Elisabeth Bouzonviller
Université Jean Monnet, St-Etienne
L'approche romantique du monde amérindien a brodé de manière élégiaque sur des modes de vie naturels et célébré des liens entre Autochtones et animaux qui semblaient rappeler qu'hommes et bêtes appartenaient à un même décor originel qui serait ultérieurement appelé à disparaître suite aux bouleversements induits par l'intrusion pionnière1. Ainsi que le rappelle David Hurst Thomas, « Jefferson defined American Indians as specimens, like mammoth bones and the fruit trees in his own garden, to be empirically investigated and objectively understood »2. Les liens fusionnels des Amérindiens avec la nature font partie des tropes d'une pastorale qui a longtemps favorisé la création fictionnelle d'un univers issu de la vision stéréotypée du bon sauvage habitant une Amérique prélapsaire. En réaction, souhaitant faire entendre une autre voix, les écrivains contemporains d'origines amérindiennes proposent, depuis la « Renaissance amérindienne »3, une représentation plus subtile de ce rapport à la nature car ils puisent leur inspiration dans la multiplicité de la vie tribale et la complexité des mythologies autochtones. Deleuze rappelle d’ailleurs qu’« [u]ne littérature de minorité ne se définit pas par une langue locale qui lui serait propre, mais par un traitement qu'elle fait subir à la langue majeure »4. Ainsi, les écrivains amérindiens, contraints à la langue anglo-saxonne par le monde de l’édition s’ils souhaitent toucher un large lectorat ou simplement parce que leur langue tribale n’est pas maternelle5, créent une littérature de minorité en intégrant leur univers spécifique à leurs textes au travers de termes ponctuels en langues autochtones, de leur perception du temps et de l’espace et de leurs mythes et rituels.
Membre de la deuxième génération d’écrivains de la « Renaissance amérindienne », Louise Erdrich est rattachée à la réserve anishinaabe6 de « La Montagne de la tortue » et membre du clan de l'ours. Les animaux occupent une place de choix dans son écriture polyphonique et métissée qui mêle influences européennes et autochtones, mais aussi mythologiques, historiques et contemporaines, et qui rappelle l’évolution des modes de vie nord-américains depuis une existence dans un environnement naturel non domestiqué jusqu’à une urbanisation généralisée. Ces animaux combinent habilement tradition et modernité et offrent des moyens originaux de « survivance » telle que définie par Vizenor7, tout en proposant une réappropriation amérindienne des lieux. Alors que leurs mondes se frôlent et se rencontrent, donnant lieu parfois à d’étranges mutations génétiques, ces animaux fictionnels dispensent aux protagonistes un enseignement inspiré de la mythologie autochtone souvent caractérisée par l’humour, trait caractéristique des tricksters amérindiens, dont nous définirons les spécificités et modes de fonctionnement. Dans un schéma typiquement post-colonial, ces animaux mi-contemporains, mi-traditionnels contribuent à la création d’une littérature originale qui offre une voix à des populations considérées auparavant comme « subalternes »8, donc muettes, tout en dénonçant les stéréotypes littéraires et sociétaux plaqués sur leur univers. Ainsi, nous nous proposons de partir à l’affut des êtres hybrides qui peuplent cette écriture, principalement des créatures mi-femmes mi-bêtes à la frontière du mythe, du conte et de la réalité amérindienne. Nous observerons ensuite comment, loin du schéma d’une pastorale romantique empreinte de nostalgie, ce monde animal métissé se signale par son humour qui est aux fondements de la tradition du trickster. Enfin, nous conclurons sur les moyens de résistance et de survie offerts précisément par ces animaux qui contribuent pleinement à l’entreprise postmoderne et postcoloniale de cette littérature.
Le topos des liens fusionnels entre l’Indien et la nature appartient à une littérature romantique d’un autre temps, mais dans l’œuvre romanesque d’Erdrich, animaux et humains font aussi particulièrement bon ménage. Loin cependant de rappeler le mythe rousseauiste du bon sauvage régnant sur une Amérique édénique, ces relations entre espèces humaine et animale relèvent de la mythologie autochtone, leur évocation propose donc une autre approche de l’univers amérindien intégré au genre occidental du roman de langue anglo-saxonne. Marc Chénetier remarque d’ailleurs que « [l]e mythe, pour les écrivains amérindiens de notre temps, est plus qu'un refuge ; il arme une identité menacée ; c'est un mode d'expression naturel et fondamental »9.
Dans le monde autochtone nord-américain traditionnel, les animaux étaient des acteurs majeurs du quotidien, en raison de l’environnement naturel, mais aussi des mythes qui régissaient cette existence très ritualisée. Lévi-Strauss évoque les liens entre humains et animaux, tels qu’ils apparaissent dans la sculpture de totems haidas, mais ses observations pourraient également s’appliquer à la fiction d’Erdrich qui présente des limites très poreuses entre le monde des hommes et celui des animaux :
This reality consists of beings of a third type: neither human nor animal, but both at once. As the poet says, these beings cast upon us a familiar eye and take us back to the time […] when animals could take on human form and knew the manners and the language of humans perfectly well. These beings all played a determining role in the history of the people, or rather of the clans, the houses, the families. […]. They are great ancestors, protectors, and sometimes formidable adversaries, that humans met in very ancient times. The circumstances of those meetings, as described in the myths and legends, explain the social distinctions, the hierarchy and the rituals.10
Dans The Round House11, Coutts rappelle l'importance de ces animaux totems dans l'univers anishinaabe traditionnel :
[…] an Ojibwe person's clan meant everything at one time and no one didn't have a clan, thus you knew your place in the world and your relationship to all other beings. The crane, the bear, the loon, the catfish, lynx, kingfisher, caribou, muskrat—all these animals and others in various tribal divisions, including the eagle, the marten, the deer, the wolf—people were part of these clans and were thus governed by special relationships with one another and with the animals. (229-230)
Ces « relations particulières » entre hommes et bêtes, typiques de l’univers amérindien, sont au cœur de l’écriture d’Erdrich. The Antelope Wife12, roman de 1998 qui a connu deux rééditions, en 2012 et 201613, présente dès son titre l’évocation d'une hybridité entre humains et animaux au travers de liens très étroits entre femmes et antilopes. Ce type de liens intimes, voire amoureux et sexuels, est monnaie courante dans la mythologie autochtone nord-américaine. Dans les trois versions du roman, la fondatrice d’une des lignées familiales du récit est Blue Prairie Woman qui vivait dans les bois maritalement avec un chevreuil et sa horde jusqu’à ce que ses frères la forcent à réintégrer la tribu14. Quand l’armée américaine attaque violemment le village lors du premier chapitre du roman, Matilda, peut-être le fruit hybride de cette union hors espèce, survit grâce aux conseils avisés d’une biche à Blue Prairie Woman (AW 2001 57-58 ; AW 2012, 2016 137). Plus tard, à la mort de sa mère, la jeune Matilda intègre une horde d’antilopes comme si son hybridité lui permettait de survivre au sein de cette famille animale que le chant funèbre de sa mère a convoquée à sa rescousse :
The antelope emerge from the band of the light at the world’s edge.
