Emilie Chamonard
Professeur d’arts plastiques à Lyon
Docteur en esthétique et sciences des arts
Université Jean Monnet, Saint Etienne
C’est une évidence qui rappelle le principe primordial de la peinture, qu’elle soit baroque ou d’une autre école de pensée : elle est faite pour être regardée et aucune n’y échappera. Alors elle donne à voir mais demande en retour que l’on s’y arrête. D’une manière ou d’une autre mais que l’on s’y arrête : « Ce qui me plaît justement dans la peinture, c’est qu’on est vraiment obligé de regarder. Alors là, c’est mon repos »1. La peinture de Rubens incarne en effet cet appel démesuré du voir mais elle fournit des images qui sont plutôt éloignées d’un repos de l’œil et de l’esprit. D’abord, le répertoire mythologique ou religieux ouvre rarement sur des récits au calme olympien. La violence mise en scène, les innombrables fables qui mêlent l’amour à la mort ont tout pour fasciner, marquer au fer rouge celui qui voit la peinture parce qu’elles soulèvent un voile. Et derrière ce voile il y a un gouffre aux imaginaires parfois sombres : qui peut prétendre n’avoir jamais été fasciné par cela ? Ensuite, il y a le fourmillement de détails, les plis et replis des chairs, ces mêmes chairs qui transpirent toutes sortes de coloris, les compositions mouvementées, souvent elliptiques... Les composants narratifs penchent eux aussi du côté de la démesure. Il y a une frénésie du voir, quelque chose qui relève de la pulsion et de l’obsession. Alors il ne faut pas mal comprendre le repos dont parle Foucault : ce n’est pas l’anéantissement ou une panne de vision. C’est tout le contraire. C’est un œil qui jouit de s’en remettre complètement à la peinture, d’abandonner sa rétine guidée et manœuvrée par l’artiste.
Pour atteindre cet éclat, il faut que les dispositifs plastiques et sémantiques orchestrés par la peinture accrochent et retiennent celui qui passe devant car c’est une alchimie incertaine qui n’opère pas à tous les coups. En fixant ses motifs, la peinture tend à produire des images, sources de « cosa mentale », charriant des fantasmes et son lot de concepts mais cette entrée dans la sphère intellectuelle se fait par l’entremise des yeux. La peinture rétinienne revêt alors quelque chose d’archaïque : une sorte de pré-langage indistinct qui opère dans l’immédiateté, en ouvrant sur le champ iconographique et sur un certain degré de visibilité. Dès lors, plusieurs lectures se mettent en place et on dévoile la peinture pan après pan.
L’intervalle du proto-regard est cet instant particulier et unique où l’on voit le tableau pour la première fois. Celui-ci, en attente de cette liaison, va jouer carte sur table et tenter de séduire. Imprimer l’œil et marquer l’esprit de sa proie. C’est une affaire d’attirance, de séduction scopique : on entre dans l’image et on en ressortira par les yeux, par le plaisir que ceux-ci ont ressenti, transmis au corps et à la tête. Pour arriver à ses fins, la parade amoureuse que déploie l’image a plusieurs cordes à son arc et agit en plusieurs temps, jusqu’au coup de grâce. Celui de la surprise d’abord : on se souvient de Daniel Arasse ému aux larmes devant La Danse esquissée de Matisse, bouleversé par un bleu parce qu’il croit y voir du rouge. Ce bleu-là et pas un autre le frappe comme un coup de poing sans crier gare. Ce choc visuel, plastique, assez archaïque finalement, qui opère par surprise et ne se verbalise que plus tard, est relayé dans un second temps par « l’émotion de la densité de pensée qui est confiée dans la peinture»2, elle aussi difficile à traduire par les mots. Car au passage à l’écrit, la picturalité se délite et perd ce qui, essentiellement, la constitue. Les poètes ont bien essayé de décrire et louer la peinture, rares sont ceux qui se fondent dans le discours du geste peint. En revanche, voir, revoir encore et encore une toile qui a produit le premier choc dont parle Daniel Arasse est une expérience énigmatique : chaque coup d’œil se nourrit du précédent et va plus loin, accédant à quelque chose de nouveau, ce qu’il nomme les successives « couches de sens ». C’est l’idée des poupées russes et d’une peinture à tiroirs. On l’effeuille strate après strate et l’image ne s’épuise pas tant que l’on n’a pas rejoint le regard du peintre. Cette plongée dans l’intimité de l’homme et de l’artiste est sans doute illusoire mais on y croit ! C’est pourquoi il ne faut pas rechigner à ouvrir l’œil et se laisser pénétrer par l’image, ses constituants purement plastiques et les imaginaires soulevés. C’est là l’essence de la séduction baroque selon Lacan : « la régulation de l’âme par la scopie corporelle »3. Avec un peu de chance, on approchera cette adhérence totale au tableau.
