Fiction et essais historiographiques : entrelacs et croisements de l’écriture byattienne

Georges Letissier

Université de Nantes

  1. A. S. Byatt a la réputation d’être une romancière érudite ; certains de ses détracteurs vont même jusqu’à prétendre que l'étalage du savoir nuit parfois à la qualité de son écriture. À grand renfort de références, la passion de la connaissance trouve à s'exprimer dans la fiction romanesque byattienne, dût-elle mettre celle-ci en péril. The Biographer’s Tale, texte dont le véritable statut générique reste matière à conjectures, illustrerait cette dérive d'une écriture fictionnelle tout entière pénétrée par un didactisme épistémologique. Les tentatives de vulgarisation des théories scientifiques qui s’y trouvent mises en œuvre (notamment les taxonomies de Linnée, les composites de Galton ou encore les allusions à la cladistique) apparenteraient ce pseudo-récit à l’essai, genre pour lequel l'auteure entretient au demeurant une véritable prédilection1. Précisément, Byatt, connue avant tout comme romancière, et dans une moindre mesure comme nouvelliste, ne s'en tient pas à la fiction. En plus de ses essais, elle publie à l’occasion des poèmes dans le TLS. Une intention unique traverse toutefois son œuvre polygénérique ; celle de mettre en avant son organicité intrinsèque. En introduction à Passions of the Mind, son recueil d’essais publié en 1991, elle déclare :

Novelists sometimes claim that their fiction is a quite separate thing from their other written work. Iris Murdoch likes to separate her philosophy from her novels. David Lodge says that his critical and narrative selves are a schizoid pair. I have never felt such a separation, nor wanted to make such claims2.

  1. Les essais byattiens doivent donc se lire en complémentarité avec la fiction, et inversement, les leitmotive romanesques sont passés au crible de la réflexion dans les recueils d’essais. Ceux-ci rassemblent des publications pour revues savantes, des introductions à des éditions (la préface aux essais de George Eliot pour Penguin par exemple), ou encore des conférences. L’essai byattien interroge les sujets de prédilection de la romancière, tels que l’ekphrasis et la couleur, qui sont des motifs obsédants dans la fiction : « Rose-coloured Teacups », Little Black Book of Stories, Still Life (le deuxième volume de la tétralogie : The Virgin in the Garden, Babel Tower, A Whistling Woman) et The Matisse Stories, ou plus encore  la notion de genre littéraire. Dans The Children’s Book, son tout dernier opus, Byatt interroge la puissance métamorphique de l'écriture, plus précisément la porosité entre mythe, conte et mimèsis réaliste.  Cette fiction gigogne, située à la fin de l’époque victorienne et à la période édouardienne, emprunte largement à la littérature enfantine de l’époque : en particulier à Peter Pan de James Matthew Barrie, The Wind in the Willows de Kenneth Grahame et The Railway Children d’Edith Nesbit, pour contextualiser l'éclosion de la fiction de jeunesse à une période charnière, souvent abordée exclusivement à travers les catégories de  pré-modernisme et de modernisme. D'une œuvre à l'autre, entre fiction et essai, l'intérêt de Byatt pour les liens complexes entre Histoire et histoire(s) ne se dément pas ; il participe d'un questionnement épistémologique plus vaste autour de l'historicisation de la fiction et de la fictionalisation de l'histoire3.

  2. Le roman britannique contemporain emprunte souvent les voies de l'imaginaire pour se tourner vers le passé, substituant une poïésis de la mémoire au roman historique, initié par Walter Scott dans la tradition anglo-saxonne. Dès 1988, Linda Hutcheon, avec le concept de « métafiction historiographique », prenait acte des nouvelles modalités d'inscription de l'Histoire, comme discours déjà constitué à partir de traces, d'archives, voire d'artéfacts, dans le récit de fiction4. La question de la représentation devenait centrale, tant pour l'écriture de l'Histoire, qui se doit de rendre témoignage du monde référentiel, que pour l'écriture de fiction qui peut, quant à elle, se prévaloir de plus de latitude, en l'absence d'obligation de véridiction. Les métafictions qu'analyse Hutcheon ont ceci de particulier qu'elles se livrent au cœur même de la fable romanesque à une réflexion sur le rapport à un passé tangible et avéré, mais néanpmoins troué de zones de non-dit, d'intangible, ou d'indécidable. En simplifiant, deux démarches signent la spécificité de la « métafiction historiographique » : l'autoréflexivité et la transgression de la frontière étanche entre faits tangibles et inventions imaginaires. Le personnage de Tom Crick dans Waterland de Swift pourrait être tenu pour emblématique de la première ; professeur d'histoire, son récit traduit une réflexion sur plusieurs niveaux simultanément, celui de sa propre destinée, puis l'insertion de celle-ci dans la grande Histoire, et enfin le sens même du témoignage historiographique qu'il livre de manière intermittente. Sexing the Cherry de Jeanette Winterson illustre pour sa part un deuxième aspect de la métafiction historiographique : l'entrecroisement iconoclaste entre événements historiques – le XVIIe siècle, siècle des révolutions, entre décapitation de Charles I, Commonwealth et restauration – farces grotesques et autres envolées à la fois poétiques ou chorégraphiques. Byatt dans On Histories and Stories rend tour à tour hommage à l'imaginaire débridé de Winterson, qu'elle qualifie volontiers d'onirique, et aux expérimentations narratives de Swift5. Aussi sincère qu'il soit, ce témoignage d'estime envers de plus jeunes romanciers ne saurait occulter la spécificité de l'écriture byattienne à travers sa volonté de concilier l'héritage de la Tradition et la curiosité pour les audaces novatrices. La constante en serait en effet le rapport sacral à l'écriture et au passé. Celle qui affirme : « I have also a concern, as will be clear from  these essays, with the relations between religious thought and narratives and narrative works of art »6 ne peut qu'occuper une place atypique dans le paysage postmoderne anglais7.                                                  

