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  • La Langue éprouvée

    2025-05-19

    Pour son numéro 17.2, à paraître en octobre 2026, la revue en ligne L’Atelier (https://ojs.parisnanterre.fr/index.php/latelier/index) lance un appel à contributions sur le thème « La Langue éprouvée ». Ce numéro sera coordonné par Amélie Ducroux. 

         Si la langue est partagée, l’expérience de la langue relève d’une intimité qui renvoie le sujet à sa propre fondation et à sa propre béance. Elle est, à cet égard, une expérience à nulle autre pareille, impliquant un relatif non-savoir et l’acceptation d’une certaine destitution. En tant qu’objet d’étude, la langue peut être analysée, décrite. En tant que matériau littéraire, elle est « éprouvée » d’une autre manière. La nécessité de défaire, déjouer, délier, peut s’imposer au poète, à l’écrivain tentant de faire entendre sa voix ou de faire sens autrement. La « langue éprouvée » peut impliquer « l’amour de la langue », pour reprendre le titre de Jean-Claude Milner, mais aussi un certain rejet de la langue et de ses contraintes. La langue elle-même est éprouvée en ce qu’elle est affectée par ce à quoi le sujet écrivant la soumet. Le lecteur est à son tour affecté par cette expérience toujours singulière consistant à lire, à entendre un.e autre s’exprimant dans sa langue. Il/elle pourra ressentir, par exemple, le déconfort que peut procurer ce que Roland Barthes nomme le « texte de jouissance » (« la langue en pièces »). Quant aux mots qui blessent, le texte littéraire ne peut que s’en saisir, rendant visible et audible l’indélébilité de la peine. En tant qu’inscription d’une langue éprouvée, le texte est toujours aussi un appel à éprouver la langue.

         La langue éprouvée est aussi celle que les poètes au sens large ont à cœur de faire résonner quand elle semble appauvrie, usée, galvaudée, récupérée, quand la langue de tous, intime pour chacun, est atteinte par une forme de pouvoir ou une autre. Dire qu’elle est alors « éprouvée » n’a de sens qu’en considérant un sujet, lui-même éprouvé dans son rapport intime à sa langue. Mais la langue est aussi « éprouvée » par l’apport de l’autre, de l’étranger, de l’autre langue. C’est son hospitalité, sa plasticité, ses capacités d’hybridation qui sont alors mises à l’épreuve, la langue pouvant être altérée, affectée et enrichie par l’autre. Si la langue imposée (historiquement, culturellement) peut être perçue par le sujet comme ne lui revenant pas en propre, la langue dite « maternelle » n’appartient pas davantage à celui ou celle qui la parle. La formule de Jacques Derrida, « je n’ai qu’une seule langue et ce n’est pas la mienne » peut s’appliquer à tout rapport d’un sujet à sa langue dès lors que celle-ci est envisagée comme inappropriable. Le philosophe relie cette « expérience de la langue », à la fois singulière et universalisable, à « l’expérience de la marque », aux « stigmates », aux « blessures » et à la « passion » (Le monolinguisme de l’autre). C’est aussi parce que le sujet ne peut jamais la faire sienne qu’il éprouve la langue comme une altérité qui le traverse, remettant sans cesse en question l’idée de maîtrise.

