Genre/Gender Trouble ? Pour un usage croisé des épistémologies queer et littéraire
Résumé
Cet article fait état d'un trouble qui a hanté, presque simultanément quoique distinctement, deux champs de la théorie depuis les années 1990, l’un qui touche aux épistémologies queer du genre (gender) et l’autre qui relève des théories du genre littéraire (genre). Afin de produire cette rencontre (qui reste un présupposé de beaucoup d’analyses textuelles riches, mais demeure peu abordée en elle-même dans le champ des études littéraires francophones), je propose une lecture croisée de l’ouvrage Gender Trouble (1990), de Judith Butler, et de Qu’est-ce qu’un genre littéraire? (1989), de Jean-Marie Schaeffer. Mon objectif est d’établir une analogie entre les transformations subies par les notions de genre et de gender en me fondant sur un ensemble de notions qui ont permis d’en penser l’évolution, la contestation et la rénovation conceptuelle et historique : celles de binarité, d’essence et de performance. Ce panorama théorique me permettra notamment d’assimiler la notion de généricité, proposée par Schaeffer, au concept queer de subversion. J’émets l’hypothèse qu’une méthodologie d’analyse textuelle croisant ces deux perspectives enrichit considérablement la lecture d’œuvres qui contestent la place assignée aux femmes (sans perdre de vue le fait que l’objet « femme » lui-même est dépourvu d’essence) tout en mettant à l’épreuve les classifications architextuelles. Je soutiens que cette mise en rapport, en dehors du fait qu’elle rend compte d’un trouble partagé et d’un penchant pour la non-exclusivité des catégories, permet aux chercheur.euses d’éviter d’enfermer la question générique dans l’exercice typologique et, simultanément, qu’elle permet de considérer les destins féminins des personnages romanesques comme l’effet de socialisations, de ne pas les naturaliser.
Mots-clés : genre, gender, généricité, subversion, performance
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