L’idiotie du Père Brown de G. K. Chesterton

myriam Ardoin

Université d’Aix-Marseille

  1. G.K. Chesterton (1874-1936) débute sa carrière en 1900 comme critique littéraire puis comme journaliste au Daily News, fondé par Charles Dickens pour lequel il nourrit une grande admiration et auquel il consacre une monographie en 1906, Charles Dickens : A Critical Study. Si Chesterton écrit à l’aube du vingtième siècle, il s’inscrit en réalité dans la continuité des auteurs du dix-neuvième siècle qui l’ont profondément influencé, notamment grâce à son père qui l’a nourri de   littérature anglaise depuis l’enfance1.

  2. Très vite, Chesterton devient également lui-même écrivain, d’abord en s’essayant à la poésie, puis à la dystopie avec The Napoleon of Notting Hill (1904) ou plus tard, The Flying Inn (1914), mais aussi au genre du récit de détection, avec The Club of Queer Trades (1905), qui s’inspire des aventures de Sherlock Holmes de Conan Doyle. Au fur et à mesure qu’il se rapproche de l’Église catholique2, Chesterton se lie d'amitié avec le Père O’Connor qui lui inspire le personnage du Père Brown, un prêtre-détective, qui apparaît dans pas moins de cinquante et une de ses nouvelles et contribue à la notoriété de son auteur déjà connu pour ses essais de critique littéraire. La première série de douze nouvelles, The Innocence of Father Brown, est publiée en 1911. Suivront quatre autres recueils : The Wisdom of Father Brown (1914), The Incredulity of Father Brown (1926), The Secret of Father Brown (1927) et enfin The Scandal of Father Brown (1935) 3.

  3. Avec le Père Brown, Chesterton crée un détective peu commun, en rupture avec la tradition instaurée au XIXe siècle, notamment par Edgar Allan Poe et Conan Doyle. En effet, contrairement aux autres détectives de fiction, Brown ne fait pas de cette activité son occupation principale : il est aussi, et d’abord, prêtre4. En outre, c’est un personnage simple, au physique insignifiant et au comportement parfois maladroit, qui ne correspond pas vraiment au modèle du détective qui s’impose alors dans la fiction britannique, notamment avec la figure de Sherlock Holmes, et que Denis Porter, dans The Pursuit of Crime, décrit en ces termes : « the gentlemanly amateur of genius is the most distinctive heroic type of British detective fiction » 5. De fait, à première vue, Brown n’a rien d’un gentleman ni d’un génie, mais apparaît plutôt comme un naïf, un simple d’esprit, voire un idiot (l’adjectif lui est effectivement attribué) qui, pourtant, surprend tout le monde à la fin de chaque nouvelle en résolvant les énigmes les plus complexes.

  4. Si l’idiot est souvent considéré comme celui qui manque d’intelligence, ne possède pas toutes les facultés de la raison, il semble inapproprié de se cantonner à cette définition pour analyser la figure du Père Brown. Comme le rappelle Clément Rosset, dans Le Réel : traité de l’idiotie, l’étymologie grecque du terme, idiotès, renvoie d’abord à ce qui est simple, singulier, sens à partir duquel la langue française a tiré le mot d’idiosyncrasie :

Idiotès, idiot, signifie simple, particulier, unique ; puis, par une extension sémantique dont la signification philosophique est de grande portée, personne dénuée d’intelligence, être dépourvu de raison. Toute chose, toute personne sont ainsi idiotes dès lors qu’elles n’existent qu’en elles-mêmes, c’est-à-dire sont incapables d’apparaître autrement que là où elles sont et telles qu’elles sont : incapables donc, et en premier lieu, de se refléter, d’apparaître dans le double du miroir.6

  1. Selon Rosset, une chose idiote est une chose isolée, qui ne parvient pas à entrer en relation avec d’autres choses pour créer un réseau de sens : une chose en quelque sorte absurde. De même, l’idiot est celui qui ne parvient à entrer en relation avec l’autre et qui, même dans « le double du miroir », reste seul, sans même percevoir un autre à l’intérieur de lui-même. L’idiot est singulier avant tout parce qu’il est seul, marginalisé. Le Père Brown, presque toujours accompagné du bandit repenti Flambeau, n’est pas exactement seul, pas plus qu'il n'est marginalisé. Pourtant, certaines de ses attitudes ou de ses paroles apparaissent d’abord comme idiotes, irrationnelles voire absurdes aux yeux de certains personnages, avant de faire sens lors de l’explication finale de l’énigme criminelle.

