Retour au poème ? Écritures modernistes et référentialité

Amélie Ducroux

Université Lumière - Lyon 2

 

  1. Si la question du référent est au cœur de l'expérience moderniste, c'est parce que cette expérience a consisté, notamment, à réinterroger la poésie dans sa capacité à créer des objets singuliers dont la valeur ne se mesure pas à l'aune de leur lien au monde. Le travail du signifiant que certaines pratiques modernistes mettent au jour, à la fois travail conscient sur le signifiant en tant qu’image acoustique liée à un signifié et travail, non-maîtrisable, du signifiant qui tend à s’émanciper de son signifié, ne cesse de nous rappeler que le poème est fait de signes idéaux. Selon la théorie du signe linguistique telle que l’a élaborée Ferdinand de Saussure, le signifiant est idéal autant que le signifié, et le lien qui les unit immotivé. Le signe ne renvoie jamais à un « hors langue ». Par ailleurs, étant idéal et réitérable, le signe, comme le rappelle Jacques Derrida, ne renvoie jamais à une unité singulière, « pure ». La singularité ne pourra être rencontrée que dans l’énoncé ou la phrase, l’agencement particulier des signes entre eux donnant lieu à une parole poétique inédite. « [A]ucun signifiant », écrit Jacques Derrida dans De la grammatologie, « n’a de "réalité unique et singulière" ». « Un signifiant », poursuit-il,

est d’entrée de jeu la possibilité de sa propre répétition, de sa propre image ou ressemblance. C’est la condition de son idéalité, ce qui le fait reconnaître comme signifiant et le fait fonctionner comme tel, le rapportant à un signifié qui, pour les mêmes raisons, ne saurait jamais être une « réalité » unique et singulière. Dès que le signe apparaît, c’est-à-dire depuis toujours, il n’y a aucune chance de rencontrer quelque part la pureté de la « réalité », de l’« unicité », de la « singularité ».1

Le signe, loin de renvoyer à une présence, vient combler une absence, l’absence de la chose.  Il est toujours « le supplément de la chose même »2, non en ce qu’il la redouble, mais en ce qu’il en tient lieu. Dans une perspective structuraliste, la raison pour laquelle le poème ne renvoie jamais à une réalité extérieure est que le poème est toujours, dès lors qu'il s'écrit, arraché à tout contexte et à toute extériorité. Cela ne revient pas exactement à dire qu'un poème ne peut être lu dans son rapport à un contexte donné, à une réalité objective, historique. Pourtant, le monde des choses et des présences n’est lié au monde des signes dans lequel le poème naît et se déploie que par un lien, psychique, d’indirection.

  1. Il ne s'agit pas de nier au poème tout ancrage dans le monde. En tant que production linguistique, il est au monde au même titre que tout énoncé et pourtant, il œuvre à se démarquer d’une fonction purement communicationnelle, en exposant le jeu du signifiant et de ses résonances, en tentant de faire parler la langue autrement, par un réagencement, voire un démantèlement visant l’inédit ou le faisant involontairement surgir. Le signifiant doit être réentendu chaque fois qu'il est reproduit, dans sa différence d'avec les autres et d'avec lui-même. Le poème, parce qu'il se fait le lieu d'une parole poétique singulière, est le site privilégié d'une telle possibilité de redécouvrir, de réentendre le signifiant dans toute sa familière étrangeté. La scène poétique offre ainsi la possibilité de reconsidérer le signe tel qu’il évolue dans son milieu, pris dans le mouvement différentiel du ballet de la langue.

  2. Nous tenterons d'interroger la manière dont certaines écritures modernistes répondent à la tentation référentielle qui guette le lecteur, dans une conjointe esquive du référent et esquisse du poème comme son propre référent.

L'autonomie du poème

  1. Cheminant dans sa tentative d’élaboration d’une « science ou d’une philosophie de l’écriture », Jacques Derrida isole la littérature et la poésie en ce qu’elles ont œuvré, au tournant du 20e siècle, à « disloquer […] les catégories fondatrices de la langue et de la grammaire de l’epistémè »3:

La tendance naturelle de la théorie – de ce qui unit la philosophie et la science dans l’epistémè – poussera plutôt à colmater les brèches qu’à forcer la clôture. Il était normal que la percée fût plus sûre et plus pénétrante du côté de la littérature et de l’écriture poétique ; normal aussi qu’elle sollicitât et fît vaciller, comme Nietzsche, l’autorité transcendantale et la catégorie maîtresse de l’epistémè : l’être. C’est le sens des travaux de Fenollosa dont on sait quelle influence il exerça sur Ezra Pound et sur sa poétique : cette poétique irréductiblement graphique était, avec celle de Mallarmé, la première rupture de la plus profonde tradition occidentale. La fascination que l’idéogramme chinois exerçait sur l’écriture de Pound prend ainsi toute sa signification historiale.4

