Portrait de mon père en idiot. Les écholalies littéraires de Jerome Charyn

  • Michaëla Cogan Université de Franche-Comté

Résumé

Le motif du père chez Jerome Charyn est abordé au prisme de ses réécritures dans des textes fictionnels, non fictionnels, autofictionnels, ainsi que des paratextes et entretiens : au fil des pages, le père biologique est doté d’une présence littéraire et ainsi « transféré » de l’inconscient à la conscience de l’écriture. À mesure que la mémoire sélective du fils écrivain ramène à la surface des réminiscences d’un père dysfonctionnel, immigrant polonais atteint d’une hébétude post-traumatique, un récit sur le père se développe dans le filigrane des textes. Ce portrait est oblique et sériel, car il ne repose pas sur un texte unique mais prend forme par accumulation d’images : c’est d’abord par répétition imitative qu’apparaissent les résurgences littéraires de Sam Charyn en « idiot » mesquin et ridicule, avant que ces répliques mimétiques ne permettent des variations polysémiques sur la thématique paternelle. Le ressassement de ce motif engage Charyn dans une remémoration verbale qui lui permet de décliner le trauma, celui d’une enfance illettrée passée auprès d’un père mutique et violent dans le Bronx d’après-guerre, sous la forme d’un texte palimpseste. Le processus s’avère libérateur, le langage étant l’outil privilégié pour tout à la fois mettre à distance le père et s’en approcher. Plus qu’une méthode logo-centrée, l’écholalie littéraire fonctionne comme un processus affectif qui permet à l’écrivain de ressentir, ou de re-sentir, sa relation filiale, qu’un double mouvement d’oubli et d’inventivité a permis de réinvestir.

Mots-clés : trauma, mémoire, répétition, récit du père, écholalie, idiotie, autofiction 

Publiée
2023-03-17
Rubrique
ARTICLES