  3. Possession, souvent considéré comme l’opus magnum de l’auteure, permet de mieux saisir ce positionnement marginal qui associe autoréflexivité postmoderne et hommage à la tradition, empreint de solennité, voire de componction. Après un bref rappel portant sur les liens étroits entre l'historiographie et le roman néo-Victorien, l'étude envisagera Possession à travers son tressage serré avec ces essais qui en constituent comme un épitexte public8, par anticipation, ou rétrospectif : en particulier « Robert Browning: Fact, Fiction, Lies, Incarnation and Art »9 et « Ancestors »10. Le rapport particulier de Byatt à l'historiographie sera ensuite envisagé dans sa dimension intertextuelle, à travers les échos et correspondances avec Michelet, puis avec Michelet analysé par Barthes. Enfin, la poétique byattienne qui s'inscrit dans le sillage direct de l'historiographie micheletiste sera évoquée afin de resémantiser le terme « possession ».

L’historiographie dans le roman néo-victorien : bref état des lieux   

  1. L’interrogation sur l’écriture de l’Histoire justifie en grande partie l’émergence du roman néo-victorien, de John Fowles à Graham Swift et plus récemment Michel Faber11, elle participe en outre à cette remise en question du statut scientifique de la discipline historiographique, revendiqué au XIXe siècle par des historiens comme Fustel de Coulanges ou Lavisse. Ces derniers cherchaient en effet à transposer les lois de la physique ou de la biologie dans le discours de l’Histoire. Byatt a exprimé tout l’intérêt qu’elle porte à l’historiographie française ; par exemple dans un essai intitulé « Forefathers », elle reprend les analyses de François Furet sur la révolution française, montrant à quel point le présent est dans un constant travail de réinterprétation de son passé et comment l’idéologie d’une époque fournit les cadres conceptuels à travers lesquels les événements de l’histoire seront filtrés12. Si le XXe siècle a été taraudé par l’inquiétude de l’Histoire, après le projet d’élaborer une science historique au siècle précédent, alors Furet, que cite Byatt, a synthétisé avec force ce nouveau statut d’un champ d’études qui ne saurait plus désormais prétendre livrer le grand récit de l’aventure humaine. L’histoire est devenue :

[c]e tunnel où l’homme s’engage dans l’obscurité, sans savoir où le conduiront ses actions, incertain sur son destin, dépossédé de l’illusoire sécurité d’une science de ce qu’il fait. Privé de Dieu, l’individu démocratique voit trembler sur ses bases, en cette fin de siècle, la divinité histoire : angoisse qu’il va falloir lui conjurer. A cette menace de l’incertitude se joint dans son esprit le scandale d’un avenir fermé.13   

  1. À maints égards la fiction historiographique byattienne traduit le parti pris de conjurer l'angoisse ontologique face au scandale du néant. Au fond, la faillite de la discipline historique, en tant que pourvoyeuse de certitudes sur le passé, en viendrait à constituer une chance pour la fiction car elle permet une refondation du rapport à la mémoire. Ainsi s'élabore une dialectique entre une Histoire symboliquement destituée et la fiction, que Byatt résume par une formule en chiasme : « The idea that all history is fiction led to a new interest in fiction as history »14. Précisément, le roman néo-Victorien tire parti de cette vacance épistémologique de l'Histoire pour réinstaurer une mimèsis au second degré, qui reposerait sur une illusoire vraisemblance en quelque sorte : « History is here somewhere, if only in its fictional lies, but its precise temporality, like its “truth”, is uncertain15»

