Le « Catfish Man » de Jerome Charyn : parcours d’une voix idiote

Michaëla Cogan

Université de Franche-Comté

  1. The Catfish Man, A Conjured Life (1980) est le premier roman ouvertement autofictionnel de Jerome Charyn : il y introduit un narrateur qui porte le même nom que lui, et on y trouve l'essentiel de ses biographèmes, tels sa naissance en 1937 dans l'enclave juive du Bronx, les personnages de ses parents et de son frère aîné, les études à Columbia. Sorte d'autoportrait de l'auteur en jeune homme, le récit prend l'apparence d'un roman de formation retraçant le parcours d'un narrateur qui, au fil des épreuves et des rencontres, va peu à peu sortir de l'enfance puis de l'adolescence et trouver sa voie et sa voix. Charyn joue donc avec sa propre identité, qu'il romance et fictionnalise dans ce bildungsroman loufoque et truculent. Il met notamment en scène un jeune Jerome qui s'identifie obstinément au poisson‑chat du titre, animal qui a peuplé la rivière et l'imaginaire de son enfance. Cet animal‑poubelle aux allures préhistoriques, répugnant et méprisé mais extrêmement résistant, lui sert de mentor, voire de totem, dans une errance picaresque et initiatique au terme de laquelle il se déclare écrivain. En se replongeant dans la vase de la rivière Bronx et dans un Bronx en cendres, entièrement détruit par le feu en 1974, Jerome comprend qu'à l'instar de Proust, il lui incombe de recomposer, par l'écriture, les éléments épars d'un monde perdu, celui de son enfance. S'ouvrant sur la boue de la rivière du Bronx, le roman se clôt sur une épiphanie : le travail de l'écriture semble avoir dissous cette même boue après lui avoir donné la forme d'un homme nouveau, pour laisser place à un ruisseau limpide, résultat lumineux de ce modelage autofictionnel.

  2. Le récit, censé faire le portrait d'une voix en construction, s'établit sur une contradiction, puisque dès les premières pages, le narrateur déclare son idiotie en se désignant comme « [d]umb Jerome » (2), c'est-à-dire comme à la fois mutique et retardé. Cette voix impossible va néanmoins s'affirmer comme une voix littéraire à mesure que le narrateur revient sur son propre passé d'idiot (« my own dumb past », 74) et finit par écrire les premières lignes du livre que l'on tient entre les mains, devenant ainsi un scribe (« Jerome the Scrivener », 309), un Bartleby qui aurait découvert et développé sa voix.

  3. La présente analyse propose de suivre le parcours improbable de cette voix, en commençant par le constat initial de son absence dans un contexte social et familial qui est marqué par le trauma et la perte de langage. Cette idiotie fonctionnelle, plus que congénitale, va pousser Jerome à sortir de l'enclave où il est né pour découvrir le langage sous toutes ses formes, et s'initier aux idiolectes de personnages singuliers dont il emprunte, dans un premier temps, la voix en se faisant passeur de leur histoire. Ce faisant, il travaille à l'émergence de sa propre voix, un idiome gagné de haute lutte, qu'il façonne à partir de son matériau personnel et familial.

La voix empêchée

  1. La figure paradoxale de l’écrivain-idiot permet d'interroger les raisons de l'existence du langage et de son absence. En effet, l'acte d'écrire permet l'analyse a posteriori de l'état d'idiotie et semble marquer la sortie définitive de cet état. Rendu conscient par l'écriture, celui qui était idiot peut cheminer dans le sens inverse, retourner à la source afin de comprendre les raisons pour lesquelles sa voix était au départ impossible, afin d'identifier l’origine de son état, de son extrême difficulté à trouver sa voix. Dans ce roman, l'absence de langage est avant tout une perte occasionnée par un choc traumatique, choc qui se transmet à travers les générations et qui a donc fait des Charyn une famille d' « idiots ». Ceci s'explique par leurs origines socio-culturelles, leur appartenance à un groupe social singulier, celui de ces juifs de l’Europe de l’Est ayant fui leur pays au début du siècle dernier et qui se sont installés dans le Bronx new-yorkais. Isolés dans leur « enclave » (le terme revient comme un leitmotiv dans la bouche de Charyn), réduits à une grande pauvreté et surtout coupés d’un monde nouveau qu’ils ne comprennent pas, littéralement comme figurativement. Ils deviennent « idiots », muets et marginalisés, à l’image de Jerome enfant et surtout de son père, Sam, qui nous est présenté comme l’idiot prototypique dont le mal est l’effet direct de sa situation d’immigré arraché trop tôt à sa famille et à sa culture et incapable de trouver sa voix (sauf timidement et imparfaitement, on le verra, au moyen de son violon).

