L’encombrement de la « vie nue » : le tort à l’épreuve du malaise dans After leaving Mr MacKenzie (1930) de Jean Rhys.
Mots-clés :
Rhys, Jean, Modernisme, Vie nue, Tort, Politique, MalaiseRésumé
L’expérience du personnage féminin d’After Leaving Mr MacKenzie semble réduite à une pure dimension de besoin ainsi qu’à l’urgence d’assurer les conditions de sa survie dans la ville de 1930. Julia se propose ainsi comme une figure de la « vie nue », « bloss Leben », concept politique et philosophique élaboré par Walter Benjamin, puis Michel Foucault et Giorgio Agamben. Chez Jean Rhys, la « vie nue » se fait à la fois emblème d’une exclusion radicale sur laquelle repose le dispositif de pouvoir et vecteur du malaise lié à l’encombrement qu’elle représente. Alors que Julia semble se livrer au pouvoir des hommes qui mettent en œuvre leur pouvoir financier pour prolonger sa survie, elle ne se reconnaît cependant pas à cette place à laquelle elle se prête par besoin. Au cœur de la violence d’un tort sociopolitique qui se loge dans la dimension archaïque du besoin, le malaise d’une absence de reconnaissance des places résiste et travaille les discours de ces hommes à qui Julia échappe en tant qu’objet. La surdité du malaise qui ne se donne jamais l’occasion de se déplier dans une crise qui y mettrait fin, engendre des stratégies d’évacuation du malaise à la fois par les personnages masculins et par la réception critique du roman. Le lecteur se fait alors l’ultime destinataire des effets du malaise tels qu’ils transparaissent dans la surdité des discours à eux-mêmes. La lecture doit alors se risquer à l’épreuve du malaise pour saisir la finesse de ses résonnances.
The experience of the female character in After Leaving Mr McKenzie seems to be limited to mere need: the urgent demands of survival in the 1930s city. As such, Julia can be read through the figure of “bare life”, “bloss Leben”, a political and philosophical concept elaborated by Walter Benjamin and later by Michel Foucault and Giorgio Agamben. In Jean Rhys’ writing, the concept of “bare life” symbolizes the radical exclusion which is at the basis of every system of power, but it also evokes the unease of those who are burdened with it. Julia seems to be at the mercy of those men who use their financial power to prolong her survival. However, she herself cannot acknowledge the very place she agrees to occupy because she has no choice. At the heart of a socio-political injustice whose violence is found in the archaic aspects of need, the unease brought about by Julia’s refusal to acknowledge her place creates a kind of resistance which works against the discourse of those men who can never quite seem to take hold of Julia as an object. As the unease never seems to get to the point when it might unfold/break out into the crisis that would bring it to an end, its lack of recognition of itself paradoxically generates counter strategies for both the male characters of the novel, but also for its critical reception. The reader can then be seen as the ultimate addressee of the effects of unease, as they are shown through the discourse’s deafness to its own impact. The reader has to take him or herself to the brink of unease in order to seize the delicacy of its power.
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