Charles Bobant
Université Paris 1 Panthéon- Sorbonne
La notion « d'enthousiasme » est parmi les plus anciennes de la spéculation sur le phénomène artistique. Elle est aussi vieille que le Ion de Platon, c'est-à-dire aussi vieille que la philosophie de l'art elle-même. La chose n'est pas anodine, ni sans incidence : elle est au contraire déterminante. Dans ce travail, nous voulons tenter de montrer qu'à la faveur du concept « d'enthousiasme » Platon donne à la réflexion philosophique sur l'art son orientation fondamentale et comme sa trame secrète. Le Ion, ce dialogue que d'aucuns jugent mineur, de jeunesse ou apocryphe, se révèle décisif : il décide de la voie dans laquelle s'engage, sinon s'engouffre, le questionnement philosophique sur l'art. Tout ce qui s'est fait en matière de philosophie de l'art après le Ion s'est fait en fonction de lui. En d'autres termes, « l'enthousiasme » nous instruit moins sur l'être de l'artiste que sur la façon dont la philosophie aborde traditionnellement l'artiste (telle est son « ombre ») ; il trahit le geste même du philosophe de l'art, lequel consiste à incessamment absenter l'artiste au profit, ou bien d'une entité supérieure qui lui préexiste et crée à sa place (qu'il s'agisse d'un dieu, de la nature ou de l'être), ou bien de l'œuvre d'art qu'il a créée. En effet, assimiler comme le fait Platon l'artiste à un « enthousiaste » (enthéos, 533 e), c'est l'exiler comme tel de la théorie, c'est attribuer son activité à une autre instance, une instance éminente qui le précède et le dépossède. L'artiste ne crée jamais : on crée « à travers » lui. Ainsi dans le Ion la voix sourde du divin nécessite-t-elle pour se muer en souffle et se faire entendre des hommes un instrument, l'instrument à vent qu'est l'artiste enthousiasmé évidé. Ce premier absentement en commande un second, solidaire : puisque l'artiste se voit dessaisi de son faire créateur, il devient possible pour le philosophe d'interroger l'art, comme l'écrivait Nietzsche avec humour, « par le dessert », c'est-à-dire à partir de l'œuvre d'art ou de la relation esthétique du spectateur avec l'œuvre1. Cette fois, l'artiste a toujours déjà créé. L'œuvre d'art est arrivée sur terre on ne sait comment, elle devient le point de départ de la discussion, et ce qui importe est de connaître, ou bien son mode d'être (irréductible à celui d'une chose ou d'un outil), ou bien sa révélation métaphysique (l'œuvre dévoile la réalité), ou bien ses effets sur un contemplateur (l'œuvre suscite un sentiment de plaisir sui generis), ou encore de faire ressortir la scène, l'institution ou le monde de l'art sur fond desquels l'œuvre accède à la dignité d'œuvre d'art : ontologie de l'œuvre d'art, métaphysique de l'art, esthétique, institutionnalisme. Ce motif de l'absentement de l'artiste, que Platon institue dans le Ion, on le retrouve à l'autre extrémité de l'histoire, toujours opérant, dans l'esthétique philosophique du XXème siècle. On le voit en effet toujours à l'œuvre dans l'horizon dit « analytique », par exemple chez Arthur Danto. Dans son livre La Transfiguration du banal (1981), celui-ci ressaisit l'œuvre d'art à partir de sa réception plutôt que depuis sa production. L'œuvre est toujours déjà produite, et même parfois produite par un autre que l'artiste : ready-made. Elle s'offre d'emblée à l'attention dubitative du spectateur ou du critique ; elle exige du philosophe qu'il trouve ce qui la distingue d'un simple objet de la Lebenswelt et lui confère son mystérieux prestige artistique. Surtout, le motif de l'absentement de l'artiste domine de part en part la phénoménologie de l'art. Chez le dernier Merleau-Ponty, celui de L'Œil et l'esprit (1960), l'artiste et l'Être échangent leur rôle, l'artiste cède sa place à l'Être, qui devient le créateur véritable :
Ce qu'on appelle inspiration devrait être pris à la lettre : il y a vraiment inspiration et expiration de l'Être, respiration dans l'Être, action et passion si peu discernables qu'on ne sait plus qui voit et qui est vu, qui peint et qui est peint.2