  2. Jerome apparaît comme un fils d’immigrés très critique sur son milieu. À ses yeux, les autres enfants du Bronx sont stupides (« profoundly dumb », 2 ; « dummies », 3), tandis que leurs parents sont abrutis par le travail, littéralement transformés en bêtes de somme (« mule », 3 ; « workhorse », 2). Il perçoit la communauté juive polonaise dont il fait partie comme une enclave isolée du reste du monde (« this enclave of Poles », « isolated from the rest of the world », 2). Cette enclave symbolise la fracture, certes géographique entre ce lieu délimité d’une part par la Bronx River et de l’autre par Crotona Park, au-delà desquels commencent les quartiers plus cotés du West Bronx et de Parkchester, mais avant tout sociale, car les habitants de Crotona Park sont massivement illettrés et considérés par la société comme incapables d'accéder à la culture ou au savoir (« too dumb to learn », 120). Jerome, qui a grandi dans ce milieu, se qualifie lui‑même, par extension, d’« imbécile » issu du Bronx  (« Bronx imbecile », 108), quoiqu'il soit pour sa part conscient de son ignorance et par là-même se démarque de son environnement.

  3. Ce lieu natal apparaît comme un territoire sans structure, chaotique, primitif. En l’absence de toute structure éducative, puisque ni la famille ni l'école ne remplissent cette fonction, ce sont la rivière et ses poissons qui assurent la formation de Jerome : « I was […] raised near a shallow creek ; my mentor was the catfish » (235). Dénué d’un centre qui pourrait servir de point d’ancrage, le Bronx est un terrain anarchique qui empêche la stabilité : « It’s a landscape without a center point, or a locus that you can cling to » (121). Privé de valeurs, de modèles auxquels s’accrocher (« cling »), le narrateur ne peut que se développer de façon lacunaire (« I cursed my own spotty education », 260), ce que signifie métaphoriquement le motif de la boue. Tout le roman est dominé par la boue, d'abord celle de la rivière Bronx et des poissons‑chats qu'elle abrite (« its mud[…] mudbank […] yellow mud […] muddy »,1), puis celle, noire (« black mud », 199), du bayou de Louisiane et enfin la boue sèche du Bronx désormais détruit par le feu (« the mud turned gray », 239). Jerome apprend à évoluer dans cette matière informe et indéterminée et il est, à l'instar du poisson‑chat, rompu à l'art de ramper dans cet élément visqueux (« [I was] a mudcrawler »,156), c'est-à-dire capable de progresser dans un univers opaque où bien et mal se confondent : « I was [...] a catfish with a tail that could flick in any direction. That tail went from good to evil with the slightest turn » (185). Même après avoir quitté le Bronx, ce dernier continue de le hanter sous la forme d'un lieu inaccessible car perdu. Profondément cachés au cœur du Bronx, (« in the heart of the heart of some distant country called the Bronx », 235), les résidus ou mémoires de ses années d'enfance représentent pour Charyn ce que Sophie Vallas appelle « ces années littéralement pré-historiques, antérieures à tout langage écrit, à toute capacité à organiser le monde […] en un récit construit » (Vallas 141).

  4. Les habitants de cette enclave n'évoluent pas dans une société ordonnée, et le Bronx abrite ainsi une multitude de hors-la-loi, comme autant de plantes bizarres : « The Bronx breeds murderers like a series of twisted plants, one more grotesque than the other » (121). Cette prolifération (« breed ») d’êtres déformés décrit l’histoire des immigrants arrivés en masse sur le sol américain. Sur ce sol qui n’est pas propice au développement, leur croissance ne peut qu’être interrompue, entravée. C’est cette « blessure culturelle » (« crazy cultural wound ») que Charyn évoque dans son ouvrage sur l’histoire de New York, Metropolis. Cette blessure, qui a toutes les caractéristiques d’un trauma, affecte les émigrants pour qui le rêve américain a eu un effet inverse à celui attendu, un effet aliénant et marginalisant. Charyn donne une forme, celle de la chrysalide, à cet état traumatique qui pousse les individus à se refermer sur eux-mêmes : « the madness suffered in almost every family, like some chrysalis that absorbed the pain surrounding itself, took the pain inside and fell silent » (Metropolis 36). Il souligne ainsi le lien entre l’immigration, le silence et la folie, entendue ici comme étrangeté et aliénation radicale au monde, et donc comme une forme extrême de l’idiotie. L’enclave et la chrysalide apparaissent ainsi comme deux motifs qui renforcent celui du Bronx comme ghetto, comme île, mais aussi, pour reprendre l’analyse de Sophie Vallas dans La Possibilité d'une île: la mythologie du Bronx, archipel enchanté, comme lieu où sévit une pathologie locale singulière, appelée « Bronx disease ». Cette « maladie du Bronx » est de façon exacerbée, paradigmatique, celle du père de Jerome, archétype de cette communauté d’immigrants.