On connaît l’image éculée de l’œuvre rubénienne : les femmes nues, à la chair grasse et marbrée jouent avec les codes du classicisme et la tourmente du baroque. L’ossature officie sous l’amas de chair et l’infinité de plis relevée par Deleuze comme motif majeur de l’esthétique baroque. Chez Rubens, il y a bien quelques petites toiles ici et là mais elles sont le plus souvent gigantesques : la nudité, jubilatoire, y est jetée en pâture pour satisfaire un œil flatté dans sa toute-puissance fantasmée. Les Trois Grâces4 du Prado, écriture parachevée du motif en 1639, illustrent bien le point nodal du tableau : séducteur, il désire comme ses trois déesses être regardé et semble nous dire : Tu veux voir n’est-ce-pas ? Tiens, vois ça ! Tout est là pour satisfaire la demande. Le sujet d’abord : les Grâces évoluent allègrement dans une chorégraphie un brin plus subversive qu’à l’accoutumée. C’est un peu l’antithèse des Trois Grâces5 de Raphaël, petit bijou de peinture réalisé vers 1505 et conservée à Chantilly. Avec Rubens, le format grandeur nature rassasie. Certains diront que c’est trop. Trop grand, trop de bleu dans les chairs, trop de replis, trop de pesanteur des corps, trop de nu et pas assez d’idéal. La beauté platonicienne, éthérée et minérale de Botticelli n’officie pas ici. Avec Rubens et au risque de déplaire, l’esthétique du trop-plein vise le plaisir. On est alors assez proche de l’Éloge de l’œil de Léonard de Vinci et de son premier commandement :
Toi peintre, fais en sorte que ton œuvre attire les spectateurs et les arrête en grande admiration et délectation ; ne les attire pas pour les chasser ensuite comme le fait le ciel à celui qui, la nuit, se lève de son lit tout enflammé pour aller contempler la qualité de ce ciel et qui aussitôt chassé par le froid et l’air, retourne au lit d’où il vient de sortir.6
Les termes du contrat sont clairs et on retrouve l’expression de cette pensée dans les écrits de Rubens : il entend bien engendrer ce type de séduction à l’image. L’emprise que la peinture exerce sur nous paraît alors assez simple : derrière le paravent du mythe, les images engendrées séduisent parce qu’elles satisfont la curiosité. Elles exhibent sur un mode monumental, sans exclure le registre de la violence, ce qui en principe doit être dissimulé : la nudité et les zones sexuelles. Puisque, depuis que le monde est monde, le nu excite et attire. C’est un appât qui confine au piège. Séduire pour berner est la structure du leurre : la peinture est bien ce simulacre qui s’incarne dans les traits de Vénus. Ses postures, ses voiles humides et les cache-sexe ne dissimulent en réalité pas grand-chose de l’architecture sexuée de son corps. Le commanditaire du tableau trouve alors un plaisir non dissimulé à s’acoquiner avec la belle : « La fonction de toute image n’est-elle pas de porter le désir de celui qui la contemple ? »7. La peinture et Vénus devenant des métaphores réciproques.
Le jeu des regards est savamment mis en scène pour jouer avec le récit mythologique et créer un point d’accroche. Soit le spectateur est faussement ignoré, assimilé à un guetteur caché, exclu de l’espace de représentation comme le préconise Diderot avec l’iconographie des Diane, Bethsabée ou Suzanne ; soit il est attrapé par un coup d’œil du modèle qui soutient sa présence et le fait entrer par effraction dans la fiction. Comme dans La Toilette de Vénus peinte en 1612 et conservée à Vienne.
P. P. Rubens, La Toilette de Vénus, 1612-15, huile sur bois, 124 x 98 cm, Collection du Prince de Liechtenstein, Vienne
Par le miracle célébré du miroir, Vénus offre à voir au spectateur ses éternels attributs féminins de dos (épaules, fesses soulignées par l’étoffe, l’éclat de son incarnat, les rebonds de sa chair, sa chevelure, quelle chevelure !) et son regard malicieux. Contrairement à la Vénus à son miroir8 de Vélasquez, la peinture de Rubens est sans ambiguïté : le reflet de la glace dévoile l’œil puissant de Vénus. Le reflet de Vélasquez est flou, il joue avec une figuration indistincte, un visage dilué par la touche. Une poétique du trouble et de l’absence se loge dans l’image spéculaire. Le reflet de Rubens est lui net, très net, on y distingue une altérité : Vénus nous regarde en train de la regarder. C’est un scénario classique, une façon directe d’aguicher bien connu des mythologies amoureuses. Mais rien de très pictural finalement. Or Vénus, tout le monde le sait, est double. Lumineuse, elle est la déesse de la beauté, une muse tranquille pour les artistes. Elle contient aussi la féminité létale et c’est alors un autre visage qui tombe sous les coups de pinceaux. Dans les récits, regarder Vénus sans y être invité peut être mortel : la vie contre la vue est le prix à payer. Ce miroir peut venir à symboliser la dualité de la déesse. Mais la force du miroir est aussi de jouer l’emblème de la peinture depuis que Narcisse y a découvert son image. Le reflet étant le lieu par excellence de formation et de déformation de l’image, il met en abyme l’acte peint et la posture du spectateur par-delà la toile. Tout s’imbrique : comme la peinture et comme Vénus, le miroir n’a au fond d’existence que par le regard qu’on pose sur lui. Il dit incognito l’autoréflexivité de l’œuvre et la posture spectatorielle : « Tous les miroirs circonscrivent un espace indépendant du champ de la représentation »9.
