Voix et conformismes, conformité de la voix : dire le même, autrement

Florencre Schneider

Université de Paris Ouest Nanterre

  1. Dans « At the Sign of the Black Horse, September 19991  », long poème de Paul Muldoon qui clôt le recueil Moy Sand and Gravel,  Asher, le nouveau-né, fils du poète et de Jean Korelitz, dort tranquillement dans son berceau bordé de dentelles, tandis qu’un déluge, une crue suite à Hurricane Floyd, emporte tout sur son passage — arbres, voitures, boue, chaussures — dans un chaos diluvien que rien ne semble pouvoir arrêter. Scène de désolation donc dans cet ample poème de 45 strophes, scène de barbecue invraisemblable aussi, où les interdits casher de la famille maternelle viennent croiser les remords du poète d’avoir attrapé puis tué un sanglier d’Amérique, « a white-lipped peccary », dont on se demande si le sabot est fendu ou non, tout en discutant avec les morts, les aïeux, les Juifs plus ou moins errants, plus ou moins escrocs ou philanthropes, un intertexte yeatsien venant parfois alimenter ces discussions improbables. Une fois de plus s’affiche le caractère hybride, fantasque et hermétique de l’écriture que nombre de critiques relèvent chez Muldoon : le mélange des époques (le repas familial de 1999, les échos de la Shoah et du Déluge biblique, les célébrités de la fin du 19e siècle), des lieux, des genres aussi, permet à Muldoon de reprendre des thèmes anciens et de les visiter une nouvelle fois, de reposer la question de la singularité, du personnel, dans un environnement à la fois historique et familial élargi, débordant le cadre irlandais. Dans Madoc: A Mystery2, la question de la singularité poétique était posée par rapport à l’héritage culturel et philosophique occidental ; et les liens tissés entre les poèmes sur des centaines de pages conduisaient à une interrogation sur la singularité d’un poème par rapport à l’ensemble d’un recueil ou d’une oeuvre. Ici, il semble que ce long poème de Moy Sand and Gravel interroge à nouveau le lien entre continu et discontinu, héritage et rupture (poétique ou personnelle, politique, religieuse) mais que l’ancrage de cette interrogation soit le rapport à la voix, dans ce qu’elle donne et laisse aussi à entendre du manque, dans ce qu’elle porte d’intime et de collectif. Cet article se propose d’étudier la façon dont les voix qui se mêlent dans le poème — la voix intime de la poetic persona, celle des ancêtres morts ou de W.B. Yeats, celle que profèrent consignes et panneaux divers — amènent à évoquer puis à dépasser certains conformismes. Il se propose de voir comment la voix individuelle résiste ou non aux rumeurs collectives, à la répétition du même et de la mort, tout en remettant en question le lien entre voix et corps .

  2. Si l’on parle de voix multiples et protéiformes, et de l’hétérogénéité qui traverse le poème, il faut sans doute commencer par l’un des éléments frappants de ce dernier, qui pose dès le départ une tension entre énonciation de règles collectives et réception individuelle de celles-ci. Dans la crue qui emporte tout sur son passage, et charrie, inlassablement, « ton upon ton of clay, hay, hair, shoes and spectacle frames », dans cet enchevêtrement chaotique, anarchique, que figurent les mélanges d’époques et de thèmes, se font entendre des voix, des recommandations parfois, qui réclament de l’ordre, qui donnent des ordres. Ce poème complexe, qui semble perdre à dessein le lecteur dans les méandres à la fois du fleuve en crue et de la mémoire, mêle en effet intimement consignes générales et remémorations personnelles, voix singulières. Ainsi, les 45 strophes du poème sont-elles parsemées de signes et de consignes, de messages, tous signalés par l’emploi des majuscules, et placés à des endroits différents du vers (on en trouve en effet à l’initiale, à la césure et en fin de vers). A l’enjambement entre les strophes 2 et 3, on peut lire :

happy that, if need be, we might bundle a few belongings into a pillow slip

and climb the hill and escape, Please Examine

 

Your Change, to a place where the soul might indeed recover

radical innocence

Puis, entre autres, au fil du texte, « Please Hold », « No Turn / On Red »,  « Please Secure Your Own Oxygen Mask / Before Attending To Children », « No Stopping Except For Repairs », « Keep Clear », « Keep back », « Maximum Headroom » ou encore « Please Use The Hammer To Break / The Glass », et finalement, dans la dernière strophe, « No Children Beyond This Point » et « Out Of Bounds ». Ces messages à l’impératif, dont le linguiste Gustave Guillaume affirme que « il n’est pas un mode de pensée mais un mode de parole3 », donnent des ordres, semoncent, enjoignent de faire ceci et pas cela, avec ou sans formule de politesse — « please ». Ils inscrivent dans le cœur du texte une autorité contradictoire : elle est à la fois visible, parée de ses majuscules, connue de tous (les messages sont naturellement familiers pour qui a pris la route ou l’avion, etc.), provocatrice vue la rupture référentielle qu’elle impose mais sans source ni origine précises. Qui parle, et à qui ?  