Ce qui intéresse ici Derrida dans les travaux de Fenollosa, dont il cite un long passage en note, est, notamment, le dépassement des « structures logico-grammaticales occidentales » que semble opérer la langue chinoise, qui selon Fenollosa, fait entendre « les résonances du verbe dans chaque nom »5. L’écriture chinoise serait un modèle d’une écriture apte à éclipser le logos traditionnellement lié à la parole, en menaçant sa stabilité, en faisant vaciller les catégories du discours. Si la logique qui préside à l’élaboration de l’idéogramme ne peut être véritablement comparée à la logique gouvernant l’élaboration du signe linguistique dans les langues occidentales, ce rapprochement, qui a pu intéresser certains modernistes dont Pound et Eliot, permet de repenser le pouvoir d’évocation du signifiant, et de mesurer, en particulier, les limites du nom anglais, son incapacité à évoquer l’action, qui doit être compensée par un nouvel agencement sur la page. En 1919, Ernest Fenollosa déplorait par ailleurs l’« anémie » du discours moderne, la réduction du signe à une signification la plus claire, la plus efficace possible. Même s’il parle ici des langues occidentales, et s’il n’est pas question d’établir une relation d’équivalence entre l’idéogramme chinois et le mot de la langue anglaise, l’on peut percevoir l’influence que son étude des idéogrammes a pu avoir sur sa perception de sa propre langue:

Our ancestors built the accumulations of metaphor into structures of language and into systems of thought. Languages today are thin and cold because we think less into them. We are forced, for the sake of quickness and sharpness, to file down each word to its narrowest edge of meaning. […] This anaemia of modern speech is only too well encouraged by the feeble cohesive force of our phonetic symbols. […] We forget that personality once meant, not the soul, but the soul’s mask. This is the sort of thing one can not possibly forget in using the Chinese symbol.6

Fenollosa attire l’attention sur la réduction du signe à sa dimension purement utilitaire. Il précise d’ailleurs que seuls les scholars et les poètes s’intéressent encore à l’archéologie du signifiant. En voulant viser le concept unique par le signe ainsi amaigri, amoindri, l’usage moderne veut faire croire à la possibilité même d’une relation simple, univoque entre signifié et signifiant. Le signifiant serait lié à son signifié dans une visée purement communicationnelle. On ne permet plus au signe de s’exprimer, d’exprimer non pas l’existence d’un référent dans le monde, mais sa potentielle division. Il suggère aussi que le langage est devenu l’assistant de la pensée, voire, pour employer une autre image, son secrétaire, mettant en mots ce qui serait dicté par la pensée, alors que le langage est le lieu d’élaboration de la pensée et devrait, de ce fait, être informé par la pensée en évolution, devenant toujours plus épais et riche.

  1. La métaphore employée par Fenollosa, celle du signe que l’on « lime » (file down) jusqu’à le réduire à du pur tranchant, n’est pas sans rappeler le fameux vers de Mallarmé dans « Le Tombeau d’Edgar Poe », « Donner un sens plus pur aux mots de la tribu »7, repris par T.S. Eliot dans « Little Gidding » : « Since our concern was speech, and speech impelled us / To purify the dialect of the tribe »8. Cependant, la « purification » dont il est question chez Mallarmé comme chez Eliot n’est pas synonyme de réduction du signe à une pure expressivité9. Au contraire, cette purification consiste à lui redonner son éclat, sa capacité à rayonner. L’emploi du nom tribu par Mallarmé, qu’Eliot conserve dans sa traduction, est étonnant. Mais en employant un tel vocable, Mallarmé et Eliot attirent notre attention sur l’idée de communication et plus précisément sur ce que la communication a fait subir au langage. La tribu renvoie à un groupe d’individus qui peuvent se comprendre entre eux. Le langage, lorsqu’il est qualifié de « langage de la tribu » est le langage en tant qu’outil permettant la communication. Or cette communication, visant, dans un monde moderne qui se complexifie, la clarté et l’efficacité, est, pour reprendre les termes de Fenollosa, ce qui a conduit à la réduction du langage, le dépouillant peu à peu de ses possibles résonances, à la fois sémantiques et phoniques. Le mot n’est plus entendu, dans sa complexité et son équivoque. Cependant, le redonner à entendre ne veut pas seulement dire en retracer l’origine, l’histoire, l’étymologie, mais aussi éprouver toutes les relations, associations qu’il a pu développer dans la langue, notamment littéraire, y compris les plus contingentes et les plus ponctuelles. Dans cette « purification » des « mots de la tribu », l’on est sans doute aussi autorisé à entendre la suggestion d’un mouvement contraire, voire contradictoire, visant à rendre le signe à sa pure matérialité arbitraire. Entrevoir la possibilité de ce double mouvement, c’est entrevoir la relation singulière que T.S. Eliot, notamment, entretient avec ses outils de travail, tension entre une volonté de faire résonner le mot à la fois dans sa littérarité – par le détour intertextuel – et dans la littéralité de sa présence matérielle. Si le signe ne résonne dans le monde qu’en vertu du vide laissé par la chose dont il tient lieu, il n’en finit pas cependant de résonner dans le « monde », c’est-à-dire le système, de la langue. Le signifiant, porteur des traces de son élaboration linguistique, résonne historiquement, par lui-même, renvoyant à la fois à ses divers états et aux diverses productions linguistiques, littéraires dans lesquelles il a successivement été pris. Il résonne, par ailleurs, dans ses liens de contiguïté avec les autres signifiants au sein d’une œuvre, d’un poème. Cette double résonance reste une série de renvois internes à la langue, mis en évidence par chaque nouvelle production d’une parole poétique. Ce n’est jamais directement au monde que le signe renvoie, mais bien à sa propre histoire linguistique, qui continue de s’écrire dès lors qu’une nouvelle œuvre est produite. L’argument d’Eliot selon lequel chaque nouvelle œuvre de langage est apte à altérer l’ « ordre » de la tradition littéraire est éclairant en ce qu’il présuppose l’existence d’un univers linguistique, littéraire, qui, finalement, serait toujours contemporain de l’œuvre qui s’écrit. Les choses, les êtres ayant pu inspirer une œuvre, peuvent mourir ; les œuvres, et les signes dont elles sont constituées, ne meurent jamais et ne connaissent pas la rupture temporelle. Cela peut sembler relever du lieu commun, d’une volonté de sacraliser la littérature. Pourtant, prendre ce fait en considération permet d’envisager l’incommensurabilité du « monde » des signes et du monde réel, lequel meurt à chaque fois qu’un être meurt et qui ne peut être embrassé par nul être en son éternité.   Chaque production linguistique, littéraire, diffère d’elle-même et renvoie à un temps qui ne lui appartient pas en propre.