The herd flows in steps and spurting gallops deeper into the west. When they walk, she walks, following, dried berries in a sack made of her dress. When they run, she runs with them. Naked, graceful, the blue beads around her neck. (AW 2001 20)
Deux générations plus tard, dans un chapitre intitulé « The Antelope Wife » dans la première version (AW 2001 21) et « The Antelope Woman » dans les deux autres (AW 2012, 2016 80), le récit enchaîne sur la période contemporaine et met en scène Sweetheart Calico qui charme Klaus lors d’un powwow par sa grâce d’antilope (AW 2001 23 ; AW 2012, 2016 82), mais n’aura de cesse de rejoindre son environnement naturel originel malgré la vie citadine à laquelle il la contraindra pour un temps. L’épouse antilope ne saurait supporter l’enfermement. Dans cette version autochtone de « l’appel de la forêt », la femme antilope joue le rôle d’intermédiaire entre humains et animaux, de médiatrice entre des modes de vie autochtone et urbain : « There she is with her clothes off, running around and around the yard. In the morning, hoof tracks » (AW 2012, 2016 134). La parataxe laconique de ce passage suggère l’énigme insondable de cet être hybride. Mutique et inquiétante aux yeux de la famille citadine des adolescentes Cally et Deanna, la femme antilope fonctionne comme chaînon manquant qui permet à cette jeune génération de renouer avec ses origines amérindiennes, rôle symbolisé par les perles bleues héritées de Blue Prairie Woman qu’elle confie finalement à Cally en échange de sa liberté (AW 2001 218 ; AW 2012, 2016 268). Alors que la première version du roman mettait en scène sa fuite d’antilope vers l’Ouest au chapitre 21 sur 23 (AW 2001 230), les deux autres versions se closent définitivement sur ce retour vers les grands espaces naturels (AW 2012, 2016 276), insistant ainsi sur l’importance de ce personnage hybride et de sa mission de médiatrice dans cette œuvre du métissage qui allie mondes autochtone et occidental, naturel et urbain, humain et animal.
Dans Tracks15 et Four Souls16, Fleur Pillager, dont l’emblème du clan familial est composé de quatre ours et une martre (T 5), se signale également par son étrange proximité avec le monde animal. Régulièrement qualifiée par le verbe « roam » (T 2 ; FS 26), l'adjectif « wild » et son sourire de loup carnassier (T 3, 19, 23 ; FS 3), elle est en osmose avec son habitat. Elle est tour à tour loup (T 88 ; FS 73), serpent (FS 44, 192), oiseau de proie (T 12 ; FS 19, 31, 92, 203), ours (T 12), loutre (T 106 ; FS 74) et poisson (T 18). Cette surprenante proximité, voire hybridation, avec le monde animal alimente les craintes de ceux qui la côtoient, en particulier Pauline Puyat, la narratrice homodiégétique de Tracks sans cesse violemment assaillie de visions diaboliques inspirées par ses convictions chrétiennes et son rejet du monde autochtone ; ainsi décrit-elle Fleur en ayant recours au champ lexical d’une animalité qui la rebute :
Fleur's shoulders were broad and curved as a yoke, her hips fishlike, slippery, narrow. An old green dress clung to her waist, worn thin where she sat. Her glossy braids were like the tails of animals, and swung against her when she moved, deliberately, slowly in her work, held in and half-tamed. But only half. I could tell, but the others never noticed. They never looked into her sly brown eyes or noticed her teeth, strong and sharp and very white. (T 18, je souligne)
Les références insistantes à ses dents suggèrent une férocité qui se manifeste pleinement quand, dans Four Souls, elle dépèce un chien et le dévore (FS 2). Enfin, dans un épisode de Tracks où elle est brutalisée par les hommes qui travaillent avec elle dans une boucherie, elle réagit aussi sauvagement que la truie promise à l'abattoir et Pauline utilise un pronom personnel à la troisième personne du féminin qui remplace indifféremment la femme et l'animal, estompant les différenciations d'espèces (T 25-26). Sachant que Pauline a renié ses racines indiennes et demeure profondément tourmentée, il n’est pas étonnant que son récit contraste avec celui de l’autre narrateur homodiégétique du roman, le vieil Indien Nanapush, et que, pour elle, l’animalité suscite toujours un dégoût qui voisine avec la violence, la luxure et le mal.
Dans ce monde fictionnel inspiré de la wilderness des origines, la limite est mince entre la femme et la bête sauvage ; d’ailleurs, la page titre de Tracks, chez Perennial, comporte deux empreintes de pas humains suivies de trois traces de pattes animales. Cette illustration évoque un mode de vie ancestral basé sur la chasse mais est peut-être aussi une allusion à d'autres liens intimes entre humains et animaux, l'empreinte centrale suggérant même une étape hybride inattendue entre les deux espèces alors qu’elle combine les cinq griffes d’un ours et l’empreinte d’une plante de pied humaine. Les observations de Pauline, nourries de craintes sataniques, rappellent cette illustration et ses suggestions de mutations étranges quand elle affirme :
She laid the heart of an owl on her tongue so she could see at night, and went out, hunting, not even in her own body. We know for sure because the next morning, in the snow or dust, we followed the tracks of her bare feet and saw where they changed, where the claws sprang out, the pad broadened and pressed into the dirt. By night we heard her chuffing cough, the bear cough. (T 12)
En revanche, pour Nanapush, si Fleur se situe entre l’humain et l’animal, il s’agit d’une place intermédiaire impliquant une sagesse autochtone où l’humain est en harmonie avec la nature :
[…] it was as if the Manitous all through the woods spoke through Fleur, loose, arguing. I recognized them. Turtle's quavering scratch, the Eagle's high shriek, Loon's crazy bitterness, Otter, the howl of Wolf, Bear's low rasp.
