"Leaping over oblivion" : Thomas Hardy's Moments of Vision

  • Isabelle Gadoin Université de Poitiers
Mots-clés: Hardy, Thomas, Romantisme, Darwinisme, Déterminisme, Wordsworth, William

Résumé


Cet article propose une lecture du cinquième recueil poétique de Thomas Hardy,Moments of Vision, publié en 1916, pour tenter de donner une définition du « moment » dans son œuvre. Parce que la conception que Hardy se fait du temps est contradictoire et discontinue, voire même fragmentaire, le « moment » décisif ou révélateur constitue un concept clé dans sa poésie comme dans ses romans. L’article commence par envisager les diverses conceptions philosophiques ou scientifiques du temps qui s’affrontent dans la pensée et l’imagerie hardyennes, de la perspective presque infinie d’un temps géologique qui par comparaison réduit la vie humaine à un instant éphémère, au schéma darwinien d’une grande famille d’espèces en constante mutation, et finalement à la vision, dérivée de Schopenhauer, d’un monde mené par une irrésistible Volonté immanente. Ecrivant dans la dernière décennie du 19° siècle et au tout début du vingtième siècle, Hardy illustre les hésitations conceptuelles typiques de cette époque-charnière, et manifeste une vraie fascination pour les moments fugaces où passé, présent et futur se rencontrent en une image saisissante, toujours sur le point de basculer. Le second moment de la démonstration se concentre sur ces « moments » d’intense vision où espace et temps fusionnent pour redonner vie à une expérience passée. Il s’agit là d’une structure récurrente dans les poèmes, où le retour du poète en un lieu bien précis ramène à l’esprit un flot d’émotions, qu’il ne rappelle que pour les nuancer et parfois les dénoncer violemment. Ainsi, ce schéma mémoriel, qui semblerait rappeler le mode de fonctionnement des « spots of time » chez Wordsworth, s’en écarte en fait largement : là où Wordsworth trouvait réconfort et régénération dans ses souvenirs de jeunesse, Hardy ne confronte moments passés et moments présents que pour souligner un lancinant sentiment de perte : perte de la jeunesse, de ses idéaux, de ses passions.

This paper centres on Thomas Hardy’s fifth volume of poems, entitled Moments of Vision (1916), to try and offer a definition of what the poet-novelist implied by the notion of “moment”. Because Hardy’s vision of time is contradictory and discontinuous, if not fragmentary, the pregnant or revealing “moment” is a key concept in the whole of his work. The first part of the argument provides a short survey of the various philosophical or scientific conceptions of Time vying within Hardy’s thought and imagery, from the wider perspective of near-infinite geological time—which reduces man’s life in comparison to an ephemeral moment—to the Darwinian schema of the great family of species as a complex web in constant evolution, and finally Schopenhauer’s vision of a world dominated by an irresistible Will. As typical in a novelist whose career climaxed in the last decade of the 19th century and overlapped into the early 20th century, Hardy displays a disquieting fin-de-siècle hesitation between contradictory views, and a fascination for the fleeting instants in which past, present and future crystallise into a precarious image. The second movement of the demonstration narrows down on those “moments” of intense vision when space and time unite to bring past experience back to life. In a recurrent pattern, the “revisitation” of a particular place revives a flow of gripping emotions, which are recalled and reassessed—and at times violently dismissed. This pattern is structurally very close to William Wordsworth’s “spots of time”; but the contention here is that the drift of Hardy’s moments of contemplation and rememoration goes counter to that of Wordsworth’s joyful epiphanies. In Hardy’s grim world, the confrontation between past and present moments only serves to bring poignant awareness of loss: the loss of youth, of ideals and loved beings.

Biographie de l'auteur

Isabelle Gadoin, Université de Poitiers

Professeur de littérature anglaise, département d'anglais, UFR Lettres et Langues, Poitiers.

Co-responsable du Master "Texte et image (Littérature, écrans, scène)"

Publiée
2012-11-27