         Cette affection du sujet, que l’écriture du poète, de l’écrivain, expose plus ou moins ostensiblement, est intimement liée à ce que Jacques Lacan nomme « lalangue », qui « sert à de toutes autres choses qu’à la communication » et « désigne ce qui est notre affaire à chacun, lalangue dite maternelle, et pas pour rien dite ainsi. » (Le Séminaire. Livre XX, Encore) Le poète peut faire résonner ce qui soutient – inconsciemment – son usage « conscient » de la langue. En ce sens, la langue, ou « lalangue » est éprouvée à l’insu du sujet qui en est affecté et son écriture porte les traces de cette épreuve invisible. Elle peut être éprouvée en tant qu’elle affecte l’esprit, l’âme, mais aussi le corps. Ce que Julia Kristeva nomme « sémiotique » est détaché du « domaine de la signification » et c’est cette « motilité sémiotique » liée aux pulsions qui se donne à entendre dans certains textes de la modernité, sans pour autant « pulvériser » la « thèse du langage », le texte littéraire se distinguant, « comme pratique signifiante », du « discours du névrosé. » Le langage poétique, en particulier, ne cesse de « rappelle[r] ce qui fut depuis toujours sa fonction : introduire, à travers le symbolique, ce qui le travaille, le traverse et le menace. » (La révolution du langage poétique). Roland Barthes évoque, à la fin du Plaisir du texte, une « écriture à haute voix », portée par « le grain de la voix », qui ne serait pas « expressive » mais « appart[iendrait] au géno-texte, à la signifiance » : « […] ce qu’elle cherche (dans une perspective de jouissance), ce sont les incidents pulsionnels, c’est le langage tapissé de peau, un texte où l’on puisse entendre le grain du gosier, la patine des consonnes, la volupté des voyelles, toute une stéréophonie de la chair profonde : l’articulation du corps, de la langue, non celle du sens, du langage. » Cette « écriture à haute voix » qui, de fait, n’existe pas, est peut-être ce à quoi le poète, l’écrivain, aspire, lorsqu’il tente de se dégager de la seule expression.

    Ce sont ces affections du sujet par la langue, ces motions qui traversent le sujet écrivant, mais aussi les « épreuves » subies par la langue, que nous souhaitons mettre en avant dans ce numéro de L’Atelier. Ce thème peut inviter à une réflexion sur le lien intime de l’écrivain ou du poète à sa langue, lien qui peut se donner à entendre dans des remarques, suggestions plus ou moins explicites au fil du texte mais aussi dans les effets repérables de répétition et de résonance. Il invite également à analyser le discours d’écrivains, de poètes (essais, entretiens) sur leur rapport à la langue ou aux langues, les termes auxquels ils/elles recourent pour décrire cette épreuve au sens fort ou cette aventure sentimentale et sensorielle. Il peut être l’occasion de réinterroger la réception du texte littéraire, l’expérience qui s’offre au lecteur, son aptitude à l’accueillir, les limites de sa réceptivité, voire sa résistance à cette expérience.

    Les propositions d’articles (350 mots environ) sont à envoyer à Amélie Ducroux (a.ducroux@univ-lyon2.fr) avant le 15 septembre 2025. Les articles sont attendus pour le 15 janvier 2026. 

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  • L’(Im)matériel

    2024-11-27
    Pour son numéro 17.1, à paraître en février 2026, la revue en ligne L’Atelier (https://ojs.parisnanterre.fr/index.php/latelier/index) lance un appel à contributions sur le thème « L’(Im)matériel ». Ce numéro sera coordonné par Marie Laniel et Pascale Tollance. 

    Alors qu’il commente les récits des habitants d’Hiroshima dans un texte de 1947, Georges Bataille note l’insistance des témoins sur un contraste étrange : « l’explosion qui avait l’intensité visuelle du soleil ne fut pas suivie de détonation ». On se demandait alors « comment une destruction aussi étendue pouvait sortir d’un ciel silencieux »[1]. Cet événement dévastateur ne constitue pas seulement l’arrière-plan du premier roman de Kazuo Ishiguro, A Pale View of Hills ; c’est le récit lui-même qui se fait tout entier détonation silencieuse alors qu’il tait et, dans le même temps, nous met face à une blessure à la fois omniprésente et insituable. C’est à travers un processus conjoint d’effacement et de matérialisation que le texte littéraire signale ainsi le pouvoir qui est le sien de donner corps à ce qui échappe à l’ouïe comme à la vue ou au toucher. « J’immatérialise » (« I insubstantise »[2]) concédera Virginia Woolf dans son journal ; mais ne s’agit-il pas d’opposer aux « matérialistes »[3] ce qui réellement compte (« what matters »), et de laisser entrevoir ce qui, pour être immatériel, donne son poids, sa densité ou son intensité aux choses ? Ainsi dans Orlando apparaît dans un « clignotement », « quelque chose qui est toujours absent du présent – d’où la terreur qui l’accompagne, son caractère indescriptible – quelque chose dont on tremble d’épingler le corps au moyen d’un nom et de l’appeler beauté car elle n’a pas de corps, qu’elle est telle une ombre sans substance ni qualité propre, et a cependant le pouvoir de changer tout ce à quoi elle s’ajoute »[4]. Ce « quelque chose » aura le pouvoir de faire rayonner ou vibrer le monde, ou au contraire de le défaire pour faire surgir l’abîme ; dans le même temps le personnage peut à son tour se dissoudre ou, plus exactement, se transformer à son contact pour devenir ce que Michael Levenson décrit comme « une parcelle de matière », « un bloc dans l’espace », « un murmure dans le temps »[5]. 