Perhaps the bear heard Fleur calling and answered. (T 59)
Liée à l’ours par son totem et son étrange hybridité, Fleur donne naissance à sa fille quand un spécimen de l’espèce plantigrade débarque dans sa cabane : « […] when Fleur saw the bear in the house she was filled with such fear and power that she raised herself on the mound of blankets and gave birth » (T 60). L’hybridité entre la femme indienne et l’ours atteint son apogée dans les dernières pages du roman The Bingo Palace17, où, à un âge très avancé, Fleur hante les lieux sous une étrange forme spectrale métissée :
[…] there would be some who claimed they found her tracks and followed to see where they changed, the pad broadened, the claw pressed into the snow. Others heard songs rise, eager, old songs that haven’t been sung since that winter. There is enough we can’t account for, however, we need no more. Her tracks should have been obscured. Her tracks should have filled with snow. They should have blown away with those rough songs from the wild dead we cannot hush. Somehow, we should have learned not to tamper with what’s beyond us. And yet on clear and brilliant days and nights of black stars they are sometimes again left among us, Fleur’s tracks, once more, so it is said that she still walks. […]
She doesn’t tap our panes of glass. She only coughs, low, to make her presence known. You have heard the bear laugh–that is the chuffing noise we hear and it is unmistakable. (BP 273-274, je souligne)
Outre la proximité naturelle entre l’Amérindienne et l’animal, qui se cristallise dans l’évocation répétée des traces qu’elle laisse sur son chemin, ces dernières lignes combinent sagesse traditionnelle et rire. Ainsi, Nancy Peterson18 démontre-t-elle habilement que le rire de Fleur n'est pas celui du désespoir mais celui du trickster19, personnage essentiel de la mythologie amérindienne. Malgré les pertes territoriales, la dépossession n'est pas scellée car la vieille femme a conseillé en rêve à Lyman, homme d’affaires amérindien, d'utiliser l’argent qu’il a gagné au casino pour racheter des terres tribales, prenant ainsi la société capitaliste à son propre jeu lors d’une revanche inattendue : « Put your winnings and earnings in a land-acquiring account. Take the quick new money. Use it to purchase the fast old ground » (BP 148-149). Le quatrième roman d’Erdrich se clôt sur le rire d'ours de Fleur qui hante les lieux et laisse perplexes ceux qui ont oublié ou sacrifié leurs racines à l’appât du gain, entre autres dans le casino de la réserve. Ces dernières pages signalent donc le rire comme arme contre la dépossession autochtone, ce qui entre en écho avec des coutumes immémoriales :
[…] humour was part of Native culture long before first contact. There are traditional ceremonies that incorporate humour, and some of the most vivid creation stories are quite funny. Learning through laughter has been part of Aboriginal culture since the beginning.20
Erdrich, quant à elle, évoque un « humour de survie ironique »21 commun à tous les Amérindiens : « It may be that the one universal thing about Native Americans from tribe to tribe is survival humor—the humor that enables you to live with what you have to live with. […] Humor is the way we make our life worth living »22. Ce rire amérindien traditionnel, devenu arme de survie contemporaine, est celui du trickster, cet être facétieux et subversif qui enseigne souvent au travers de ses grotesques mésaventures mais aussi de ses subtiles victoires inattendues.
Tandis que les traductions des travaux de l'anthropologue Paul Radin utilisent le terme de « fripon »23, Lévi-Strauss a proposé celui de « décepteur »24 pour qualifier en français les tricksters amérindiens. Ces personnages, que l'on retrouve également dans la culture afro-américaine, sont des protagonistes majeurs des cultures orales. Ils accusent parfois des revers de sort mais sont des pivots essentiels des mythes et légendes autochtones et sont devenus des personnages fictionnels prisés des écrivains amérindiens contemporains.
Radin qualifie le « fripon » nord-américain ainsi : « He knows neither good nor evil yet he is responsible for both. He possesses no values, moral or social, is at the mercy of his passions and appetites, yet through his actions values come into being »25. Il note tout particulièrement sa dimension comique : « Laughter, humour and irony permeate everything Trickster does »26. Vizenor le présente, quant à lui, comme « trope comique »27 et dénonce le tragique comme construction occidentale ayant façonné l'image et la tradition narrative amérindiennes en écho avec la notion de « tribus en voie de disparition »28. De façon synthétique, Mirjam Hirch conclut sur le trickster comme « incarnation de l'humour »29 et triomphe de l'ambivalence :
Among many First Nations, Trickster stories “were used to teach cultural truths.” Depicted as an unrealistic, expressionistic and supernatural figure, half hero, half fool, the Trickster (also called Raven, Bluebird, Nanabush, Napi, Glooscap, Wisakedjak, Hare, Coyote and other names) exhibits a range of contradictory characteristics and qualities: good and evil, male and female, human and animal, creative and destructive, sacred and profane. He/she is the creator and destroyer, the humorous rogue, the clown, as well as the cynical, malicious swindler and impostor who, with no concept of moral or social values, follows his/her passions and appetites.30
Personnage mythologique aux multiples noms et orthographes, Nanabozho est le trickster créateur du monde et de l’identité des Anishinaabeg. Fruit de l’union d’une femme et d’un esprit, il prend généralement la forme d’un lièvre pour offrir aux humains un enseignement qui passe souvent par le biais de ses ridicules erreurs31. Dans un contexte postmoderne, Vizenor le définit comme signe au coeur du discours : « Naanabozho, the woodland tribal trickster, is a holotrope, a comic holotrope, and a sign in a language game; a communal sign shared between listeners, readers and four points of view in third person narratives »32. La littérature amérindienne contemporaine puise abondamment dans cette mythologie et confère à Nanabozho des formes animales diverses, telles le coyote, le lièvre, le chien ou le corbeau. A l’instar d’autres écrivains33, Erdrich s’inspire largement des facéties et mésaventures du fameux trickster anishinaabe et, plus largement, de la tradition de l'humour amérindien. Des animaux tricksters règnent dans son écriture et offrent des moyens de résistance ethnique basés sur leur sagesse, mais aussi sur l’humour qui accompagne souvent leur enseignement. Dans The Bingo Palace, malgré son incrédulité, Lipsha, un jeune Amérindien qui a quelque peu perdu contact avec la tradition, s’isole dans la nature sous la houlette d’un ancien pour une séance de jeûne qui devrait occasionner une vision salvatrice. Au réveil, à sa grande déception, il ne ressent nulle révélation shamanique, mais découvre avec dégoût une moufette pelotonnée contre lui à l’intérieur de son sac de couchage. Le comique de situation de cette scène où Lipsha essaie de se dégager sans succès de l’animal connu pour ses sécrétions malodorantes, puis provoque l’hilarité intarissable de son guide spirituel (200-201), est combiné avec une véritable épiphanie puisqu’une phrase semblant provenir de l’animal résonne subitement dans l’esprit du protagoniste, phrase qui reviendra tel un refrain dans les pages suivantes avant de s’avérer être le conseil avisé de cette moufette trickster : « This ain’t real estate » (BP 200, 218, 219). En effet, de retour chez lui, Lipsha tente de se débarrasser de cette phrase obsédante, mais malgré le ridicule de la situation initiale, le message de la moufette finit par faire sens :
There is a voice all right, but it is coming out of that damn skunk. That creature is a nuisance! Even here, in my room, I am not safe from that animal. It putters over, slick and determined, and it jumps back onto my chest. I see it through the dark.