  2. Pour bien comprendre ce qui se joue dans un roman comme Possession, dont Byatt commente brièvement la genèse dans son introduction à Passions of the Mind16, il faut remonter aux principes fondateurs de l’historiographie au XIXe siècle. La « science historique » s’inscrit dans le sillage de l’Aufklärung qui accorde le primat à la raison et Hegel, que Byatt cite parfois comme pour mieux s'en démarquer, traduit l’incidence de ce principe de rationalité sur l’histoire :

Nous devons chercher dans l’histoire un but universel, le but final du monde – non un but particulier de l’esprit subjectif ou du sentiment humain. Nous devons le saisir avec la raison car la raison ne peut trouver de l’intérêt dans aucun but particulier, mais seulement dans le but absolu17.

  1. L’idée de l’unicité d’un temps universel, qui se donnerait comme le cadre conceptuel de l’historiographie au XIXe siècle, a été remise en question en particulier par la révolution documentaire opérée par la Nouvelle Histoire. Devant l’interrogation de l’historien face à la nature problématique des archives et des traces du passé, et devant sa perplexité face au caractère prétendument indubitable des faits établis, ce sont les fondements mêmes d’une certaine conception de l’Histoire qui se trouvent laminés.

  2. Le romancier contemporain qui réactive la culture victorienne contribue, délibérément ou non, consciemment ou pas, à nourrir le débat autour de la notion d’Histoire. De ce point de vue, l’écriture littéraire est indissociable du réseau d’interrogations épistémologiques, intellectuelles et culturelles au sens large qui caractérisent le contexte dans lequel elle apparaît. De son côté, le passé ne suscite un attrait pour le présent que dans la mesure où il continue à opposer une force de résistance, et à se livrer comme structure d’appel :

Une œuvre ancienne ne survit dans la tradition de l’expérience esthétique ni par des questions éternelles ni par des réponses permanentes, mais en raison d’une tension plus ou moins ouverte entre question et réponse, problème et solution, qui peut appeler une compréhension nouvelle et relancer le dialogue du présent avec le passé.18       

  1. Il existe un rapport étroit entre la conceptualisation du temps dans l’historiographie du XIXe siècle et les formes narratives que met en place le romancier victorien ; il y aurait ainsi une réelle proximité entre History of the French Revolution de Carlyle et A Tale of Two Cities de Dickens. Or, il se trouve que ce sont ces topoï communs à la fiction et à l’historiographie qui ont fait l’objet de questionnement notamment à la suite des travaux de Michel Foucault. La notion d’Origine, illustrée entre autres par Carlyle dans ses essais sur le héros : On Heroes, Hero-Worship and the Heroic in History, ne paraît plus défendable aujourd’hui. Comment en effet caractériser de manière globale une époque tout entière comme rupture ou commencement ? Au sein d’une même période coexistent des rythmes temporels qui se déploient indépendamment les uns des autres de sorte que le phénomène social dans son ensemble est constitué de chronologies isolables et discrètes. Alors que la conviction d’une accélération de la marche vers le progrès sous-tend l’idéologie victorienne portée au méliorisme, il faut bien admettre que cette croyance en un but ultime, accessible au terme d’efforts sans cesse reconduits, n’a plus guère de légitimité scientifique à l’âge de la théorie du chaos et de la catastrophe. Il résulte de ce renoncement à la croyance en une fin meilleure la nécessité de composer avec un présent déchiré, tiraillé :

Ne voyons-nous pas reculer dans un avenir de plus en plus lointain et incertain la réalisation de notre rêve d’une humanité réconciliée ? La tâche qui, pour nos devanciers, prescrivait la marche en dessinant le chemin se mue en utopie, ou mieux en uchronie, l’horizon d’attente reculant plus vite que nous n’avançons. Or, quand l’attente ne peut plus se fixer sur un avenir déterminé, jalonné par des étapes discernables, le présent lui-même se trouve écartelé entre deux fuites, celle d’un passé dépassé, et celle d’un ultime qui ne suscite aucun pénultième assignable. Le présent ainsi scindé en lui-même se réfléchit en « crise ».19   

  1. Tous les cataclysmes de l’histoire contemporaine soulignent à quel point « ce qui arrive est toujours autre chose ce que nous avions attendu » et ne font qu’accréditer la thèse selon laquelle « nous sommes affectés par l’histoire » et « nous nous affectons nous-mêmes par l’histoire que nous faisons20  ». L’Histoire, hier encore lieu privilégié de la souveraineté de la conscience, deviendrait le symptôme du malaise d’une humanité exposée aux incertitudes de lendemains indiscernables et livrée, selon la formule de Foucault,  aux « hérissements de la discontinuité ». C’est dans ce contexte, et par réaction, que Byatt élabore, dans ses essais et sa fiction conjointement, une poétique de l’histoire comme résurrection, dans un sursaut humaniste en quelque sorte. Ce faisant, elle réactive une conception romantique de l'Histoire qui tient de la nécromancie dans son invocation incantatoire des morts.