Qu’il soit ignoré ou appelé par la femme au miroir, celui qui regarde le tableau y entre par le champ du désir. Sa quête de jouissance scopique revivifie l’archaïsme platonicien qui, repris par un pan de la psychanalyse, conçoit la beauté terrestre via le prisme du sexe, de ce qui est sexuellement attirant. Espace de délectation et de mise en abyme, la toile se présente alors comme la satisfaction d’une double pulsion : l’exhibition du corps féminin mêle l’érotisme à l’émotion esthétique et picturale que celui-ci engendre. L’acte peint se nourrit de cette ambivalence. Dans sa correspondance, Rubens se réjouit d’une chose : la Suzanne qu’il peint « devrait être assez belle pour exciter les vieillards »10. Il vise aussi les attraits plastiques : les coloris qui marbrent l’incarnat, cet « enfer du peintre » loué par Hegel, la texture des strates picturales, la puissance que le clair-obscur produit vis-a-vis des corps, la transparence des glacis ou la force des empattements. Bref, tous les composants pré-iconographiques au sens de Panofsky, susceptibles d’attirer, d’ensorceler le regard et de le maintenir en état de plaisir comme le demandait tout à l’heure Léonard de Vinci. S’ajoutent à l’excitation libidineuse induite par le motif les émotions suscitées par le récit : dans cet entrelacs surgit une surface d’échanges indistincts où se croisent parfois le regard du spectateur et celui de la femme nue qu’il observe.
Mais parmi les mythologies du regard, c’est sans doute par celle du satyre que Rubens interroge au mieux la puissance haptique de l’image et la notion de piège à regard que Lacan attribue à la peinture en général, baroque en particulier. Chez Rubens le satyre est un poncif qui a comme à l’accoutumée un contenu manifeste et latent : la fable antique fournit un alibi de choix pour viser l’universalité et méditer sur la condition humaine. Parfois confondu avec Pan, l’homme-bête peut être accompagné de son cortège dionysiaque. Dans ce cas, des Ménades en furie ou en rut, un Silène ivre et titubant quand il n’urine pas ou une jolie nymphe qu’il poursuit de ses ardeurs sont là et les excès sont toujours de la partie. On retrouve le monstre dans toute sa peinture, se prêtant à toutes les modalités possibles : dans de très grandes compositions horizontales, caché en arrière-fond dans les fourrages, dans un agrégat orgiaque ou en figure principale d’un portrait serré. C’est celui-là qui parlera au nom de tous les autres, celui qui nous fait face, au centre de l’image dans Deux satyres (1618). Je ne connais personne qui ne soit happé par ce tableau.
P-P. Rubens, Deux satyres, 1618, huile sur bois, 76 x 66 cm, Alte Pinakothek, Munich
Le satyre est le réceptacle de plusieurs imaginaires : entre les pôles de l’homme et de la bête, à la fois risible et magistral, il mêle l’art et la beauté tranquille d’Apollon à la monstruosité assumée de Dionysos. Protéiforme, changeant, c’est un être de peinture armé d’une force poétique et plastique qui, de nos jours encore, fait sens. C’est un faiseur d’écho. Mythe archaïque et motif antique réintroduit par l’iconographie de la Renaissance, le satyre fascine Rubens. L’esthète est attiré par les oscillations du monstre qui fécondent un imaginaire de la virilité et sont « le signe d’un déséquilibre »11. Car de par sa bestialité, il est en partie libéré des carcans théoriques qui encerclent l’anatomie humaine et qui dictent aux peintres un modèle étouffant. Il contient une force et son contraire qui font éclater l’académisme tout en permettant l’étude du muscle, de la peau, de l’architecture du corps. Il synthétise à lui seul la dialectique du monstrueux : puissance créatrice qui engendre un alter ego, il est une sorte d’échappatoire qui attire autant qu’il repousse.