This ain’t real estate, it nags me.
I’m tired of waiting for a vision and just getting this unpleasant refrain, so I lash out.
“Go back where you came from,” I order it. “Shut up and quit bothering me. […]”
[…] This ain’t real estate, the skunk says again.
Of course, that skunk is right, for the complex is slated to develop Pillager land, partly Fleur’s land and partly old allotments that the tribe holds in common, and which is fractionated through the dead and scattered holdouts who have never signed the treaties that gave away so much of what we called ours. (BP 218-219)
Certes, la moufette était nauséabonde et source de moquerie, son message est néanmoins fondamental, comme Lipsha doit finir par l’admettre. Il comprend qu’il ne doit pas participer au projet de construction d’un vaste complexe de jeux sur terres tribales : « […] I know that damn skunk is right. […] what the skunk said is right. Our reservation is not real estate, luck fades when sold » (BP 220-221). Tandis que le terme « right » reste indéfectiblement associé à l’animal, le narrateur homodiégétique fait sien son conseil, comme le signifie le texte qui passe des italiques à la police romaine quand Lipsha devient capable de fournir l’adjectif possessif communautaire et le substantif « reservation » qui donnent tout son sens au message animal. Comique de situation et sage message de résistance tribale font donc de cette modeste moufette le trickster typique des cultures autochtones. L’animal renverse les positions de pouvoir dans un schéma typiquement postcolonial se jouant des anciennes oppositions binaires pour préférer la subtilité d’un « troisième espace d’énonciation »34 à la croisée de la tradition et de la modernité.
D’autres animaux jouent ce rôle de trickster dans l’écriture d’Erdrich avec, semble-t-il, une préférence toute particulière pour les chiens, ce choix rappelant la longue cohabitation de cette espèce avec les Autochtones d’Amérique du nord35. À la manière du Mr Bones d’Auster36, dans la deuxième partie de The Antelope Wife, un chien devient le narrateur homodiégétique du roman et l’observateur avisé du monde amérindien qui l’entoure. Baptisé « Almost Soup » suite à une destinée culinaire funeste évitée de justesse (AW 2001 75-79 ; AW 2012, 2016 73-78), il offre sa vision des humains en contre-plongée et partage ses considérations philosophiques avec humour tout en manifestant ses intentions bienveillantes à l’égard de sa jeune maîtresse, Cally. A grand renfort d’anaphores37, il prodigue ses conseils de survie à ses congénères dans l’environnement hostile de la réserve et vénère la fillette à qui il doit la vie sauve et une virilité qui a échappé au bistouri du vétérinaire (AW 2001 75-82 ; AW 2012, 2016 73-79, 179-184). Pas peu fier d’un métissage qui rappelle l’extrême proximité de la nature sauvage et domestiquée, mais aussi, métaphoriquement, les brassages de populations humaines, il s’exclame :
There is a little of a coyote in me, just a touch here in my paws, bigger than a dog’s paws. My jaw, too, strong to snap rabbit bones. Prairie-dog bones as well. That’s right. Prairie. I don’t mind saying to you that I’m not a full-blood Ojibwe reservation dog. I’m part Dakota, born out in Bwaanakiing38, transported here just after I opened my eyes.39 (AW 2012, 2016 73-74)
Son humour parfois grossier et sa vantardise excessive rappellent le grotesque des mésaventures de Nanabozho lui-même, par exemple quand il lance cette apostrophe peu raffinée : « Now my brothers and sisters, having retraced my urine with stunning accuracy, snarled at bums all night, snarfed a bowl of hamburger, and having guarded and saved my young humans, I will resume the story of my life » (AW 2012, 2016 179). Ce narrateur canin offre son point de vue décalé, souvent provocateur, mais rappelle également qu’il appartient à l’univers mythique anishinaabe : « Us, we are descended of Original Dog » (AW 2001 76 ; AW 2012, 2016 74). Il se situe dans la lignée du fidèle compagnon de Nanabozho40 : « As an old race, we know our purpose. Original Dog walked alongside Nanabozhoo, [the humans'] tricky creator » (AW 2012, 2016 182). Emporté par son assurance et son orgueil, il oublie les démêlés traditionnels de Nanabozho avec la gent canine, comme dans la légende de Nanabozho et Animoshak41, et s’avère être le fruit hybride postcolonial de légendes anishinaabe et de l’imagination fertile d’Erdrich. Fier de son rôle protecteur, il se vante d’une longue liste de qualités canines insoupçonnées, communes à tous ses congénères, et affiche un sentiment aigu de supériorité d’espèce : « Still, half the time we know better than the human » (AW 2001 81 ; AW 2012, 2016 182).
Autrefois, la lointaine ancêtre de Sweetheart Calico, Blue Prairie Woman, avait sauvé son bébé de la violence des troupes américaines en le ligotant sur un chien en fuite (AW 2001, 2012, 2016 5) puis, incapable de le retrouver, elle avait noyé son chagrin de mère en allaitant un chiot, le bien nommé « Sorrow » (AW 2001 12, 15 ; 2012, 2016 15, 18), qui finalement, après des années de compagnonnage, serait sacrifié comme seule nourriture disponible à partager avec son enfant retrouvée (AW 2001 19 ; AW 2012, 2016 24). Au-delà du style fanfaron de ses paroles, le sous-entendu d’« Almost Soup » prend donc tout son sens : « We have kept our humans company in darkest hours. Saved them from starvation‒you know how » (AW 2001 81 ; AW 2012, 2016 182). À son tour, quand le « grand chien noir » de la mort rôde autour de Cally, ce même chien bavard et diabolique qui essaie de détourner le Père Damien de sa foi dans The Last Report on the Miracles at Little No Horse42, « Almost Soup » est en alerte (AW 2001 82 ; AW 2012, 2016 183-184) et appelle ses ancêtres à la rescousse (AW 2001 88 ; AW 2012, 2016 191) pour la sauver43 (AW 2001 90 ; AW 2012, 2016 194).
Outre « Almost Soup », les chapitres 19 et 22 (AW 2012, 2016 245-248, 269-271)44 mettent apparemment en scène un autre chien, « Wiindigoo Dog »45, qui n’est pas narrateur homodiégétique mais n’en est pas moins extrêmement bavard. Étonnant mélange de sagesse et de vulgarité, ce chien, surgi d’une mythologie autochtone modernisée, mais aussi peut-être du délire éthylique de Klaus, apparaît lorsque ce dernier tente de noyer son désespoir dans l’alcool suite à ses déboires amoureux :
The dog is standing on his chest again, looking down into his face and grinning the same curious, confiding dog grin that started Klaus on this eternal binge. The dog is a scuffed-up white with spooky yellow-brown eyes and a big pink dragging tongue. The damn thing has splayed wolf paws, ears alert and swivel-based like a deer’s, and no pity whatsoever for Klaus.