  5. En Sam Charyn, le père de Jerome, se rejoignent en effet deux caractéristiques du trauma : le mutisme, en premier lieu, puisqu’il refuse de parler (« My father wouldn’t talk », 283), que ce soit dans sa langue d’origine, le polonais, ou en anglais, langue qui lui reste étrangère ; la paralysie, ensuite, non pas physique mais émotionnelle : Sam semble en effet figé dans un deuil qui remonte à son enfance polonaise interrompue par un départ mouvementé pour les États-Unis. Ces deux traits réunis en font un individu atteint d’une hébétude post‑traumatique que Charyn décrit à travers l’expression « shellshocked space » (18), expression toujours utilisée aujourd’hui dans les cas de psychose de guerre. Jerome décrypte tardivement le passé de son père, en s’appuyant sur les bribes que sa mère lui raconte. Atteint d’une conjonctivite qui empêchait à l’époque toute immigration, Sam, à quatorze ans, a été abandonné par ses parents au moment de leur embarquement pour l’Amérique, avec un violon pour seule compagnie, ne les rejoignant que neuf mois plus tard : « He scratched on his fiddle for nine months and the pinkeye went away. […] But I don’t think he ever recovered from that abandonment of nine months. He existed in some shellshocked space after that » (18). Cette expérience traumatique de la séparation d’avec les parents semble avoir fixé sa psyché dans l’enfance, et le violon, sorte d’« étrange objet presque transitionnel » (Vallas 48) ne le quittera plus. Cette fixation dans l’enfance se signale aussi par son attachement pour les ours en peluche, qu’il fabrique et qu’il garde maladivement autour de lui. Il n’est donc pas surprenant que Sam, père sans voix et sans structure, soit incapable de donner une voix à son fils, de structurer sa psyché. Pour subvenir aux besoins de sa famille, Sam tente en vain de faire commerce de peluches de sa fabrication, et les invendus continuent longtemps de hanter la maison familiale et d’en asphyxier ses membres (« the teddy bears began to shed […] It became impossible to breathe », 27), rappelant sans cesse sa faillite. L’insistance du leitmotiv des ours en peluche dit donc métaphoriquement l’échec du père à être père. On comprend que ce père qui n’en est pas un, faute d’avoir pu grandir et réussir, est également inapte à la fonction paternelle qui est de donner une structure et un langage à son enfant. Il apparaît donc lui-même comme idiot et engendre, apparemment en tout cas et pour un temps, un « idiot », ou du moins quelqu’un qui se perçoit comme tel.

  6. Comme son père qui n'a jamais conduit (« My father never learned to steer », 191), Jerome se déplace sans permis, et surtout à pied. Cette incapacité à s’orienter ou à manœuvrer (« steer ») est de toute évidence symptomatique de sa difficulté à donner une direction à sa vie. Perçu comme un vagabond (« drifte[r] »,191), il entre dans une forme d’errance, enchaînant sans fin les étapes d’un récit picaresque et rebondissant, qui n’est pas sans rappeler l’itinéraire de l’ivrogne incurable dont Clément Rosset fait l’éloge dans son Traité de l’idiotie, une errance dans laquelle il n’y aurait plus « de chemins à perdre ni de chemins à retrouver » (Rosset 11). Ce manque de direction qui, selon Rosset, fonde l’idiot, propulse  Jerome dans la marginalité : « I was something to be shunned » (303) ; « I didn't have a single friend » (53) ; « I was odd man out » (224). Privé d’un père qui remplirait sa fonction, le fils ne peut pas non plus, dans un premier temps, grandir et sortir de l’enfance : Jerome se fait d'ailleurs appeler « Baby » (2) jusqu’à plus de dix ans et se dit encore nourrisson à quatorze ans (« an infant at fourteen », 235). Il est effectivement retenu au-delà de la normale dans la petite enfance, du fait de sa réticence à s’exprimer, ce que vient souligner l’étymologie in-fans, littéralement celui qui ne parle pas. À l’école, on menace de le retenir dans les petites classes : « I was unable to keep up […]. My teachers threatened to hold me in first grade forever » (2). Il peine à sortir du retard, du blocage et de la lenteur, symptômes que Michel Foucault, dans Le pouvoir psychiatrique, attribue à l'enfant idiot (Foucault 204).

  7. Jerome, au gré des rencontres, trouve d'autres modèles qui se substituent à la figure paternelle. Le Commandant Shirl, surnommé « Old Man », est son protecteur à l'Académie Navale où Jerome est devenu élève-officier, et incarne la loi et un sens de la direction. Jerome, qui porte désormais l'uniforme et s'est donc symboliquement assimilé à cette institution, le rencontre une nuit d'orage, et lui avoue ses velléités d'écriture :

I shoved across the campus in my old midshipman's coat [...] It must have been during a storm. The visibility was rotten. [...] A man came out of the storm. His coat seemed darker than mine. I couldn't get around him. It was Commander Shirl. The sleet pounded on his back. He had ice in the rims of his commander's hat.

It was instinct and a fear of storms that made me salute Commander Shirl. [...]

‟Charyn, how do you survive?”[...]