Le référent en devenir

  1. Afin d’aborder la question de ce qui lie le poème au monde, aux objets dans le monde, j’aimerais évoquer, dans un premier temps, le moment imagiste et les préceptes édictés par Ezra Pound concernant ce qu’il nomme le « traitement » poétique   –  « de la chose » dans « A Retrospect » :

In the spring or early summer of 1912, “H. D.,” Richard Aldington and myself decided that we were agreed upon the three principles following:

1.       Direct treatment of the “thing” whether subjective or objective.

2.       To use absolutely no word that does not contribute to the presentation.

3.       As regarding rhythm: to compose in the sequence of the musical phrase, not in the sequence of a metronome.10

Ces principes sont le plus souvent lus comme une tentative de viser l’objet selon une économie poétique stricte prohibant les adjectifs superflus, les images attendues, visant donc à saisir l’objet en tant que tel. Cependant, l’emploi par Pound du mot thing, qu’il présente entre guillemets, tend à faire apparaître la chose – et non l’objet – comme dénuée de substance, ou, pourrait-on dire, comme en attente de substance, comme si le « traitement » poétique était précisément l’unique moyen pour la « chose » d’acquérir une consistance, une matérialité (linguistique) qui, en même temps, ne renverrait jamais à elle. La « chose » qu’il s’agit de « traiter » est soit « subjective » soit « objective », mais, en tout état de cause, elle ne semble pouvoir se définir, avant l’avènement du poème, que sur le mode de l’hypothétique et du provisoire. Selon le deuxième principe, la production du poème correspond à une « présentation », non une représentation. L’on peut s’interroger dès lors sur le lien qui existe entre la « présentation » et la « chose » dont il était précédemment question. S’il s’agit de « présentation », au sens de « rendre présent, faire apparaître », alors ce lien apparaît plus que ténu. Charles Altieri nous rappelle dans ces termes l’importance de la distinction opérée par les modernistes entre « présentation » et « représentation » :

Pound never tires of distinguishing between an art that merely describes or represents and an art that makes something present and therefore vibrant, and therefore an intellectual and emotional complex. Many modernists would go on to make similar distinctions between representation and presentation […]. Pound is as insistent as Nietzsche that thinking is intimately involved with willing, description with desire. Observation is inseparable from testimony and testimony inseparable from evidence at every moment that there is an individual will at work.11

Le « complexe intellectuel et émotionnel » est ce que le poète présente, ce qu’il donne à voir. L’on peut s’interroger alors sur le statut de la « chose » qu’il était question de « traiter ». Fait-elle office de simple prétexte à écriture ? L’emploi du nom thing, convoquant une présence qui ne serait pas saisissable, pourrait être perçu comme l’illusion d’un détour par le monde réel. L’ajout de « whether subjective or objective » contribue à brouiller les cartes. Ce syntagme peut s’entendre comme la proposition d’une alternative (cette chose peut être subjective ou objective), ou comme une interrogation (que cette chose soit objective ou subjective). Si cette « chose » est « subjective », cela peut signifier qu’elle n’a aucun ancrage dans le monde réel, qu’elle ne passe que par une réalité psychique, subjective, faite de langage. Si ces principes s’appliquent avant tout au moment imagiste, il est indéniable que ce texte de Pound est devenu un texte séminal du modernisme. L’imagisme part de la question de l’image, que Pound considère comme absolument essentielle et qu’il définit ainsi dans « A Few Don’ts » :

An “Image” is that which presents an intellectual and emotional complex in an instant of time. I use the term “complex” rather in the technical sense employed by the newer psychologists, such as Hart, though we may not agree absolutely in our application.

It is the presentation of such a “complex” instantaneously which gives that sense of sudden liberation; that sense of freedom from time limits and space limits; that sense of sudden growth, which we experience in the presence of the greatest works of art.