L'artiste disparaît, et cette disparition se signale par son identification à un « artisan de l'Être », formule qui vient se substituer à celle – antique – de l'enthousiaste serviteur du divin et à celle – moderne – du génie « favori de la nature »3. Davantage qu'à la pensée de Maurice Merleau-Ponty, c'est à la philosophie de Mikel Dufrenne qu'il faut renvoyer, car c'est en elle que culmine et s'accomplit l'absentement phénoménologique de l'artiste. En effet, après avoir dans Phénoménologie de l'expérience esthétique (1953) examiné l'art à partir de l'œuvre d'art et relégué l'analyse du point de vue de l'artiste dans une introuvable psychologie de la création, Mikel Dufrenne fait du poète, dans Le Poétique (1963), l'organon de la Nature, ou ce que la Nature devient pour se transformer en œuvre d'art ou en « monde », c'est-à-dire pour se dévoiler aux hommes. Après s'être retiré derrière son œuvre, l'artiste se dérobe devant la Nature. Tout porte donc à croire que l'absentement de l'artiste constitue le fil conducteur de l'histoire de la philosophie de l'art. Il n'est pas question de le démontrer dans les limites d'un article. C'est là une entreprise ambitieuse, trop ambitieuse, et tout à vrai dire nous manque, et l'espace, et les moyens. Notre objectif est plus modeste. Il est de revenir à la lettre et à l'argumentaire du texte Ion et de montrer que le concept platonicien « d'enthousiasme » possède en réalité non pas une, mais deux fonctions : la première, manifeste mais superficielle (et que nous étudierons d'abord), est de moquer ironiquement l'incompétence du rhapsode Ion ; la seconde, inattendue mais essentielle (et vers laquelle nous nous acheminons), est d'effacer l'artiste derrière le divin – cet effacement constituant l'acte de naissance de l'interrogation philosophique sur l'art. Ce qui ressortira de cette étude des rapports entre enthousiasme et philosophie de l'art, entre inflexion et infléchi, c'est le caractère aventureux autant qu'intempestif des idées philosophiques. Ce qui n'était initialement qu'un persiflage contourné, dirigé contre la pratique d'un rhapsode déterminé et vraisemblablement fictif, devient l'établissement du paradigme toujours actuel et vivant de la réflexion philosophique sur l'art. Le Ion nous introduit à la temporalité aberrante de l'histoire de la pensée ou, en reprenant une belle formule de Jean-Christophe Bailly, à « ce temps qui se diffère toujours, ce retard toujours possible qui rend une voix lointaine plus proche, soudain, que toutes les autres »4.
De quoi « l'enthousiasme » est-il le nom dans le Ion ? Assurément, d'une ironie philosophique, d'une divinisation faussement élogieuse. Plus précisément, « l'enthousiasme » apparaît dans le dialogue comme une manière d'hypothèse philosophique spéculativement exorbitante : la seule manière d'attribuer au rhapsode Ion, sinon une « technique » (tekhnè), du moins une « puissance » (dunamis), est de reconduire son faire à l'activité d'une entité supérieure, un dieu ou une muse. Précisons ce point. La rhapsodie pose problème, aussi bien au philosophe Socrate qu'au rhapsode Ion lui-même. Pour Socrate, la rhapsodie ionienne se prétend être ce qu'elle n'est pas : une technique, et plus précisément une technique herméneutique ou interprétative. C'est qu'une technique est générale et circonscrite. Une technique est d'un côté générale, elle « forme un tout » (532 c). C'est ce présupposé fondamental qui commande l'argumentaire du premier mouvement du dialogue (530 a – 536 d). Jan Patočka l'a parfaitement mis en évidence dans son cours de 1948 intitulé « Le savoir et l'art, l'enthousiasme et le beau chez Platon » :
Ainsi l'art du cordonnier ne produit pas seulement une chaussure, mais est capable, dans le principe, de les produire toutes. […] Dans le principe, chaque connaisseur d'un art connaît tout ce qui relève de son domaine. Il s'ensuit que là où entre en jeu un art, un savoir habile qui est dans le principe dépourvu de généralité, limité par sa nature même à un accomplissement spécial, voire unique, l'on se trouve en présence d'une chose foncièrement différente de l'art ou du savoir humain.5
En d'autres termes, une activité n'est une activité « technique » qu'à partir du moment où elle est générale : Socrate l'affirme de 532 c à 533 c. Le cordonnier n'est cordonnier, c'est-à-dire détenteur de la technique de la cordonnerie, que s'il peut, fût-ce seulement de droit, réaliser non pas une chaussure, mais toute chaussure. Sur ce modèle, il faut alors admettre que l'interprète poétique n'est interprète, c'est-à-dire détenteur de la technique herméneutique, que s'il peut commenter non pas seulement Homère, mais tout poète. Dès qu'une activité se révèle spécialisée, ou exclusive, dès lors que la rhapsodie ionienne se spécifie comme rhapsodie homérique, elle perd son statut d'activité technique. Une technique est de l'autre côté circonscrite. Celui qui est compétent en médecine n'est pas en même temps compétent en stratégie