‟I'm an author, sir.” (80)

  1. Le sombre manteau militaire du commandant et le rebord glacé de son chapeau renforcent le caractère fantomatique de cette scène aux tonalités shakespeariennes à peine dissimulées : l’orage rappelle celui qui sert de toile de fond à la rencontre entre Hamlet et le fantôme de son père, référence intertextuelle qui traverse The Catfish Man. Tout dans la posture de Shirl tend vers l'ordre imposé par la loi, depuis sa sombre figure verticale qui fait écran au reste du monde jusqu'aux attributs de la puissance, ici le chapeau et l'uniforme. Toutefois, Shirl aura la fonction émancipatrice de ce guide que Sam n'a jamais eue, car il va encourager l'écrivain en devenir à prendre le large et à poursuivre son écriture à la Nouvelle Orléans, une ville diamétralement opposée à New York mais qui va, pour un temps, servir de double à la ville des origines. Jerome y publiera ses premiers textes sous son nom et construira un embryon de famille. Il deviendra alors son propre père, et aussi une sorte de patriarche sui generis (« I was the paterfamilias of my own lost tribe », 304).

  2. Pour échapper au monde sans structure et sans langage de son père, Jerome s'emploie donc à recréer une structure et un langage et ainsi dépasser le trauma dont il a hérité. Il souhaite donner une voix à ceux qui n'en ont pas, en premier lieu à son père : « I'd inherited my father's muteness : the very act of writing is only a mute's revenge on a talkative world » (Metropolis 31). Se tenant à mi‑chemin entre mutisme et loquacité, Jerome devient l'intermédiaire (« I was the in-between man », 308) qui rend la parole à tous les muets, c'est-à-dire à toutes les créatures souffrantes et sans langage qui peuplent son univers bigarré. Charyn évoque régulièrement ce thème dans ses entretiens : « What I'm trying to do is make the unspeakable speak [...] To find a voice for those who have no voice » (Conversations 127). Pour cela, il faut d'abord pénétrer l'univers singulier de ces êtres sans voix et s'en imprégner pour le comprendre : « the inability to master language is often a language in itself. These are the people who move me, people who cannot speak. [...] [R]eally language is about no language » (Conversations 127). L’écrivain, le passeur de la voix, serait ainsi apte à faire d’une non‑langue un langage intelligible pour tous.

Premiers pas vers la voix : les idiolectes d’emprunts

  1. Cherchant d'abord à développer ses propres capacités, Jerome se forme à diverses disciplines comme la géométrie, la musculation, le dessin, le ping-pong, les échecs. Chacune se caractérise par des outils spécifiques qu'il apprend à manier – le compas, les haltères (« dumbbells », 6), la raquette de tennis de table, le pinceau et les pièces de l’échiquier – qui sont comme autant de variantes sur l’instrument d’origine, celui du père, le fiddle apporté d’Europe de l’Est. Jerome, en effet, se rend finalement compte qu'il ne pourra réellement s'émanciper que s'il arrive à transformer la non‑langue de son père en langage et pour cela, transcrire la partition musicale lancinante en un manuscrit libérateur. L’héritage du père prend en effet la forme d'une musique grinçante jouée au violon : « I heard a scratching sound from my father’s room [...] the fiddling stopped », 241). Cette musique représente le seul langage, dissonant et douloureux, transmis du père au fils, et il semble imprégner tout ce que Jerome entreprend. Le texte lui aussi construit un réseau autour des deux termes utilisés pour renvoyer au violon de Sam, « fiddle » et « scratch ». Ces deux termes, polysémiques en eux-mêmes, ne cessent d'être décontextualisés, transformés en mots‑valise pour désigner des activités autres que la musique : « fiddle » devient tour à tour synonyme d'un apprentissage artistique (« learning how to fiddle with oil paint at Music and Art »,19), du jeu d'échecs (« his fiddling shattered the little king », 262) ou d'une identité tragique (« the other fiddler… Hamlet he’s called », 262), tandis que « scratch » prend un sens géométrique (« I could scratch out a circle », 44), onomatopéique (« He heard nothing but scratch, scratch, scratch », 287), érotique (« kiss and scratch was the language we understood », 302) ou physique (« He scratched John on the head », 69). En tressant ces deux termes au fil des pages, le texte assure une forme de continuité entre la voix musicale du père et la voix textuelle du fils.

  2. Cependant, pour réellement naître à sa voix d'écrivain, Jerome doit s'affranchir de la voix paternelle et de ses effets mortifères et destructeurs (« a fiddle that murders its own song », 312). Une nuit, le violon se brise entre ses mains, la voix du père vole en éclats, et celle du fils, grâce à cette mue, peut enfin naître : « I wrote a first sentence and scratched it out. Tell your story, Jerome. [...] I wrote, scratched out, and wrote again. [...] The heck with it. I'd catch my story by the tail and wouldn't let go. » (308). De l'archet au stylo, la voix sort par bribes, comme un bégaiement qui essaierait de dire. « Trying to say », c'est la voix de Benjy qui résonne encore dans le texte de Charyn, qui a toujours cité Faulkner comme une influence décisive et qui voit dans Benjy un double de son propre père : « Benjy had my father's grammar. It was the same thick wail that had less to do with English than with the accordion of the human heart » (Dryfonski 179). L'écrivain s'imprègne de ce chant épais, opaque, indéchiffrable, et en extrait une nouvelle forme de langage, expression verbale mais fidèle à cette musique sans grammaire, permettant ainsi à son père d'émerger de son silence solipsiste et de s'offrir, par le biais des écrits de son fils, à la lecture par un autre que lui.  