  1. Claude Delmas souligne que dans l’impératif anglais, « nous n’avons pas affaire à un you réel sous-entendu, mais à un embrayeur variable, dont la valeur varie mais est récupérable parce qu’elle se calcule en fonction de la situation et du nombre des destinataires4 » et il insiste ensuite sur le fait qu’un impératif est une proposition « en quelque sorte enchâssée dans une configuration textuelle et se trouve donc dominée au moins par une logique de l’enchaînement contextuel ou, minimalement, situationnel. 5» Or ce que le poème de Muldoon fait vaciller, c’est justement la logique contextuelle ou situationnelle : les consignes sont données hors de leur contexte habituel (l’avion, le bus, l’hôpital, etc.) ; elles s’inscrivent sans que le destinataire, à la fois dans le poème ou le lecteur lui-même, puisse les décoder et s’y conformer. L’énonciateur au départ anonyme, sorte de voix sociale qui édicte des règles,  « No Turn On Red », reste impersonnel bien sûr, mais la contiguïté de ces consignes avec le reste des vers incite à questionner son autorité. Si la source des impératifs ne change pas, « l’embrayeur variable » qu’est le destinataire reste lui en suspend. Il se dérobe de fait à l’ordre et au collectif. La violence de la règle se trouve accrue et affichée par les coupures syntaxiques ou sémantiques que le placement impromptu de ces signes impose ; toutefois, leur force vocative est affaiblie, ridiculisée parfois, comme à la strophe 37 :

the makeshift oven

in which we meant, Keep Clear, All Directions, the Vermont decal

on that Bugatti-load of grain alcohol, Slow,

the out-and-out yellow

of the sign-post that points toward the place where the soul might recover radical

 

innocence, No Stopping Except For Repairs, the makeshift oven in which we meant to           bake

the peccary en croute6

  1. De plus, un autre mécanisme est à l’œuvre face à ces consignes injonctives mais flottantes7 : l’impératif, de par sa forme où le destinataire n’est pas forcément identifiable dans l’énoncé et sa visée vocative, accroît l’intersubjectivité, joue sur la performativité. De consignes écrites8, on passe à la perception d’une voix, intimant de faire ou de ne pas faire telle ou telle action. « La mise en relief des prédicats, des procès visés9 » dans le mode impératif implique un relatif effacement du destinataire. Or ce dernier, car il peut être n’importe qui dans ce poème qui pratique la décontextualisation, est amené à prendre en charge la réception du discours, à entendre l’ordre comme lui étant adressé personnellement. La différence ici n’est pas tant une opposition entre oral et écrit, qu’un passage d’une narrativité à une co-énonciation, à une inter-subjectivité que partage aussi le lecteur, par ricochet.

  2. Par ailleurs, Muldoon brouille ces ordres qui obligent singulier et collectif à se conformer à certaines règles. En jouant sur la polysémie et la répétition par exemple : ce qui devrait être univoque et appliqué à la lettre devient absurde, ou ambigu. Ainsi, « Please Examine Your Change » ne se préoccupe plus des menus tracas de la monnaie bien ou mal rendue ; au fil du poème, la petite monnaie, « change », devient changement moral, transformation de l’être tout entier. L’impératif prend alors d'autres sens, s’étoffe petit à petit, restant en suspend, strophe 12, « Please Examine Your Change As Mistakes Cannot, » pour finalement se faire assez menaçant, strophe 21 :

Ton upon ton of clay, hay, hair, shoes and spectacle frames

 made it less and less likely that we would land

 

on our feet on the Griggstown Causeway any time soon, Ramp Divides,

Please Examine Your Change As Mistakes Cannot Be Rectified,

the almost inaudible roar

of the millrace drowning out a great-grandfather’s prayer. 

  1.  Les erreurs de calcul à la caisse laissent ainsi sous-entendre, dans un deuxième temps, des transformations morales ou physiques comportant leur part de risque, et que rien ne pourra rectifier10. Être à nouveau soi, ne plus perdre pied, éviter la noyade (physique et mentale), « to land on our feet », semble de plus en plus improbable. Le retour à la case départ en cas d’erreur est impossible, « Mistakes Cannot Be Rectified ». En déplaçant ces consignes de leur contexte, Muldoon les affiche comme telles — des ordres, des recommandations à l’impératif. Placées dans le discours poétique, même si elles ont été lues et ressassées par ailleurs, elles perdent leur caractère anodin parce que familier. La source d’énonciation de ces impératifs (ou de ces quelques syntagmes nominaux, comme dans « No Way Out » ou « Out Of Order ») est interrogée à nouveau sans relâche, jusqu’à la dernière strophe. Vague et désincarnée à l’origine, elle devient encore plus difficilement identifiable, perdant dès lors de sa force itérative et prescriptive. Le bégaiement du message ajoute à cette mise à distance : « Please  Examine Your Change » se trouve rallongé deux fois, avec une répétition qui affaiblit et transforme l’injonction.