militaire : dès qu'il le devient, il cesse d'être compétent en quoi que ce soit, la double compétence est nécessairement suspecte. C'est là le postulat du second mouvement du dialogue (536 d – 452 b). Ces deux caractéristiques posées, la « technique » rhapsodique apparaît comme une technique problématique, puisqu'elle est à la fois spécialisée et totalisante. C'est ce que Socrate va montrer tour à tour. La « technique » rhapsodique est spécialisée, puisque Ion n'a de « talent » (deinos) que sur Homère. Elle est totalisante, car Ion prétend maîtriser tous les sujets dont parle Homère. Or connaître ce qu'affirme le poète au sujet de la divination, de la médecine, de la pêche ou de la stratégie militaire ne suffit pas à savoir que ce qu'il dit là-dessus est vrai ou faux : il faut encore être devin, médecin, pêcheur ou stratège, et non seulement comme Ion spécialiste d'Homère. Être véritablement en mesure d'interpréter un poète, c'est pour Socrate être capable de juger, non de la puissance poétique de l'interprété, mais de son savoir, c'est donc posséder soi-même ce savoir. Il va sans dire pour Socrate, et avec lui Platon, qu'une œuvre d'art, plutôt que de posséder une teneur proprement artistique, véhicule un contenu philosophique : l'art n'est pas autre que la philosophie, il est une autre philosophie, en sorte qu'interpréter un poème, c'est nécessairement déjà faire de la philosophie6. Ce présupposé massif à l'œuvre dans le Ion est celui qui commande la condamnation platonicienne de l'art dans la République : c'est parce que Platon donne d'abord « trop » aux artistes, à savoir des motivations philosophiques, qu'il ne leur accorde in fine rien ou presque rien (l'exil du peintre et l'austérité du poète). Les artistes imitent, ils copient des aspects du monde sensible, autrement dit ils disent quelque chose de la réalité (ou de son image), ils versent dans la métaphysique. C'est ce point du dialogue que Goethe critiquera. Goethe s'agace de cette mise en scène de ce que Platon appellera dans la République (607 b) « l'ancien différend » entre philosophie et poésie, il n'admet pas que la bêtise du rhapsode Ion rejaillisse sur la poésie, ou que la rhapsodie entraîne dans sa chute philosophique le poète : aussi eût-il préféré que l'œuvre s'intitule « Ion, ou le rhapsode confondu » (Ion, oder der beschämte Rhapsode)7. Surtout Goethe s'irrite de voir Socrate se doter d'un adversaire qui se défend si mal. Quand Socrate demande à Ion qui du rhapsode ou du cocher est le plus compétent pour parler de la conduite d'un char, Ion ne distingue pas entre ce qu'il est « correct » de dire comme cocher et ce qu'il est « convenable » de dire comme poète, il ne fait aucune place pour une technique ou une juridiction spécifiquement poétique dont l'herméneutique rhapsodique serait précisément la science8. En réalité, Goethe a à la fois tort et raison. Il a tort, puisque Ion fait bien la distinction entre le correct et le convenable : en 540 b, il affirme que le rhapsode sait ce qu'il est convenable de dire pour un homme ou une femme, un esclave ou un homme libre, un gouverné ou un gouvernant. Goethe a néanmoins raison, puisque dans ses réponses aux questions de Socrate, Ion réduit sans s'en rendre compte le convenable au correct. Quoi qu'il en soit, dans le second mouvement du dialogue, Socrate s'évertue à tempérer l'emballement du rhapsode Ion, d'une part à s'attribuer une connaissance technique sur tout ce dont parle Homère, et d'autre part à se présenter, selon le mot de Monique Canto, « comme une forme de savant universel »9. Le lecteur de Platon le sait bien, la prétention au savoir universel est toujours chez lui le signe annonciateur de la présence, implicite ou explicite, du sophiste. Comme le dit par exemple dans Le Sophiste l'Étranger à Théétète, les sophistes semblent « savants sur tous les sujets » (panta sophoi, 233 c). Platon ne déclare jamais expressément que la rhapsodie ionienne confine à la sophistique ; il est plus subtile, il sème des indices. À commencer par le nom même du rhapsode confondu : iôn est le participe présent du verbe ienai qui signifie « aller ». Ion va d'une cité à l'autre, d'Éphèse à Épidaure, d'Épidaure à Athènes. Son nomadisme est caractéristique du vagabondage intellectuel des sophistes. En somme, pour Socrate, tout ce que possède Ion, c'est un talent récitatif ou déclamatoire qui n'est pas à strictement parler une technique, mais un talent, et qui doit beaucoup à l'apparence, aux habits clinquants dont celui-ci se pare (530 b).