  3. Toujours animé par le désir de décrypter les êtres sans langage pour leur donner ensuite une voix, Jerome s'attelle à la tâche d'écrire la vie de Paul Morphy, personnage historique nimbé d'une fascinante légende et qu'il place dans son panthéon personnel de grands personnages au destin tragique (« the sad fate of geniuses like Melville, Hamlet and Paul Morphy », 269). Le contraste entre les années glorieuses de ce prodige des échecs et sa régression brutale dans l'isolement et la folie confère une aura mythique à cette figure digne d'un récit haut en couleurs. Jerome met des mots sur la « musique » particulière du jeune Morphy (« You can feel music come out of the boy », 87) puis remanie, en le déconstruisant, le mythe qui entoure son déclin, sa fin de vie sordide et sa mort grotesque par congestion cérébrale. Il cherche à rendre visible, audible, la voix cachée (« Morphy’s hidden song », 96) de cet homme fragile et étrange qui, renonçant aux échecs pour retourner à une vie normale, est resté frustré dans son ambition et n'a plus pu s'exprimer au travers de sa passion. La voix publique qui se mettait en scène lors de tournois flamboyants s’est faite privée, se retirant dans les confins d’un crâne qui en devient « bouillonnant », si bien qu’on se demande si ce n’est pas la claustration, le refoulement de cette voix qui sera en fait fatale au champion déchu : « It’s a cry of pain, if you ask me. In that boiling head of his, Morphy is declaring his own impossible state » (96). Morphy est considéré comme fou car ses propos sont devenus incohérents et répétitifs. Cette voix mise hors d'état de fonctionner représente la contradiction qui le paralyse : sa voix, autrefois géniale, est soudain devenue impossible, avortée, idiote. La ritournelle qu'il ressasse est en effet le signe de son enfermement dans un espace psychologique clos et hermétique au monde extérieur. La trajectoire de Morphy et celle de Jerome sont inversées, et la chute de l'un est le point de départ de l'autre lorsque Jerome décide de se faire le barde de ce génie des échecs. Ce faisant, il révèle non seulement la voix de Morphy au monde, mais inscrit la sienne, en filigrane, dans son récit : « Thinking of myself, I wrote his sad story. [...] [H]e ends up hiding in a closet, just like me » (312).

  4. Nourri des idiolectes qu'il a puisés dans les univers singuliers de Sam et Paul Morphy, entre autres, Jerome affirme son style d'écriture et se met à parler en son propre nom. Ceci est l'aboutissement de tout un parcours : il cherche d'abord à faire écrire un autre que lui lorsqu'il demande à un camarade de passer ses examens à sa place, puis écrit sous une multiplicité de noms de plume pour son premier éditeur, Uncle Bob : « I became Roger Bissenwick for uncle Bob. […] I was also Clarence Minor, Walter Tuck, and Garse Wood. I was Wilfred Glass, […] Eddie Heath, […] and Byron France » (65). En outre, il n'est pas vraiment un écrivain tant qu'il écrit, pour Bob, ces histoires de pirates piochées dans une encyclopédie, autrement dit purement artificielles, empruntées, et qui surtout n’ont rien à voir avec lui, avec sa propre histoire ; son identité d'auteur reste dispersée, fragmentée dans ces faux noms et ces ersatz d'histoires.

  5. Toutefois, il trouve enfin sa véritable voix d'écrivain, et signe sous son vrai nom, quand il se met à écrire l’histoire de sa famille, de ses parents et de lui-même, dans des textes qu'il nomme des véritables « Jerome Charyns » (209), et qui sont des autofictions où il tisse invention et autobiographie. Ce sont certes à ses yeux de modestes écrits, de simples histoires, mais ils ont néanmoins l'avantage d'être personnels, singuliers, idiosyncratiques : « I was a common scrivener, with stories that snaked out of my guts » (291). Ce récit qui émane de l'intérieur, littéralement de la profondeur de ses entrailles, est idios au sens de propre, particulier, et lui permet entre autres de se déclarer comme individu privé, distinct de toutes les figures, historiques et autres, qui l'ont inspiré : « No, I wasn't Jeff Davis, defeated man of the South. I was Catfish Jerome » (313). Il peut, à son tour, faire entendre sa voix, quand bien même elle serait défectueuse : « [I am] the one who sings » (102) ; « [I am] the [one] who ha[s] a burr on his tongue that [is] the mark of a story-teller » (262). L'anomalie ou la tare qui caractérise sa voix tout en la déformant (« burr ») l'isole et le distingue à la fois. Comme Johnny, le fils idiot du poème de William Wordsworth, Jerome prend plaisir à émettre le bruit qu'il est le seul à pouvoir produire : « Burr, burr – now Johnny's lips they burr […] And Johnny makes the noise he loves » (Wordsworth, « The Idiot Boy »). En réponse à l'accent reconnaissable, probablement polonais, de son père, Jerome a développé ses propres intonations, dont il tire une grande félicité.