  2. De plus, le bien-fondé de ces interdits ou recommandations est également interrogé par la façon intrusive dont ils s’introduisent dans le poème et viennent hacher les vers, leur couper la parole. Si ces messages ont parfois un lien avec le reste de la strophe, ils n’en restent pas moins des sortes de rajouts, des interruptions souvent, encadrées par deux virgules qui soulignent la disjonction, et différentes avec leurs majuscules. La part d’arbitraire autoritaire qu’impliquent ces coupures au sein des vers semble alors accrue. Au continuum du déferlement fluvial et des souvenirs personnels du « I » s’opposent ces interruptions, ces clauses auto-suffisantes (le message à l’impératif est presque toujours donné en entier dans le texte), qui prolifèrent tels des parasites accrochés au texte. Parfois, cependant, discours poétiques et consignes s’imbriquent, donnant au contraire l’impression que le poème se nourrit de ces interdictions. À la strophe 31, le discours paraît s’affoler car c’est la responsabilité de la capture du sanglier qui est en jeu :

than if scouring the trap by which I had taken that peccary, so lank and lean,

by its dinky hind leg,

Don’t Walk, than if, Don’t Walk, than if, Don’t Walk,

than if scouring might make it clean.

  1. L’interdiction biblique, dans ce contexte de déluge, le « Tu ne tueras pas », semble intégrée, déplacée, dans un vers où la syntaxe déraille, les mots se répètent, et où l’interdiction « Don’t Walk » perd tout sens effectif, à moins qu’elle ne s’adresse à la bête traquée avant qu’elle ne tombe dans le piège. Ainsi, les panneaux de signalisation en renforcent d’autres, religieux, et les uns et les autres apparaissent comme des excroissances, non intégrées dans la syntaxe.

  2. Muldoon semble choisir une stratégie différente pour évoquer et convoquer d’autres voix, impérieuses elles aussi — celles des aïeux de son fils, de ces ancêtres juifs, qui d’outre-tombe, viennent demander des comptes, régler des comptes aussi, avec la voix narratrice (cette poetic persona, ce « I », objet et sujet de la narration qui se développe dans le poème). A la strophe 21, les questions accusatrices pleuvent :

 the almost inaudible roar

 of the millrace drowning out a great-grandfather’s prayer.

 By which authority did we deny Asher a mohel?

 By which authority did we deny Asher a rebe?

 Asher, meanwhile, slept on, his most crape-creepered of cribs

 riding out the torrent, riding out the turmoil.

  1. Un peu plus tôt, à la strophe 13,  s’élevait une autre question : « “By which authority,” another great-grandfather, Sam Korelitz, would blast / from his hardware store in Lawrence, Mass., “did you deny Asher a bris?” ». Quelle autorité supérieure autoriserait à ne pas se conformer aux impératifs religieux, communautaires, identitaires ? C’est bien la question de l’autorité, « authority », qui revient par ces voix mortes mais disertes encore, et qui mettent en accusation la déviance, la singularité, le non respect de la tradition ancestrale et de la communauté. À ces voix  autoritaires, impossibles, défuntes mais présentes, Muldoon répond par l’oblique d’un humour qui juxtapose ces prescriptions ou interdits religieux aux signes et consignes évoqués plus haut. Ainsi, en ce qui concerne les interdits alimentaires dans la religion juive : « having accosted him on the Mosaic / proscription, Please Secure Your Own Oxygen Mask Before Attending To Children, on the eating of white-lipped peccary ».  Les ordres semblent s’abolir, et le danger d’une catastrophe aérienne possible, avec morts d’enfants à la clé,  relativise de fait l’interdit religieux. Outre l'humour, c’est aussi l’accent porté au poétique qui se confronte à ces voix univoques : l’oxymore de « inaudible roar », puis les allitérations de « crape/creepered/ cribs » ou les répétitions trochaïques de « riding out the torrent / riding out the turmoil » sont autant d’insistances poétiques qui viennent déjouer les sommations patriarcales, comme nous le verrons plus loin.

  2. A d’autres moments, les jeux de mots revitalisent le lexique : « And I, the so-called Goy from the Moy, / scrubbed the trap made in Marengo, Illinois » (strophe 14). La rime interne, « Goy from the Moy », amène l’Irlande du Nord, (the Moy est une rivière du County Tyrone, liée à l’enfance de Muldoon), déchirée entre Catholiques et Protestants, à se voir cette fois judaïsée. Avant qu’un agrandissement géographique plus large encore ne resitue ce « I » irlandais dans le cadre américain de l’Illinois11. Là aussi, Muldoon joue sur la juxtaposition. Ce ne sont plus les ordres collectifs de ces panneaux placés dans un contexte poétique qui sont sapés ici, mais l’autorité et la violence diffuses d’impératifs religieux (les guerres de religion ne sont pas loin), relativisés en étant placés ailleurs, ou face à d’autres discours normatifs.  Car finalement, ces différents discours prescriptifs censés permettre le bonheur, ou du moins éviter le malheur, ne peuvent éloigner la mort. Et c’est bien elle qui sous-tend tout le poème, la mort de milliers de Juifs durant la Shoah, celle du jeune sanglier tué par le poète, celle de ce bébé, mort-né que Muldoon évoque une première fois à la strophe 24, en liant justement cet événement à la période de la Seconde Guerre mondiale :

brought back the day

of our own Nacht-und-Nebel Erlass

on which I’d steadied myself under the Gateway Arch and pondered the loss

of our child

ou à la fin du poème, à la strophe 41 :

No obstacle but Gregory’s wood

and one bare hill, Slipppery When Wet, bringing back the morning Dr Patel had systematically drawn

the child from Jean’s womb ».