Considérons maintenant le point de vue du rhapsode. Ion refuse de se dire « fou » (mainomenos, 536 d) ; la rhapsodie est bien pour lui une technique, et tout le problème est de savoir pour quelle raison il ne maîtrise qu'Homère, pour quelle raison il s'ennuie, et même s'endort, lorsqu'il est question des autres poètes (532 b – c et 533 c). Ainsi que l'écrit Jean-Luc Nancy dans son livre Le Partage des voix (1982),
que l'hermeneia n'est pas un art ni une science, c'est-à-dire qu'elle n'a aucune compétence générale ou d'ensemble (par rapport ''au tout'' de la ''poïétique'', 532 c), mais qu'elle est, au sens le plus fort du mot, une compétence singulière, c'est ce qui définit toute la recherche du dialogue.10
La question ionienne est, en d'autres termes, la suivante : si toute technique est générale, pourquoi la technique herméneutique ionienne est-elle spécialisée (ou « singulière ») ? Le geste de Socrate va consister à adopter ce questionnement, qui relève pour lui de l'absurdité manifeste. C'est pourquoi il faut préciser le propos de Jean-Luc Nancy et affirmer que la réflexion sur l'hermeneia comme compétence singulière définit toute la recherche ironique du dialogue : Socrate cherche avec Ion ce qu'il n'y a pas à chercher, à savoir les raisons de son exclusivisme homérique. La seule manière de répondre à cette pseudo-question est de verser dans le mysticisme et la mythologie et d'invoquer « l'enthousiasme », hypothèse excessive qui ridiculise Ion, et le ridiculise d'autant plus que celui-ci y voit une occasion pour se gargariser. Comment donc une activité peut être à la fois technique et spécialisée ? Derrière le sujet rhapsode et la contradiction réalisée qu'est sa maîtrise exclusive d'Homère, il existe un autre sujet, ontologiquement supérieur, qui possède – lui – une technique cohérente, c'est-à-dire une technique générale. Ce sujet supérieur, dieu ou muse, cherche à se révéler, à « faire entendre sa voix » (534 d), et c'est ce qui le conduit à enthousiasmer un homme, à l'instrumentaliser et le faire poète, c'est-à-dire oracle. Ce faisant, le dieu dote son instrument d'une partie de sa technique, il « partage » sa technique, au double sens du terme : il la divise, il la donne, il la divise en la donnant. C'est le sens de la formule théia moira, « faveur divine », qui apparaît à plusieurs reprises (534 c, 535 a, 536 b, 536 d, 542 a). La technique concédée est une technique empuissantée : elle n'est plus nommée « technique », mais « puissance », elle est quelque chose à mi-chemin du rien et de la technique. Ainsi, on le voit, reconduire l'activité exclusive du poète et partant du rhapsode à un autre sujet, à un sujet divin, c'est préserver sa puissancialité, à défaut de sa technicité, tout en rendant compte de son exclusivité. Pour déterminer l'office de l'enthousiasme dans cette séquence du dialogue, on pourrait reprendre à l'épistémologie l'expression « d'hypothèse ad hoc ». On entend par-là une proposition visant à renflouer, autant qu'à dissimuler, un postulat théorique mis en échec : ici l'idée – réellement fondée et faussement défaillante – que toute technique est nécessairement générale. Il y a le fait polémique (la technique herméneutique spécialisée du rhapsode Ion), l'hypothèse ad hoc (l'enthousiasme) et l'expérimentation (le dialogue lui-même). Le Ion se révèle donc être un laboratoire philosophique. Davantage qu'une attaque dirigée, davantage qu'un « persiflage », qu'il est aussi, le dialogue s'avère être l'occasion d'un jeu ou d'un exercice dans lequel le philosophe met à l'épreuve son génie de l'hypothèse.
Il existe sur la question du rapport que Platon établit entre enthousiaste (indistinctement rhapsode et poète) et philosophe un conflit interprétatif, conflit qui nous conduit au cœur de notre propos : l'absentement platonicien de l'artiste. Pour les uns, le rapport entre enthousiaste et philosophe est une relation d'opposition, d'opposition exacerbée. L'enthousiaste est l'ombre du philosophe, il est son repoussoir absolu, en ce sens qu'il est aussi dépossédé de sa raison (ekphrôn, 534 b) que le philosophe est maître de lui-même. Alors que le philosophe « raisonne », l'enthousiaste « résonne ». En dressant le portrait du rhapsode, Platon dépeindrait donc en filigrane le philosophe. (D'ailleurs le geste platonicien n'est-il pas fondamentalement celui-là ? Platon fait-il autre chose que de circonscrire progressivement l'espace du philosophique par contraste avec celui du non-philosophique ? L'intérêt critique-ironique pour la sophistique ou la rhapsodie semble être avant tout un intérêt pour la philosophie elle-même.) C'est ainsi qu'on peut lire Jean-François Pradeau dans l'introduction qu'il donne à sa traduction du dialogue. Lorsque Platon invoque « l'enthousiasme », il ne se contente pas de reprendre tel quel un topos littéraire ou plus strictement philosophique dont on pourrait trouver les premiers linéaments dans Héraclite, Empédocle ou Démocrite. Pour la tradition, l'inspiration divine ne fait pas alternative avec une forme de maîtrise poétique.
Élève des Muses, le poète, écrit Jean-François Pradeau, doit à son propre talent la beauté de son œuvre ; c'est la raison pour laquelle, au moins depuis Homère, les Grecs lui reconnaissaient un savoir et une aptitude technique qui font de son œuvre le résultat d'une production, d'une poiesis spécifique.11
À rebours de cette tradition, Platon refuse au rhapsode et au poète toute tekhnè, ce qui le conduit à radicaliser la dépossession, la passivité de l'enthousiaste, lequel doit tout à l'entité qui vient l'habiter. Désormais, affirme sans concession Jean-François Pradeau, « le poète n'est plus qu'un ventriloque »12. Dans la même veine, Jean-Luc Nancy soutient que le poète platonicien ne peut être aimanté, c'est-à-dire inspiré, que parce qu'il fait preuve d'une « sainte passivité », c'est-à-dire d'une pleine passivité.