Voix autofictionnelles

  1. Comme le poisson-chat qui prospère dans la boue, Jerome comprend qu’il a besoin de s’accrocher éperdument à ce qui le constitue – le passé, le Bronx, la rivière sale et vaseuse dans laquelle il est né – et il trouve enfin un but à son entreprise, ce qui lui donne un sens : « the catfish's vulnerable spot, that need to never, never let go. Clutch the past, and twist it into time future » (305). Jerome s’approprie les anecdotes de sa mère Fannie (qui raconte à sa façon une histoire familiale bancale, lacunaire mais pleine d'humour) pour les transformer en une substance fictionnelle : « I’d taken my mother’s stories and spun them into myths » (276). Il conçoit donc l’écriture à la lumière des vestiges, des restes, pour immortaliser le passé, certes, et surtout pour lui donner une seconde vie, fictive cette fois. Par cette reconstruction, il se donne naissance à lui-même en tant qu’écrivain : « It was À la Recherche du Temps Perdu, featuring Crotona Park South. My ‟madeleineˮ was my mother's bananas and prunes. » (309). Marcel Proust est érigé comme modèle en sa qualité de géant de l'anamnèse, mais Jerome souligne surtout l’importance de trouver sa propre « madeleine » ou son poisson‑chat, c’est-à-dire une manière singulière de se relier à son passé. Il fait usage des aspects les plus divers de son substrat personnel comme autant de déclencheurs de souvenirs : « I'd chew the birthday candles, pages of Dostoevsky, my mother's sandwiches, Lillian's nipples, my father's violin » (272). Jerome, à l’instar du poisson-chat détritivore, avale littéralement les rebuts de son passé, ces souvenirs maternels, érotiques, littéraires, pour les régurgiter ensuite, après rumination, sous la forme de mots.

  2. Ce processus d'absorption se fait dans un espace clos qui sert de lieu de création. Abandonné de tous dans l'hôtel désaffecté qui servait de foyer à la tribu Charyn, Jerome se retrouve seul et passe le plus clair de son temps dans un réduit. C'est dans ce lieu aux connotations matricielles qu'il va recréer son histoire mais surtout inventer son propre langage. Dans son isolement, il devient orphelin de père et de mère, mais fort de sa capacité à manier la langue : « Orphans write the best sentences » (311). Ces phrases, écrites dans une langue qui n'est pas maternelle et qu'il a créée de toutes pièces, sont l'aboutissement de son évolution et marquent sa sortie de l'état d'idiotie. Cette sortie est à prendre au sens propre, puisqu'il quitte littéralement son réduit : « I rolled the lead up into the bowels of the pencil to keep it safe, put my notebook aside, and came out of the closet » (308).

  3. Jerome a trouvé un but, transformer le passé en futur grâce au pouvoir de la narration, et un moyen, l'écriture. Cependant, c'est par la perte, celle de son enfance et du Bronx, qu'il découvre finalement la matière de son récit. Lorsque le Bronx disparaît, il devient aux yeux de Charyn un trou béant, « [a] hole that was once the umbilicus of an entire enclave » (298). Le terme de « trou » est certes topographique, en référence au relief du Bronx, mais il convoque surtout le manque qui le constitue, d'abord comme lieu déshérité, puis comme lieu perdu, lieu en creux (« a hollow of dead clay », 286). C'est ce lieu qu'il s'agit de remodeler, par les mots, pour s'en libérer. Le Bronx, lieu autrefois sans structure ni centre, est à présent une béance qui sert de point central à l'élaboration d'une fiction. La fiction ne provient‑elle pas, dans les mots de Marc Chénetier (par ailleurs traducteur principal de Charyn), du latin « Fingere, fictum : le geste du potier qui nous dit la fiction ; faire s’élever la sensualité de la glaise alentour d’un trou vide » (Chénetier 111). Ce lieu absent reflète aussi l'identité de Jerome, le mystère qui le fonde mais lui échappe et qu'il n'a de cesse d'élucider. Revenir sur le Bronx est pour lui une manière de construire son identité : « I was still that savage from Crotona Park, a golem who'd been building my own feet of clay » (Metropolis 15). Sorte de colosse aux pieds d'argile, Jerome cherche à prendre appui sur ce qu'il ne comprend pas et qui le fragilise : ses origines de « sauvage » qui ont fait de lui un golem, cette créature mythique du folklore ashkénaze pétrie d'argile et dotée d'une force monumentale, mais dépourvue de voix. Charyn modifie le mythe et fait du golem, traditionnellement assujetti à la volonté de celui qui l'a modelé et qui lui a insufflé la vie, un affranchi qui est devenu maître de lui-même et qui, on le devine, a gagné son droit à la parole.