L’Histoire ressuscitée comme poétique byattienne de la mémoire

  1. A la fois dans ses essais et dans sa fiction, A.S. Byatt exprime clairement l’idée que l’Histoire – qui par ailleurs retient toute son attention – ne peut plus être convoquée en toute naïveté comme savoir constitué, dans la mesure où la définition même de son champ d’étude et la légitimité du savoir qu’elle produit, pour ne rien dire de son mode de discursivité, sont au cœur d’un débat. La romancière s’empresse cependant de préciser que cette conscience de la nature proprement fictionnelle de l’Histoire était déjà marquée au XIXe siècle : « (It is often seen as a modern discovery that history is necessarily fictive; it was in fact a pervasive nineteenth century perception)21. »

  2. Traitée littéralement chez Byatt, la thématique de la résurrection renoue avec la tradition de « l’histoire palingénése », dont la mission consiste à faire entendre de nouveau les voix des disparus. Voila comment Hayden White la définit :

The historian’s purpose, in Carlyle’s view, was to transmute the voices of the great men of the past into admonitions of, and inspirations for, the living.[…] Here the historian’s task is conceived as palingenesis, the pious reconstruction of the past in its integrity, the spirit of which has continued to dominate nostalgic historiography down to the present.22

  1. L’écriture fictionnelle byattiennne est thanatopoétique ; elle fonde une mémoire du passé dans un lien étroit de proximité sensuelle avec les morts : « to traffic with the dead23 ». L’épisode de la résurrection de Lazare de Béthanie, relaté dans la Quatrième Évangile24 et tenue pour emblématique de l’épreuve de la foi traversée par un certain nombre d’intellectuels dans la deuxième moitié de l’âge victorien, est repris par Byatt à la fois dans ses essais et dans son roman Possession, dont il constitue la pierre de touche dans le rapport à l’Histoire :

The Resurrection and the story of Lazarus promised a survival of death. Loss of certainty about these produced a host of doubting Thomases who needed on this earth to hear and see the surviving spirits of the ancestors and the loved25.

  1. Ce qui est en jeu, c’est métaphoriquement le pacte de croyance, qui pour Byatt vaut à la fois pour le religieux et pour le fictif, comme variante du célèbre « willing suspension of disbelief » coleridgien, et qui plus directement s’applique au statut des Écritures. Sur ce dernier point, la romancière-essayiste contemporaine reprend les débats idéologiques initiés au XIXe siècle par Strauss et Feuerbach pour qui la croyance ne relève plus d’un mystère sacré, mais d’une adhésion consentie à une vérité mythique. En d’autres termes, seul le besoin de croire essentiel à l’humanité rendrait nécessaire le mystère de la résurrection. Browning26 en Angleterre et Renan en France, que Byatt cite dans ses essais, se sont l’un et l’autre penchés sur la réception chez leurs contemporains de l’Évangile de Saint Jean, faisant ressortir le moment de glissement d’une foi d’inspiration religieuse à l’exégèse d’un épisode ayant acquis une puissance symbolique. Ainsi Renan se livre-t-il à une contextualisation historique du supposé miracle, dût-il au passage jeter le discrédit sur la parole de l’Évangéliste :

[…] il fut admis dans une partie de la tradition que Marie et Marthe eurent un frère nommé Lazare, que Jésus fit sortir du tombeau. Quand on sait de quelles inexactitudes, de quels coqs-à-l’âne se forment les commérages d’une ville d’Orient, on ne regarde même pas comme impossible qu’un bruit de ce genre se soit répandu à Jérusalem et ait eu pour lui des conséquences funestes.27

  1. Si Byatt convoque Browning et Renan dans ses essais c’est en raison de ce nœud conceptuel inextricable entre mythe, croyance et thanatophilie que sa fiction sans cesse questionne métatextuellement. A ce titre, la poétique micheletiste lui permet d’explorer plus en avant le motif du retour du passé dans le présent à travers la résurrection.

La triade Michelet, Barthes, Byatt

  1. L’historiographie, telle que la conçoit Michelet, a retenu l’attention de Byatt et probablement guidé son écriture romanesque. Que Michelet, tenu pour une figure emblématique de la tradition historique française, ait été avant tout un idéologue soumis au poids de son inconscient, voila qui ne saurait plus faire aucun doute après la lecture de l’étude que Roland Barthes lui a consacrée28. Le chantre du peuple évoque en ces termes la naissance de ce qu’il appelle une vocation :

Ma plus forte impression d’enfance […] c’est le Musée des monuments français […] C’est là, et nulle autre part, que j’ai reçu d’abord la vive impression de l’histoire. Je remplissais ces tombeaux de mon imagination, je sentais ces morts à travers les marbres.29

  1. À l’évidence, Possession est redevable de ce rapport fusionnel au passé qui implique l’apprivoisement de la mort et célèbre de symboliques retrouvailles, pour ne pas dire épousailles, avec les morts.