La légèreté du poète est faite de cette passivité, sensible aux souffles et aux parfums du jardin des Muses. C'est aux hasards ou aux grâces de ces ''jardins ou vallons'' qu'ils doivent de trouver le miel qu'ils nous apportent. Ils ne font pas le miel, et la spontanéité poiétique ne consiste pas à fabriquer ou à créer (ce pourquoi il faudrait une technè), mais à ''nous apporter'' ce qu'ils recueillent.13
L'activité poétique appartient à l'ordre, non pas du poiein, du produire, mais de l'hermeneuein, du faire connaître. Le poète ne crée pas son œuvre, il adresse l'œuvre transcendante qu'il reçoit au public humain. Il faut reconnaître qu'il ne s'agit là que d'une lecture possible du dialogue et de l'enthousiasme. Car pour d'autres commentateurs, le rapport entre enthousiaste et philosophe est une relation de proximité, voire d'empiètement. L'enthousiaste révèle la part d'ombre du philosophe, il dévoile que l'activité même rationnelle du philosophe s'emporte toujours sur fond d'une passivité préalable. Il ne faut pas perdre de vue que l'enthousiasme n'est pas dans le corpus platonicien un état d'âme spécifiquement poétique ou rhapsodique. Dans le Phèdre par exemple, qui est un dialogue postérieur au Ion, Socrate se dit être possédé par les Nymphes (numpholéptos, 238 d). Et dans l'Apologie (31 c – d, 40 a – c), comme d'ailleurs dans bien d'autres textes, Socrate prétend entendre une voix, démonique, qui le détourne de certaines actions. Il y a donc quelque chose du rhapsode et du poète chez le philosophe, la possession rationnelle n'est jamais pleine, elle est toujours transie de dépossession. Il revient à Marianne Massin de l'avoir parfaitement rappelé, d'abord dans Les Figures du ravissement (2001), puis dans La Pensée vive (2007). Ainsi qu'elle l'affirme, « la philosophie est (…) sœur de la transe poétique et présente la même oscillation entre dépossession et possession »14. Au sujet du Ion, Marianne Massin soutient deux thèses particulièrement stimulantes. La première est que l'enthousiaste, loin de renvoyer à une caste méprisée, appartient au contraire à une forme d'aristocratie. S'il peut devenir le serviteur dont a besoin le dieu ou la muse, c'est qu'il est fait d'une certaine étoffe, ou plutôt d'un certain métal. La pierre magnétique n'attire que les anneaux qui sont en fer et tout homme ne dispose pas de la vertu ferromagnétique (533 d). Platon dans ces lignes et comme en passant lance une idée majeure : l'être-artiste ne nomme pas seulement un métier ou une profession, comme le fait d'être médecin, pêcheur ou cocher, mais une manière d'exister. En d'autres termes, la différence entre artiste et non-artiste est une différence fondamentale, ontologique et non seulement professionnelle. Toutefois, Platon passe insensiblement de la dépossession-vocation à la dépossession-instrumentalisation : dire que l'être-artiste est un mode d'être spécifique, c'est pour lui dire la même chose que l'être-artiste est un mode de l'être, c'est-à-dire un auxiliaire de l'être (ou du divin). Nombreux sont les textes dans lesquels les artistes expliquent que s'ils sont artistes, ce n'est pas par simple décision personnelle ou par détermination sociale, mais parce qu'ils sont comme ontologiquement voués à l'être. Il en va ainsi par exemple d'Anselm Kiefer qui déclare :
[…] l'homme que je suis est incapable de vivre sans art. C'est facile à dire, et cependant il s'agit de bien plus que d'une simple phrase. Il s'agit, en ce qui me concerne, d'une dépendance totale. L'art est pour moi une condition sine qua non.15
Or, pour Platon, si l'artiste est voué à devenir artiste, c'est que c'est l'être même – ou un dieu, ou une muse – qui le voue à le devenir, c'est-à-dire à devenir son serviteur. Si l'artiste se destine à l'art, c'est qu'on l'y destine. S'il éprouve une « exigence de création » (selon une formule chère à Bergson), c'est qu'il se sent exigé par un principe éminent. Il faudrait cette fois se tourner vers une formule merleau-pontienne : « L'Être est ce qui exige de nous création pour que nous en ayons l'expérience.16 » Au fond il faut maintenir dans l'horizon platonicien (et, on le voit, au-delà) le double sens, ancien et moderne, de la vocation : « être appelé par un dieu à » et « être disposé à ». La question que nous pose le Ion est donc de savoir s'il est possible de penser la « différence artistique » (le partage entre artiste et non-artiste) comme une différence ontologique (plutôt que professionnelle), sans la considérer en même temps comme un assujettissement ontologique. La seconde thèse défendue par Marianne Massin est que l'enthousiaste ne se trouve pas dans un état de radicale passivité : ce n'est plus le philosophe qui s'apparente à l'enthousiaste, mais l'enthousiaste qui se rapproche du philosophe. L'inspiration implique une activité préalable de l'ordre de la réceptivité. Le sommeil du rhapsode Ion prend alors un autre sens,
celui, écrit Marianne Massin, d'une mise en sommeil de la raison, symbolisant un effort de disponibilité pour accueillir une raison supérieure qui transcende l'émiettement des individus et de leurs savoirs particuliers.17
Ne peut être inspiré que celui qui se prépare à recevoir l'inspiration. Ce n'est pas le dieu qui absente le poète, c'est le poète lui-même qui s'absente pour recevoir le logos divin. Créer ne signifie plus comme chez Jean-Luc Nancy faire connaître la parole divine, mais : se déprendre de soi. Le faire artistique est un se défaire. Comme l'écrit Jan Patočka,
l'''art'' qui [est propre au poète et à son interprète] est purement négatif, c'est la faculté de devenir le porte-parole d'un autre qui sait, d'être remplis par lui, de se transformer en l'organe de son souffle : l'''enthousiasme''.18
L'art est purement négatif : il ne consiste pas à produire positivement une chose, mais à se nier pour transmettre une chose déjà produite. Nous touchons ici pour ainsi dire au fond de l'affaire. Qu'on aggrave la critique du rhapsode et du poète ou qu'on la tempère, on parvient mutatis mutandis à la même conclusion : « l'enthousiasme » baptise l'escamotage du poète et de son activité artistique et son dépassement, hasardeux ou consenti, au profit d'une réalité transcendante. Dans un cas comme dans l'autre, l'artiste comme tel a disparu.