Issu de métaphores, de métamorphoses et d’ambivalences, le satyre sort de temps en temps de l’antre de la forêt et se laisse peindre. En principe, c’est lui qui saisit et non l’inverse. Mais lorsqu’il tombe sous les pinceaux de Rubens, il garde une part d’ombre très forte. Celle-ci lui colle à la peau par le jeu pictural d’un clair-obscur qui n’est pas exactement la lame tranchante de Caravage. Fidèle à ses influences, le traitement du clair-obscur est plutôt vénitien : la texture est veloutée comme chez Titien et Tintoret, elle dégrade les coloris et ne dissimule pas sa facture. Par le jeu du grain et de la touche, la peinture engendre un homme qui est presque autant à toucher qu’à voir. Délicieuse confusion. Sous un éclairage presque zénithal, chaud mais diffus, l’homme-bête s’affiche donc comme un monstre impudique et éhonté mais à la chair riche. La peau de bête qui découvre son épaule gauche s’ouvre sur une panoplie de chair et de peinture qui embrasse la virtuosité de la touche. Le mélange des coloris qui stratifient son épiderme témoigne d’une maîtrise technique et d’une approche sensuelle de la matière. Pas de surface lisse qui aplanit tout mais un jeu de matière. Sur le plan anatomique, seules les petites cornes à la naissance du front indiquent la bête, pour le reste, c’est dans l’œil que l’on en trouvera la trace.
En portrait serré, le satyre rubénien ne baissera jamais les yeux face à nous et cette insistance est troublante. Elle convoque un imaginaire de la chasse, du rapt quand elle ne confine pas au viol ou au meurtre : « Mets-toi-le dans la tête pour ne jamais l’oublier : les loups et les agneaux ne se regardent pas avec des yeux doux »12. Il en ressort sa nature obsessionnelle : la traque a commencé dans la prunelle de ses yeux marqués par un point de lumière. Un sourire à peine retenu, vaguement dissimulé sous une barbe que la touche de peinture rend touffue et animale, il est l’incarnation de la jouissance et ne s’en cache pas. Cette jouissance est essentiellement scopique : elle prend vie dans ses yeux cannibales avant de finir dans sa main et son sexe qu’Ovide nous dit toujours dressé. Figure de proue de la libido, tout dans son être est pétri de désir. Pas de sexe dans le cadrage de Rubens mais un regard aux aguets qui agit comme un substitut métaphorique : « Le regard […] peut venir à symboliser le manque central exprimé dans le phénomène de castration »13. Bien sûr, tout se joue dans l’imaginaire : avant de nous toucher de sa main, le satyre nous touche de son œil haptique et, par-delà la surface de la toile devenue un lieu d’échange pour un temps, il s’impose à nous. On se complaît dans le jeu du voyeur, se pensant libre de regarder tranquillement l’image ? C’est finalement elle qui nous regarde et qui suscite de multiples fantasmes. Alors le face-à-face s’engage. Son regard fixe intimide, navigue entre l’attirance et le rejet. L’œil de l’autre fait peur parce qu’il est pénétrant, celui du satyre est une vigie qui ne nous lâchera pas de si tôt. Une épreuve dont on ne sortira qu’en détournant le regard. Le cadrage est serré et le format grandeur nature : tout est fait pour nouer une proximité avec la spectatrice et un effet de réalisme. La tête s’incline mais son regard, sombre, se lève et a quelque chose de dévorant : « Merveilleux organe, voyeur et mémorant, faucon diligent qui se jette sur sa proie pour lui voler et rapporter au maître ce qu’il y a en elle de plus profond et trompeur, son apparence ! »14. À travers ses yeux passent toutes les violences de son corps, essentiellement sexuelles et celles-ci nous traversent en retour. On retrouve cet œil puissant dans une aquarelle non datée conservée au Louvre.
Satyre, date inconnue et attribué à Rubens, tempera et aquarelle sur papier, 45 x 37 cm, Musée du Louvre, Paris
Aux petites cornes de bouc, à la barbe et aux sourcils saillants s’ajoute ici la langue pendue : le pôle bestial a définitivement remporté la bataille. C’est une esquisse dont on ne connaît pas de toile achevée : la facture est rapide, elle saisit l’essentiel du motif. Jaillissant, le dessin révèle le scénario de sa production. On y voit les tracés vifs, les hachures, les repentirs. Tout ce qui constitue la pulsion du geste peint de Rubens fait écho à la nature bondissante du monstre. Inutile de recouvrir tout le papier par un décor qui viendrait tout alourdir puisque, dans cette économie de moyens, le principal est dit. On entrevoit dans cette ébauche comme une mise en abyme des désirs de l’artiste, la facture se faisant elle-même animale : « Au rythme où il pleut du pinceau du peintre, ces petites touches qui arriveront au miracle du tableau, il ne s’agit pas de choix, mais d’autre chose »15.
Les nymphes vous le diront : le satyre dévore des yeux et il saisit des mains. C’est tout son corps qui voit et tout son corps qui touche : « Les impressions visuelles peuvent être ramenées aux impressions tactiles. C’est l’impression visuelle qui éveille le plus souvent la libido »16. La main relaie la vue et toutes les peintures le représentant poursuivant la déesse placent en ses mains un objet de convoitise. Une nymphe ou son substitut. La collaboration de Rubens avec Bruegel en 1617 n’échappe pas à l’iconographie du satyre et des femmes surprises au bain. Le premier s’occupe des corps, le second des végétaux et des animaux avec la minutie qu’on lui connaît. Dans un écrin de verdure peuplé d’animaux sauvages donc, on voit une déesse apeurée que le satyre poursuit de ses ardeurs. Le point d’orgue du tableau réside dans le jeu des regards et la chorégraphie des mains du satyre. Il écarte les roseaux d’une main et effleure la peau de sa jolie proie. La violence de ses désirs traverse donc ses yeux avant de passer par ses mains et de finir dans la virginité souillée de la déesse.