  2. Derrière la question du détective idiot se cache aussi la question de la relation du Père Brown au savoir. En effet, les titres des différents recueils renvoient à ce rapport complexe du prêtre-détective à la connaissance. Dans le premier, Brown y est présenté comme « innocent », c’est-à-dire marqué par une forme de naïveté, voire d’ignorance, bien que, nous le verrons, l’innocence peut aussi être comprise comme une forme de sainteté, un statut qui oppose le détective aux criminels qu’il débusque. Cette innocence semble être contredite par la « sagesse » qui lui est attribuée dans le second recueil : loin d’être idiot, le Père Brown est en fait un sage. L’incrédulité et le secret (troisième et quatrième recueils) posent également, certes de façon différente, la question du savoir et de la vérité en interrogeant la distinction entre connaissance et croyance, savoir et superstition, ou en mettant en scène un savoir dissimulé (le secret). De façon peut-être plus subtile, The Scandal of Father Brown conserve cette problématique puisque la première nouvelle met en scène le Père Brown comme objet de scandale suite à la révélation d’une rumeur, c’est-à-dire d'un savoir erroné et détourné.

  3. Si l’idiotie, comprise comme une pathologie mentale, apparaît comme une absence de relation au savoir acquis par la raison, elle semble être aussi une relation brisée au monde. Pourtant, que l’idiotie soit comprise comme une déficience mentale ou comme une incapacité à entrer en relation avec d’autres, il est possible de considérer que l’idiot a, en réalité, une façon singulière d’être au monde et de percevoir le monde. Ainsi, à travers la figure du détective idiot qu’est le Père Brown, Chesterton nous invite à reconsidérer la notion d’idiotie, d’une part en ne se limitant pas à son acception médicale et, d’autre part en suggérant que le véritable idiot n’est pas toujours celui que l’on croit.

  4. Cet article se propose d’explorer le rapport au monde du Père Brown, c’est-à-dire la perception qu’il en a et l’interprétation qu’il en donne pour en tirer un sens, une vérité. Pour ce faire, nous analyserons, dans un premier temps, sa caractérisation en détective idiot, figure double, avant de voir, dans un second temps, que l’idiotie du prêtre-détective est en réalité la manifestation d’une intelligence humble, une façon de penser les choses et le monde autrement.

De l’innocence idiote à la sagesse singulière du Père Brown

  1. Le lecteur découvre le Père Brown dans « The Blue Cross », première nouvelle de The Innocence of Father Brown. Il n'est pas présenté d'emblée comme un détective, mais décrit du point de vue de l’inspecteur français Valentin, venu traquer le grand bandit Flambeau jusqu’à Londres, alors que ce dernier s’apprête à dérober une précieuse relique qui est, semble-t-il, imprudemment transportée par le Père Brown. C’est ainsi que le prêtre-détective apparaît pour la première fois à Valentin, provoquant chez lui une forme de pitié :

The little priest was so much the essence of those Eastern flats; he had a face as round and dull as a Norfolk dumpling; he had eyes as empty as the North Sea; he had several brown paper parcels, which he was quite incapable of collecting. […] Valentin was a sceptic in the severe style of France, and could have no love for priests. But he could have pity for them, and this one might have provoked pity in anybody. He had a large, shabby umbrella, which constantly fell on the floor. He did not seem to know which was the right end of his return ticket. He explained with a moon-calf simplicity to everybody in the carriage that he had to be careful, because he had something made of real silver “with blue stones” in one of his brown-paper parcels.7

  1. Aux yeux de l’inspecteur Valentin, le Père Brown apparaît comme un personnage étourdi, simplet (« with a moon-calf simplicity ») et dépourvu de bon sens, puisqu’il révèle ce que contiennent les paquets qu’il transporte, attitude imprudente pour l’inspecteur qui sait que le bandit Flambeau rôde. Cette naïveté vaut au Père Brown, de manière récurrente au cours des nouvelles, d'être affublé de qualificatifs tels que « simpleton », « idiot » ou encore « idiotic », notamment lorsque le narrateur se fait le relais de la voix des personnages qui le rencontrent pour la première fois. En outre, la comparaison peu flatteuse avec les boulettes du Norfolk le range dans la catégorie de l’individu rural, mal dégrossi, aux capacités intellectuelles limitées, comme semble le penser l’inspecteur Valentin, à travers la voix du narrateur.

  2. Une fois arrivée à Londres, Valentin prend Brown en filature, soupçonnant que le prêtre va croiser la route de Flambeau qui lui volera alors la précieuse relique. L’inspecteur s’aperçoit que Brown est accompagné d’un autre prêtre et constate que chaque lieu par lequel passent les deux hommes en soutanes a été sujet à des incidents tous plus absurdes les uns que les autres. En effet, le Père Brown fait tout pour marquer ostensiblement son passage : il jette de la soupe sur le mur d’un café, renverse l’étal de pommes d’un épicier et casse la vitrine d’un restaurant. Ces événements qui n’ont aucun sens pour Valentin lui apparaissent comme idiots, au sens d'« absurdes », et vont jusqu’à lui faire se demander s’il ne court pas après des êtres complètement irrationnels, voire atteints de démence : « Are we after escaped lunatics? » (FB, 11). En réalité, ces actes ne sont idiots que pour Valentin qui n’en comprend pas le sens, car ces actes sont isolés et ne semblent entrer dans aucune suite logique. Pour Brown, il s’agit de stratagèmes destinés à tester l’honnêteté de l’homme qui l’accompagne et qu’il soupçonne d'être Flambeau (ce qui est bien le cas). Si l’intéressé ne réagit pas à ces incidents, c’est qu’il ne souhaite pas faire de vagues pour ne pas être remarqué et qu’il a donc quelque chose à cacher. Flambeau lui-même ne comprend pas le sens des actes de Brown, d’où sa surprise à la fin de la nouvelle. Il reconnaît ne pas avoir un seul instant soupçonné combien le Père Brown, sous ses dehors naïfs, était en fait rusé : « I don’t believe a bumpkin like you could manage all that » (FB, 17). Tout comme Valentin, Flambeau avait pris le prêtre pour un « péquenaud » dénué d’intelligence (« a bumpkin »), un idiot en somme, et il se retrouve pris au piège par un détective amateur qui s’avère particulièrement perspicace.