 

  1. Dans ce deuxième exemple, l’intertexte yeatsien de « A Prayer for my Daughter » se fait visible et la question de ce discours intertextuel qui structure en partie le poème de Muldoon se pose. Là encore, une voix, à la fois morte et diserte, parcourt le texte — soit par des citations directes, soit par le rapprochement des situations (les deux figures poétiques paternelles sont au chevet de leur enfant, par un grand jour de tempête ou de déluge). Cette autorité, poétique ici, permet à Muldoon de s’inscrire dans une tradition, un héritage irlandais, tout en prenant ses distances avec ce dernier. Il se conforme en effet en grande partie à cet intertexte célèbre, choisissant la même structure de strophe de 8 vers, et un schéma de rimes repris à l’identique (aabbcddc), schéma particulier car il n’est pas celui de l’ottava rima. En choisissant de citer « A Prayer for my Daughter », le poète se place dans un héritage poétique irlandais affiché, lui qui avoue dans une interview avec Richard Rankin Russell que W.B. Yeats (tant sa personnalité que son œuvre) a longtemps constitué un obstacle pour lui, et qu’il a préféré l’éviter12.

  2. Outre la structure strophique et les citations, il semble que ce soit la question du refrain qui lie ici le plus les deux poètes. Dans To Ireland, I, un recueil d’essais sur les grandes figures littéraires, irlandaises entre autres, Muldoon souligne « Yeats’s abiding interest in popular song, particularly the ballad tradition and his use of the refrain13 » puis il cite MacNeice se penchant sur l’aspect atypique de ces refrains yeatsiens, qui ne reprennent pas, en simplifiant, le reste des strophes, mais possèdent une valeur intellectuelle concentrée, symboliste ou farfelue « which hits the reader below the belt14 ».  Certes, dans « A Prayer for My Daughter », pas de refrain comme dans « The Stolen Child » ou dans « Three Marching Songs », mais néanmoins des vers qui se répètent, en chiasme, par exemple dès les premières strophes : « And for an hour I have walked and prayed / Because of the great gloom that is in my mind. // I have walked and prayed for this young child an hour ». Dans « At The Sign Of The Black Horse, September 1999 », Muldoon revendique cet héritage. Il s’y conforme d’un point de vue stylistique et thématique mais utilise les caractéristiques yeatsiennes, dont le refrain,  jusqu’à l’excès pour s’en démarquer aussi.

  3. Ainsi, son utilisation extensive de la répétition de vers entiers, longs, énumératifs va au-delà de ce que note MacNeice chez Yeats. L'exemple le plus marquant serait ce que charrie le fleuve et que l'on découvre tout au long des trophes : à la strophe 14 tout d'abord, « while Dorothy stood where the Delaware and Raritan Canal and the Millstone / River combined to carry ton upon ton / of clay, hay, hair, shoes, spectacles », puis à la strophe 20, « Ton upon ton of clay, hay, hair, shoes and spectacle frames / made it less likely that we would land // on our feet », deux strophes plus loin, « riding out the turmoil // of those thousands of Irish navvies piling clay, hay, hair into their creels », puis strophe 28 « as the creel carters piled more and more clay, hay, hair, spectacle frames, Willkommen », juste après, « oblivious to the piles of hair, spectacle frames, bootees and brogans / borne along from wherever » et finalement « The piles of clay, hay, hair, spectacle frames, hand-me-down / bootees and brogans now loaded on to the ark ». Ces vers répétés possèdent les caractéristiques du refrain yeatsien : concentrés, surprenants, symbolistes, ne reprenant pas forcément le reste des vers pour les résumer ou les simplifier. Néanmoins, par leur répétition à des endroits différents de la strophe (contrairement à « The Stolen Child » ou à « Three Marching Songs »)  et par leur variation sur le même, ils se font plus surprenants et plus présents, à la fois lancinants et polymorphes, marquant la répétition du même et simultanément son impossible retour.