  2. Dans le roman, la correspondance entre Christabel LaMotte et Randolph Henry Ash, les deux poètes victoriens, fait longuement état du mystère de la résurrection de Lazare. Le silence de l’homme-vivant-mort sur ce qu’il aurait vu lors de son court passage de vie à trépas ne sera jamais brisé : « of what this living-dead-man (I speak of Lazarus…) saw, or reported or thought, or assured his family of what lay beyond the terrible bound – not a word30 ». C’est donc dans cet espace de silence que vient s’inscrire la parole du poète, entre fiction de la vérité et vraisemblance du mythe, pour prêter par les mots une forme tangible à ce que la foi demande à croire :

[…] il faut entendre les mots qui ne furent jamais dits, qui restèrent au fond des cœurs […] il faut faire parler les silences de l’histoire, ces terribles points d’orgue où elle ne dit plus rien, et qui sont justement ses accents les plus tragiques.31

  1. L’écrivain est cette bouche d’argile qui articule les voix du passé venant se réincarner pour renaître à travers lui. Le souffle du poète par sa chaleur réchauffe tous ceux que la froide immobilité de la mort a pétrifiés ; aussi à l’épisode de Lazare, Randolph Henry Ash préfère-t-il celui du prophète Elisha qui, à travers l’acte de résurrection, insiste sur la sensualité de la rencontre avec l’enfant défunt :

And he went up, and lay upon the child, and put his mouth upon his mouth, and his eyes upon his eyes, and his hands upon his: and he stretched himself upon the child; and the flesh of the child waxed warm32.

  1. Possession représente des états changeants de la matière qui abolissent les segmentations et les divisions du découpage temporel. A la succession chronologique d’étapes uniques et non-interchangeables, se substitue le principe d’un mouvement vital interrompu qui anime la totalité d’un univers lisse, sans sutures. Depuis des âges immémoriaux jusqu’au présent du récit, le temps se déploie comme continuum homogène. La force vitale à travers les époques insuffle une modification graduelle du monde de la matière qui, en dernière instance, perdure sous la forme de vestige, de condensé de temps : « The persistent shape-shifting life of things long-dead but not vanished » (P 256. Italiques dans le texte). Même les éléments en apparence les plus distants de cette énergie naturelle en sont traversés. Ainsi la pierre elle-même est vive et animée (vivis lapidibus) : elle est travaillée par une véritable chimie minérale, sous la pression de dislocations tectoniques. Le savoir-faire de l’artisan qui intervient ensuite pour la tailler et l’unir à d’autres métaux précieux ne fait à la vérité que prolonger l’œuvre du temps. « La pierre s’anime et se spiritualise sous l’ardente et sévère main de l’artiste. L’artiste en fait jaillir la vie33 », selon Michelet et le personnage de Ash, imaginé par Byatt, s’émeut quant à lui, devant ces éclats d’éternité que fait pétiller la roche, source d’un perpétuel renouveau. La pierre, silex scintillans, au sens que lui prête le poète Henry Vaughan, renvoie ainsi métaphoriquement au vif-argent de l’énergie créatrice. Sa puissance prend encore la forme de l’attraction magnétique, dont la magie et les pratiques de la médecine ancestrale savaient tirer le meilleur parti. Il n’est guère étonnant dès lors que la pierre innervée, irriguée par ce principe vital, vienne entretenir la mémoire des disparus et raviver les souvenirs d’antan. Là encore la fiction romanesque de Byatt s’inscrit dans un lien de filiation, quasi osmotique, avec l’historiographie micheletiste : « That’s a Victorian mourning locket. Probably made by Thomas Andrews. He was a jet-maker to the Queen…They liked to be reminded of their dead in those days » (P 258). Surgi de la nuit des temps, le jais consacre l’imbrication étroite de la vie et de la mort ; symbole de deuil à même enseigne que le crêpe, il est également le garant de la persistance d’un passé demeuré bien vivant.          