  3. Cette dualité entre la première image idiote que le prêtre-détective peut renvoyer et l’intelligence dont il fait preuve pour résoudre les énigmes criminelles se retrouve dans son regard, abondamment décrit par le narrateur car, manifestement, c’est ce qui frappe les autres personnages lorsqu’ils croisent le chemin du Père Brown. La première description qui nous en est faite est celle d’un regard « aussi vide que la mer du Nord » (voir plus haut, « he had eyes as empy as the North sea »). Ce regard vide semble lui donner un air hébété et en même temps, la comparaison avec la mer du Nord suggère une ouverture et une profondeur qui semblent contradictoires à la première impression donnée. À plusieurs reprises, dans les différents recueils, le narrateur insiste à la fois sur le vide et l’ouverture attachés à ce regard : « “But the ropes?” inquired the priest, whose eyes had remained open with a rather vacant admiration. » (FB, 185) « Father Brown was gazing into vacancy with his large grey eyes […]. (FB, 474) Dans ces deux exemples choisis parmi bien d’autres, le même mot (« vacancy », « vacant ») revient pour désigner un regard qui semble perdu, ne regardant que le vide. Pourtant, à chaque fois, l’expression est contrebalancée par une ouverture (« open », « large ») qui suggère que le regard du Père Brown est comme une fenêtre ouverte sur un esprit clairvoyant. D’ailleurs, le meurtrier de la nouvelle « The Wrong Shape » (The Innocence of Father Brown) reconnaît cette profondeur de vue chez le prêtre-détective, son regard pénétrant qui l’a démasqué : « damn your eyes, which are very penetrating ones » (FB, 104).

  4. Si dans ces moments-là Brown ne semble regarder que le vide et être isolé du réel qui l’entoure, comme incapable de saisir le sens des événements, en réalité, tout se passe à l’intérieur de son esprit : il pense. Il analyse les événements et observe sans avoir l’air d’observer. Cette attitude caractéristique de Brown n’est cependant pas surprenante pour un prêtre, censé nourrir une vie spirituelle et intérieure. Ces moments d’absence où il semble s’extraire du monde sensible donnent même un caractère mystique au personnage. Or le mysticisme est précisément pour Chesterton un gage de santé mentale :

Mysticism keeps men sane. […] The ordinary man has always been sane because the ordinary man has always been a mystic. […] His spiritual sight is stereoscopic, like his physical sight: he sees two different pictures at once and yet sees all the better for that.8

  1. Le mysticisme de l’homme ordinaire le préserve non seulement de la déraison mais lui permet aussi de ne pas rester idiot face à des choses qui seraient idiotes parce qu'isolées de tout réseau de sens. Le caractère mystique de la pensée du Père Brown est ce qui lui donne une profondeur de vue et lui permet de voir double, c’est-à-dire de voir à la fois les choses telles qu’elles apparaissent mais aussi telles qu’elles sont, au-delà des apparences (« two different pictures at once »). Non seulement Brown voit les choses dans leur dualité, mais plus encore, il a une « vision stéréoscopique », c'est-à-dire qu’il est capable de fusionner deux images pour en produire une troisième qui lui permet de mieux percevoir le monde et de mieux en saisir le sens.

  2. Sur ce point, Chesterton s’oppose radicalement à Nietzsche qui qualifie Jésus d’idiot, dans L’Antechrist, précisément en raison de son mysticisme et de son intériorité, et en réaction à Renan qui en avait fait un « héros » et un « génie » :

Toute notre conception de l’ « esprit », conception née de la culture, n’a aucune signification dans le monde où vit Jésus. Pour parler avec toute la sévérité d’un physiologiste, c’est un tout autre mot qui conviendrait ici : le mot « idiot ».

