« There were other things » : Exposer l’objet, décentrer l’humain, devenir chose dans la fiction empathique de Brian Evenson

Auteurs

  • Morgane Augris Université de Tours

Résumé

Dans le récit « Shirts and Skins » (2019) de l’auteur américain contemporain Brian Evenson, un couple se rend à deux moments clés de son histoire à une installation minimaliste du même artiste : les chemises suspendues à des patères dans la première occurrence deviennent dans un second temps des pans de peau, chaque fois accompagnés d’un petit écriteau où figure la désignation de la chose mise en scène. L’ex-position de l’objet est habituellement synonyme de subordination à la catégorie maîtresse de l’humain mais ici, les positions se voient renversées : l’objet sort de l’ombre et impose un décentrement à l’humain, scellant enfin leur réunion dans le tissu du monde. Le continuum qui s’esquisse entre tissus textile, cutané et textuel laisse entendre le rôle joué par le langage dans les relations hiérarchisées que les humains nouent entre eux, mais également aux objets. La prose d’Evenson, refusant toute médiation auctoriale et toute forme de transcendance, s’efforce par une œuvre hybride, poreuse et empathique de déstabiliser ces représentations. Les greffes post-humaines qui s’opèrent dans les diégèses reflètent l’expérience du lecteur, invité à une rencontre symbiotique avec l’objet-livre. L’éclairage prodigué par les ontologies plates permet de réconcilier deux versants apparemment distincts de la fiction evensonienne : l’inquiétante étrangeté suscitée par des objets quotidiens soudain devenus perturbateurs, et l’effondrement environnemental abordé dans des récits post-apocalyptiques. Sans reconnaissance du devenir (de l’)objet,aucun à-venir n’est concevable pour ces choses parmi d’autres que sont les humains.

 

Mots-clés : Brian Evenson, écocritique, ontologies plates, affect, représentation, langage, effondrement, post-apocalyptique, décentrement, anti-humanisme

Biographie de l'auteur

Morgane Augris, Université de Tours

En deuxième année de doctorat à l'université de Tours, Morgane Augris s'interroge dans une thèse dirigée par Anne Ullmo sur l'enjeu poétique que constitue l'omniprésence de corps en souffrance pour signifier le rapport qu'entretient l'écrivain américain contemporain Brian Evenson au langage. Elle se penchait déjà sur les interactions entre corps anatomiques, politiques et poétiques dans un article consacré à la pièce shakespearienne Love's Labour's Lost intitulé « 'Taffeta phrases, silken terms precise' : Des demoiselles en détressage ».

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Publiée

2024-10-13