“Her tongue clove to her palette" : dépeindre une langue à double-tranché dans la fiction de Brian Evenson

Auteurs

  • Morgane AUGRIS Université de Tours

Résumé

La langue tranchante de l’auteur américain contemporain Brian Evenson fourche à plusieurs reprises lorsqu’il écrit respectivement dans le roman Dark Property (2002) et dans la nouvelle « Grottor » (2012) « Her tongue clove to her palette » et « Bernt […] found his tongue cleaving to his palette ». En substituant une « palette » au « palais », il défigure sa langue pour rappeler le large spectre que recouvrent les possibilités sensibles de son matériau, tant visuelles que sonores. La violente intrusion de cette palette donne l’occasion de peindre tout autant que de dépeindre la langue en soulignant l’enjeu paradoxal du pictural dans une œuvre qui souhaite se détacher de l’idéal mimétique. Le mot polysémique anglais « stump », à la fois moignon et estompe, souligne les rapports qu'entretiennent membres fantômes et vestiges de geste créateur : à défaut de pouvoir radicalement se détacher de la référence, il s'agit de la brouiller, quitte à en conserver une silhouette fantomatique qui revient hanter le lecteur à travers sa douloureuse absence de stabilité. Son ombre mouvante se reflète dans ces contours flous, seuls survivants de compositions picturales et langagières en constantes décomposition et recomposition autonomes.

Biographie de l'auteur

Morgane AUGRIS, Université de Tours

En deuxième année de doctorat à l'université de Tours, Morgane Augris s'interroge dans une thèse dirigée par Anne Ullmo sur l'enjeu poétique que constitue l'omniprésence de corps en souffrance pour signifier le rapport qu'entretient l'écrivain américain contemporain Brian Evenson au langage. Elle se penchait déjà sur les interactions entre corps anatomiques, politiques et poétiques dans un article consacré à la pièce shakespearienne Love's Labour's Lost intitulé « 'Taffeta phrases, silken terms precise' : Des demoiselles en détressage ».

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Publiée

2019-07-01