  4. De ce fait, ces reprises sont liées à un thème majeur de « A Prayer for My Daughter » : Yeats y aborde la question d’un futur terrible, marqué par le retour cyclique des apocalypses, et le vers initial « once more the storm is howling » marque bien cette possible récurrence. Dans ce poème de Muldoon, le retour des vers quasiment identiques, associés parfois à la mort du nouveau-né et aux millions de Juifs tués dans les camps, ou aux souffrances de ces milliers d’Irlandais qui ont bâti des canaux, ce retour des vers pour évoquer des idées différentes célèbre la condition humaine dans son ensemble, que l’on soit juif, ou Irlandais, vieux ou presque-né, innocent ou non ; les refrains témoignent de cette répétition millénaire des souffrances. Cependant, ils soulignent aussi, parce qu’ils ne sont jamais identiques, le leurre d’une comparaison qui marquerait toutes les souffrances d’un même sceau. Ils signalent aussi, et peut être surtout, par leurs variations mêmes, qu’il ne peut y avoir un avènement soudain, révolutionnaire, total. Pas de Second Coming chez Muldoon, ou de Rois Mages attendant une énième Annonciation.

  5. En ce sens, une autre différence fondamentale avec l’intertexte yeatsien concerne les espoirs et attentes futurs pour le jeune enfant endormi dans le berceau. On se souvient que Yeats aimerait que sa fille, telle Daphné, devienne un arbre, « a flourishing hidden tree » : « Oh, may she live like some green laurel / Rooted in one dear perpetual place ». Désir d’enracinement, d’arrêt du flux temporel et du mouvement en général, dans un futur qui serait  fait de coutumes et  de cérémonies — autant d’éléments qui fixeraient en quelque sorte passé-présent et futur dans la répétition du même. Muldoon s’éloigne ostensiblement de cette visée pour les générations futures et, dans la dernière strophe, l’une des consignes évoquées plus haut est on ne peut plus claire : « No Children Beyond This Point ». Il faut grandir, passer à l’âge adulte pour finalement, comme l’indique le dernier message être « Out Of Bounds », hors des limites, du territoire, dans un entre-deux résumé par le tout dernier vers de ce long poème: « between the preposterous tow-path and the preposterous berm ». L’enracinement dans la terre natale irlandaise est refusé ici, au profit d’un entre-deux revendiqué. La répétition a bien lieu... mais elle est « preposterous », et liée au passage, « berm », « tow-path », dans un rapprochement lexical (pourquoi ces lieux sont-ils « absurdes » ?) qui engendre encore de la distance et du désordre si l’on en croit l’étymologie15.

  6. Les voix singulières dans ce long poème permettent ainsi d’imaginer simultanément la répétition d’ordres (en tous genres) et leur dérèglement, d’inscrire à la fois le même et la différence. La strophe 32 confirme cela d’une autre façon : « An overwhelming sense of déjà vu. The creel caravan / swaying along the salt route into Timbuktu. Fanny taking up a hand-held microphone / and embarking on “Secondhand Rose”. » Le déjà vu (à la fois des morts innocents et d’une tradition littéraire toujours déjà là, présente ou non par l’intertextualité) est bien au centre des interrogations de Muldoon ; il s’affiche même ici vu le choix de la chanteuse juive Fanny Brice, star des années 40 et 50, comme l’une des héroïnes de son poème. En optant pour cette chanson, le poète unit la question de la judaïté, de la mort et du chant à la question du déjà vu, du « second hand », où l’être même, l’identité est de deuxième main : « Everyone knows that I’m just / Second hand Rose16 ». L’anonymat de « everyone » rejoint l’identité d’occasion, « second hand ». Le chant (la prière évoquée dans « A Prayer for my Daughter » aussi), permet d’accéder à la singularité, et à la répétition même puisqu’il s’agit ici d’une rengaine célèbre, d’un standard qui, par nature, est connu et repris par la communauté.  Fluctuant entre le corps et le vide, la voix est cet entre-deux qui permet d’unir la singularité d’un timbre de voix, individuel et reconnaissable, à un discours collectif ou répété, au déjà-entendu d’une chanson souvent reprise.

  7. Toutefois, les choses ne sont pas si simples dans « At the Sign of the Black Horse, September 1999 », ni dans la poésie de Muldoon en général. En effet, tout le poème conduit à questionner  le pouvoir des voix certes, mais à réfléchir surtout au lien traditionnel entre corps et voix. Or ces dernières sont, comme on l’a vu, flottantes, non incarnées. Même avec le dernier exemple de music-hall, la voix n’est pas directe, pas immédiate: « Fanny taking up a hand-held microphone ».  Ce n’est pas à un moment d’opéra ou de bel canto que l’on affaire ici, ni à une berceuse chantée à un enfant. Ce qui est réfuté de façon répétée dans le poème, c’est le lien romantique qui unit presque mystiquement le poète et sa voix. C’est ce qu’affirme aussi Jean-Pierre Martin, expliquant que « l’écrivain par excellence serait le possédé, la voix incarnée, le corps-voix-écrivant [...] Cet imaginaire de la voix écrivante rejoint à la fois l’imaginaire de la voix mystique, et une tradition romantique de l’inspiration17 ». Muldoon refuse ce lien étroit, montre combien le pouvoir des voix (lorsqu’elles sont répétées, intégrées à force d’être lues ou entendues) peut résider ailleurs que dans le lien au corps, et propose de tisser sa propre voix dans un jeu complexe de dévoilement de l’intime (avec les souvenirs du bébé mort-né, les évocations de scènes familiales, la mention du prénom de sa fille Dorothy ou de sa femme Jean ou de Asher, son fils, etc.) et de distance vis-à-vis d’une voix viscérale au sens propre. Ainsi, les consignes et panneaux qui viennent autoritairement couper le fil sémantique ou syntaxique logique constituent aussi, dans un deuxième temps, des moyens de distancier la narration qui se développe ; les mélanges divers, les juxtapositions loufoques et l’hermétisme de certains vers permettent également cet écart où se creuse la voix personnelle, identifiable dans sa dimension autobiographique mais distancée, diffractée parfois, secrète dans les détours d’un texte qui résiste (le sens du titre du poème reste obscur par exemple).