  1. Ce monde, poursuit Nietzsche, est « un monde qui ne touche plus à aucune espèce de réalité, un monde qui n’est plus qu’ « intérieur », un monde « vrai’ » un monde « éternel »9. Pour lui, Jésus est un « idiot » parce qu’il trouve son bonheur dans son intériorité et demande aux autres de le trouver dans la leur10. Pour Chesterton, en réalité, c’est Nietzsche qui est idiot : « If Nietzsche had not ended in imbecility, Nietzscheism would end in imbecility. Thinking in isolation and with pride ends in being an idiot. »11 Ce jugement apparaît dans Orthodoxy (1908), essai dans lequel Chesterton explique les raisons pour lesquelles il a reconnu dans le christianisme la source de toute vérité sur le monde. La référence à Nietzsche intervient dans un développement sur ce que Chesterton appelle la « pensée moderne ». Chesterton reproche à cette pensée moderne d’avoir érigé la raison en absolu, de l’avoir isolée, ce qui conduit selon lui à une forme de déraison. C’est ce qu’il entend par « thinking in isolation » : une forme de pensée qui se replie sur elle-même, sur la seule raison pure. Chesterton qualifie ici la déraison qui en résulte d’idiotie, d’imbécillité. Plus loin dans Orthodoxy, dans un chapitre intitulé « The Maniac », Chesterton va même jusqu’à parler de folie, redéfinissant ainsi le terme : « The madman is not the man who has lost his reason. The madman is the man who has lost everything except his reason » (O, 222). Idiotie, déraison, folie : pour Chesterton, ces notions désignent la conséquence d’un isolement de la raison pure et logique qui exclut toute autre forme de pensée pour parvenir à un savoir vrai.

  2. Le Père Brown, détective mystique, n’est évidemment pas idiot au sens entendu ci-dessus, mais sa manière de penser est singulière, en d’autres termes, idiosyncratique. C’est pourquoi, avant qu’il ne rende explicite son raisonnement à l’issue de chaque énigme, il est d'ordinaire mal compris par les autres personnages qui ne cessent de sur-interpréter son discours. Le prêtre-détective fait état de cette incompréhension linguistique à plusieurs reprises, et notamment dans « The Quick One » (The Scandal of Father Brown). Dans cette nouvelle, un pasteur anglican est retrouvé mort dans le bar d’un hôtel au petit matin après avoir pris un verre avec un ami. L’enquête révèle qu’un autre homme est rentré puis ressorti rapidement de l’hôtel. C’est cet homme que Brown veut à tout prix retrouver, non parce qu’il est le coupable comme tout le monde le pense, mais parce que c’est un témoin clé dans l’affaire. Ce décalage entre ce que les autres personnages ont compris de la requête de Brown et ce que le prêtre a voulu dire en est un exemple significatif :

[I]t’s always happening; and really, I don’t know why. I always try to say what I mean. But everybody else means such a lot by what I say. […] I say things, but everybody seems to know they mean more than they say. [...] You seem to be all certain this man is a murderer. But I never said he was a murderer. I said he was the man we wanted. He is. I want him very much. I want him frightfully. I want him as the one thing we haven’t got in the whole of this horrible case – a witness! (FB, 685-686)

  1. Contrairement à son entourage, le prêtre fait un usage littéral du langage. Les autres personnages sont victimes de l’illusion décrite par Clément Rosset dans Le Réel et son double12 dans la mesure où ils cherchent systématiquement à dédoubler le réel en l’interprétant comme cela les arrange, ce qui revient à ignorer l’évidence. Leurs conclusions hâtives les mènent systématiquement à l’erreur.

  2. La singularité du Père Brown n’est pas que linguistique. Il semble parfois ne pas être à sa place et apparaît comme un intrus, comme dans cette scène de la nouvelle « The Invisible Man » (The Innocence of Father Brown) où il assiste, dans le bureau de Flambeau, à l’exposé d’une énigme par un autre personnage :

Flambeau […] received him in a rococo artistic den behind his office, of which the ornaments were sabres, harquebuses, Eastern curiosities, flasks of Italian wine, savage cooking-pots, a plumy Persian cat, and a small dusty-looking Roman Catholic priest, who looked particularly out of place. (FB, 72)

  1. Le fait que Brown soit ici placé sur le même plan syntaxique que les objets qui décorent la pièce donne non seulement une dimension comique au passage, mais rend d’autant plus saillante la présence discordante du prêtre au milieu d’éléments déjà très hétéroclites. Dans ce décor, le Père Brown est incompréhensible, absurde. Il se retrouve dans une situation où il est idiot parce qu’il est déconnecté d’un réseau de sens. Brown n’est pourtant pas condamné à ce type de situation et ces dissonances avec son entourage qui lui donnent un air idiot se dissipent rapidement pour laisser apparaître une intelligence hors du commun.

