L'Émouvante Distanciation dans An Oak Tree de Tim Crouch

 

ROUSSEAU, Aloysia

Université Paris-Sorbonne

  1. Le dramaturge britannique contemporain Tim Crouch ne cherche pas à tout prix à tirer les larmes ou à susciter les rires de son public mais à engendrer une réaction, quelle qu’elle soit, de la part d’un spectateur qui ne doit et ne peut en aucun cas adopter une attitude passive. Divers articles ont été consacrés à la question de la participation du public dans le théâtre de Crouch, plus rarement est-il question de l’émotion du spectateur, sans doute en raison des expérimentations formelles du dramaturge, considérées comme s’adressant à l’intellect plutôt qu’à l’âme. L’utilisation d’objets appartenant aux spectateurs dans My Arm (2003), les déambulations des comédiens et du public dans une galerie d’art dans England (2007) ou encore le dispositif scénique (des rangées de bancs se faisant face sur lesquels sont assis les acteurs et spectateurs) dans The Author (2009) sont autant de propositions nous permettant de qualifier le théâtre de Crouch de « post-brechtien », selon la définition qu’en propose Hans-Thies Lehmann :

[Le théâtre post-brechtien] se situe dans l’espace inauguré par la problématique brechtienne de la « présence » du processus de la représentation dans ce qui est représenté (art de la monstration) et par sa demande d’un nouvel « art du spectateur ». Dans le même temps, le nouveau théâtre abandonne le style politique, la tendance à la dogmatisation et l’emphase du rationnel dans le théâtre de Brecht.1

À la fois profondément autoréflexif et antidogmatique, le théâtre de Crouch adopte le modèle brechtien tout autant qu’il s’en détache. Dans An Oak Tree (2005), dont il sera question dans cet article, un père endeuillé se rend au spectacle de l’hypnotiseur qui a renversé sa fille alors qu’il était au volant de sa voiture. Ce père confie à l'hypnotiseur avoir accompli un miracle consistant en une transsubstantiation : un arbre sur le bord de la route est, selon lui, désormais sa fille Claire2. Or Crouch ne choisit pas une forme conventionnelle pour nous raconter cette histoire. Le principe de répétition selon lequel un acteur récite son texte soir après soir est mis à mal dans cette pièce, Crouch ayant fait le choix d’attribuer le rôle du père à un acteur différent chaque soir, celui-ci, ou celle-ci, découvrant le texte au fur et à mesure de la pièce, guidé(e) par Tim Crouch dans le rôle de l’hypnotiseur. Il n’est pas demandé à l’acteur d’improviser son texte mais de le lire à vue ou de répéter ce que lui dicte Crouch parfois de manière audible pour le public, parfois de manière inaudible, l’acteur étant pourvu d’une oreillette. Ces instructions sont données dans les notes qui précèdent la pièce, dans lesquelles Crouch s’adresse au comédien potentiel : « Your performance (with words) would be given to you through a variety of devices: by direct and very simple instructions, by me speaking to you through an earpiece, by reading from pieces of script »3. Crouch ne cherche pas à maintenir l’illusion dramatique mais au contraire à mettre à nu les rouages de la pratique théâtrale et à créer un effet de distanciation dont on rappellera qu’il consiste, selon Brecht, à « enlever à [un] processus ou à [un] caractère tout ce qu’il a d’évident, de connu, de patent, et faire naître à son endroit étonnement et curiosité »4. An Oak Tree suscite en effet l’étonnement du spectateur qui ne parvient pas à définir précisément l’objet théâtral qui lui est présenté. Crouch occupe une place à part dans le paysage théâtral contemporain, poussant l’expérimentation formelle bien plus loin que la plupart de ses confrères dramaturges qu’il ne cite d’ailleurs que très rarement lorsqu’on lui demande d’identifier des modèles. Celui-ci renie le lourd héritage du réalisme social qui a marqué le théâtre britannique pendant de longues années et préfère se tourner vers la psychanalyse et l’art contemporain comme sources d’inspiration. Le théâtre de Crouch se situe ainsi à la lisière de la pièce « bien faite »5 et de la performance : An Oak Tree est une proposition éphémère et expérimentale et elle est pourtant savamment construite, pour ne pas dire verrouillée. La pièce a en outre la particularité de faire naître l’étonnement non seulement du public mais aussi du comédien pour qui l’espace scénique devient une véritable terra incognita. Or ces effets de distanciation ne contribuent pas à museler l’émotion du spectateur mais l’exacerbe au contraire, comme le souligne Dan Rebellato dans Modern British Playwriting 2000-2009 :

In An Oak Tree, the device is entirely laid bare for the audience’s inspection; because we know that the second actor is making performance decisions on the spot, it is much easier to make critical judgments of their decisions. Yet the effect is the opposite of what Brecht predicted. In An Oak Tree, despite the non-illusionistic set, despite our knowing that the second actor is as new to the performance as we are, the emotions appear to be heightened, actors become characters and a fictional landscape unfolds in our imaginations.6