  8. Face aux réglementations collectives et au leurre d’un lien charnel à la voix, Muldoon propose du jeu. L’utilisation de l’intertexte yeatsien confine ainsi parfois à une certaine ventriloquie18, où Muldoon on l’a vu joue à faire du Yeats, jusqu’à l’excès. Par la répétition, les ruptures syntaxiques affichées et le choix typographique des majuscules dans les consignes, Muldoon joue aussi à partir de la présentation de ces discours coercitifs collectifs. Jean-Pierre Martin relie ces lieux collectifs et l’espace de la page :

De même que la voix sensible est indissociable d’un espace à la fois social et sonore, du bruit de fond et de l’écho des conversations, de ce « lien viscéral, fondateur, entre le son, le sens et le corps » qui pour Michel de Certeau, constitue l’oralité en « espace essentiel de la communauté19 », de même la voix écrite strie le texte de bruits, de signaux obliques, de ponctuation et de typographies. (...) Écrire la voix, comme écrire le parlé, c’est traverser l’écrit par d’autres signes, opposer du vertical, des traverses (Céline) à l’horizontalité de l’écriture20.

  1. Henri Meschonic partage ces idées, affirmant que « la ponctuation est la part visible de l’oralité. Vue ainsi, elle est une graphie du temps, selon sa subjectivation21 ». Il semble que ce soit bien ceci dont il s’agit ici : le poème retemporalise et subjectivise des énoncés au départ hors temps et valables pour tous ; il remet de l’oralité dans des injonctions lues sur des panneaux, des affiches, des textes religieux. Avec leurs majuscules et encadrés par des virgules, ces énoncés donnent une singularité visuelle au vers, or comme le dit Meschonic en conclusion de son article : « Les blancs, la ligne, autant que les signes de ponctuation, dans leur emploi traditionnel ou non, la capitalisation ou non (en début de vers ou en début de phrase), comme tout ce qui est du visuel dans une page écrite font la mise en mouvement et la mise en espace d’un texte, et toutes deux sont une seule et même mise en scène d’une temporalité de l’écrit22. » Dans un poème où les questions du temps, du futur de cet enfant endormi dans son berceau, sont centrales, imprimer une temporalité à des recommandations qui s’affichent comme a-temporelles est donc vital.

  2. Néanmoins, cette temporalité reste vague, voire indécise, marquée par l’entre-deux et l’attente. La première strophe souligne, que haut perché sur sa butte, le « I » regarde les eaux monter, sans savoir ce qui les attend, lui et les siens, pris entre les doutes concernant le futur et certaines récriminations et tristes souvenirs remontant du passé. Cet entre-deux fondamental, initial, touche l’espace aussi, submergé par le fleuve, à la fois terrestre et aquatique, visible et recouvert. Plus largement, les repères géographiques et historiques sont brouillés, entre Moy et Illinois, entre present perfect, présent et prétérit. Quant à l’impératif qui structure les ordres divers et variés, lui aussi est, par essence, un mode où s’établit une disjonction entre le moment de l’énonciation et son actualisation (validée ou non) dans un temps différé.  Dès lors, c’est l’identité toute entière de la voix singulière du poète qui est placée sous le signe de cet entre-deux, « I the so-called Goy from the Moy », où « so-called » amène à l’identité d’emprunt, où le Moi glisse, « Moy ». La figure du poète semble déchirée entre des voix intérieures ou extérieures plus ou moins impérieuses ; pas de déclaration d'amour de Jean, cette femme aimée juste évoquée, ou de babil innocent d’Asher puisqu’il est endormi, ou de comptines de Dorothy qui est, elle, occupée à faire des ricochets sur le fleuve devenu géant (strophe 14). Les mots doux et les voix amies, proches, sont tues dans le poème ; restent celles, acrimonieuses, qui vocifèrent et coupent la parole. Le sujet poétique essaie de se frayer un chemin parmi ces dernières, déstabilisant des autorités factices, remettant en cause ordres, héritages et a priori poétiques. Dès lors, ce sujet s’approche peut-être de ce que Jean-Michel Maulpoix appelle, après Ferlinghetti, « la quatrième personne du singulier » qui n’est « ni le “je” biographique de l’individu, ni le “tu” dramatique du dialogue, ni le “il” épique ou romanesque, mais une personne potentielle et contradictoire que travaillent de concert ces trois instances23 ». Il retrouverait ainsi le paradoxe de Verlaine, dans Romances sans paroles, d’être « présent bien qu’exilé » — « exilé de soi autant que de l’absolu, ne pouvant s’ouvrir quelque accès direct et fusionnel au sens qu’il recherche indéfiniment, il va rétablir par la relation cette économie de présence qui lui fait défaut24 ». Les absolus autobiographique, intime, charnel et historique s’avèrent impossibles dans ce poème en effet, pour un sujet qui refuse la fusion et multiplie les stratégies de l’esquive et du double-entendre. Aussi, dans des strophes où la dérive, fluviale entre autres, se fait simultanément métaphorique et référentielle, l’exil à soi et à l'absolu (impliquant une figuration du sujet sans cesse renouvelée) ne cesse d’être questionné, et deviendrait ce détachement, cette distance qui permet ici non pas de mieux se voir, mais de mieux s'entendre .