  2. Dans l’historiographie micheletiste, l’océan est le lieu de prédilection d’une communion entre la vie et la mort, à travers un échange fusionnel entre les processus d’extinction et d’apparition. L’eau gélatineuse des fonds marins contient les résidus organiques de créatures qui, en s’anéantissant, permettent à de nouvelles formes de vie de prendre corps et forme. Les abysses pélagiens constituent ainsi des réserves de vie en gestation au sein desquelles espace et durée deviennent indissociables. Tout hiatus, toute césure entre les fins et les commencements s’abolissent dans le foisonnement organique des fonds marins, règne de la parthénogenèse et de la génération spontanée où triomphe le principe d’une continuité ininterrompue entre la vie et la mort : « These moults which could be called a daily and partial death, fill the world of the seas with gelatinous richness from which newborn life profits momently » (P 249). La référence à l’anémone de mer en particulier illustre cet effacement des raccords et des sutures dans un texte qui se propose de conjoindre le passé et le présent en une continuité uniforme et lisse. Chez Michelet, la mer est le lieu de la symbiose entre règne animal et règne végétal. Précisément, l’anémone (actinae) défie toute dichotomie entre flore terrestre et animaux marins. Son existence rend superfétatoire les tableaux de classification :

Les vrais animaux ont l’air de s’ingénier pour être plantes et ressembler aux végétaux. Ils imitent tout de l’autre règne […] Ainsi l’anémone de mer s’ouvre en pâle marguerite rose, ou comme un aster grenat orné d’yeux d’azur34.

  1. Dans Possession Byatt ne manque pas de reprendre pour son propre compte cette indifférenciation des règnes, développée par Michelet, pour la mettre au service d’une réflexion sur la réversibilité temporelle, visant in fine à explorer tous les modes possibles d’interpénétration entre le passé victorien et le présent. L’anémone de Michelet est reprise pour être plus explicitement commentée ; elle évoque à s’y méprendre un nombril caoutchouteux : « The Actinia presented the appearance of a rubbery navel » (P 253). Elle rassemble ainsi, en une unité primordiale, tout ce qui est disjoint en apparence, rendant l’ancien étroitement solidaire du nouveau : « It looked simple and ancient, and very new and shining » (P 252). Elle réalise encore l’indissociabilité du dehors et du dedans, et le retournement de l’intérieur et de l’extérieur. Enfin, elle symbolise pour Byatt, un monde qui n’est pas tant régi par un principe de causalité, que par des chaînes métonymiques de contiguïté le long desquelles l’esprit procède par progression latérale :

Do you never have the sense that our metaphors eat up our world? I mean of course everything connects and connects – all the time – and I suppose one studies – I study – literature because all these connections seem both endlessly exciting and then in some sense dangerously powerful – as though we held a clue to the true nature of things? I mean, all those gloves, a minute ago, we were playing a professional game of hooks and eyes – mediaval gloves, giants’ gloves. Blanche Glover, Balzac’s gloves, the sea-anemone’s ovaries – and it all reduced like boiling jam to – human sexuality. (P 253)

Métonymies et chaînes intertextuelles

  1. Transposée dans le domaine de l’Histoire, cette exclusion de la causalité événementielle a pour corollaire des « relais d’identité » tissant tout un réseau de « ramifications inattendues » d’un point à l’autre du temps fictif, ou réel, représenté dans le texte35. Il semblerait qu’il il y ait une « substance principielle » commune aux différents moments de la temporalité, de sorte que l’Histoire devient la « suite équationnelle » de quelques épisodes fondateurs36. Ces derniers figureraient l’image de l’éternel dans l’espace de la fiction. Parmi ces invariants, portant l’empreinte de la pérennité de l’expérience humaine, la scène du bain recouvre une puissance symbolique toute particulière. Elle renvoie d’abord à la cosmogonie, aux récits des Origines, relaté dans les Eddas nordiques. Le flux sempiternel des eaux de l’océan offre à l’esprit une image tangible et perceptible de cette abstraction désignée par le signifiant temps :

That great mystery of Time […] the illimitable, silent, never-ending thing called Time, rolling, rushing on, swift, silent, like an all-embracing ocean tide, on which we and all the universe swim like exhalations, like apparitions which are, and then are not37.

  1. Il n’est guère surprenant dès lors que la mythologie païenne nordique ait pu se représenter l’apparition de la vie sous la forme d’un bain originel que Byatt évoque dans Possession par le truchement de son poète intradiégétique, Ash :

Two senseless forms, on the wet shore o’the world

Lay at the tide’s edge, and were water-lapped,

Rising a little with the creeping wave,

Then slipping back, with motion not their own. (P 240)

 

  1. Dans la légende de Mélusine, la scène du bain renvoie à un autre mythe des Origines. L’épisode se prête en effet à un décryptage qui met en relief la plénitude de la femme androgyne. Cette dernière, lovée dans sa cuve, plongée dans l’intimité d’un lieu clos, retrouve cette condition d’hermaphrodisme originel qui, selon Aristophane dans Le Banquet de Platon, aurait précédé le dimorphisme sexuel condamnant chaque être mutilé à rechercher cette part complémentaire de lui-même, dont il a été amputé :