It is better to present one Image in a lifetime than to produce voluminous works.

Dans cette définition de l’image, l’image perd son sens d’imitation, de duplication. Elle vaut pour elle-même et par elle-même ; elle ne représente pas. L’image est ce qui noue ensemble les différents éléments, hétérogènes, qui forment ce « complexe » dont parle Pound. Elle donne à voir, en un instant, cette complexité, cette implication de l’intellectuel et de l’émotionnel, que seule l’image est à même de « présenter ». S’il existe un objet, ou plutôt une « chose » avant la présentation de ce « complexe », cette « chose » appartient déjà au langage et ne traduit peut-être que cette force que Charles Altieri associe à une « volonté »; volonté, non pas, sans doute, de quelque chose, mais volonté en tant que force agissante et créatrice, volonté, peut-être, de faire advenir le poème par le jeu des signifiants. L’émergence de l’image comme « complexe intellectuel et émotionnel » correspond pour Pound à une « soudaine libération, au sentiment de se défaire des limites du temps et de l’espace »12. L’image, donc, loin de réaffirmer un lien avec le monde, avec un objet dans le monde environnant et contemporain qu’il s’agirait de représenter, d’évoquer, affirme au contraire son indépendance en tant que complexe unique et singulier échappant à tout contexte, spatial comme temporel.

  1. Il n’est pas fortuit que cette définition poundienne de l’image ait résonné au-delà du champ limité de l’imagisme. L’image ne semble puiser sa raison d’être dans nulle réalité extérieure, dans la mesure où elle ne vise ni à décrire ni à représenter un objet mondain qui serait observable et représentable en tant que tel. Si le « complexe intellectuel et émotionnel » ainsi exposé peut toucher le lecteur, se faire « vibrant », c’est bien parce qu’il renvoie aussi à des expériences, intellectuelles, émotionnelles, qui pourront résonner en quelque point avec celles du lecteur, même si ces expériences sont ici invoquées dans le nouveau pliage langagier d’une exposition et d’une présentation qui les déplacent radicalement. Le déplacement à l’œuvre n’est pas celui de la représentation, mais d’une recréation se voulant aussi originale que tout référent (expérience humaine partagée, par exemple) qui pourrait être pris dans son jeu. Si le lecteur peut saisir ce « complexe » qu’est l’image, c’est parce que l’image opère des rapprochements, des connexions entre choses qui existent dans le monde et dont le lecteur peut avoir l’expérience. Mais les signifiants, réinvestis dans l’image, prennent par cette mise en relation, cette complexification, une autre dimension qui échappe à la simple référence. L’image doit troubler le lecteur, le faire « renoncer à la lumière tranquille et au langage usuel pour se tenir sous la fascination d’un autre jour et en rapport avec la mesure d’une autre langue »13.

  2. « In a Station of the Metro » nous offre une image qui, selon la définition de Pound, « présente un complexe intellectuel et émotionnel en un instant » :

The apparition of those faces in the crowd,

Petals on a wet, black bough.14

Tout d’abord, apparition, même s’il s’agit d’un nom, suggère une action au sens propre. Les « visages » apparaissent, se détachent de leur environnement et c’est ce détachement qui les fait apparaître comme « visages ». Les « visages » ne sont pas présentés comme des objets qui peuvent être appréhendés en eux-mêmes, dans leur fixité, mais comme apparaissant. Le fait qu’ils apparaissent, se détachent soudainement de leur fond noir, empêche de les considérer comme des objets fixes et stables. Le phénomène de leur apparition est ce qui les rend perceptibles. Dans quelle mesure cette image, associant les « visages » aux « pétales », peut-elle être considérée comme « complexe émotionnel et intellectuel ? ». L’« apparition » qui ouvre le poème de manière abrupte, sans « entrée en matière », sans contexte, présente l’émotion de la surprise, en la recréant sur la page. Le syntagme « the apparition » apparaît littéralement sur la page, sans avoir été annoncé. Le deuxième vers, qui associe les « visages » aux « pétales sur un rameau noir mouillé » nous invite à penser le lien entre ces deux éléments. L’on peut voir les visages comme des pétales se détachant, apparaissant soudainement à l’observateur dans leur singularité, sur le fond d’une foule indifférenciée, que viendrait évoquer l’adjectif black (noir). L’adjectif wet (mouillé) peut suggérer quant à lui la possibilité du miroitement. Un rameau noir ne reflète rien ; un rameau noir, mouillé, suppose la possibilité d’une réfraction de la lumière sur les gouttes, donc celle d’apparitions de lumière ou de couleur sur ce rameau « noir ». L’idée d’une soudaine apparition est ce que l’image suffit à « présenter ». En ce qu’elle reproduit l’expérience de la surprise et nous fait penser l’apparition, l’image répond ici à la définition qu’en donne Pound. Le détachement suggéré n’est pas seulement celui des « visages » sur le rameau, mais le détachement du poème se libérant des « limites du temps et de l’espace »15, libération dont il est question dans la deuxième partie de sa définition. Ce qui permet une telle libération est, notamment, l’absence de référent contextuel. Le poème ne comporte aucun indice quant au lieu, si ce n’est la mention de la « Station de Métro » de son titre. L’article indéfini dans « In a Station of the Metro », rend tout repérage impossible ; l’article défini the, quant à lui, se justifie par la désignation du métro comme concept et non comme lieu identifiable. Sans forcément employer les termes de rite ou de mythe16, nous pouvons dire que cette indétermination rend l’image, la « scène » intemporelles.