 

  1. « At the Sign of the Black Horse, September 1999 » est  tissé de ces voix, collectives ou personnelles, défuntes mais prégnantes. Une voix singulière s’y fait entendre et fait résonner ce silence qui surgit lorsque des ordres ne sont pas suivis des faits, lorsque des citations jettent le trouble, lorsque des refrains répétés mais changeants se font berceuses, à la fois lancinantes et apaisantes. Richard Rankin Russell, cité plus haut, pense ainsi que l’autre intertexte de ce poème est « Rock-a-bye, baby », berceuse où le vent souffle sur un berceau qui se décroche des branches où il est attaché ; pourtant,  malgré les dangers et l'endormissement, l’enfant entend la voix maternelle qui le rassure : « and though baby sleeps / he hears what she sings ». Entendu malgré le sommeil, le chaos et la tempête, ce chant se montre fragile mais plus puissant toutefois que tous les dangers qui rôdent. Il semble que ce soit bien ce chant, répétitif mais personnel, que Muldoon écrive, entremêlant sa voix poétique à celles, collectives et ancestrales qui l’entourent, laissant entrevoir un destin ouvert, « Out Of Bounds ».

Œuvres citées

Certeau, Michel de, Luce Giard et Pierre Mayol. L’Invention du quotidien : : Habiter, cuisiner. Folio Essais. Paris : Gallimard, 1994

Delmas, Claude. « Incomplétude, complétude et impératif ». Cercles 9 (2004) : 4-37.

Guillaume, Gustave. Leçons de Linguistique : 1945-1946. Lille : Presses Universitaires de Lille, 1985.

Martin, Jean-Pierre. La Bande sonore. Paris : Corti, 1998.

Maulpoix, Jean-Michel. « La Quatrième personne du singulier ». Figures du sujet lyrique. Paris : PUF, 1996.

Meschonic, Henri. « La Ponctuation, graphie du temps et de la voix ». Penser la voix. Poitiers : La Licorne, 1997. 289-293.

Muldoon, Paul. Madoc: A Mystery. Londres : Faber, 1990.

Muldoon, Paul. Meeting the British. Londres : Faber, 1987.

Muldoon, Paul. Moy Sand and Gravel. Londres : Faber, 2002.

Muldoon, Paul. To Ireland, I. Oxford : Oxford University Press, 2000.

Russell, Richard Rankin. « The Yeatsian Refrain in Paul Muldoon’s Moy Sand and Gravel ». ANQ 19 (2006).

Annexes

Quelques citations du poème de Paul Muldoon « At the Sign of the Black Horse, September 1999 »

Début du poème

Awesome, the morning after Hurricane Floyd, to sit out in our driveway and gawk

at yet another canoe or kayak

coming down Canal Road, now under ten feet of water. We’ve wheeled to the brim

the old Biltrite pram

in which, wrapped in a shawl of Carrickmacross

lace and bonnet

of his great-grandmother Sophie’s finest needlepoint,

Asher sleeps on, as likely as any of us to find a way across

 

the millrace on which logs (trees more than logs)

are borne along, to which the houses down by the old Griggstown Locks

have given up their inventory.

I’m happy for once to be left high and dry,

happy that the house I may yet bring myself to call mine

is set on a two-hundred-and-fifty-year-old slab,

happy that, if need be, we might bundle a few belongings into a pillow slip

and climb the hill and escape, Please Examine

 

Your Change, to a place where the soul might indeed recover

radical innocence.

Strophe 32

An overwhelming sense of déjà vu. The creel caravan

swaying along the salt route into Timbuktu. Fanny taking up a hand-held microphone

and embarking on ‘Secondhand Rose’. The convoy

of salt merchants setting down their loys

at one and the same moment. Our piliated woodpecker tapping at the bark

of three successive sycamores in the hope of finding one in tune.