  4. Cette émancipation se fait par un processus actif, voire combatif, pendant lequel Jerome s'extirpe des limitations qui sont les siennes pour aboutir à une forme de libération. Lors d'un tournoi de ping-pong, il affronte son ancien partenaire de jeu qui, entre temps, est devenu champion du monde. Jerome ne fait visiblement pas le poids face à cet adversaire jeune et entraîné, et les spectateurs le raillent. Invoquant le poisson‑chat, il entre finalement dans le jeu : « I still had the catfish in my blood. [...] I had to relearn the game in two minutes. [...] I'd get my rhythm back » (286). Le monologue interne qui suit les pensées et les coups de raquette de Jerome devient plus saccadé, aussi rythmé que le jeu lui-même :

That sickly noise improved. [...] Suddenly I was the kid who danced. I didn't have those springy thighs. Forty and gray, I gasped between shots. But he couldn't keep up with my catfish music. [...] All those years of frustration, madhouses and prison cells [...] took me by the elbow and gave me a formidable grip [...] I scored on Paul. [...] And then he loses to gray Jerome. (287)

  1. Le bruit que Jerome, essoufflé, émet en jouant (« sickly noise » ; « gasped »), devient une pulsation, un rythme (« rhythm »), puis une danse et enfin une musique qui lui permet de reprendre l'avantage puis de remporter la victoire. S'émerveillant devant la puissance de cette « musique » capable de renverser l'ordre établi, Jerome, pour la première fois, n'est plus le fils d'immigré vulnérable, américain malgré lui et contraint de rester dans la marge. Il s'ancre dans ce territoire adoptif, l'Amérique, où il occupe désormais une place de choix : « It’s a wild country, this America, where you’re an idiot in the morning and a demonic mastermind by the end of the afternoon » (258). C'est du moins le fantasme qu'il nourrit en s'installant enfin à son bureau pour écrire, mettant fin à son errance physique pour faire étape : « So I was the little rabbi in a writing closet, retelling his life. Jerome the Scrivener had come to roost » (309). C'est à lui de sculpter les formes dans l'argile de son passé, à lui de modeler, à sa guise puisque la fiction permet tous les masques, les corps et les destins de ses personnages. Modulant ses histoires à l'envi, il renverse joyeusement les scènes sordides tirées du passé de son père pour en faire des success stories : il remanie par exemple le topos du pogrom d'Europe de l'Est en faisant gagner les juifs qui retournent l'assaut à leur avantage. Mais ce retournement ne fait que mieux souligner la ligne sous-jacente de l'histoire : le jeune Sam, qui projette d'abord d'embarquer pour Pékin afin d'y faire fortune en jouant du violon, renonce à son voyage après avoir assisté à l'horreur du massacre et échoue donc dans son rêve. L'histoire apparemment optimiste, contée sur un ton badin, ne fait pourtant que rejouer, en l'expliquant, le trauma du père et la perte de sa voix. Mais le fils, au moins, a trouvé la sienne, et continue d'utiliser ses pouvoirs d'écrivain en pétrissant sa propre histoire. Cette dernière, dont on comprend qu'elle est le manuscrit en cours de réalisation entre les mains de Jerome, se clôt sur une scène finale à laquelle il choisit de donner les plus belles couleurs. Véritable happy ending, que Charyn prend soin de souvent inclure en fin de récits par ailleurs mouvementés (Conversations 83), le dernier paragraphe certifie la réussite de l'écrivain Jerome, qui sort vainqueur de sa lutte acharnée et accède à un statut amélioré :

Light broke through the windows, shimmered on the Mississippi's walls. I tickled wife and daughter with the beard. And it wasn't a myth. I have my own creek that runs along seven rooms. The mud is gone, the beautiful yellow mud. No bullfrogs and tin cans. But there are two lady catfish. And whatever the cost, we'll have our delight. A Polish boy and his family. In a creek of seven rooms with sun on the walls. (313)

  1. Jerome est comme illuminé de sa nouvelle trouvaille – l’avènement de sa propre musique et d’une famille à lui. L'espace qu'il s'est ménagé dans le monde, sa propre petite rivière limpide qui contraste fort avec les boues de la rivière Bronx, est comme suspendu entre la réalité et la fiction. L'espace réel se trouve coloré par un imaginaire magique, puisque l'eau se met à couler dans les pièces de l'hôtel Mississipi. Et ce n'est pas un mythe... Cette mise en scène fantasmée permet la rencontre entre le monde extérieur, partagé et factuel, et le monde intérieur subjectif, c'est-à-dire entre koinos kosmos et idios kosmos, pour reprendre la distinction héraclitéenne. Jerome a trouvé un endroit où il peut enfin vivre en harmonie avec lui-même et avec les autres, un lieu où son propre langage poétique a fini, ne serait-ce qu’un instant, par se matérialiser dans le monde.