  2. Ainsi, c’est presque toujours lorsque l’image d’idiot qu’il renvoie atteint son paroxysme que se révèle son ingéniosité. Le narrateur fait notamment ce constat dans « The Actor and the Alibi » (The Secret of Father Brown) : « [Father Brown] always did look most idiotic at the instant when he was most intelligent » (FB, 583, nous soulignons). Cette formule résume bien la complexité du prêtre-détective dont l’apparence niaise coïncide avec la manifestation de son génie. « [T]o Chesterton innocence is the beginning of wisdom », écrit Joseph Pearce, dans Wisdom and Innocence: A Life of G.K. Chesterton13. C’est justement dans le même recueil, dans la première nouvelle éponyme, « The Secret of Father Brown », que le prêtre dévoile sa méthode particulière, inédite dans la tradition des détectives de fiction du dix-neuvième siècle, comme le fait remarquer Mr Chase, un ami de Flambeau curieux d’en savoir plus sur les méthodes du Père Brown :

We are well acquainted […] with the alleged achievements of Dupin and others; and with those of Lecocq, Sherlock Holmes, Nicolas Carter, and other imaginative incarnations of the craft. But we observe there is in many ways, a marked difference between your own method of approach and that of these other thinkers, whether fictitious or actual. (FB, 519)

  1. Cette méthode singulière consiste pour Brown à devenir lui-même le criminel, à penser comme lui, à se laisser mouvoir par ses gestes, jusqu’à ce qu’il identifie le véritable coupable. Brown précise qu’il ne s’agit pas d’une métaphore, de simplement « se mettre à la place de » mais de devenir le criminel : « I mean that I thought and thought about how a man might come to be like that, until I realized that I really was like that, in everything except actual final consent to the action » (FB, 521). Le Père Brown convoque sa raison mais aussi son imagination (le verbe « thought » recouvre ici les deux sens) pour prendre conscience qu’il est lui-même un criminel en puissance. C’est grâce à cette forme de fusion consubstantielle entre le criminel et le prêtre-détective, dans la mesure où ils sont tous les deux, dans leur humanité, marqués par le péché et donc capables du mal, que Brown parvient à démasquer tous les criminels des affaires qui lui sont présentées. La méthode d’investigation du Père Brown repose finalement sur un acte d’humilité dans lequel le prêtre s’abaisse à la condition de criminel.

  2. L’apparence du Père Brown qui peut, pour un temps, lui donner l’air d’un benêt aux paroles et aux actions qui semblent parfois absurdes, témoigne en réalité d’une intelligence singulière. Son innocence n’est pas une forme de naïveté ou d’ignorance, pas plus qu’elle n’est la manifestation d’une sainteté sans péché. Son innocence, et en même temps sa sagesse, pour reprendre les titres des deux premiers recueils des Father Brown Stories, résident dans son humilité. Oui, le Père Brown est simple d’esprit car c’est un homme humble, à l’intelligence simple. Son idiotie est en réalité une idiosyncrasie, c’est-à-dire une façon unique d’appréhender le réel, en rupture avec le modèle traditionnel du détective de fiction.

L’idiotie ou l’intelligence humble

  1. L’humilité du Père Brown fait de lui l’antagoniste du « penseur moderne » critiqué par Chesterton dans Orthodoxy. En effet, le penseur moderne met tout son orgueil dans la seule raison : souvenons-nous du jugement de Chesterton à propos de Nietzsche. « Thinking in isolation and with pride ends in being an idiot » (199). Paradoxalement, selon Chesterton, la pensée moderne a fait de la raison un tel absolu qu’elle en est venue à douter de sa capacité même à penser : c’est le scepticisme, c’est-à-dire, pour Chesterton, une façon de mettre son humilité au mauvais endroit, non pas dans ses actions, mais dans sa capacité à raisonner. Ce doute paralysant finit par provoquer ce qu’il appelle le « suicide de la pensée » (O, 233). Lui défend, au contraire, une pensée sûre de ses capacités mais humble au sens où elle laisse place à différentes façons d’appréhender le réel : la raison, mais aussi l’imagination, l’intuition ou le bon sens.

  2. Le Père Brown, quant à lui, se garde bien de tout orgueil, de toute remarque sentencieuse et préfère passer pour un idiot que d’en être véritablement un. Il se moque bien de savoir ce que les autres pensent de lui, comme en témoigne sa réaction, ou plutôt son absence de réaction, au cours de cette scène tirée de « The Chief Mourner of Marne » lorsqu’on lui raconte ce qui est arrivé au marquis de Marne :

Father Brown neither knew nor cared that his attitude were comic or commonplace. He continued to sit on the floor, where his large head and short legs made him look very like a baby playing with toys. But there came into his great grey eyes a certain expression that has been seen in the eyes of many men in many centuries through the story of nineteen hundred years; only the men were not generally sitting on the floors, but at council tables, or on the seats of chapters, or the thrones of bishops and cardinals; a far-off, watchful look, heavy with the humility of a charge too great for men. (FB, 636)

