La littérature sans majuscule, ou la puissance de l'inassimilable
Résumé
Aujourd'hui – le fait n'est pas nouveau – la littérature, son enseignement, les recherches dont elle fait l'objet sont bien souvent dénigrés au nom d'une conception mythique (Barthes) des œuvres léguées par les Grands Écrivains du passé. Présumé intouchable, ce patrimoine est présenté par ses défenseurs comme un ensemble monolithique dont l'interprétation ne fait plus débat, alors que la singularité du fait littéraire réside au contraire dans l'élaboration de significations instables et toujours à reprendre, incompatibles de ce fait avec toute forme d'essentialisme. À ce déni radical, la littérature (sans majuscule) n'oppose aucune résistance frontale : la puissance qu'elle revendique est celle du presque-rien, du « comme si » (Derrida) qui met à mal toutes les oppositions binaires sur lesquels s'appuie le discours obsidional de l'institution jalouse de ses prérogatives. De là naît le trouble dont l'écriture est porteuse, non moins que les discours théoriques qui la prennent pour objet. À la lisière du néant, au cœur de la zone ambiguë où la parole ne se distingue plus du silence (et où il est par conséquent impossible de la faire taire), l'écriture ne s'oppose à rien ; son pouvoir est celui de l'inassimilable qu'aucune agonistique ne saurait récupérer à son profit. Une nouvelle d'Allen Barnett, « Succor », fournit une illustration frappante de cette stratégie paradoxale.
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