“Boozhoo, Klaus, you are the most screwed-up, sad, fucked-in-the-face, toxic, shkwebii, irredeemable drunk I’ve talked to yet today,” says the dog Klaus calls Wiindigoo Dog.46 (AW 2012, 2016 245)
En fait, ce chien remplace Sweetheart Calico quand elle abandonne Klaus ; il incarne donc le manque, un désir douloureux et insatiable à l’instar du « windigo » mythique : « Sweetheart Calico had47, of course, left him too. Come Back. Then left again. Sent back this dog in her place. Windigo. Bad spirit of hunger and not just normal hunger but out-of-control hunger » (AW 2001 126-127). Dans les dernières versions du roman, il faut noter que, lors d’une de ses nombreuses tentatives de fuite, Sweetheart Calico a réellement trouvé un chien errant qui ne la quitte plus (AW 2012, 2016 105-111), celui-là même qui la remplace finalement auprès de Klaus. Lointain descendant de « Sorrow » (AW 2012, 2016 111, 115), le chien de Blue Prairie Woman, l’animal relie Sweetheart Calico à ses origines et annonce sa libération finale du carcan urbain. D’ailleurs, il plaide sa cause auprès de Klaus : « ‘Your sweetheart who doesn’t love you. Let her go,’ says the dog » (AW 2012, 2016 248). Il semble même qu’il soit un avatar d’« Almost-Soup », qui retrace aussi ses propres origines jusqu’à « Sorrow » (AW 2012 74, 179), et confesse la nécessité de sa venue en ville ainsi : « I was brought down to this place [Minneapolis] by the theft of Sweetheart Calico. We dogs sensed that danger and chaos in her form could threaten the twins » (2012, 2016 179). En outre, le chapitre 8 de la première version et le 5 des deux autres comportent en guise de titre et de narrateur homodiégétique les noms « Almost Soup » et « Wiindigoo Dog », dans un ordre puis dans l’autre, suggérant de la sorte leur interchangeabilité (AW 2001 75, 2012, 2016 73).
« Wiindigoo Dog » ne laisse pas Klaus l’ivrogne en paix et lui assène, dans un esprit typiquement amérindien, ses fameuses « blague[s] canine[s] cochonne[s] »48. Blagues sexuelles (AW 2001 127-128 ; AW 2012, 2016 246-248), blagues d'auto-dérision sur l'existence médiocre des Amérindiens incapables de s'en sortir socialement (AW 2001 223-224 ; AW 2012, 2016 269-270), ces plaisanteries, où les chiens sont doués de parole, sont retranscrites dans le récit lors de passages sous forme de dialogues en langue informelle qui rappellent leur mode oral initial et elles ont le parfum spécifique d’un humour amérindien irrévérencieux :
Native humour […] goes places polite and civil humour won't go. It reflects injustice and anger. It showcases observation and commentary. And it's located somewhere between the heart, the belly and the crotch.49
Compagnon grossier mais clairvoyant, « Wiindigoo dog » partage ses plaisanteries avec Klaus et suscite aussi le rire du lecteur car son animalité n’est qu’apparence50.
Évoquant le rire comme outil indispensable de survie des Autochtones dans un environnement initialement hostile géographiquement, Kristina Fagan conclut sur sa fonction essentielle dans le contexte contemporain pour affronter des dangers désormais d'ordre social :
Today, this group harmony remains necessary in the face of the many threats, mostly human rather than environmental, to Native communities. This harmony has been maintained in part by suppressing conflict. And laughter has been an effective tool in this suppression, defusing or sublimating tension and negativity.51
Cette perspective entre évidemment en écho avec la théorie de Bergson qui affirme que « [n]otre rire est toujours le rire d’un groupe »52.
Chien mythique et vulgaire, « Wiindigoo Dog » semble finalement assumer le rôle protecteur défini par « Almost Soup »53 et sauver Klaus de l'intrusion fatale de la machine dans l'univers naturel, selon le fameux motif détaillé par Leo Marx54, en l’occurrence une tondeuse qui parcourt la pelouse où l’ivrogne s’est endormi : « […] a powerful stray dog bolts toward the machine and gets hit, slams into the air. Bounces off a tree and vanishes »55 (AW 2012, 2016 271). Dans les deux dernières versions du roman, marqué au visage du sang de l’animal qui s’est sacrifié, Klaus se rêve tambour traditionnel décoré d’une ligne centrale rouge et se réveille résolu à arrêter la boisson et à libérer Sweetheart Calico qui pourra rejoindre sa tribu (AW 2012, 2016 271-272). Finalement, alors qu’elle marche vers la liberté, escortée par son geôlier, elle croise la dépouille d’un chien enchaîné qui rappelle le sort auquel elle était vouée si elle était restée en ville (AW 2001 229, 2012, 2016 275). Dans les deux dernières versions du roman, immédiatement après cette vision macabre, Sweetheart Calico se voit flanquée d’un chien bien vivant, apparemment régénéré de la carcasse abandonnée, qui l’accompagne jusqu’au bout de son voyage retour, sans doute « Almost Soup » alias « Wiindigoo Dog », le chien aux multiples vies et apparences, mélange de chien mythique et bien réel : « That dead dog comes alive and is her dog. Coyote gray, grinning and slobbering, it trots just behind them. […] The dog stays right at her heels » (AW 2012, 2016 275-276). Le départ de « Wiindigoo Dog » signale non seulement le retour de Sweetheart Calico en terres tribales, mais aussi le fait que Klaus l’a libérée car il peut enfin maîtriser ses pulsions : il n’est plus la proie d’une faim insatiable incarnée par le « windigo » mythique.
Le trickster, instructeur et facétieux, a donc accompli sa mission et prouvé la véracité des divagations apparemment prétentieuses d’« Almost Soup » sur les qualités exceptionnelles des chiens56. Avec dévouement et efficacité, « Wiindigoo Dog » a protégé et transformé l’homme qui contraignait la femme antilope à une vie urbaine. Fidèles à une tradition d’aide aux humains en détresse, les chiens philosophes de The Antelope Wife accomplissent leur mission protectrice et partagent leur humour décapant avec le lecteur, tels les tricksters qu’ils sont et dont le rôle est d’assurer la survie tribale en ayant recours à leur générosité et leur imagination fertile57.
