des photographies connues de personnages historiques afin de les transformer en selfies. La comparaison des photographies originales avec les images truquées permet de décrire la valeur ajoutée du selfie et de dégager le mode opératoire de sa séduction. La visibilité du geste de la prise photographique dans l’image finale est primordiale. Le regard complice et la gestualité intentionnelle de la prise de l’image montrent ce qui doit être vu. Ils servent à régler l’espace – à la fois entre le photographe et l’appareil, mais aussi entre le spectateur et l’image. Le spectateur est placé dans une nouvelle relation à celle-ci. Ainsi, la mise en scène de l’interface dans ces images et leur fonction de photographie-attraction nous permettra de montrer, à travers un détour par de faux selfies, comment le selfie fonctionne et séduit son public. 

Biographie de l'auteur

Marina Merlo, Université de Montréal

Marina Merlo est doctorante au Département de littératures et de langues du monde à l’Université de Montréal, avec une spécialisation en études littéraires et intermédiales. Elle détient une maîtrise en histoire de l’art et son mémoire porte sur le façonnement identitaire dans les cartes postales photographiques de la ville d’Alger du début du 20e siècle. Ses recherches actuelles portent sur le selfie. En se concentrant sur le geste de captation de l’image, sa thèse tente de définir cette pratique, d’en dégager une archéologie et de montrer la valeur relationnelle du selfie.

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Publiée

2017-12-23