    Les divers courants « néo-matérialistes » qui occupent le champ théorique actuel tirent leur nouveauté pour une large part d’une urgence collective qui nous force à penser à de nouveaux frais la vie et le vivant. Surgissent en leur sein même des interrogations dont on peut juger qu’elles ne sont pas entièrement nouvelles : revient la question de savoir comment les choses en viennent à compter (de façon plus parlante en anglais, « how matter comes to matter »), mais aussi la question de savoir comment la matérialité excède la matière (« how matter is more than matter »). Ainsi dans l’introduction de leur ouvrage New Materialisms: Ontology, Agency, and Politics qui s’ancre dans le postulat selon lequel la matière est absolument première, Diana Coole et Samantha Frost écrivent : « Materiality is more than ‘mere’ matter: an excess, force, vitality, relationality or difference that renders matter active, self-creative, productive and unpredictable »[6]. La difficulté à définir le « more than » apparaît d’emblée à travers des termes aux implications distinctes. L’une des contributrices, Elizabeth Grosz, soulignera pour sa part l’importance de penser « l’incorporel », auquel elle consacrera ultérieurement un ouvrage (The Incorporeal: Ontology, Ethics and the Limits of Materialism, 2017) et qu’elle commentera dans un long entretien de 2021, « Immaterial matters »[7]. Dans le même temps d’autres voix s’élèvent pour pointer la nécessité de ne pas délaisser ce « matérialisme sans matière » par lequel on a pu désigner le matérialisme historique et la nécessité de ne pas mettre dos à dos matière et matérialisme[8]. Tom Cohen appelle, à la suite de Judith Butler, à « revenir à la matière comme signe »[9] contrairement à Karen Barad qui entend clairement pour sa part revenir à la matière comme matière, et prend position contre un « tournant linguistique et culturel » qui, en jouant sur la polysémie du mot « matter », éluderait les vrais enjeux du débat[10]. Restent pour Barad des « pratiques discursives » qu’elle définit comme des « inter-actions agentielles » qui n’ont rien de spécifiquement verbal ou de spécifiquement humain[11] et ne requièrent résolument rien qui excède la matière. Jane Bennett, qui cherche de son côté à dégager ce qu’elle nomme « thing-power », un pouvoir ou une agentivité à distinguer d’une simple résistance à la saisie humaine, n’échappe pas quant à elle à une forme de paradoxe lorsqu’elle ancre son propos dans un renversement fondateur : « In a second moment, stuff exhibited its thing-power: it issued a call, even if it did not quite understand what it was saying »[12]. Comment comprendre cette chose qui parlerait toute seule et l’interpellation qui en émane ? Ainsi les questions qui surgissent avec le « retour à la matière » ne manquent-elles pas. Le décentrement de l’humain, simple élément au sein du continuum, ne se voit-il pas contrecarré par le privilège d’une relation d’immédiateté et de transparence ? L’accent mis sur la co-naturalité de l’homme et du monde ne revient-il pas à disqualifier d’emblée toute forme d’inadéquation et l’impuissance qui en résulte ? L’accent mis sur la continuité n’a-t-il pas pour contrepartie le risque d’aboutir à une équivalence généralisée ou une fusion des différences dans un grand Tout ? L’accusation d’idéalisme adressée à l’autre n’en a potentiellement pas fini de se retourner. 