  1. Au milieu d’enfants, et jouant avec eux, le prêtre-détective retrouve l’innocence de l’enfance, ce qui ne manque pas de lui donner un air naïf et stupide qui, ajouté à son corps disproportionné (« his large head and short legs »), crée un effet comique. Pour Mallow, qui est venu lui soumettre une nouvelle énigme à résoudre, la scène est « incongrue » (« Mallow felt a faint sense of incongruity » FB, 635), mais cela n'empêche pas Mallow de raconter son histoire au prêtre auprès duquel il espère trouver de l’aide malgré les apparences. Il souhaite comprendre ce qui est arrivé au marquis de Marne qui a disparu depuis la mort de son frère, Maurice, et qui serait revenu dans son château. Lorsqu'il observe le prêtre-détective, Mallow s'aperçoit qu'il a eu raison de venir lui demander de l'aide : le regard grave et profond (« his great grey eyes ») du Père Brown révèle qu’il a compris l’ampleur du mal dans cette affaire et annonce une réflexion sur le pardon des péchés qui aura lieu à la fin de la nouvelle. En effet, la fin du passage (« a charge too great for men ») semble faire écho à la croix, symbole du poids du péché des hommes que le Christ a pris sur lui, et dresse ainsi un parallèle entre le prêtre et le Christ. D’un point de vue chrétien, cette attitude est la plus humble qui soit. Parce qu’il est prêtre, et donc représentant du Christ selon le dogme catholique, il partage avec lui ce joug, cette condition d’humilité, voire d’humiliation (on se moque de son attitude). Accepter d’avoir l’air idiot reviendrait donc à se laisser humilier, à la manière du Christ.

  2. L’humilité de la pensée du Père Brown tient, en réalité, surtout au fait qu’il n’érige pas la raison pure en absolu, mais laisse toute leur place à l’imagination et à l’émerveillement, c’est-à-dire à ce que Chesterton appelle la « philosophie des contes de fées » (« Ethics of Elfland » est le titre d’un des chapitres d’Orthodoxy) :

The things I believed most then, the things I believe most now, are the things called fairy tales. They seem to me the entirely reasonable things. […] Fairyland is nothing but the sunny country of common sense. […] I am concerned with a certain way of looking at life, which was created in me by the fairy tales, but has since been meekly ratified by the mere facts. (O, 252-3)

  1. Pour Chesterton, le monde des contes de fées n’est pas irrationnel mais opère une distinction que n’opère pas le monde réel (ce que déplore Chesterton). Il y a en effet, dans les contes de fées, deux types de science : la science des relations mentales, comme les mathématiques, et la science des phénomènes physiques, qui induit des lois à partir de répétitions. Pour Chesterton ces lois physiques ne relèvent, en fait, que d'un pari :

When we are asked why eggs turn to birds or fruits fall in autumn, we must answer exactly as the fairy godmother would answer if Cinderella asked her why mice turned to horses and her clothes fell from her at twelve o'clock. We must answer that it is magic. It is not a “law” for we do not understand its general formula. […] We do count on it; we bet on it. (O, 255-6)

  1. Pour Chesterton, chaque phénomène physique est comme un miracle (ou, dans le contexte du conte de fées, comme de la magie) : c'est une chose qui aurait pu ne pas être, mais qui est. Il cherche certes à comprendre ce que sont les choses et pourquoi elles sont, mais avant tout, il s’émerveille du fait qu’elles sont, tout simplement, comme le dit O'Donoghue :

That this or that is, that rather than what this or that is, is the question. This is the primal wonder of childhood, the wonder of being. […] To use a Chestertonism: he is not so much concerned with the reality of miracle as with the miracle of reality.14

  1. Or, c’est justement une attitude d’humilité qui ne cherche pas à imposer une logique à toute chose, ou à appliquer des lois déterministes à tout phénomène, qui lui permet de cultiver cette pensée joyeuse qui s’émerveille de ce qu’elle observe et découvre. En d’autres termes, Chesterton prône une éthique de l’humilité pour parvenir à une esthétique de l’émerveillement.

  2. Cet émerveillement face à la magie du réel est vécu aussi bien par Chesterton que par le Père Brown. La capacité à s’émerveiller est d’ordinaire attribuée aux enfants, et c’est pour cette raison que le prêtre-détective est souvent représenté en leur compagnie, car justement les enfants n’ont pas encore fait des lois physiques des absolus qui les privent de tout étonnement face au monde qui les entoure. Chesterton garde un souvenir nostalgique de cette période de sa vie, où le monde n'était pas une série de lois physiques mais un véritable miracle : « What was wonderful about childhood is that anything in it was a wonder. It was not merely a world full of miracles; it was a miraculous world » (A, 45). En conservant cette simplicité de l’enfance, alors qu’il fait officiellement partie du monde des adultes, le Père Brown suggère une autre façon de voir le monde, de le comprendre et de le penser.

  3. De fait, le prêtre-détective convoque son imagination pour résoudre les énigmes criminelles ; sa pensée se nourrit d’images qui lui permettent de voir la vérité, plutôt que d’y parvenir par le biais de la raison pure. C’est pourquoi l’on peut dire que la pensée de Brown est une « pensée visuelle », pour reprendre l’appellation attribuée par Christiane d’Haussy à Chesterton, dans La Vision du monde chez Chesterton (1981). Ainsi, toujours dans « The Chief Mourner of Marne », le narrateur nous donne accès à son intériorité, qui est celle d’un mystique :