Évaluant le rôle de l'écrivain amérindien, Erdrich déclare :
Contemporary Native American writers have therefore a task quite different from that of other writers I've mentioned. In the light of enormous loss, they must tell the stories of contemporary survivors while protecting and celebrating the cores of cultures left in the wake of the catastrophe.58
Dans son écriture, les animaux participent de cette tentative de survie qui fait suite à la « catastrophe » coloniale, ils sont des acteurs majeurs de cette « survivance » chère à Vizenor qui allie survie et résistance. En effet, les conseils et rires animaux des récits d’Erdrich visent tous à un acte de résistance tandis que la narration entremêle habilement les traditions autochtones et occidentales pour une création originale qui échappe aux stéréotypes et catégories binaires du passé, une « entreprise postmoderne », si l’on se réfère à la définition de Linda Hutcheon qui a noté la nature fondamentalement interrogative de ce type d’écriture :
It is neither uncertain nor suspending of judgment: it questions the very bases of any certainty (history, subjectivity, reference) and of any standards of judgment. Who sets them? When? Where? Why? Postmodernism marks less a negative “disintegration” of or “decline” in order and coherence (Kahler 1968), than a challenging of the very concept upon which we judge order and coherence.59
Malgré a priori le peu de convergence entre les discours identitaires et les théories postmodernes, Vizenor a mis en lumière une condition postmoderne tribale :
The postmodern opened in tribal imagination; oral cultures have never been without a postmodern condition that enlivens stories and ceremonies, or without trickster signatures and discourse on narrative chance‒a comic utterance and adventure to be heard or read.60
Écriture postcoloniale et postmoderne, la fiction d’Erdrich place le rire du trickster61 au centre de ses récits et rappelle son pouvoir dans les situations de déséquilibre, comme le signale Atwood :
Humour can be aggressive and oppressive, as in keep-'em-in-their-place sexist and racist jokes. But it can also be a subversive weapon as it has often been for people who find themselves in a fairly tight spot without other, more physical, weapons.62
Arme de survie, l’humour participe de l’adaptation à des conditions de vie changeantes, ainsi que le suggère Joseph Meeker dans The Comedy of Survival: Studies in Literary Ecology : « The comic mode of human behavior represented in literature is the closest art has come to describing man as an adaptive animal »63. Dans la culture amérindienne, le trickster endosse ce rôle comique alors qu’il est lui-même souvent sujet à des péripéties ridicules qui pourraient entraîner sa perte et Vizenor de conclure à son propos : « The trickster animates this human adaptation in a comic language game and social science overcomes chaos in a monologue; the environment bears the comedies and tragedies »64.
Ainsi, le rire et le trickster viennent à la rescousse de l’Amérindien dans un processus de « survivance » postcoloniale engendré par des siècles de subjugation. Dans les romans d’Erdrich, les animaux signalent souvent la présence d’une violence qui relève aussi bien de l’intime que de la colonisation. Dans The Master Butchers Singing Club65, deux bouchers se jalousent l’attachement d’Hottentot, chien au nom peu commun qui rappelle l’avilissement des populations colonisées66. Tandis que Fidelis décime des porcs destinés à engraisser son affaire commerciale, Hottentot traîne d’un établissement à l’autre des carcasses généreusement accordées par celui-ci jusqu’à ce que le boucher concurrent dépose directement lesdites carcasses sur l’édredon immaculé de Fidelis pour lui signifier son exaspération (MBSC 40). Du point de vue narratif, ce chien vagabond se fait annonciateur de découvertes macabres puisque ses agissements sont détaillés dans le chapitre qui précède la découverte d’une famille assassinée. Plus largement, il est métaphore de la violence historique nationale envers les tribus indiennes puisque derrière l’écran de violence du quotidien, et du triple meurtre en particulier, se profile la véritable horreur du récit : le massacre historique des Indiens de Wounded Knee en 1890.
Dans The Painted Drum, l’évasion d’une chienne jusqu’alors brutalisée par ses maîtres (PD 12-13, 17-18, 21-22) déclenche par cascades inattendues une violence qui devient moteur de narration et, une fois encore, métaphore d’une violence intime et historique. Dans ce même roman, la sagesse se fait animale dans le récit d’un vieil Indien parti à la rencontre des loups, frères mythiques de Nanabozho :
Wolf, I said, your people are hunted from the air and poisoned from the earth and killed on sight and you are outbred and stuffed in cages and almost wiped out. How is it that you go on living with such sorrow? How do you go on without turning around and destroying yourselves, as so many of us Anishinaabeg have done under similar circumstances?
“And the wolf answered, not in words, but with a continuation of that stare. ‘We live because we live’” (PD 120)
Incarnation du destin amérindien, le loup propose son approche stoïque de la vie et l’homme accepte son enseignement en optant pour un retour à la tradition plutôt que pour le suicide :
“You never killed yourself […] but did you perhaps try?”
[..] I saw across his back and shoulders the regular, deep, violet-brown scars of a sundancer who pulled buffalo skulls.
“That’s what I did instead.” (PD 121)
Au terme du roman, c’est encore un animal qui a le dernier mot et pas des moindres puisqu’il s’agit du corbeau, animal légendaire de la mythologie amérindienne. Dans le premier chapitre, Faye, narratrice homodiégétique, portait un regard abattu sur le cimetière où reposait sa sœur morte pendant leur enfance. En revanche, à la fin du roman, alors qu’elle a renoué avec ses origines indiennes et mis de l’ordre dans sa vie, Faye est de nouveau en visite au cimetière mais la focalisation est ascensionnelle. Elle observe la manière dont des corbeaux « se jettent du haut d'une branche » (PD 276), mouvement qui rappelle inévitablement le geste fatal de sa sœur tombée d’un arbre, mais, désormais apaisée, elle envisage une forme de réincarnation animale :
Say they have eaten and are made of the insects and creatures that have lived off the dead in the raven's graveyard—then aren't they the spirits of the people, the children, the girls who sacrificed themselves, buried here? (PD 276)
Finalement, elle appelle l'un des corbeaux par le prénom de sa sœur puis le suit des yeux et croit entendre son « rire » presque humain (PD 276), le rire du trickster et de la vie.