    Ce nouveau numéro de L’Atelier propose de lancer une réflexion sur les questions diverses qu’ouvre le « retour à la matière » et sur ce qu’il peut laisser d’irrésolu. La parenthèse que nous insérons à l’intérieur du mot « (im)matériel » a une valeur suspensive : elle vise à interroger un préfixe qui ne marquerait pas forcément une privation ou une soustraction mais pourrait se concevoir comme supplément, ce « more than matter » qui se décline de façon multiple ; elle entend également insister sur la continuité qui permet de penser matériel et immatériel sur un même plan d’immanence. On pourra faire dialoguer le texte littéraire et le texte philosophique en se penchant notamment sur la philosophie de Gilles Deleuze : est-il possible de s’y référer, comme le font très largement les nouveaux matérialistes, sans prendre en compte le concept de « virtuel » qui double celui d’« actuel » ? Dans une autre perspective théorique, on peut noter la quasi-simultanéité de la parution de l’ouvrage de Coole et Frost et du conséquent volume intitulé The Spectralities Reader de Blanco et Perren, ouvrage qui propose de cartographier le « tournant spectral »[13]. Cette émergence parallèle peut être prise comme une invitation à s’arrêter sur la tentation d’opposer matérialité et spectralité – une spectralité qui s’appréhende différemment dès lors qu’elle se conçoit comme ce que produit à chaque instant le discours[14]. Passer du langage de « l’épistémologie » à celui de « l’ontologie »[15] peut mériter un détour par l’« hantologie », qui, tout en portant son attention sur la relation du même à l’autre, s’intéresse à la non-coïncidence du même avec lui-même. Le spectre ne nous met-il pas, selon Jacques Derrida, face à « l’intangibilité tangible d’un corps propre sans chair »[16] ? Ce « quelque chose » de spectral et de néanmoins très matériel dont nous parle Woolf trouve également ses coordonnées dans le champ psychanalytique à travers l’« objet a », objet inobjectivable et non-spécularisable qui soutient le désir – et qui, pour être insubstantiel, n’en a pas moins une fonction de sustentation[17]. On pourra tout aussi bien relever que du « retour à la matière », la littérature comme les arts parlent depuis longtemps en les théorisant ou non : l’insistance mise sur le travail concret avec le matériau plastique ou verbal ne pose-t-elle pas avec une acuité particulière la question de la (dis)continuité entre la couleur qui s’étend sur le tableau et celle qui sort du tube, ou entre la lettre du poème ou du roman et celle qui compose l’alphabet ? L’art et la littérature ne nous permettent-ils pas de toucher au point extrême où la matérialité absolue trouve à se conjoindre à la plus grande abstraction ? 

    Ce numéro pourrait être l’occasion de porter l’attention sur les œuvres qui disent le caractère vital (puisque c’est de la vie dont il est question) qu’il peut y avoir à témoigner de la matérialité de ce qui ne se voit pas ou ne se touche pas, de ce qui façonne chaque corps de façon singulière, de ce qui, de façon contingente, nous rend tantôt ouvert, tantôt fermé au monde. L’(im)matériel pourrait être, comme l’indique l’adjectif « immaterial » en anglais, ce petit rien qu’on a trop vite fait de réduire à « rien du tout ». Certaines œuvres peuvent ainsi reposer tout entières sur un simple mot qui a manqué (un consentement non donné, une promesse non tenue), sur un court-circuitage de la parole qui a détruit la vie en son cœur, sur des violences « symboliques » aux ravages on ne peut plus matériels. Ce peut être aussi le mot en trop, qui, à être simplement prononcé, peut plonger celui qui le reçoit dans l’abjection et rendre proprement insupportable la prétention à donner immédiatement sens à ce qui arrive[18]. Mais on peut tout aussi bien penser à ces quelques lettres qui, assemblées, donnent une réalité intense à des lieux où l’on n’est jamais allé (comme ce nom de « Parme » qui fait surgir pour le narrateur de Marcel Proust une « demeure lisse, compacte, mauve et douce »[19]) – tout comme elles peuvent conférer une soudaine et inédite présence aux paysages que l’on a sous les yeux depuis toujours. On pourra s’intéresser aux « enchevêtrements » (entanglements) qui sont au cœur des questions contemporaines. À travers les liens qui se tissent, les différences qui se brouillent ou les oppositions qui s’annulent entre animé et inanimé, naturel et culturel, intime et politique, il s’agirait d’envisager aussi la part de l’(im)matériel dans ce qui soude les éléments, donne consistance aux choses, permet aux corps de tenir ensemble ou, au contraire, les amène à se défaire. L’imagination n’a-t-elle pas son rôle à jouer lorsqu’il s’agit de sauver le vivant ? Ne faut-il pas redonner sa place à un imaginaire en rien synonyme d’illusoire mais à penser plutôt comme une force qui assure la cohésion de ce qui semble en manquer « naturellement » ? La matière peut se mettre tout entière au service de ce qui n’est pas là ou de ce qui n’est plus là : il s’agit alors d’inventer une « matière de l’absence » ou « une matière de la distance » selon les termes de Georges Didi-Huberman[20]. C’est parfois un trouble qu’il faut pouvoir matérialiser, un je-ne-sais-quoi et/ou un presque-rien qui caractérisent notamment ces ambiances et atmosphères qui suscitent un nouvel intérêt dans le champ critique : ce qui s’impose peut alors conjointement relever d’une indétermination ontologique[21] et détenir une singulière puissance d’affect. Mais la force de l’(im)matériel s’affirme aussi dans un nouage énigmatique qui rend les choses moins incertaines qu’« indécomposables » ; c’est ainsi, on s’en souvient peut-être, que Roland Barthes décrivait « l’air » d’un visage : « L’air d’un visage est indécomposable. [Il] est cette chose exorbitante qui induit du corps à l’âme » [22].