  1. Si la « station de métro » du titre reste insituable, elle procure néanmoins un contexte. À lire d’autres poèmes courts ou haïkus de Pound entourant « In a Sation of the Metro » dans Personae, l’on peut penser que le titre, en pointant vers un contexte et en limitant en même temps ce contexte, crée une tension entre dedans et dehors, entre le poème en tant qu’objet autonome et le monde comme référent. C’est le cas notamment dans le poème intitulé « L’Art, 1910 » :

Green arsenic smeared on an egg-white cloth,

Crushed strawberries ! Come, let us feast our eyes.17

L’on comprend sans peine que le poème fait référence à l’art moderne, sans doute au fauvisme. Mais le titre n’est sans doute pas indispensable pour percevoir ce qu’évoque le poème. La mention des couleurs étalées sur une surface « blanche » semble suffire. En intitulant son poème « L’Art 1910 », Pound ne fait cependant ni explicitement ni exclusivement référence à la peinture. Si la peinture de 1910 peut avoir été son point de départ, il n’en reste pas moins que le poème présente, par les images et les signifiants qu’il convoque, un autre « complexe émotionnel et intellectuel », qui dépasse l’objet qui aura possiblement inspiré le poème – disons, un tableau en particulier. Il le dépasse en ce qu’il généralise, élève cet art au statut de geste, tout en offrant une présentation fortement évocatrice non seulement d’un simple objet, mais de l’émotion du spectateur devant une œuvre d’art avant-gardiste. Le poème présente, en peu de mots, le geste qui consiste à étaler, écraser la couleur sur la toile ; la couleur verte de l’ « arsenic », poison violent, vient tacher la toile blanche comme un œuf. Dans ce seul vers, l’idée d’un contact accidentel ou agressif (smeared) entre une couleur mortifère et une toile innocente, naturelle, blanche comme un œuf, est suggérée. L’idée de l’acte violent qui a conduit au tableau, celle de la collusion entre vie et mort, viennent se mêler à la représentation mentale que le lecteur peut se faire à partir des couleurs et des matières (cloth) évoquées. Le second vers poursuit cette idée, le verbe crushed évoquant l’accident, l’écrasement violent de fruits, « strawberries » qui désigne aussi une couleur en anglais (strawberry), sur la même surface, « an egg-white cloth ». Le point d’exclamation après « strawberries » semble traduire le choc, ou l’excitation, qu’une telle violence peut provoquer. À la fin du second vers, « Come, let us feast our eyes », le verbe feast qui, en anglais signifie ici gratifier, donner du plaisir, n’est pas sans rappeler les mots français festin et festoyer, que le Latin festum a engendrés. Le verbe feast a également ce sens en anglais. Ce verbe renvoie donc non seulement au plaisir des yeux mais aussi à l’image de la consommation déjà suggérée par l’arsenic et les fraises. Les yeux se font bouches prêtes à se repaître d’un tel spectacle, pour le pire (l’arsenic) ou pour le meilleur (les fraises). Plutôt que d’aborder explicitement les différentes manières de réagir à l’avant-garde, le poète, en alliant arsenic, œuf et fraises, mort, vie et plaisir – ou peut-être plus justement ici, jouissance – suggère la possible coexistence, ou le possible conflit entre le rejet et l’acceptation, sans résoudre la tension entre les deux, la laissant jouer, vibrer, dans les relations que le poème lui-même instaure. « [L]et us feast our eyes » peut faire allusion à l’acte de voir non plus les couleurs sur la toile mais les mots sur la page, le poème devenant une œuvre d’art d'un tout autre type. Les deux vers, réduits à l’économie de mots la plus stricte, la plus proche des préceptes imagistes, donnent à voir l’étalement de la couleur verte sur le papier. Le vers, le syntagme verbal devient trace, coup de pinceau ; le participe smeared permet d’étaler le vers/vert sur cette surface blanche, à la fois toile et papier. L’effet produit sur le lecteur n’est évidemment pas que visuel ; certains sons s’étalent, s’étirent telle la couleur étale sur la toile : le /i/ long de « Green » et la diphtongue /iǝ/ (en anglais britannique) de « smeared » renvoie l’étalement de la couleur à l’étirement du son. Le lecteur se repaît de ce court poème non seulement par l’œil mais aussi par l’oreille ; le poème devient objet de jouissance artistique, l’œuvre d’art, qui ne se situe plus dans un « dehors », dans un quelconque univers référentiel. « L’Art, 1910 » du titre peut bien faire référence au poème comme œuvre d’art plus qu’à une œuvre qui pourrait l’avoir inspiré. Le référent hypothétique, dont le lecteur se fait une idée quand ses yeux se posent d’abord sur le titre de ce poème, devient, au fil d’une courte mais intense lecture, par la manière dont le poème ramasse le sens et les affects, le poème même.