Platon fait disparaître l'artiste du Ion. Il faut franchir un pas supplémentaire, aller plus loin, et soutenir qu'il le fait disparaître de la philosophie elle-même, précisément en l'effaçant au profit de la relation plus originaire entre le dieu et l'œuvre d'art. Cet effacement de l'artiste s'infiltre rapidement dans la réflexion philosophique sur l'art : de Platon à Aristote, tout est pour ainsi dire déjà joué. Tentons de restituer les premiers anneaux de cette « chaîne » aimantée qui relie de proche en proche Platon à la tradition qu'il fonde (à savoir : la philosophie de l'art). Nous pouvons pour les besoins de la cause distinguer trois étapes distinctes. La première, c'est le mouvement même d'une séquence du Ion, relativement brève (533 e – 534 e), dans laquelle Socrate tour à tour médiatise, vide et instrumentalise l'artiste, bref le ressaisit comme un enthousiaste. Cette étape inaugurale se subdivise en trois temps. D'abord, Socrate dépossède l'artiste de sa création en l'assimilant à un intermédiaire. L'artiste reçoit l'œuvre plutôt qu'il ne la produit, l'œuvre précède l'artiste. Ce qui autorise cette assimilation de l'artiste à un intermédiaire, c'est l'angle même du dialogue : le rhapsode plutôt que le poète. Le rhapsode est un « interprète d'interprète » (535 a) : par conséquent, le poète sera en premier lieu un interprète. « Interpréter » (hermeneuein) signifie exprimer à l'extérieur une pensée invisible, la divulguer. Seulement ce qu'apporte la comparaison de l'enthousiasme avec l'aimantation, c'est l'idée que l'interprète est de surcroît un entre-deux, un simple point de passage (ienai, « aller ») entre le dieu et les hommes. Ensuite, Platon identifie l'artiste à un intermédiaire vide ; il lui retire toute consistance, toute épaisseur. Socrate affirme (et peut-être s'agit-il là de l'affirmation la plus importante du dialogue) que le poète est « une chose légère, ailée, sacrée » (khrêma kouphon kai pténon kai hiéron, 534 b). Le poète est une chose « légère » : le terme grec kouphon signifie à la fois « léger », « vide » et « sans importance ». L'artiste s'évapore pour faire place nette au face à face de l'Être (transposé dans l'œuvre) et de son public. La sacralité apparente est le masque de la vacuité. Enfin, Platon réduit l'artiste à l'état d'instrument, il en fait une caisse de résonance pour le divin (entendons donc : à l'état d'instrument à vent). En 534 c, Socrate dit que le dieu emploie les poètes comme des « serviteurs ». Le terme grec huperétes est à charge, puisqu'il désigne initialement le rameur, l'aide de camp ou l'adjudant, bref l'exécutant besogneux d'une tâche ingrate. La deuxième étape qui conduit à l'éviction philosophique de l'artiste, c'est le passage du Ion aux réflexions sur l'art ultérieures de Platon. Ainsi la République fait-elle fond sur « l'acquis » du Ion. L'artiste imitateur a toujours déjà créé, l'œuvre est là, donnée, et la question pour le philosophe est de savoir, premièrement, quel est le mode d'être de l'œuvre (une imitation d'imitation, un simulacre, 597 e – 598 d) ; deuxièmement, quels sont les effets de l'œuvre sur les spectateurs, en particulier sur les gardiens (l'imitation rend craintif, 387 c ; elle divise l'âme, 602 c – 603 b) ; troisièmement, quel est le statut de l'imitateur, en particulier par différence avec le phutourgos et le démiourgos, c'est-à-dire avec le dieu producteur des Formes intelligibles et l'artisan (597 b – e). Le Ion, au commencement, est au commandement de l'esthétique platonicienne. La troisième étape, la plus décisive, c'est le devenir-héritage ou tradition de la thèse du Ion, c'est en d'autres termes son insinuation dans la philosophie de l'art des successeurs de Platon, à commencer par celle d'Aristote. On a beaucoup dit, et beaucoup lu, à raison, que La Poétique prenait le contre-pied des propositions platoniciennes, que la mimèsis aristotélicienne (qu'il faut comprendre comme « représentation », plutôt que comme « imitation ») était une manière de requalifier l'art, si violemment attaqué par Platon. C'était supposer qu'Aristote tient sa loi de cela qu'il nie, que le disciple reçoit les termes de son questionnement du maître qu'il dépasse, qu'en somme l'adversaire est complice. En effet, dans la République, la critique des arts du livre X s'achève sur un appel lancé par Socrate à ceux qui parviendront à lui démontrer que la poésie n'est pas seulement agréable, mais encore utile, utile pour la vie humaine et utile en particulier pour la politique (607 d – e). La réflexion contenue dans La Poétique est une réponse à cet appel : un spectacle tragique, loin d'être inutile ou néfaste, est au contraire une affaire sérieuse. Seulement la complicité d'Aristote vis-à-vis de Platon se joue à un niveau plus fondamental. Il n'est pas seulement question d'inverser les signes, et de réhabiliter ce que Platon discrédite. Prouver que l'art est utile, c'est-à-dire, pour Platon comme Aristote, montrer qu'il appartient à l'ordre du savoir ou qu'il est une