    Les articles (30 000-55 000 caractères) pourront être rédigés en français ou en anglais.Les propositions détaillées (300-500 mots) sont à envoyer à Pascale Tollance (pascale.tollance@univ-lyon2.fr) et Marie Laniel (marie.laniel@gmail.com) pour le 8 mars 2025.Les articles sont attendus pour le 30 juin 2025. 

    Pour toute information concernant la revue et sa politique éditoriale, consulter le site : http://ojs.parisnanterre.fr/index.php/latelier/index

    [1] Cette citation est reprise par Georges Didi-Huberman dans Génie du non-lieu (Paris : Les Éditions de Minuit, 2001, 24).

    [2] « I daresay its true, however, that I haven’t that “reality” gift. I insubstantise, wilfully to some extent, distrusting reality – its cheapness. » (19 June 1923), The Diary of Virginia Woolf: 1920-1924, vol. II, ed. Anne Olivier Bell et Andrew McNeillie, New York: Harcourt Brace Jovanovich, 1980, 248.

    [3] Dans « Modern Fiction », Woolf écrit au sujet de Wells, Bennett et Galsworthy : « If we tried to formulate our meaning in one word we should say that these three writers are materialists » (Selected Essays, Oxford: OUP, 2008, 7).

    [4] Virginia Woolf. Romans, essais. Paris : Quarto Gallimard, 2012, 575 (traduction de Jacques Aubert). « There was something strange in the shadow that the flicker of her eyes cast, something which […] is always absent from the present – whence its terror, its nondescript character – something one trembles to pin through the body with a name and call beauty, for it has no body, is a shadow without substance or quality of its own, yet has the power to change whatever it adds itself to » (London: Vintage, 2016, 230).

    [5] La préface à Modernism and the Fate of Individuality s’ouvre sur cette phrase : « This thing we name the individual, this piece of matter, this length of memory, this bearer of a proper name, this block in space, this whisper in time, this self-delighting, self-condemning oddity – what is it? who made it? (Cambridge: CUP, 1991, xi).

    [6] Diana Coole and Samantha Frost (ed.), New Materialisms: Ontology, Agency and Politics, Durham: Duke UP, 2010, 9.

    [7] Elizabeth Grosz and Thomas Clément Mercier, « Immaterial Matters, or the Unconscious of Materialism: A Conversation with Elizabeth Grosz », Síntesis, Rev filos 4.2 (2021): 141-166. Dans Vibrant Matter (Durham: Duke UP, 2009), Jane Bennett engage elle aussi la réflexion autour de « l’in-corporel » (the « in-corporeal » sic) par le biais de Foucault et envisage ce qui excéderait la matière (« a not-quite-material supplement », 61) à partir de l’élan vital de Bergson.