The piles of clay, hay, hair, spectacle frames, hand-me-down

bootees and brogans now loaded on the ark

Dernière strophe

was tripped for the very last time by Joe Hanff, No Egress,

when a cantankerous

young Reinhart or Abrams, No Children Beyond This Point,

was borne along at shoulder height by the peaked cap, Out Of Bonds,

when the cry went up from a starving Irish Schlemiel who washed an endosperm

of wheat, deh-dah, from a pile of horse-keek

held to the rain, one of those thousands of Irish Schmucks who still loll, still loll and lollygag,

between the presposterous tow-path and the preposterous berm.

Les deux chansons constituant une partie de l’intertexte

Rock-a-bye, baby

Rock-a-bye, baby

In the treetop

When the wind blows

The cradle will rock

When the bough breaks

The cradle will fall

And down will come baby

Cradle and all

 

Baby is drowsing

Cosy and fair

Mother sits near

In her rocking chair

Forward and back

The cradle she swings

And though baby sleeps

He hears what she sings

 

From the high rooftops

Down to the sea

No one's as dear

As baby to me

Wee little fingers

Eyes wide and bright

Now sound asleep

Until morning light

Second hand Rose

Father has a business strictly second hand

Everything from toothpicks to a baby-grand

Stuff in our apartment came from father’s store

Even clothes I’m wearing someone wore before

It’s no wonder that I feel abused

I never get a thing that ain’t been used

I’m wearing second hand hats

Second hand clothes

That’s why they call me

Second hand Rose

Even our piano in the parlor

Daddy bought for ten cents on the dollar

Second hand pearls

I’m wearing second hand curls

I never get a single thing that’s new

Even Jake, the plumber, he’s a man I adore

He had the nerve to tell me he’s been married before!

Everyone knows that I’m just

Second hand Rose

From second Avenue!

From Second Avenue!

1  P. Muldoon, Moy Sand and Gravel.

2  P. Muldoon, Madoc: A Mystery.

3  G. Guillaume, Leçons de Linguistique, 22 : « Mes auditeurs n’auront pas manqué de remarquer que je n’ai jusqu’ici parlé que de trois modes : le mode nominal — embrassant les participes et l’infinitif — le mode subjonctif et le mode indicatif. J’ai complètement mis hors de cause le mode impératif. La raison en est que le mode impératif n’est pas un mode de pensée mais un mode de parole. Il n’est pas plus qu’une manière expressive de parler ». (22)

4  C. Delmas, « Incomplétude, complétude et impératif », 8. (Par exemple, avec « shut the door » où la « position sujet n’est pas instanciée »).

5  Ibid.

6  Moy Sand and Gravel, 86.

7  On pourrait d’ailleurs imaginer que ces panneaux flottent littéralement, emportés par le courant ; mais rien dans le poème n’indique cette matérialité de l’objet, cette réalité tangible. Tout concourt au contraire à déréaliser ces panneaux.

8  Ces messages sont en effet écrits sur des panneaux, des enseignes, sauf « Please Leave A Message After The Beep » dont le caractère auditif est clairement affiché.

9  C. Delmas, op. cit, 9.

10  Les amoncellements de vêtements, de chaussettes et de cheveux font penser aux camps de concentration, et la séparation basée sur la religion est réactualisée par « Ramp Divides ». Le changement implicite est ainsi total, radicalisé dans la mort.

11  Le jeu qu’amènent ces juxtapositions dans le discours est visible aussi dans le trouble de la rime Moy / Illinois puisque ce lieu a deux prononciations différentes possibles, selon que l’on prononce ou non le « s » final, comme l’indique le Merriem Webster : « Il·li·nois, geographical name : i-lə-noi   also –noiz ».

12  R. R. Russell, « The Yeatsian Refrain in Paul Muldoon’s Moy Sand and Gravel », 51. On remarquera que dès « 7, Middagh Street », dans Meeting the British publié en 1987, Muldoon écrit avec la poésie de Yeats, l’interroge explicitement.

13  P. Muldoon, To Ireland, I, 133.

14  Ibid.

15  Le dictionnaire Merriem Webster donne cette étymologie pour « preposterous » : Latin praeposterus, literally, in the wrong order, from prae- + posterus hinder, following.

16  Le symbole yeatsien de la rose est probablement signifiant dans le choix de cette chanson.

17 J.-P. Martin, La Bande sonore, 123-124.

18  Cette caractéristique d’une voix polyphonique, déguisée, truquée (si l’on pense à un poème comme « The Key » où la question du doublage cinématographique est centrale), intégrant les discours extérieurs (publicitaires, religieux, littéraires, etc) au fil d’une sorte de diégèse poétique fait aussi immanquablement penser à Joyce…

19  M. de Certeau, L. Giard, P. Mayol, L’Invention du quotidien : 2 :  Habiter, cuisiner, 103-121.

20  Op. cit, 128-129.

21  H. Meschonic, « La Ponctuation, graphie du temps et de la voix », 289.

22  Ibid., 293.

23  J-M Maulpoix, « La Quatrième personne du singulier », 153.

24  Ibid., 156.