Le Ventre de Rebecca. Ou de l’hétérocryption du descriptif
Résumé
Le descriptif aurait ceci de particulier selon Philippe Hamon qu’il donnerait à deviner une autre réalité, beaucoup plus qu’il ne dirait la réalité. L’attention au détail du descriptif creuserait la représentation d’un savoir non tant en reste qu’en latence. Je propose de voir dans le roman d’enquête, ou roman de détective, ce sous-genre du roman réaliste qui nous permet d’articuler au mieux l’un sur l’autre le descriptif et le « décryptif » dont parle Hamon, tout en nous menant aussi à queerer quelque peu le parti pris implicite de ce célèbre essai.
Ma lecture de Rebecca, comme prototype même de l’écriture détective, s’attache à repérer ces opérations descriptives où la référentialité se boursoufle, grossit de son savoir enfoui, se fait ventre. Le descriptif est une mise en « travail », comme dit Hamon, par quoi je comprends qu’il se fait littéralement utérus, poche de gestation, rompant de la sorte avec la tradition d’un pen qui serait aussi un pénis, pour reprendre la célèbre comparaison de Sandra Gilbert et Susan Gubar. D’instrument d’inscription violente, le pen se fait plutôt pennant, flamme, fanion, pavillon, marque, et comme on le verra aussi, bouée ou balise. La plume marque, remarque la réalité comme enceinte d’un savoir embryonnaire, comme poche toujours avortée de son secret, et soudain rendue à sa fonction. Au fond de la poche, grâce aussi à cette poche, se produit alors la renaissance de Rebecca, son retour intempestif, sous forme d’une trace proprement grammaticale, capable de défier l’oubli, malgré son statut de scrap, de rebut, de déchet. Partout se présentant, la lettre arrive pour rappeler la morte.
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