P-P. Rubens et J. Bruegel, Pan et Syrinx, 1617-19, huile sur bois, 40 x 61 cm, Staatliche Museen, Kassel
Dans une petite version tardive que Rubens esquisse seul en 1636, on est encore happé par le spectacle du surgissement. La violence du propos nous attire et nous repousse. Pan bondit hors de sa cachette, tend les bras et attrape des doigts la belle ; mais il ne reçoit en retour que le visage détourné de Syrinx, car elle préfère mourir et se changer en roseau.
P-P. Rubens, Pan et Syrinx, 1636, huile sur bois, 26 x 26 cm, Musée Bonnat, Bayonne
Dans ses tentatives de séduction, le satyre sait s’accompagner de sa plus grande alliée : la nature. Dans ses mains, celle-ci se fait généreuse et rejoue l’hubris du baroque. Attribut classique du satyre depuis l’antiquité, le raisin évoque les plaisirs du vin, l’ivresse des bacchanales et l’orgie dans les sous-bois, où il n’est pas rare de voir les personnages tituber et uriner tout en étant très occupés par le sexe. Dans le tableau des Deux Satyres, en second plan et de profil pour varier les poses et enrichir la composition, l’acolyte déguste le breuvage. Pressé par la soif, il essaie de ne pas en perdre une goutte : peine perdue. Cet empressement est une ode à la vie : le visage du vieillard introduit le motif encore prisé des vanités. Il faut jouir et vite : voilà ce que nous dit cet assoiffé. Au premier plan et dans la force de l’âge, son compère entend bien nous transmettre ce message. La grappe de raisin entre ses doigts relève aussi d’un jaillissement et n’est probablement pas innocente : elle convoque à l’image quelqu’un qu’on ne voit pas mais qui pourtant hante le dispositif pictural. On l’a vu à la poursuite des nymphes, tendant les bras et les doigts, n’arrivant pas à obtenir ce qu’il veut. Ici, c’est chose faite, le satyre attrape le fruit, symbole de la déesse, le palpe, joue avec, fait rouler le fruit sous ses doigts. Autrement dit, presser la chair tendre et savoureuse du fruit revient à toucher la nymphe, fruit défendu qui, lorsqu’il est acquis, offre la plus grande des jouissances : « L’œil est ce qui a été ému par un certain impact du monde et le restitue au visible par les traces de sa main »17. Bis repetita : la main du satyre redit ce qu’ont dit ses yeux. Par-delà le mythe, c’est la spectatrice que le satyre attrape, diluant la frontière du désir et de la possession : « Voir c’est avoir à distance », nous dit Merleau-Ponty. On se croyait inaccessible et voilà que l’effraction est commise ; on croyait saisir les choses et c’est elles qui nous saisissent : voilà pourquoi, adressé à une femme, le regard du satyre est troublant. L’étanchéité que l’on croyait circonscrite par la surface de la toile est alors engloutie : « Le tableau est dans mon œil, certes. Mais moi je suis dans le tableau »18.
Objet de trouble et de séduction, le regard du satyre ne l’est pas moins quand il s’adresse à un homme. Le discours se déplace un peu : il change de camp mais parle toujours de désir. Un théâtre changeant se met en place : c’est désormais une sorte de connivence jubilatoire qui attrape le spectateur masculin. On connaît l’appétit de Rubens pour les femmes : jusqu’à la fin de sa vie, il rabâche et cherche jusqu’à son apothéose l’écriture du corps féminin19. Celle de sa première épouse est en réalité assez peu érotisée : toujours habillée, elle est engoncée dans son costume de bourgeoise flamande, d’épouse et de mère de famille respectable. Les amours qui émanent de ses portraits paraissent sincères mais assez chastes. Elle a prêté les traits de son visage à des personnages féminins de tableaux mythologiques ou religieux de commande tant le peintre est imprégné de cet amour matrimonial, mais elle n’est, il semblerait, jamais présentée nue ou dans une posture équivoque et parfaitement revendiquée. On retrouve par contre, à l’heure où Rubens peint le satyre à la grappe de raisin, une femme aux longs cheveux blonds, caractéristique de cette époque. C’est elle que l’on voit dans la Toilette de Vénus (1612), aperçue plus haut. Elle emprunte impunément des portes dérobées, on la croise incognito dans les traits de Psyché découvrant Éros, dans l’Enlèvement des filles de Leucippe, en Marie-Madeleine aux pieds du Christ dans une Descente de croix jusque dans les monstrueuses sirènes entrelacées de l’Arrivée de Marie de Médicis à Marseille un peu plus tard en 1622. C’est une créature modélisante qui traduit l’érotisme rubénien : quel que soit le motif consacré, elle est aux premières loges de l’image et on ne peut la manquer. Sa chevelure est une architecture souvent déployée, le symbole d’une féminité débordante. Les replis de sa chair, les fossettes, l’incarnat marbré par les coloris (pas exclusivement ceux conventionnellement attribués au motif : on y voit des bleus, des verts, des gris colorés en principe réservés à la chair cyanosée), la variété de la touche, sa courbure : Vénus dit en creux l’érotique de la femme baroque. Une nudité lumineuse, parfois animale. En tout état de cause, un objet de trouble, un motif chancelant qu’il convient d’attraper par le geste peint. Outre le procédé courant de recycler à peu de frais des figures maîtrisées, cette femme a une portée esthétique et picturale, elle dit en sourdine quelque chose qui relève du satyre et du peintre désirant : elle est l’objet à posséder et à peindre.