  1. Je suggèrerais ici que ce constat selon lequel la distanciation est vectrice d’émotion n’a rien de paradoxal : l’émotion n’est pas amplifiée « malgré » un jeu antinaturaliste mais plutôt grâce à cet élément. En outre, reconnaître l’émotion que suscite le théâtre de Tim Crouch ne signifie pas réfuter la nature brechtienne de son œuvre car c’est oublier que Brecht n’était pas le grand pourfendeur des émotions, comme il le rappelle lui-même dans « Le Théâtre épique ». En effet, bien qu’on ait coutume de considérer la forme épique comme sollicitant l’intellect et la forme dramatique comme étant un théâtre de sentiments, Brecht rappelle que « le théâtre épique n’est pas exempt d’émotions »7. Ces émotions s’accompagnent toutefois d’une activité intellectuelle. Elles ne reposent pas sur une identification du spectateur au personnage qui lui ferait perdre tout sens critique mais sur une distanciation raisonnable. Raison et émotion ne sont ainsi pas antagonistes selon Brecht qui rappelle que « c’est le théâtre courant qui, en éliminant pratiquement la raison, commet la faute de séparer la raison et le sentiment »8. Dans la lignée du théâtre épique, la pièce de Tim Crouch An Oak Tree sollicite l’intellect tout autant qu’elle émeut, comme le souligne le dramaturge lui-même :

This points at where I hope my work resides in an audience – as much in their hearts as in their heads. With the heart engaged it’s much easier to take the head on a ride9. In An Oak Tree, there is an emotional core to the play that can take an audience by surprise.10

Crouch suggère dans cette citation que l’émotion du spectateur est d’autant plus forte qu’elle est inopinée. Cette émotion ne fait pas partie de son « horizon d’attente », selon le concept jaussien, lorsque le spectacle commence. Le prologue, dans lequel Crouch s’adresse au public et suscite les rires tel un amuseur de foire, semble suggérer un divertissement à venir. Un « changement d’horizon »11 s’opère dès la première scène, lorsque l’hypnotiseur dévoile au père, et donc au comédien, la raison de sa présence sur scène : « You’ll volunteer because I accidentally killed your eldest daughter with my car and you think I may have some answer to some questions you’ve been asking » (60). Le spectateur comprend qu’il ne sera pas que diverti mais aussi profondément ébranlé. Crouch va alors mettre en œuvre diverses stratégies visant à décupler l’émotion du spectateur. La capacité de cette pièce à émouvoir tout autant qu’elle suscite la réflexion repose principalement sur trois procédés qui consistent à réduire l’émotion à sa plus simple expression sur l’espace scénique afin d’exacerber cette émotion chez le spectateur, à mettre à mal le principe d’identification du spectateur au personnage pour proposer d’autres formes d’empathie et enfin à brouiller la frontière entre fiction et réalité, ce qui a pour effet de désorienter le spectateur. C’est donc par le biais de techniques anti-illusionnistes que Crouch parvient à nous émouvoir.

Une apparente adiaphorie dramatique

  1. L’inhibition émotionnelle qui caractérise le texte et la manière dont il est prononcé n’est qu’apparente dans la mesure où elle a pour effet de décupler l’émotion du lecteur-spectateur. La stratégie adoptée par le dramaturge consiste en effet à désinvestir l’espace scénique, non pas de toute émotion, mais de ce que l’on pourrait qualifier de surplus émotif afin de permettre à l’émotion de s’exprimer de manière spontanée et personnelle chez le spectateur : « this play is about engendering that emotionality in the audience – not keeping it all on stage. My job is to keep things simple, so that all the complicated stuff happens in the audience's head »12. En d’autres termes, l’intrigue sur laquelle repose An Oak Tree est suffisamment poignante pour ne pas chercher à exacerber cette émotion de manière artificielle par un jeu et/ou un discours excessivement pathétiques. Crouch tient à ce que l’émotion ressentie par le spectateur soit personnelle plutôt qu’imposée par la pièce. Il rejoint ici Arthur Koestler, cité en épigraphe, qui propose dans The Act of Creation une métaphore électrique pour décrire l’émotion au théâtre qui est, selon lui, produite par le public :

The emotion is not created, but merely stimulated by the actors; it must be ‘worked up’ by the spectator. The work of art does not provide the current, like an electricity company, but merely the installations; the current has to be generated by the consumer.13

Les deux hommes partagent donc l’idée selon laquelle l’œuvre d’art est au service du lecteur-spectateur qui se doit d’avoir une posture active. On dira ainsi que le public de An Oak Tree s’émeut plutôt qu’il n’est ému. De simple récepteur d’émotion, il devient producteur. Crouch sollicite pour cela notre imagination, refusant par exemple de donner à voir l’accident durant lequel l’hypnotiseur renverse l’adolescente. Le dramaturge attend la toute dernière scène pour en faire le récit par le biais d’une langue sobre qui s’attache aux détails anodins tel que l’inconfort du conducteur, « You shift your weight. You’ve been driving for an hour » (104), ou le froid qui colore les joues de la jeune fille, « Your cheeks are flushed with the cold » (105). L’insistance sur ces détails physiques ainsi que l’utilisation de la deuxième personne du singulier amènent le spectateur à reconnaître le drame qui lui est raconté comme étant universel : rien d’extraordinaire dans ces fourmillements ou ce froid glacial mais une situation banale qui précède un événement tragique qui pourrait tout aussi bien caractériser le quotidien du spectateur. Ce brouillage identitaire est souligné par l’attribution surprenante des répliques : l’hypnotiseur s’adresse au père comme si ce dernier était à l’origine de l’accident, tandis que le père s’adresse à l’hypnotiseur comme s’il était l’adolescente. Ces répliques sont en outre adressées directement au public (« These are the last speeches in the play. We give them directly to the audience », 104), achevant de semer le doute quant à la répartition des rôles : qui de l’hypnotiseur, de l’acteur ou du spectateur est l’auteur de l’accident ?