  1. La relation à l’univers référentiel dans certaines des écritures les plus singulières et les plus radicales du courant moderniste est complexe. Le détachement du référent ne signifie jamais un arrachement complet à l’univers référentiel, ni aux lois qui régissent la langue. La langue reste soumise à des règles, celles de la syntaxe, de la grammaire, règles arbitraires imposées à la langue. La tentative de « renouer » avec une langue qui s’émanciperait de ces règles  peut être vue comme tentative d’approcher la langue comme émancipée de son carcan symbolique, tentative vaine s’il en est puisque le signe est lui-même toujours symbolique et arbitraire. Se réapproprier la langue, cela peut signifier, pourtant, tenter de la ramener à une intériorité, intimité du sujet, mais aussi intériorité rêvée, fantasmée, d’une langue qui s’émanciperait des contraintes logico-grammaticales qui l’ont toujours gouvernée comme « de l’extérieur ». C’est dans une tension féconde entre assujettissement à la langue et volonté de lui désobéir qu’évoluent ces poètes mêmes qui ont pu donner l’impression de vouloir démanteler la langue jusqu’à la faire apparaître comme langue autonome. Le non respect des catégories grammaticales, des catégories conventionnelles du discours, le jeu introduit dans la grammaire font de la poésie d’E.E. Cummings une poésie qui tenterait a priori d’arracher les mots à toute structure langagière, mais qui, par les décalages qu’elle opère, donne finalement à entendre les potentialités de transgressions fréquentes mais ponctuelles qui ne peuvent être entendues et appréciées comme telles que parce qu’elles sont ponctuelles et restent prises dans la logique de la langue. Les transgressions cummingsiennes peuvent être qualifiées, pour reprendre les termes d’Isabelle Alfandary, de petite mais non moins efficace « délinquance » ne faisant que « suspendre » l’ordre sans jamais complètement l’anéantir:

La délinquance de l’écriture cummingsienne ne menace pas véritablement l’ordre : elle ne fait que le suspendre provisoirement dans les poèmes typographiques, le redouble en le déplaçant dans les poèmes grammaticaux. Les lettres disséminées sur la page d’abord illisible finissent toujours par retrouver le chemin des mots, les transgressions de la syntaxe par trouver leur place dans le schéma de la langue au titre de l’analogie. La langue d’E.E. Cummings est hors la loi mais certainement pas hors la langue. Elle ne vise pas à éliminer la syntaxe ; elle se plaît seulement à varier, déplacer, en un mot, affoler le système […].18

  1. Ce dont Gertrude Stein tente de se défaire n’est pas la langue anglaise, dont elle déploie et dérange la grammaire, le phrasé, avec une volonté certaine de se les réapproprier. Tout en tentant de composer avec les mots sans que ceux-ci ne fassent sens – tâche impossible – , elle maintient une grammaire que le lecteur reconnaît partiellement et à laquelle il s’attache, rendant l’expérience de la lecture à la fois intime et déroutante. Sa poésie semble ainsi se maintenir dans une tension entre « souvenir », fantasmé et jouissif, d’une langue qui serait purement sensorielle et matérielle, et obéissance, non moins jouissive sans doute, aux règles qui gouvernent la langue. L’emploi, dans Tender Buttons, de titres faisant référence à des objets familiers, annonçant un texte qui s’attache à diffracter l’objet comme son signifiant, à le perdre de vue tout en le convoquant, nous semble également participer d'une telle tension.

  2. Le poème se fait ainsi son propre référent, plus que n’a valeur de référent un quelconque objet qui le précéderait et qu’il aurait vocation à représenter. C’est une inversion de ce type que nous suggère Maurice Blanchot dans L’Espace littéraire, s’interrogeant, à partir de Mallarmé, sur « le point de départ du travail artistique ». Plutôt que de continuer à considérer ce point de départ comme se situant dans le monde et dans la manière dont le poète se déleste de tout ce qui lie le langage à l’utile, Blanchot propose le « renversement » suivant :

C’est au contraire parce que, par un renversement radical, il [l’artiste] appartient déjà à l’exigence de l’œuvre que, regardant tel objet, il ne se contente nullement de le voir tel que celui-ci pourrait être s’il était hors d’usage, mais il fait de l’objet le point par où passe l’exigence de l’œuvre et, par conséquent, le moment où le possible s’atténue, les notions de valeur, d’utilité s’effacent et le monde « se dissout ». C’est parce qu’il appartient déjà à un autre temps, l’autre du temps, et qu’il est sorti du travail du temps, pour s’exposer à l’épreuve de la solitude essentielle, là où menace la fascination, c’est parce qu’il s’est approché de ce « point » que, répondant à l’exigence de l’œuvre, dans cette appartenance originelle, il semble regarder d’une manière autre les objets du monde usuel, neutraliser en eux l’usage, les rendre purs, les élever par une stylisation successive à l’équilibre instantané où ils deviennent tableau. En d’autres termes, on ne s’élève jamais du « monde » à l’art, fût-ce par le mouvement de refus et de récusation que nous avons décrit, mais l’on va toujours de l’art vers ce qui paraît être les apparences neutralisées du monde – et qui, en réalité, n’apparaît tel que sous le regard domestiqué qui est généralement le nôtre, ce regard du spectateur insuffisant, rivé au monde des fins et tout au plus capable d’aller du monde au tableau.19