Dans le dernier roman d’Erdrich, LaRose, les animaux font de nouveau preuve de sagesse. Malgré une violence initiale envers une victime sacrificielle aux échos girardiens67, ils se relaient pour conduire les humains vers l’apaisement et un renouveau culturel. Lors d’un accident de chasse, Landreaux met en joue un cerf mais tue le fils de ses voisins (LR 4). Si l’animal a provoqué la mort de Dusty, il n’en suscite pas moins une renaissance spirituelle chez les deux familles : « The deer was no ordinary creature, but a bridge to another world » (LR 149). Initialement agent de tragédie, il se fait médiateur entre le monde contemporain et l’univers autochtone. En effet, la mort de l’enfant entraîne le couple culpabilisé à décider, lors d’une séance dans la traditionnelle hutte de sudation, de confier leur benjamin, LaRose, à la famille endeuillée. Cette épreuve familiale voit émerger les dons shamaniques du jeune LaRose tandis qu’un chien errant fait la navette entre le bois funeste et les deux familles impliquées dans la tragédie. L’animal déconcerte les familles endeuillées à la manière du trickster tout en les menant vers l’apaisement et la réconciliation. Atemporel et mystérieux, il est une réplique du chien présent dans les analepses consacrées à la première LaRose de la famille, un trickster venu des profondeurs du temps et de la wilderness où s’est scellé autrefois le destin de la famille maternelle du jeune LaRose. Habité de visions, l’enfant voit ce chien en rêve et conseille à son père bouleversé : « Ask the dog » (LR 151).
La narration combine cette sagesse animale autochtone avec la tradition chrétienne de St François d’Assise prêchée par le prêtre de la réserve (LR 73), LaRose présentant lui-même des ressemblances frappantes avec le saint homme : « He was like that monk in the brown robe, Francis. The animals came to LaRose and laid themselves down at his feet. They were drawn to him, knowing they would be saved » (LR 137). Cette hybridité culturelle s’ajoute à celle du cerf qui combine références chrétiennes et autochtones puisqu’il est à la fois représentation christique et totem ojibwé. Métaphores de violence individuelle et nationale, chiens, cerf et corbeaux se font donc éducateurs, intermédiaires et signes de métissage alors que s’esquisse le « troisième espace d’énonciation » d’une littérature qui se joue des contraintes et conventions coloniales.
Habiles combinaisons de traditions, les récits métissés d’Erdrich luttent contre l’oubli d’une violence nationale et proposent des animaux médiateurs capables de renverser les situations et d’offrir un point de vue décalé qui bouscule l’histoire monolithique américaine fondée sur « l'homogénéité ethnique [et] culturelle »68. Ses romans mettent en scène tantôt des femmes qui se métamorphosent en animaux, tantôt des animaux bavards comme des humains, tricksters inspirés de la tradition autochtone mais résolument insérés dans le contemporain et qui ont adopté le rire initialement « propre de l’homme »69. Leur rire dit cette capacité d’adaptation humaine qui permet la survie70, il apaise et rassemble, tout en combattant les stéréotypes71. Ces êtres hybrides et subversifs mettent clairement en scène « la disposition au rire comme une force positive, qui peut même avoir force cognitive »72, ainsi que le développe Eco et, combinant le meilleur de l’indianité et de la modernité, le récit de leurs aventures complexes construit une littérature du métissage qui assure la « survivance » amérindienne en accordant une voix à la marge73 et en composant « l’histoire des vaincus »74 au moyen de la langue du colonisateur :
English […] bears the creative literature of crossblood writers in the cities. The characters dance as tricksters, a stature that would unite tribal memories. The language of tribal novelists and poets could be a literary ghost dance, a literature of liberation that enlivens tribal survivance.75
La fiction d’Erdrich et son traitement spécifique des animaux s’inscrit dans un schéma postcolonial où l’utilisation de la langue du colonisateur et de ses genres littéraires canoniques (celui du roman dans ce cas) n’est nullement un signe de reddition minoritaire mais un processus d’« abrogation » et d’« appropriation »76 au sein d’un « troisième espace d’énonciation » fertile et novateur qui donne forme à une expression narrative hybride, telle que définie dans The Post-Colonial Reader : « the creation of new transcultural forms within the contact zone produced by colonization »77. « Émissaire de l’entre-deux »78, Erdrich célèbre une hybridité sociale, culturelle et narrative qui entre en écho avec l'identité rhizomique évoquée par Deleuze et Guattari puis reprise par Glissant, « une identité mosaïque, ouverte par la relation au ‘Tout-Monde’ dont le projet de culture composite ne renvoie pas à l'idée moderne de totalité mais au principe postmoderne de diversalité»79. Cette similitude avec, entre autres, l'écriture de la créolité place l'écriture d'Erdrich dans un plus vaste contexte postcolonial et postmoderne où le métissage régit non seulement les influences culturelles mais aussi les procédés et codes narratifs et impulse une nouvelle vitalité à la littérature contemporaine.
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1 Voir en particulier J. F. Cooper, The Last of the Mohicans.
2 D. H. Thomas, « Thomas Jefferson's Conflicted Legacy. », 106.
3 En 1983, Kenneth Lincoln forgea l'expression « Native American Renaissance » dans son ouvrage du même nom, expression qui désignait la production littéraire amérindienne qui fit suite au succès de Momaday en 1968 avec House Made of Dawn.
4 G. Deleuze, Critique et clinique, 73.
5 Erdrich reconnaît que sa mère avait perdu leur langue autochtone comme langue quotidienne lors de ses études en pensionnat et qu’elle-même a dû la réapprendre, voir E. Bouzonviller, Louise Erdrich : métissage et écriture, histoires d'Amérique, 16-17, 243-244.
6 Les termes « chippewa », « ojibwa » et « anishinaabe » sont des variantes correspondant aux mêmes populations, le dernier étant celui utilisé originellement et non celui attribué arbitrairement par le gouvernement.
7 G. Vizenor, « American Indian Literature: Critical Metaphors of the Ghost Dance », 69.
8 Voir G. C. Spivak, « Can the Subaltern Speak? ».
9 M. Chénetier, Au-delà du soupçon, 221.
10 C. Lévi-Strauss, « Preface», The Raven Steals the Light, 10.
11 L. Erdrich, The Round House.
12 L. Erdrich, The Antelope Wife.
13 Cette troisième édition a vu une modification de titre qui ne remet pas en question notre réflexion sur les liens entre humains et animaux puisque le roman est devenu Antelope Woman, Erdrich justifiant la modification dans un propos liminaire : « My antelope woman never was a wife, never married her kidnapper, but changed everyone around her with her powerful longing. », L. Erdrich, « A Note from Louise Erdrich », Antelope Woman.
14 Dans la première version, le chapitre 6 intitulé « The Girl and the Deer Husband » (53) relate l’histoire de cette union entre espèces humaine et animale, dans les autres versions, le chapitre 9 reprend ce récit sous le titre « The Deer Husband » (127).
15 L. Erdrich, Tracks.
16 L. Erdrich, Four Souls.
17 L. Erdrich, The Bingo Palace.
18 N. J. Peterson, « Indi'n Humor and Trickster Justice in The Bingo Palace », 168-169.
19 Bonnevin qualifie Fleur de trickster capable de s'adapter à un monde en évolution et de susciter des remises en question chez ceux qui la côtoient, J. Bonnevin, « From Tracks to Four Souls by Louise Erdrich: Fleur Pillager's Loss and Recovery of her Land and Heritage », 175, 178.