[Father Brown] had the sort of mind that sees things in pictures; and the picture which had coloured even the prosaic mind of the practical soldier took on tints yet more significant and sinister in the more mystical mind of the priest. He saw the dark-red desolation of sand, the very hue of Aceldama, and the dead man lying in a dark heap, and the slayer, stooping as he ran, gesticulating with a glove in demented remorse, and always his imagination came back to the third thing that he could not yet fit into any human picture: the second of the slain man standing motionless and mysterious, like a dark statue on the edge of the sea. (FB, 642, nous soulignons)

  1. Pour donner un sens au troisième élément du mystère (« the third thing »), Brown semble revivre la scène afin de pouvoir en observer chaque détail et reconstituer le puzzle (voir l’utilisation du verbe « fit into »), pour faire en sorte que l’image soit complète afin que la vérité éclate. Les nouvelles du Père Brown donnent ainsi à voir un ensemble de paysages pittoresques, parfois oniriques, grâce aux nombreuses métaphores, comparaisons et images émanant de la pensée du prêtre et que Max Ribstein a recensées dans sa thèse, G.K. Chesterton : création romanesque et imagination (1981). Citons, par exemple, les dragons, animaux de contes de fées, qui surgissent à trois reprises, dans trois nouvelles différentes à travers des comparaisons. Dans « The Arrow of Heaven » (The Incredulity of Father Brown »), le narrateur décrit ainsi l’image mentale produite par le Père Brown lorsqu’il est embarqué en voiture, de façon abrupte, par deux hommes qui lui racontent l’histoire de la prochaine énigme à résoudre : « [Father Brown] felt about as bewildered as if a chariot drawn by dragons had carried him away into fairyland. » (FB, 380) Au début de cette nouvelle, Brown se laisse littéralement embarquer dans un nouvel univers magnifié par son imagination.

  2. En faisant le choix du Père Brown comme nouvelle figure de détective, Chesterton prend le parti de la simplicité et de l’homme ordinaire capable d’émerveillement15, face aux prouesses extraordinaires de la raison logique mobilisée par des détectives comme Sherlock Holmes ou Auguste Dupin. Pour lui, la simplicité doit même être le deuxième des trois grands principes qui régissent le récit de détection : « The second great principle is that the soul of detective fiction is not complexity but simplicity. The secret may appear complex, but it must be simple; and in this also it is a symbol of higher mysteries »16. Dès lors, qui de plus compétent qu’un détective simple et humble pour résoudre des énigmes qui, en réalité, sont simples ?

  3. Le recours à une figure de détective idiot, qui apparaît parfois comme un individu absurde dans son environnement, opère une réhabilitation des idiots présentés comme des personnes ayant simplement une façon singulière d’être au monde. Cette réhabilitation s’inscrit dans une tradition littéraire remontant à Shakespeare, et que Dostoïevski reprend au XIXème siècle, dans L’Idiot (1868-69), avec le prince Mychkine, idiot de naissance qui illumine le roman par sa générosité infinie et dont l'idiotie a, comme celle du Père Brown, une dimension religieuse. Cette dimension religieuse est évidemment essentielle ici dans la mesure où l’humilité est aussi une vertu chrétienne. Les textes bibliques, notamment ceux du Nouveau Testament, énoncent de nombreux paradoxes sur la folie et la sagesse qui renversent certaines façons de voir les choses. Ainsi, Saint Paul appelle à se méfier des sages qui croient maîtriser le monde par la raison :

Que personne ne s’y trompe si quelqu’un parmi vous pense être un sage à la manière d’ici-bas, qu’il devienne fou pour devenir sage. Car la sagesse de ce monde est folie devant Dieu. Il est écrit en effet : C’est lui qui prend les sages au piège de leur propre habileté. Il est écrit encore : Le Seigneur le sait : les raisonnements des sages n’ont aucune valeur !17

  1. Chesterton semble bien s’inscrire dans cette pensée chrétienne développée ici par Saint Paul qui met en garde ses lecteurs contre la raison comme seul moyen d’accéder à la connaissance, notamment la connaissance du divin. La folie dont parle Saint Paul n’est pas un déficit intellectuel ni une déficience mentale. La folie du monde selon Saint Paul est la même folie dont parle Chesterton dans Orthodoxy à propos de la pensée moderne, et qu’il qualifie aussi, parfois, d’idiotie. En revanche, la « bonne » folie, la folie chrétienne pour ainsi dire, est une pensée qui laisse une place aux miracles, à la foi, au mystère, et qui accepte de croire à ce qui est incompréhensible pour la seule raison humaine – en somme une pensée qui s’émerveille devant ce qu’elle ne comprend pas. À travers la figure du Père Brown, c’est cette pensée que Chesterton veut réhabiliter.