Le monde est, en quelque sorte, déjà préempté par l’œil du poète qui voit à partir de ce que Blanchot nomme « l’exigence de l’œuvre », à laquelle il appartient en tant qu’artiste. Il ne s’agit pas seulement pour l’artiste, comme l’explique Blanchot, de faire un effort d’imagination pour percevoir l’objet délesté de sa dimension utilitaire. C’est parce que l’artiste « appartient déjà à un autre temps, à l’autre du temps », parce qu’il a, dans cet « autre temps », déjà approché le point de dissolution du monde, qu’il peut percevoir les objets du monde dans leur « pureté » non-utilitaire. Évoquer la « pureté » de l’objet, n’est ce pas une manière d’aborder l’objet en son absence, en envisageant toujours déjà les signes qui viendront en tenir lieu ? Si le monde « se dissout » sous le  regard du poète, c’est sans doute, nous suggère Blanchot, parce que le poète observe non pas le monde et les « choses » qui le constituent, mais, à partir du langage, un monde de non-présences.  

Le poème, lieu de déprise

  1. Le poème « A Jellyfish » de Marianne Moore, initialement composé en 1909 puis repris et publié dans O To Be A Dragon en 1959, renvoie par son titre à l’idée d’un objet fuyant, qui refuse de se laisser attraper :

Visible, invisible,

  a fluctuating charm,

an amber-tinctured amethyst

  inhabits it, your arm

approaches, and it opens

  and it closes ; you had meant

to catch it and it quivers ;

  you abandon your intent.20

Le poème se fait le lieu d’une tentative de capture vouée à l’échec. Il rythme la danse entre la main avide et la méduse qui se refuse, met en scène l’impossibilité de la prise et articule la reconnaissance finale de la perte de l’objet. Le trait sans doute le plus remarquable de ce poème sont les coupures de vers, qui contribuent à l’expression de la séparation entre le « you » et l’objet, de l’impossible prise. L’enjambement entre le vers 4 et le vers 5, « […] your arm / approaches, and it opens » suggère le mouvement du bras qui se déplace, se rapproche, par le déplacement d’un vers à l’autre. La répétition de la conjonction « and » aux vers 5 et 6 traduit l’attente, le suspens. Le premier « and » marque la succession de l’approche et de l’ouverture de la méduse ; le deuxième « and » devrait logiquement entraîner la poursuite de l’action, mais la répétition du pronom « it » au vers 6 marque un retour à l’objet et à son mouvement contraire et contrariant : « it closes ; ». Le point-virgule traduit une pause, le temps de la déception peut-être, un arrêt momentané de l’élan. La répétition de « and », qui s’enchevêtre à celle de « it », se comprend alors non pas comme progression de l’action, mais alternance entre ouverture et fermeture, avec l’idée que l’une suppose l’autre. La méduse, comme le « it » qui la désigne, échappe, dérive tout au long du poème. Le dernier vers, « you abandon your intent. » fait écho aux vers 5 et 6, « and it opens / and it closes ; » dans un chiasme sémantique qui fait correspondre « opens » et « intent » d’une part, « closes » et « abandon » d’autre part.

  1. Dans ce poème qui inscrit l’impossible saisie de l’objet, la méduse peut être lue comme métaphore d’une réalité que les mots sur la page tenteraient d’attraper, de ce qui échappe dès qu’on l’écrit. Le nom, visible, « jellyfish », signe l’invisibilité de tout objet auquel il pourrait renvoyer. Ce qui se cache à l’intérieur de la méduse, et ce que son signe dissimule, est ce « charme fluctuant », un semblant de présence qui ne se laisse jamais suffisamment entrevoir pour se faire présence. Mais il est aussi possible de voir la méduse comme métaphore du poème lui-même ; elle aussi s’ouvre et se referme comme une main mais ne prétend rien saisir. L’objet que le « you » convoite dans le poème est contenu dans la méduse. Renfermant elle-même tout ce qu’il y a de plus précieux (« an amber-tinctured amethyst »), pourquoi aurait-elle besoin de saisir ? La méduse, l’absente du poème, donne lieu au poème qui finalement devient lui-même méduse, tremblant et se refermant dès que l’on tente d’y saisir un objet au-delà de son signe. Le référent potentiel n’est évoqué dans le poème qu’à travers la répétition du pronom it. Qu’il soit grammaticalement en position de sujet ou d’objet, c’est autour de ce  « it » purement linguistique que tourne finalement le poème.