Sa seconde épouse est en revanche une muse très obsédante. Plus dénudée aussi. Son union tardive avec cette jeune femme de seize ans excite son appétence picturale. Certains soulignent le caractère sénile de cette obsession. Elle convoque en tout cas une certaine folie du voir qui ordonne de la peindre sans arrêt, dans toutes les poses, dans tous les rôles. Objet d’hallucination, la muse apparaît plusieurs fois dans une seule et même toile, comme dans les Trois Grâces du Prado (1639). Elle a l’épiderme lumineux mais elle est en fait assez ténébreuse et dionysiaque : parfois recouverte d’une peau de bête comme dans La Petite Pelisse20 (1638), elle fait appel aux instincts du satyre et revivifie le mythe. Dans sa frénésie scopique, Rubens a quelque chose du satyre, et le satyre, dans les traits mêmes de son visage, a quelque chose de Rubens : « Rubens, Rembrandt, c’est toujours eux, on les reconnaît sous tous les visages... »21. Il a en effet sensiblement le même âge que l’homme qu’il peint, la même couleur de cheveux, une similitude dans le nez, les yeux... Un glissement s’opère. Il est peut-être hasardeux mais cette espèce de huis-clos renoue avec la puissance de Narcisse et préfigure la conception baudelairienne de l’autoportrait : « Un bon portrait m’apparaît toujours comme une biographie dramatisée, ou plutôt comme le drame naturel inhérent à tout homme »22. L’artiste projette de lui-même dans son œuvre, ce n’est pas nouveau. Le concept est repris par la psychanalyse : « Dans le tableau, l’artiste, nous disent certains, veut être le sujet, et l’art de la peinture se distingue de tous les autres en ceci que, dans l’œuvre, c’est comme sujet, comme regard, que l’artiste entend, à nous, s’imposer »23. Alors le satyre agit à la façon d’un miroir aux yeux du spectateur qui voit en lui l’image de son propre désir vis-à-vis d’une femme. Il est pour lui une figure décomplexée, toute-puissante, à vénérer comme un totem avec l’idée que si il est pénétré par le regard et le sourire de la bête, c’est tout son être qui en sera habité.
Hanté par le regard du satyre, le Portrait d’homme barbu24, semble l’être. Les analogies sont troublantes : daté de 1612, il est une sorte de préfiguration de la bête exécutée quelques années plus tard. Il est empreint de la même marque stylistique. Perdu dans l’amoncellement de l’iconographie rubénienne, cet homme barbu n’a, à ce jour, pas de nom. Impossible de lui attribuer une identité précise. Mais de cet imbroglio s’échappe quelque chose qui saute aux yeux : le satyre de 1616 est là. Les dimensions du châssis sont proches et exaltent la grandeur nature du motif. La proximité avec le spectateur en est plus forte. Le cadrage est identique, concentré sur le visage et le haut du buste. Le fond, sans figuration, est un pur jeu plastique, un aplat sombre qui fait office d’écrin, un peu à la manière des portraits de Titien. La figure occupe amplement cet espace et le traitement de la lumière revêt déjà quelque chose d’épiphanique. Bien que le corps soit complètement recouvert d’habits lourds et épais et que le fond s’entende à tout unifier dans des coloris bruns, l’éclairage se braque sur le visage. Il en frappe d’abord et le plus intensément le front dont il ne s’échappe aucune corne de bouc. Pas non plus de feuillage dans la chevelure civilisée de cet homme. Chaque portion de chair est susceptible de recevoir et de jouer avec la lumière ; l’incarnat oscille entre une teinte claire, parfois rosée, et un bistre plus terne, alors qu’un carmin achève les joues saillantes. Comme dans la toile du satyre. On retrouve dans cette picturalité le « goût de caresse et la chaleur de sang » qu’admire Cézanne chez le Flamand et l’ « oreiller de chair fraîche » dont parlent Les Phares de Baudelaire. Pas de raisin à l’image mais peut-être les stigmates du vin et d’une sourde ivresse. Les épaules que l’on devine robustes et larges, cette légère inclinaison du visage rattrapée in extremis, la barbe fournie, le front bosselé, le sourire retenu et les traits du visage ne vous rappellent rien ? Alors il faut voir ses yeux. Le regard est sombre et déterminé, en attente de nous recevoir. Une puissance tapie dans les sourcils. De ce tableau peint vers 1612 surgit une sorte de généalogie : l’homme barbu est en dehors du fait mythologique mais n’y échappe pas complètement. Le théâtre baroque des faux-semblants se révèle bien chancelant : il a beau revêtir tous les attributs de la décence et de la retenue, cette homme engendrera le satyre de 1618.