20 I. Ferguson, « How to Be as Funny as an Indian », 124.
21 B. Moyers, « Louise Erdrich and Michael Dorris », 144.
22 Ibid.
23 C-G. Jung, C. Kerénvi et P. Radin, Le Fripon divin: un mythe indien.
24 Lévi-Strauss a initialement utilisé le terme anglais trickster puis l'a traduit par « décepteur » dans Le Cru et le cuit. Voir H. Curat, Lévi-Strauss mot à mot : Essai d'idiographie linguistique, 52.
25 P. Radin, The Trickster: A Study in American Indian Mythology, X.
26 Ibid.
27 G. Vizenor, Narrative Chance: Postmodern Discourse on Native American Indian Literatures, 9.
28 Ibid., 9-10.
29 M. Hirch, « Subversive Humour: Canadian Native Playwrights’ Winning Weapon of Resistance », 108.
30 Ibid.
31 Voir B. Rigal-Cellard, Le Mythe et la plume, 328-331.
32 G. Vizenor, Narrative Chance, 187.
33 Voir, par exemple, Gerald Vizenor, Thomas King ou Tomson Highway.
34 H. Bhabha, The Location of Culture, 37.
35 On se souviendra qu’avant l’introduction du cheval en Amérique par les Espagnols, certains Autochtones nomades utilisaient des chiens comme bêtes de somme lors de leurs déplacements.
36 P. Auster, Timbuktu.
37 « Do not », « Don’t », « Avoid » (AW 2012, 2016 180-181).
38 Le pays des Sioux ou Dakotas.
39 La première version du roman offre quelques variantes minimes de ce passage (AW 2001 75).
40 Nommé « Wenabojo » dans la première version du roman (AW 2001 81).
41 Voir https://www.anish inaabemdaa.com/#/about/nanabozho-animoshak/Nanabozho%20&%20Animoshak.
42 L. Erdrich, The Last Report on the Miracles at Little No Horse, 189-191, 303-313.
43 Dans la première version du roman, Deanna, la jumelle de Cally, meurt lors du suicide raté de leur père. Dans les deux autres versions, les deux fillettes sont malades puis sauvées grâce à « Almost Soup », du moins selon ses dires.
44 Dans la première version, il s’agit des chapitres 12 et 20 (AW 2001 126-129, 223-225).
45 Dans les deux dernières versions, Erdrich a légèrement modifié l’orthographe de son « Windigo Dog » initial (AW 2001 126) en « Wiindigoo Dog » (AW 2012, 2016 245), sans doute par souci d’exactitude linguistique, une des préoccupations de ses rééditions. Le nom de ce chien indique son essence mythique puisque chez les Anishinaabeg un « windigo » est un monstre associé aux famines en périodes hivernales, voir P. G. Beidler et G. Barton, A Reader’s Guide to the Novels of Louise Erdrich, 395.
46 La première version de ce passage présente quelques différences minimes de vocabulaire et d’orthographe des termes en ojibwemowin ainsi que le choix du prétérit au lieu du présent (AW 2001 126).
47 Le present perfect est employé ici dans les dernières versions (AW 2012, 2016 245).
48 « [D]irty dog joke[s] » (AW 2001 127 ; AW 2012, 2016 246).
49 D. H. Taylor, « Whacking the Indigenous Funny Bone », 69.
50 « Il n’y a pas de comique en dehors de ce qui est proprement humain. […] On rira d’un animal, mais parce que l’on aura surpris chez lui une attitude d’homme ou une expression humaine. », H. Bergson, Le Rire, 16.
51 K. Fagan, « Teasing, Tolerating, Teaching: Laughter and Community in Native Literature », 26.
52 H. Bergson, Le Rire, 17.
53 Voir supra.
54 L. Marx, The Machine in the Garden: Technology and the Pastoral Ideal in America.
55 La première version propose un passage similaire au prétérit (AW 2001 225).
56 Voir supra.
57 Voir K. M. Blaeser, « Trickster: A Compendium », 294, 297-298.
58 L. Erdrich, « Where I Ought to Be: A Writer's Sense of Place », 48.
59 L. Hutcheon, A Poetics of Postmodernism: History, Theory, Fiction, 57.
60 G. Vizenor, Narrative Chance, X.
61 Dans son étude du postmodernisme chez Vizenor, Feith conclut : « Cette alliance inattendue du pré- et du post- moderne trouve sa justification dans la fonction du trickster au sein des cultures tribales (par exemple Naanabozho chez les Chippewa) : héros culturel et instance subversive, il est à la fois celui qui affirme les valeurs du groupe et celui qui remet en question toute logique du tiers exclu.», M. Feith, « Du comique bâtard : théorie et pratique du postmodernisme tribal dans les écrits de Gerald Vizenor », 20.
62 M. Atwood. « A Double-Bladed Knife: Subversive Laughter in Two Stories by Thomas King », 244.
63 J. Meeker, The Comedy of Survival: Studies in Literary Ecology, 192.
64 G. Vizenor, Narrative Chance, 14.
65 L. Erdrich, The Master Butchers Singing Club.
66 Au début du dix-neuvième siècle, la « Vénus Hottentote », originaire de l’actuelle Afrique du sud, fut exhibée en Europe comme bête de foire pour son anatomie surprenante.
67 Voir R. Girard, La Violence et le sacré et Le Bouc émissaire.
68 E. Marienstras, Les Mythes fondateurs de la nation américaine, 277.
69 Voir F. Rabelais, « Aux Lecteurs », Gargantua.
70 « When a people can laugh at themselves and laugh at others and hold all aspects of life together without letting anybody drive them to extremes, then it seems to me that that people can survive. », V. Deloria, Custer Died for your Sins, 168.
71 « […] the image of the granite-faced grunting redskin has been perpetuated by American mythology. », ibid., 148.
72 U. Eco, Le Nom de la rose, 477.
73 Voir G. C. Spivak, « Can the Subaltern Speak » et H. K. Bhabha, « The location of Culture ».
74 L. Hutcheon, The Politics of Postmodernism, 66.
75 G. Vizenor, « American Indian Literature: Critical Metaphors of the Ghost Dance », 69.
76 Voir B. Ashcroft, G. Griffiths et H. Tiffin, Post-Colonial Studies: The Key Concepts, 3-4.
77 B. Ashcroft, G. Griffiths et H. Tiffin, The Post-Colonial Reader, 118.
78 Voir K. Bacon, « An Emissary of the Between-World ».
79 M. Gontard, Écrire la crise. L'esthétique postmoderne, 64.