Conclusion

  1. Le « retour » suggéré dans notre titre n’est de fait pas un véritable retour. Le poème a toujours été travail sur les signifiants en tant qu’images acoustiques pouvant affecter le lecteur autant que sur le pouvoir d’évocation du signe. Les poètes que nous avons évoqués ici ont néanmoins tenté, en redéfinissant l’image, en émancipant la langue d’une injonction de signifier, en créant du sens à partir des accidents propres à son libre jeu, d’exposer la relation complexe que le poème entretient avec le monde. Cette relation est fondée sur une essentielle asymétrie entre, d’une part, l’idéalité du signe et la possible réactualisation à l’infini des événements langagiers par la lecture, et, d’autre part, un monde fait de choses uniques et d’événements singuliers que nul jeu de signes ne pourra jamais saisir, si ce n’est en les élevant à l’idéalité de leur non-présence, les rendant ainsi à l’éternité silencieuse de la littérature. Ce silence du texte, la réserve que constituerait son auto-référentialité, n’abolit cependant pas le renvoi à un référent peut-être toujours à venir. Comme Jacques Derrida, « dialoguant » avec Hans-Georg Gadamer, nous le fait entendre, le poème, en ce qu’il donne à lire, (r)envoie toujours aussi, malgré lui, à l’autre, à de l’autre, se référant, paradoxalement, à ce qu’il ne peut lui-même connaître:

Depuis le cœur de sa solitude et à travers son illisibilité immédiate, le poème peut toujours parler – lui-même de lui-même. Ici de façon transparente, là selon des tropes ésotériques qui requièrent une initiation et une technique de lecture. Cette auto-référence reste toujours un appel (Anspruch) à l’autre, fût-ce à l’autre inaccessible en soi. Elle ne suspend en rien la référence à l’inappropriable.21

Œuvres citées

Alfandary, Isabelle. Le risque de la lettre : Lectures de la poésie moderniste américaine. Lyon : ENS Éditions, 2012.

Altieri, Charles. The Art of Twentieth-Century American Poetry : Modernism and After. Malden/Oxford : Blackwell, 2006.

Blanchot, Maurice. L’espace littéraire. Paris: Gallimard, 1955.

Blanchot, Maurice. Le Livre à venir. Paris: Gallimard, 1959.

Derrida, Jacques. De la grammatologie. Paris: Éditions de Minuit, 1967.

Derrida, Jacques. Béliers. Le dialogue ininterrompu : entre deux infinis, le poème. Paris: Galilée, 2003.

Eliot, T.S. Complete Poems 1909-1962. London : Faber and Faber, 1974.

 

Eliot, T.S. Selected Essays [1952]. London: Faber and Faber, 1951.

Fenollosa, Ernest. "The Chinese Written Character As a Medium for Poetry" [1919]. Poetics of the New American Poetry. Ed. Donald Allen and Warren Tallman. New York : Grove Press, Inc., 1973.

Mallarmé, Stéphane. Poésies. Paris: Gallimard, 1992.

Moore, Marianne. Complete Poems. London : Faber and Faber, 2003.

Pound, Ezra. Literary Essays of Ezra Pound, New York : New Directions, 1968.

Pound, Ezra. Selected Prose 1909-1965. New York : New Directions, 1975.

Pound, Ezra. Personae : The Shorter Poems of Ezra Pound. Ed. Lea Baechler, A. Walton Litz, New York : New Directions, 1990.

 


1 Jacques Derrida, De la grammatologie, 138-139.

2 Jacques Derrida, De la grammatologie, 208.

3 Jacques Derrida, De la grammatologie, 139.

4 Jacques Derrida, De la grammatologie, 139-140.

5 Ernest Fenollosa, L’écriture chinoise considérée comme art poétique, tr. fr. in Mesures, oct. 1937, N°4, 135, cité par Jacques Derrida dans De la grammatologie, 140.

6 Ernest Fenollosa, from The Chinese Written Character As a Medium for Poetry [1919], in Poetics of the New American Poetry, 31.

 

7 Stéphane Mallarmé, Poésies, 60.

8  T.S. Eliot, « Little Gidding », Complete Poems 1909-1962, 205.

9  Voir à ce propos l’entretien entre Michel Deguy et Jean-Michel Maulpoix, accessible sur le site internet de Jean-Michel Maulpoix. http://www.maulpoix.net/Deguyentretien.html

10 Ezra Pound, "A Retrospect", The Literary Essays of Ezra Pound, 3.

11 Charles Altieri, The Art of Twentieth-Century American Poetry, 27.

12 Je traduis.

13  Maurice Blanchot, Le Livre à venir, 254.

14 Ezra Pound, Personae, 115.

15  It is the presentation of such a “complex” instantaneously which gives that sense of sudden liberation; that sense of freedom from time limits and space limits; that sense of sudden growth, which we experience in the presence of the greatest works of art.

16  « The faces are apparitions because they participate in an ancient ritual descent to the domain of Persephone. Technology enters an odd alliance with mythology. » Charles Altieri, The Art of Twentieth-Century American Poetry, 32.

17 Ezra Pound, « Poems of Lustra 1913-1915 », Personae, 121.

18 Isabelle Alfandary, Le risque de la lettre, 81.

19  Maurice Blanchot, L’espace littéraire, 40.

20 Marianne Moore, Complete Poems, 180.

21  Jacques Derrida, Béliers, 40.