Les œuvres aperçues révèlent une période faste dans la vie de Rubens. Il a une quarantaine d’années, son atelier tourne à plein régime : les commandes affluent et ne cesseront d’ailleurs plus. Dans la force de l’âge et de la peinture, il est un homme de ténacité et de pouvoir dans les sphères artistiques, intellectuelles et politiques. Les autoportraits de cette époque ainsi que le satyre disent cette puissance de vie qui transite par la scopie et le geste peint. L’appétence pour le corps de la femme ne pouvait mieux s’incarner que par le regard et la main du satyre. Mais résumer la bête à la lubricité dissimulée de Rubens, c’est réduire la peinture à une mascarade séduisante mais in fine assez anecdotique. Elle dit plus que ça, elle montre plus que ça. L’œil du satyre, toujours ouvert, toujours voyant et mémorant, cristallise le fantasme panoptique de l’artiste à un siècle où l’on rêve de regarder le monde sous toutes les coutures et autrement que par le regard divin : « Il faut prendre à la lettre ce que nous enseigne la vision : que par elle nous touchons le soleil, les étoiles, nous sommes en même temps partout, aussi près des lointains que des choses proches »26. Il manifeste l’envie de dresser l’inventaire de toutes les formes existantes, de s’armer d’une sentinelle plus que jamais ouverte à l’érotisme. Le monstre nous regarde ; c’est en réalité l’image entière qui nous regarde et nous appelle en convoquant la puissance de la lumière car « Tout ce qui brille est regard »27. Le satyre rubénien est une figure de lumière qui ne s’envisage pas sans sa part d’ombre. Son incarnat tout entier transpire cet éclat contrasté qui n’est qu’un jeu de coloris et de texture. Jusque dans le point de lumière dans sa rétine sombre il manifeste l’essence de la peinture.
L’ombre totale est aveugle et n’offre rien à voir ou à penser sinon l’éloge démesuré du néant. Cette privation essentielle, sorte de panne de vision, est le cauchemar du satyre et celui du peintre : « Que feraient-ils si ces ténèbres devaient accompagner leur vie entière ? »28. Ne plus voir, c’est une sorte d’absence au monde. Mais lorsque surgit la lumière, comme la petite flamme « précaire et vaillante » évoquée par Bachelard ou comme un astre puissant, alors la peinture vibre. En éclairant le monde et en engendrant cette épiphanie lumineuse, elle interpelle. Elle produit les variations du modelé, les contrastes, les sensations colorées : tout ce qui relie l’œil à la main du peintre. Et tout ce qui relie la surface du tableau au regard du spectateur. Sa métamorphose animale, son regard en font un emblème de la peinture, de la création en même temps qu’une image des tréfonds de nous-mêmes. Par-delà l’apparente banalité du motif, la force de fascination de la peinture réside dans cette réciprocité troublante qui met le spectateur, qu’il soit homme ou femme, à l’épreuve de lui-même: « le regard... C’est par le regard que, depuis des siècles, il est donné à chacun de savoir qu’il est. Et qui il est »29.
Arasse, Daniel. Histoires de peintures. Paris : Gallimard, 2004.
Bachelard, Gaston. L'Air et les songes. Paris : Corti, 1982.
Bonafoux, Pascal. L'Autoportrait au XXème siècle, Moi, Je, par soi-même. Paris : Diane de Selliers, 2004.
Foucault, Michel. Dits et écrits. Tome II. Paris : Gallimard, 1994.
Gasquet, Joachim. Conversations avec Cézanne. Paris : Macula, 1978.
Huot, Hervé. Du sujet à l'image, une histoire de l'oeil chez Freud. Paris : Ed. Universitaires, 1987.
Lacan, Jacques. Encore. Paris : Seuil, 1975.
Lacan, Jacques. Les Quatres Concepts fondamentaux de la psychanalyse. Paris : Seuil, 1973.
Laneyrie-Dagen, Nadeije. Rubens.
Paris : Hazan, 2003.
Lautréamont, Comte de. Les Chants de Maldoror. Paris : Flammarion, 1990.
Merleau-Ponty, Maurice. L'Œil et l'esprit. Paris : Gallimard, 1964.