The feminists are crazy about it. They say it expresses women’s impotent desire. It wasn’t much read until they rediscovered it – Virginia Woolf knew it, adduced it as an image of the essential androgyny of the creative mind. (P 33-34)

  1. Enfin, le bain prend explicitement la forme d'une immersion dans le courant de l’Histoire. Lors de son expédition dans le Yorkshire, R.H. Ash se plonge dans le bassin que jadis un Empereur romain fit creuser. L’eau, par son pouvoir de liaison, permet une communion avec un passé lointain :

Here too, he collected sea-anemones (Actinae) and bathed in the Emperor’s Bath – a great, greenish rounded hollow in which a legendary Roman Emperor disported himself. Randolph’s historical imagination, ever active, must have taken pleasure in this direct connection with the distant past of the region. (P 252)

  1. Cette traversée du temps, favorisée par l’élément liquide, est encore illustrée par l’épisode de la douche à bord du Brittany Ferries quand Maud Bailey et Roland Michell, les deux protagonistes contemporains, partent à la recherche de Christabel LaMotte, l’aïeule victorienne. Ce voyage traduit une immersion quasi littérale dans le passé. La description des fonds marins que Roland imagine, aidé par la mémoire des récits visionnaires de Michelet, se déploie en contrepoint avec le long poème de Christabel LaMotte The City of Is. Or, selon la légende, la ville engloutie serait l’envers immergé de Paris : « The women’s world of the underwater city is the obverse of the male-dominated technological industrial of Paris, Par-is, as the Bretons have it » (P 134). La remontée dans l’Histoire serait ainsi synonyme d’accès à un univers complémentaire du présent dont il inverserait toutefois les données. Passé et présent seraient moins deux moments successifs sur l’axe vectorisé du temps que deux principes complémentaires, un envers et en endroit indissociables ; un dehors présupposé par le dedans, d’où cette métaphore obsédante du gant, métonymiquement associée à l’anémone de mer, que Ash reprend à l’envi. Le lien indissoluble entre passé et présent est scellé par cette logique de la réversibilité. Et, selon un glissement sémantique supplémentaire, le monde historique se retrouve en imbrication étroite avec le monde suprasensible, en ce sens que l’un et l’autre sont dans un rapport de contiguïté avec le monde actuel. Le bain devient alors le lieu d’inscription emblématique de cet échange avec l’Histoire, conçu comme fusion du dedans et du dehors. L'allusion au bain de boue micheletiste que Byatt ne connaît que trop bien ne peut manquer de surgir à l'esprit. Celui-ci est tout à la fois ensevelissement dans l’élément tellurique : « Je me vis (sauf le visage) tout entier fort bien moulé dans ce funèbre vêtement. Je pouvais me croire déjà habitant du sombre royaume38 », et simultanément, régénération au contact des forces vives de la terra mater. L’entrelacs dialogique de la fiction byattienne avec l’historiographie de Michelet permet de thématiser ce qui serait au fond la raison d’être de  l'aventure romanesque à l'œuvre dans Possession. En infléchissant les codes du roman historique, tels que les a définis en particulier Georg Lukács39, Byatt instaure un rapport au passé sur le mode de la possession, en se proposant selon les mots d’André Brink « to resurrect the nineteenth century as a twentieth century text40 ».

  2. Dans ses essais, Byatt, à la suite de Roland Barthes, retient de Michelet le visionnaire, quelques réseaux organisés d’obsessions. Il s’agit moins de ressaisir le passé sur le mode mimétique du réalisme historique que d’entretenir par l’écriture le fantasme d’une saisie directe de l’histoire, conformément avec ce que François Hartog désigne par le terme acribie ; soit le souci du détail poussé à l’extrême qui permettrait in fine, au terme d'un effort insensé, de retrouver la vie dans la mort. De Byatt certains critiques ont pu écrire qu’elle se livrait à une fétichisation morbide du passé ; en jouant sur la polysémie du verbe ghostwrite, ils ont pu renvoyer tout à la fois au culte des morts et à la pratique de la réécriture imitative par ventriloquie, qui caractérisent l’ensemble de son œuvre. Même s’il est difficile de se prononcer sur la postérité future d’un écrivain, il semble indéniable qu’elle ait engagé le narratif sur la voie d’une préservation de la mémoire par une poétique de l'historiographie romantique, qui se décline en symbiose avec l'histoire naturelle si prégnante au XIXe siècle. Elle ouvre en outre le roman au dialogisme, avec l’essai autographe – quand elle se livre à des réflexions sur ses démarches d’écriture dans des écrits connexes à ses fictions, ou qu’elle déterritorialise des pans entiers de l’espace romanesque pour prolonger les analyses qu’elle conduit en parallèle dans ses propres essais – ou allographe, en marquant sa prédilection pour les intellectuels du passé ou de ceux de son temps, auxquels elle réserve les honneurs de ses espaces de création imaginaires.     