autre philosophie, revient nécessairement à sauter par-dessus l'artiste et à aborder l'art à partir de l'œuvre d'art et de son contenu mimétique, c'est-à-dire philosophique. La contemplation d'une œuvre est-elle saisie de la vérité ou de son masque ? Aristote va d'emblée à l'œuvre, à la tragédie, et décrit la composition d'une « histoire » (muthos) tragique réussie. En faisant ainsi droit à une demande socratique, Aristote hérite de la République et donc médiatement du Ion. En outre, dans le chapitre 4 de La Poétique, Aristote règle en une phrase la question de l'origine de l'activité artistique : « Dès l'enfance, les hommes ont, inscrites dans leur nature, une tendance à représenter.19 » Avec cette affirmation, Aristote ne cherche pas à régresser de l'œuvre à son créateur, mais à englober l'art dans la connaissance : l'artiste est comme tout homme un être mû par le désir de connaître et le représenter artistique, ici la production d'une tragédie, se révèle être un mode du connaître (comme il est dit dans le chapitre 9, la poésie est « plus philosophique », philosophôtéron, que l'histoire-chronique). Aristote n'explique pas pourquoi ce désir de connaissance se transforme chez certains hommes en création artistique. Dans les trois premiers chapitres de La Poétique, il rend compte de la différence, non pas entre artiste et non-artiste, mais entre auteur de tragédie et auteur de comédie. Plus encore, dans le mouvement même du chapitre 4, l'activité proprement artistique, à peine enracinée dans le désir philosophique de l'homme, se voit aussitôt dépassée par l'attitude spectatoriale, par le plaisir éprouvé par le spectateur lorsqu'il contemple des représentations. Du Ion à la République, de Platon à Aristote, l'interrogation se voit donc comme polarisée, invisiblement, sinon invinciblement, dans une même direction. Dorénavant, les philosophes questionneront l'art sur un mode platonicien, à partir de l'Être qui excède l'artiste ou de l'œuvre qui en procède. De l'évidement de l'artiste à son évitement philosophique, la conséquence est bonne, à défaut d'être heureuse.
Nous pouvons pour finir faire deux ordres de remarques. D'une part, si Platon peut chasser l'artiste de la philosophie, c'est parce qu'il assume, pour la première fois, et peut-être pour la seule fois, la radicalité du questionnement philosophique sur l'art. Platon ne demande pas seulement ce qu'est l'œuvre d'art ou ce qu'est l'expérience esthétique, mais : pourquoi il y a des artistes, et partant de l'art ? Il est alors conduit à dépasser le registre strictement artistique au profit de celui de la métaphysique et à proposer quelque chose comme une genèse de l'artiste. Pour comprendre l'artiste, il faut partir de plus loin que lui, à savoir de l'odyssée expressive du divin, de la tendance d'un deus absconditus à se faire connaître aux hommes. Entre dieu et son public, il faut intercaler à titre de médiation, nécessaire autant qu'évanouissante, l'enthousiaste, l'artiste. Cette généalogie est une généalogie ironique, ô combien ironique ; elle est subordonnée à une entreprise socratique de ridiculisation de la rhapsodie ionienne. Ce qui suscite l'étonnement – mais cet étonnement n'est pas de bon aloi, puisqu'il est en réalité la reconnaissance de la dynamique même de l'histoire des idées –, c'est que les philosophes de l'art qui succèdent à Platon ne reviendront pas sur cette généalogie. Ils l'admettent, et cela plus ou moins consciemment. Le platonisme opère d'autant mieux qu'il avance masqué. Et lorsque l'héritage est revendiqué, le caractère moqueur de la généalogie se voit biffé. Exemplaire à cet égard est l'usage que Marsile Ficin fait du Ion : Socrate, loin d'ironiser, « démontre » (ostendit) que la poésie ne résulte ni du hasard, ni du travail, mais bien d'un don divin. Marsile Ficin n'interprète pas le fait que le dieu inspire des incompétents comme Tynnichos de Chalcis comme une attaque indirecte de Socrate contre Ion, ni donc l'enthousiasme comme une ironie, mais comme une stratégie divine : le dieu
ravit plus souvent des incompétents que des gens cultivés, des fous que des sages, pour ne pas, s'il employait à cet usage des hommes fins et sages, qu'on attribue ces effets à la finesse et à l'industrie humaines.20
Remarquons d'autre part que la conséquence la plus fâcheuse, et pourrait-on dire la plus insidieuse, est que l'absentement de l'artiste a pour contre-partie l'absentement du non-artiste, ou la réduction du non-artiste au spectateur. Faire de l'artiste un « prophète », c'est ipso facto faire du non-artiste un « profane », un homme qui n'a pas part à la création artistique. En assimilant la créativité à une grâce venue d'en haut, on est amené fatalement à la retirer aux « simples mortels » et par conséquent à creuser, creuser encore la distance qui sépare l'artiste du non-artiste, à mettre d'un côté le créateur, de l'autre côté le spectateur incréateur. De loin en loin, c'est aussi le « tournant esthétique » de l'âge classique que le Ion prépare.