Conclusion

  1. L’idiot du départ, celui qui n’a pas de langage et qui vit dans un monde déstructuré, acculturé, est celui qui est forcé de n’exister qu’en lui-même et qui est incapable de s'ex-primer, de sortir de soi par l'intermédiaire du langage. L’enclave et la chrysalide sont à l’image de cet état, le Bronx en est le lieu symbolique, et le père et son fils les incarnations. La scène finale qui voit les jeux de lumière pénétrer par la fenêtre en marque la sortie, dès lors que, par vitres interposées, la relation avec l’extérieur, l’autre, le double, est devenue possible. À mesure que le narrateur découvre l’existence du langage, sous toutes ses formes, il devient sensible à certains idiolectes, particulièrement ceux de créatures sans langage, souffrantes, tels celui de son père et d’autres, qu’il va à son tour déchiffrer et mettre en forme pour le lecteur, donnant ainsi une voix à ceux qui n’en ont pas. Il devient ainsi le médiateur d’idiolectes et de destins incompréhensibles pour le vaste monde, le passeur de voix idiotes. Ce faisant, il travaille à l’émergence de sa propre voix, comme si ces étapes apparemment sans logique étaient autant de préliminaires indispensables à sa propre formation, à son auto-engendrement. À partir de son vécu, du matériau hérité et de personnages fictifs, il crée un véritable roman familial qui devient son propre livre, l’histoire de sa vie.

  2. Devenu « Catfish Jerome » (313), c'est-à-dire le « Catfish Man » du titre, le narrateur prend des allures de super-héros sorti tout droit des comics d'après-guerre dont Charyn raffolait enfant. Petit frère faillible de Ironman, Batman et Superman, Jerome ne rend ni la justice ni ne rétablit l'ordre. Certes résistant, obstiné et coriace, il trébuche et balbutie aussi, se ridiculise même, et tient peut-être plus des acteurs de foire, ces carnies d'avant-guerre que Charyn évoque à la fin de Catfish et dont les noms de scène se déclinent sur le même principe : Jungle Man, Wild Man. Comme eux, il exagère, déforme et remodèle son image à sa guise. Son récit d'initiation s'infléchit volontiers vers la parodie : si en effet Jerome trouve une place dans le monde, il s'agit toutefois d'un placard dans un hôtel désaffecté ; il est entouré des siens, mais sa famille est invraisemblable (Fannie est seulement une de ses nombreuses maîtresses) et leurs retrouvailles bien fragiles. À la fin du roman, le lecteur doute fort des capacités du narrateur, qui a déjà plus de quarante ans, à s'établir dans la normalité : « [H]ow come my family dissolved so soon? Did I hasten its end? [...] A monster in the house named Jerome Charyn » (312). Jerome a vieilli mais n'est pas guéri de son étrangeté qui semble d'ailleurs incurable : le monstre qui est en lui, cette créature hybride qui a surgi de sa mythologie personnelle, n'est pas voué à grandir, ni à sortir de la maison qu'est sa psyché, puisqu'il constitue son être propre. À l'image du texte, qui contient son commencement dans ses dernières pages, l'écrivain adulte garde en mémoire sa genèse d'enfant idiot. S'il se consacre au travail de la fiction, c'est parce qu'elle seule a le pouvoir de faire se rejoindre les deux extrêmes de ce parcours qui apparaissent comme les deux faces réversibles de l'auteur. Le texte fait alors émerger la nécessaire figure du « man-boy », présente chez Charyn dès le premier recueil de nouvelles, The Man Who Grew Younger (1963) et qui est une fusion de l'enfant précoce et de l'adulte retardé. La dysfonction de la croissance naturelle, ici accélérée, suspendue ou inversée, diffère à jamais l'arrivée à maturité, ce qui permet à la fiction de se déployer largement dans le présent toujours réinventé du mythe.  

     

Ouvrages cités

Charyn, Jerome. The Man Who Grew Younger and Other Stories. Harper and Row: New York, 1963.

Charyn, Jerome. Catfish Man. Arbor House: New York, 1980.

Charyn, Jerome. Metropolis: New York as Myth, Marketplace and Magical Land. New York: Putnam, 1986.

Chénetier, Marc.  La Perte de l'Amérique : archéologie d'un amour. Paris : Belin, 2000.

Dryfonski, Dedria, ed. ‟Jerome Charyn”. Contemporary Authors Autobiography Series, Vol. I, Detroit: Gale Research Company, 1984. 177-184.

Foucault, Michel. Le Pouvoir psychiatrique : cours au Collège de France. « Leçon du 16 janvier 1974 ». Paris : Seuil, 2003. 109-231.

Rosset, Clément. Le Réel : traité de l'idiotie. Paris : Éditions de Minuit, 2004.

Vallas, Sophie. « La Possibilité d'une île : la mythologie du Bronx, archipel enchanté, dans trois textes autobiographiques de Jerome Charyn ». Anglophonia: French Journal of English Studies. Vol. 25 (2009) : 75-85.

Vallas, Sophie. Jerome Charyn et les siens : autofictions. Aix-en-Provence : Presses Universitaires de Provence, 2013.

Vallas, Sophie, ed. Conversations with Jerome Charyn. Jackson: University Press of Mississippi, 2014.

Wordsworth, William. ‟The Idiot Boy”. Lyrical Ballads. London: Routledge, 2005.