  2. Dans les nouvelles du Père Brown, Chesterton poursuit donc une réflexion littéraire ancienne sur la notion d’idiotie en renvoyant à son étymologie grecque, à savoir la simplicité et la singularité. Le prêtre-détective est à la fois singulier, puisqu’il ne ressemble pas au modèle institué du héros du genre auquel il appartient pourtant, et en même temps, il fait preuve d’une grande simplicité et humilité. Ce choix de caractérisation est cohérent dans la pensée de Chesterton qui ne cesse de défendre l’homme ordinaire, le seul véritablement capable de s’émerveiller devant les choses extraordinaires du monde et de rester, ainsi, humble – l’humilité étant pour Chesterton la plus grande des vertus :

In short, oddities only strike ordinary people. Oddities do not strike odd people. This is why ordinary people have a much more exciting time; while odd people are always complaining of the dullness of life. (O, 218)

  1. Le Père Brown, et à travers lui Chesterton, nous invitent alors à être des simples d’esprit, c’est-à-dire à développer, avec humilité, notre capacité à nous émerveiller et notre imagination pour que, aux côtés de la raison, elles nous permettent d’élucider les énigmes qui nous sont proposées ou imposées par le monde dans lequel nous vivons.

Œuvres citées

Chesterton, Gilbert Keith. The Complete Father Brown Stories. 1911-36. Penguin Classics. London: Penguin, 2012. [FB]

Chesterton, Gilbert Keith. « Autobiography ». 1936. The Collected Works of G. K. Chesterton: Volume 16. San Francisco: Ignatius Press, 1988. [A]

Chesterton, Gilbert Keith. « Orthodoxy ». 1908. The Collected Works of G. K. Chesterton: Volume 1. San Francisco: Ignatius Press, 1986. [O]

Chesterton, Gilbert Keith. « How to Write a Detective Story ». G.K.’s Weekly (17 octobre 1925).

D’Haussy, Christiane. La Vision du monde chez G. K. Chesterton. Paris : Didier, 1981.

Nietzsche, Friedrich. « L’Antéchrist ». 1896. Œuvres philosophiques complètes 8. NRF. Paris : Gallimard, 1974.

Ker, Ian, G. K. Chesterton : A Biography. New York : Oxford University Press, 2011.

Kujawska-lis, Ewa. « Chesterton’s Games with Identities ». Acta Neophilologica 11 (2009) : 107-118.

O’Donoghue, Noel, O. D. C. « Chesterton and the Philosophical Imagination ». Chesterton Review: The Journal of the G. K. Chesterton Institute 24.1-2 (1998) : 63-81.

Pearce, Joseph. Wisdom and Innocence: A Life of G.K. Chesterton. London : Hodder and Stoughton, 1996.

Ribstein, Max. G.K. Chesterton (1874-1936) : création romanesque et imagination. Paris : Klincksieck, 1981.

Rosset, Clément. Le Réel et son double. Folio essais. Paris : Gallimard, 1984.

Rosset, Clément. Le Réel : traité de l'idiotie. Coll. Reprise. Paris : Éditions de Minuit, 2014.


1 Dans son Autobiography, Chesterton explique la grande importance qu'accordait son père à l'éducation et à la diction : « It meant that my father knew all his English Literature backwards, and that I knew a great deal of it by heart » C.K. Chesterton, Autobiography, 26.

2 Chesterton publie Orthodoxy en 1908, essai dans lequel il explique les raisons de sa conversion intellectuelle au christianisme. Il se convertit pleinement à la religion catholique en 1922.

3 Chesterton souhaitait arrêter la série après deux recueils, mais sous la pression de ses éditeurs, il publie deux recueils supplémentaires en 1926 et 1927, et fait revenir son personnage dans la nouvelle « The Resurrection of Father Brown », largement inspirée de The Return of Sherlock Holmes de Conan Doyle. Le dernier recueil publié en 1935 a permis de répondre aux besoins financiers du couple Chesterton.

4 Dans un article où elle analyse la dualité des personnages des nouvelles du Père Brown, Ewa Kujawska-Lis insiste sur cette singularité : « Father Brown is conspicuous in this respect since he evidently acts in both capacities in the majority of the stories : as priest and detective. », E, Kujawska-Lis, « Chesterton’s Games with Identities », 107.

5 D. Porter, The Pursuit of Crime, 156.

6 C. Rosset, Le Réel, 50.

7 G.K. Chesterton, The Complete Father Brown Stories, 5.

8 G.K. Chesterton, Orthodoxy, 230.

9 F. Nietzsche, L’Antéchrist, 188-189.

10 Nietzsche cite Luc 17, 21 : « Le Royaume de Dieu est en vous ».

11 G.K. Chesterton, Orthodoxy, 199.

12 C. Rosset, Le Réel et son double.

13 J. Pearce. Wisdom and Innocence, 147. Quelques pages plus loin, Pearce synthétise : « only the eyes of innocence see clearly » (ibid., 161).

14 N. O'Donoghue, « Chesterton and the Philosophical Imagination », 76.

15 « For the character reflects Chesterton's own love of ordinariness. Just as Father Brown's creator delights in depicting the most commonplace and familiar things with a vivid freshness as though they were entirely novel and strange, so too Father Brown is able to detect a vital significance in the most remarkable things; what everyone else fails to notice because of its apparent insignificance, he sees. » I., Ker, G. K. Chesterton: A Biography, 283.

16 G.K. Chesterton, « How to Write a Detective Story ».

17 1 Corinthiens 3, 18-20.