  3. En actualisant la voix de ceux que l’on désignait du terme de « sages » à l’époque victorienne (the Victorian sages), le texte byattien suscite des effets de polyphonie parfois discordante, faisant coexister l'ancien et le nouveau, tout en cultivant le fantasme d'une impossible synthèse cohésive : le continuum passé présent.

Œuvres citées

Barthes, Roland. Michelet par lui-même. Paris : Éditons du Seuil, 1954.

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1  Voir bibliographie.

2  A. S. Byatt, Passions of the Mind, 1.

3 Formulations tirées de P. Ricœur, Temps et récit : 3, 330-348.   

4 L. Hutcheon, A Poetics of Modernism, 105-122. La notion sera abondamment reprise dans The Politics of Postmodernism.

5 Voir A.S. Byatt, On Histories and Stories, Selected Essays, 37-38 et 69.

6 Ibid., 79.

7 Sur le rapport entre postmodernisme et métafiction historiographique dans le roman britannique contemporain voir M. Boccardi, The Contemporary British Historical Novel, ainsi que son article « A Romance of the Past: Postmodernism, Representation, and Historical Fiction », 1-14.

8 « Est épitexte tout élément paratextuel qui ne se trouve pas matériellement annexé au texte dans le même volume », G. Genette, Seuils, 316.   

9 Passions of the Mind, 29 -71.

10   On Histories and Stories, 65-90.

11   Voir G. Letissier « The Crimson Petal and the White: A Neo-Victorian Classic », 113-125.  

12   A. S. Byatt, « Forefathers », 53-54.

13   F. Furet, Le Passé d’une illusion, 808.

14 A. S. Byatt, « Forefathers », 38.

15  C. Kaplan, Victoriana, Histories, Fictions, Criticism, 87.

16  « Possession in which I tried to find a narrative shape which would explore the continuities and discontinuities between the forms of nineteenth- and twentieth-century art and forms. » (Passions of the Mind, 6).

17  G. W. F. Hegel, La Raison dans l’histoire, 48.

18  H. R. Jauss, Pour une esthétique de la réception, 113.

19  Paul Ricoeur, Temps et récit : 3, 385.  

20  Ibid., 384-385 (italiques dans le texte).

21  Passions of the Mind, 35. Voir aussi l’article de H. M. Schor « Sorting, Morphing, and Mourning: A.S. Byatt Ghostwrites Victorian Fiction »,  234-251.

22  H. White, Metahistory: The Historical Imagination in Nineteenth-Century Europe, 146.

23   A. S. Byatt, Possession, 104.

24   Évangile selon Saint Jean, XI : 1, 2, 5, 11, 14, 43 et XII : 1, 2, 9, 10, 17.

25   Passions of the Mind, 61-62.

26  Browning reprend l’épisode de la résurrection de Lazare de Béthanie dans deux textes : « A Death in the Desert », rédigé en partie en réponse à la Vie de Jésus d’Ernest Renan et dans « An Epistle of Karchich…The Arab Physician », voir A.S. Byatt Passions of the Mind, Chapitre Trois, « Fact, Fiction, Lies, Incarnation and Art ».

27  E. Renan , Vie de Jésus, 359.  

28  R. Barthes, Michelet par lui-même, 1954.

29  J. Michelet, Le Peuple, 67-68.

30  A. S. Byatt, Possession, 168. (Italiques dans le texte).  

31  G. Monod, La Vie et la pensée de Jules Michelet, 73.

32 II, Kings, 4, 34 et Possession, 168.

33  Cité par R. Barthes, op.cit., 40.

34  J. Michelet, La Mer, cité par R. Barthes, op.cit, 38.

35  R. Barthes, op.cit., 34-35.

36  Ibid.

37  T. Carlyle, On Heroes, Hero-Worship and the Heroic in History, 8. (Italiques dans le texte).

38  J. Michelet, La Montagne, cité par R. Barthes, op.cit., 43-44.  

39 Dans Le Roman historique, Lukács propose une lecture marxiste de l'Histoire en adoptant la grille du matérialisme dialectique qui postule un temps orienté téléologiquement. Byatt, pour sa part, plutôt que de poser comme fondement le principe de causalité, en vertu duquel le présent est historiquement déterminé par le passé : post hoc ergo propter hoc, insiste sur la réversibilité du temps. D'où cette poétique de l'Histoire palingénèse dont certaines images sont étudiées dans cet article.   

40  A. Brink, The Novel, 301.