“Her tongue clove to her palette" : dépeindre une langue à double-tranché dans la fiction de Brian Evenson
Résumé
La langue tranchante de l’auteur américain contemporain Brian Evenson fourche à plusieurs reprises lorsqu’il écrit respectivement dans le roman Dark Property (2002) et dans la nouvelle « Grottor » (2012) « Her tongue clove to her palette » et « Bernt […] found his tongue cleaving to his palette ». En substituant une « palette » au « palais », il défigure sa langue pour rappeler le large spectre que recouvrent les possibilités sensibles de son matériau, tant visuelles que sonores. La violente intrusion de cette palette donne l’occasion de peindre tout autant que de dépeindre la langue en soulignant l’enjeu paradoxal du pictural dans une œuvre qui souhaite se détacher de l’idéal mimétique. Le mot polysémique anglais « stump », à la fois moignon et estompe, souligne les rapports qu'entretiennent membres fantômes et vestiges de geste créateur : à défaut de pouvoir radicalement se détacher de la référence, il s'agit de la brouiller, quitte à en conserver une silhouette fantomatique qui revient hanter le lecteur à travers sa douloureuse absence de stabilité. Son ombre mouvante se reflète dans ces contours flous, seuls survivants de compositions picturales et langagières en constantes décomposition et recomposition autonomes.
Publiée
Numéro
Rubrique
Licence
-
L’envoi spontané d’un article à la rédaction de L’Atelier implique l’autorisation de publication et la cession des droits dans les limites établies par la loi de propriété intellectuelle.
-
L’Atelier conserve les droits de reproduction des articles publiés, quelque soit le support : internet, CD ROM, réimpression, photocopie, etc.
-
L’auteur conserve le droit de publier ultérieurement son article déjà paru dans L’Atelier avec la seule obligation de mentionner le nom de la revue comme source de la première publication.