La littérature moderniste et les objets : « fragments of being » - le perpétuel devenir de l’objet
Résumé
Alors que la matérialité de l’objet a réinvesti le discours critique depuis quelques décennies, la tension qui a parcouru la littérature des XIXe et XXe siècles, tout autant que la critique, montre l’instabilité du statut de l’objet et de sa fonction, alors qu’il devient, dans une société de plus en plus matérialiste, un matériau proprement littéraire, entre isomorphisme romantique et référentialité réaliste. La littérature moderniste en Grande-Bretagne, à un moment-charnière entre le réalisme du XIXe siècle et le Nouveau roman des années 1950, va faire de l’objet le lieu d’une interrogation métaphysique sur la relation du sujet au monde dans une période de crise herméneutique et ontologique, et mettre en place une véritable poétique de l’objet. En remettant en question le statut de l’objet, non seulement par rapport à la chose mais également à l’être, l’esthétique moderniste des années 1920 et 1930 en Grande-Bretagne met en scène la tension entre un dégoût de la production de masse, une fascination pour le monde objectal devenu matériau poétique et une extrême subjectivité de l’écriture. Deux catégories d’objets sont ici mises en lumière comme des matériaux privilégiés dans ce travail de l’objet : les vêtements qui portent un questionnement ontologique et la maison de poupée qui, à ce questionnement, ajoute une dimension métafictionnelle. Une étude de textes d’écrivains emblématiques de la période (Woolf, Mansfield, T.S. Eliot et Bowen) montre comment l’objet – entre chose et objet –se trouve à la fois renvoyé à sa matérialité et investi, voire surinvesti, d’un pouvoir narratif et symbolique qui ne résout pas toujours les tensions créées par cette contradiction. C’est ainsi que s’opère un transfert constant entre ontologique et ontique avec, en son centre, un objet en perpétuel devenir.
Mots-Clés : choses ; objets ; matérialité ; modernisme ; Virginia Woolf ; Katherine Mansfield ; Elizabeth Bowen
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