Phay-Vakalis, Soko. Le Miroir dans l'art, de Manet à Richter. Paris : L'Harmattan, 2001.
Rubens, Pierre Paul. Théorie de la figure humaine. Paris : Éditions Rue d'Ulm, 2003.
Rubens, Pierre Paul. Correspondances. Tome I. Paris : l'Harmattan, 2005.
Tournier, Michel. Le Roi des aulnes. Paris : Gallimard, 1970.
Vinci, Léonard de. Éloge de l'œil. Paris : L'Arche éditeur, 2001.
1 M. Foucault, Dits et écrits, 706.
2 D. Arasse, Histoires de peintures, 27.
3 J. Lacan, Encore, 182. La force créatrice engendrée par l’œil et le corps baroques se retrouve chez Rimbaud dans une lettre adressée le 15 mai 1871 à son ami Paul Demeny : « Je dis qu’il faut être voyant, se faire voyant. Le Poète se fait voyant par un long, immense et raisonné dérèglement de tous les sens ».
4 P-P. Rubens, Les Trois Grâces, 1639, huile sur toile, 212 x 181 cm. C’est une peinture que l’artiste a réalisée pour lui-même. On dit que son épouse, qui apparaît triplement à l’image, aurait voulu s’en séparer à la mort de Rubens, la jugeant trop indécente.
5 Raphaël, Les Trois Grâces, 1504-5, huile sur bois, 17,8 x 17,6 cm, Musée de Condé, Chantilly.
6 L. de Vinci, Éloge de l’œil, XXIV, Préceptes sur la peinture, 54.
7 S. Phay-Vakalis, Le Miroir dans l’art, de Manet à Richter, 41.
8 D. Vélasquez, Vénus à son miroir, 1648-51, huile sur toile, 122 x 177 cm, National Gallery, Londres.
9 S. Phay-Vakalis, op. cit., 55.
10 Extrait d’une lettre datée du 22 mai 1618 à La Haye, adressée à Dudley Carleton, marchand anglais d’art, in Correspondances, tome I, 83.
11 N. Laneyrie-Dagen, Rubens, 65.
12 Lautréamont, Les Chants de Maldoror, 175.
13 J. Lacan, Les Quatre Concepts fondamentaux de la psychanalyse, 73.
14 M. Tournier, Le Roi des aulnes, 112-113. Sur l’effet de dévoration de l’image photographique applicable au regard cannibale du satyre mis en scène par la peinture : « Il est clair que la photographie est une pratique d’envoûtement qui vise à s’assurer la possession de l’être photographié. Quiconque craint d’être pris en photographie fait preuve du plus élémentaire bon sens. C’est un mode de consommation […] et il va de soi que si les paysages pouvaient se manger, on les photographierait moins souvent », 114-115.
15 J. Lacan, op. cit., 104.
16 H. Huot, Du sujet à l’image, une histoire de l’œil chez Freud, 81.
17 M. Merleau-Ponty, L’Œil et l’esprit, 26.
18 J. Lacan, Les Quatre Concepts fondamentaux de la psychanalyse, 89.
19 Il élabore notamment un traité de dessin vers 1600 : Théorie de la figure humaine dans lequel sont étudiées sur fond de pythagorisme et de Kabbale les proportions idéales du corps de l’homme et de la femme. C’est un ouvrage de jeunesse, un esprit théoricien qui cherche l’entour de l’anatomie par le trait. De cette approche dogmatique assez éloignée de la sensualité de la matière picturale restera une écriture essentielle de son œuvre qu’il parachèvera dans sa production tardive : l’analogie plastique entre la femme et la jument, le rapprochement de l’homme et du lion.
20 P-P. Rubens, La Petite Pelisse, 1635-38, huile sur bois, 176 x 83 cm, Kunsthistorisches Museum, Vienne.
21 J. Gasquet, propos attribués à Cézanne au sujet de Tintoret, Véronèse et Rubens, Conversations avec Cézanne, 155.
22 C. Baudelaire, Salon de 1859, 6, Le Portrait, 414.
23 J. Lacan, op. cit., 93.
24 P-P. Rubens, Portrait d’homme barbu, 1612, huile sur toile, 65,5 x 49,8 cm, Collection du Prince de Liechtenstein, Vaduz.
25 J. Lacan, op. cit., 72.
26 M. Merleau-Ponty, op. cit., 83.
27 G. Bachelard, L’Air et les songes, 20.
28 Léonard de Vinci, de rajouter sur l’hégémonie du voir : « Ne vois-tu pas que l’œil embrasse la beauté du monde entier. Il est le maître : il fait la cosmographie, il conseille et corrige tous les arts humains, il est le principe des mathématiques, il a mesuré la hauteur et la taille des étoiles, il a généré l’architecture, la perspective et la divine peinture », op. cit., 35.
29 P. Bonafoux, L’Autoportrait au XXème siècle, Moi, Je, par soi-même, 64.