    [8] Benjamin Noys rappelle la formule par laquelle Etienne Balibar qualifie le marxisme (un « matérialisme sans matière » car il met l’accent sur les transformations de l’objet par les pratiques sociales). Noys engage le débat avec les nouveaux matérialismes en analysant notamment les limites de la critique que formule Bruno Latour à l’égard du fétiche chez Marx : Latour gomme, selon Noys, ce qui constitue une « abstraction réelle » dans le fétichisme tel que l’analyse Marx et élude la spectralité qui travaille l’objet (« Matter against Materialism: Bruno Latour and the Turn to Objects », Theory Matters: The Place of Theory in Literary and Cultural Studies Today (Martin Middeke and Christoph Reinfandt ed., London: Palgrave Macmillan, 2016).

    [9] « (A)Material Criticism », Introducing Criticism in the 21st century, Julian Wolfreys, 2002 (Cohen cite Butler dans Bodies That Matter : « To return to matter requires than we return to matter as a sign »).

    [10] « Language has been granted too much power. […] The ubiquitous puns on “matter” do not, alas, mark a rethinking of the key concepts (materiality and signification) and the relationship between them. Rather, it seems symptomatic of the extent to which matters of “fact” (so to speak) have been replaced with matters of signification […] Language matters. Discourse matters. Culture matters. There is an important sense in which the only thing that does not seem to matter anymore is matter » (« Posthumanist Performativity: Toward an Understanding of How Matter Comes to Matter », Signs 28.3 (Spring 2003), University of Chicago Press, 801).
    [11] « Discursive practices are not speech acts, linguistic representations, or even linguistic performances, bearing some unspecified relationship to material practices. […] they are not human-based practices ». (821)

    [12] Vibrant Matter, 4.

    [13] Maria del pilar Blanco and Esther Peeren (ed.), The Spectralities Reader. Ghosts and Haunting in Contemporary Cultural Theory, New York: Bloomsbury, 2013. New Materialisms: Ontology, Agency and Politics (Coole and Frost) est publié en 2010.

    [14] Ce glissement vers une autre spectralité qui est produite par le discours plus qu’elle n’émanerait d’un ailleurs ténébreux est souligné par Blanco et Peeren : « Derrida’s rehabilitation of the ghostly takes inspiration from the two systems of thought represented by Freud and Adorno: psychoanalysis and Marxism » (Blanco and Peeren 6).

    [15] Cf Jane Bennett : « We need to shift from the language of epistemology to the language of ontology » (3).

    [16] Jacques Derrida, Spectres de Marx, Paris : Galilée, 1993, 27.

    [17] Voir notamment Bernard Baas, De la chose à l’objet. Jacques Lacan et la traversée de la phénoménologie, Leuven : Peeters Vrin, 1998.

    [18] Philippe Lançon utilise ce terme « d’abjection » pour décrire ce que provoque le commentaire trop facile de l’événement (en l’occurrence du trauma) qu’il a vécu – violence d’autant plus insupportable lorsqu’elle lui vient de l’autre : « Il y avait une abjection de la pensée, lorsqu’elle croyait donner sens immédiat à l’événement auquel elle était soumise » (Le Lambeau, Paris : Gallimard, 2018, 350).

    [19] « Le nom de Parme, une des villes où je désirais le plus aller, depuis que j’avais lu La Chartreuse, m’apparaissant compact, lisse, mauve et doux, si on me parlait d’une maison quelconque de Parme dans laquelle je serais reçu, on me causait le plaisir de penser que j’habiterais une demeure lisse, compacte, mauve et douce […] » (Du côté de chez Swann, À la recherche du temps perdu, La Pléiade, volume I, Paris : Gallimard, 1987, 370-371).

    [20] Voir notamment Génie du non-lieu, 54.

    [21] Voir notamment Gernot Böhme, The Aesthetics of Atmospheres, London: Routledge, 2017.

    [22] La Chambre Claire, Paris : Cahiers du Cinéma Gallimard Seuil, 1980, 67. Lire plus à propos de L’(Im)matériel