Aristote. La Poétique. Éd. Bilingue, trad. Roselyne Dupont-Roc et Jean Lallot. Poétique. Paris : Seuil, 1980.
Bailly, Jean-Christophe. La Légende dispersée : anthologie du romantisme allemand. 1976. Titres. Lonrai : Christian Bourgeois éditeur, 2014.
Kiefer, Anselm. L'Art survivra à ses ruines. Leçons inaugurales du Collège de France. Paris : Collège de France-Fayard, 2011.
Massin, Marianne. Les Figures du ravissement : enjeux philosophiques et esthétiques. Partage du savoir. Paris : Grasset-Le Monde, 2001.
Massin, Marianne. La Pensée vive : essai sur l'inspiration philosophique. L'inspiration philosophique. Paris : Armand Collin, 2007.
Merleau-Ponty, Maurice. L'Œil et l'esprit. Paris : Gallimard, 1964.
Merleau-Ponty, Maurice. Le Visible et l'invisible. Paris : Gallimard, 1964.
Nancy, Jean-Luc. Le Partage des voix. Paris : Galilée, 1982.
Nietzsche, Friedrich. Œuvres complètes. Vol. 5. Paris : Mercure de France, 1906.
Patočka, Jan. L'Art et le temps. Paris : Presses Pocket, 1992.
Platon. Ion. Éd. et trad. Monique Canto. Paris : GF Flammarion, 1989.
Platon. Ion. Éd. et trad. Jean-François Pradeau, suivi de Édouard Mehl, Deux lectures de l'Ion : M. Ficin et J. W. Goethe, et Jean-Luc Nancy, Le Partage des voix. Petite bibliothèque de philosophie. Paris : Ellipses, 2001.
1 F. Nietzsche, Œuvres complètes (Humain, trop humain, II, §174), 110.
2 M. Merleau-Ponty, L'Œil et l'esprit, 31-32.
3 M. Merleau-Ponty, L'Œil et l'esprit, 67. « Favori de la nature » (Günstling der Natur) est une formule kantienne (Critique de la faculté de juger, §49).
4 J.-C. Bailly, La Légende dispersée, 17.
5 J. Patočka, L'Art et le temps, 71-72.
6 Ainsi que l'écrit Jean-François Pradeau, « il est donc admis d'emblée, y compris semble-t-il par Platon, que le poème pense, qu'il contient une certaine forme de savoir, et qu'il peut aussi bien servir une mission pédagogique » (Platon, Ion, éd. J.-F. Pradeau, 14).
7 « Platon, contemporain de la révélation chrétienne » (1797), trad. É. Mehl dans Platon, Ion, éd. J.-F. Pradeau, 107.
8 Ibid., 107.
9 Platon, Ion, éd. M. Canto, 43.
10 J.-L. Nancy, Le Partage des voix, 60.
11 Platon, Ion, éd. J.-F. Pradeau, 23.
12 Platon, Ion, éd. J.-F. Pradeau, 24.
13 J.-L. Nancy, Le Partage des voix, 64-65.
14 M. Massin, La Pensée vive, 35.
15 A. Kiefer, L'Art survivra à ses ruines, 48.
16 M. Merleau-Ponty, Le Visible et l'invisible, 248.
17 M. Massin, Les Figures du ravissement, 25.
18 J. Patočka, L'Art et le temps, 72.
19 Aristote, La Poétique, 43 (traduction modifiée).
20 « Commentaire du florentin Marsile Ficin sur le dialogue de Platon Ion ou du délire poétique, au généreux Laurent de Médicis » (1469), trad. É. Mehl dans Platon, Ion, éd. J.-F. Pradeau, 97.