  1. Lorsqu’il s’agit de décrire l’adolescente morte, Crouch rejette le pathos au profit d’un discours d’une simplicité bouleversante : « A girl is there. Her eyes are wide open » (105). Le simple fait d’ « être-là », les yeux grands ouverts, suffit à signifier non pas son existence, mais sa mort, comme un renversement macabre du Dasein heideggerien. L’affolement, la panique ou l’horreur qui pourraient caractériser cette scène sont remplacés par une syntaxe épurée et un récit factuel qui permettent au spectateur de projeter ses propres émotions14. Ces mots sont en outre prononcés par Tim Crouch (qui a toujours joué le rôle de l'hypnotiseur dans les productions anglophones de An Oak Tree), connu pour sa diction et son ton neutres que Rebellato qualifie d’ « assertorique »15. Ainsi, la sobriété n’est pas que linguistique dans An Oak Tree mais aussi dramatique : le jeu de l’acteur se doit d’être tout aussi modéré et neutre que l’est le texte.

  2. Parmi les stratégies adoptées par Crouch pour stimuler l’imagination du spectateur, l'une d'elles consiste à remplacer les personnages par des objets. Il élimine ainsi toute possibilité d’identification non seulement au personnage mais aussi à son émotion. C’est le spectateur, et non l’acteur, qui attribue sa charge émotionnelle à la scène. Selon son vécu, sa disposition actuelle et sa perception (toute subjective) de la scène, le spectateur peut ressentir de la joie, de la tristesse, de la frustration, de l’empathie etc. aucune de ces émotions ne lui étant dictée par l’acteur. Cette stratégie était déjà celle adoptée dans sa pièce précédente My Arm, dans laquelle des objets personnels (clés de voiture, photographies, pièces d’identité, etc.) empruntés aux spectateurs remplaçaient les protagonistes de l’histoire racontée par Crouch. Dans An Oak Tree, une chaise est utilisée pour incarner une petite fille de cinq ans dont on nous dit qu’elle est frigorifiée et probablement traumatisée. Le père a en effet demandé à sa femme, Dawn, et à sa plus jeune fille, Marcy, de le rejoindre sur le bord de la route pour leur montrer l’arbre qu’il croit être la réincarnation de sa fille aînée. Crouch joue le rôle de la mère et porte la chaise comme s’il s’agissait d’une petite fille : « The HYPNOTIST is there, holding a chair on his hip, as he would a five-year-old girl » (100). La réification devient un vecteur d’émotion, comme le remarque Crouch à propos d'un atelier qu'il a dirigé au National Theatre dans lequel il demandait aux acteurs de s'adresser à des objets :

The objects were manipulated by the actors who were instructed not to get emotionally involved with either their object or the scenario in which their object was engaged. This detachment often had the effect of heightening the emotional charge of the scene. It allowed the audience far greater freedom to create their own associations in relation to what was being presented.16

Dans An Oak Tree, l'utilisation de la chaise pour incarner l'enfant offre une plus grande liberté  au spectateur : c’est à lui de se figurer l'émotion qui se dessine sur le visage de la petite fille. Le spectateur est invité à imaginer le désarroi de l’enfant à travers les paroles réconfortantes de sa mère, « It’s alright, Marcy. Daddy’s poorly. Oh, you’re frozen, you poor thing. Let’s get you home » (101), mais aussi à travers l’utilisation de l’impératif : « Look, she’s lost her sister. She’s not going to lose her fucking father, too » (101). Si le verbe « look » peut bien sûr être compris comme une simple exclamation exprimant la colère de la mère face à ce qu’elle considère être la folie croissante de son mari, on peut également y lire un appel à l’imagination du spectateur qui est invité à « regarder » ce qui ne peut pourtant pas être vu.

Redéfinir l'empathie

  1. Ainsi, Crouch ne perçoit pas l’émotion comme étant suscitée par un principe mimétique selon lequel l’extrême émotion du personnage serait reproduite par le spectateur. L’émotion ressentie par ce dernier est au contraire inversement proportionnelle à la placidité du comédien et de son personnage, constat que l’on trouvait déjà dans Le Paradoxe sur le comédien (1830) de Denis Diderot. Crouch ne fait pas référence à Diderot dans ses essais et entretiens mais l’on peut parler ici d’une filiation inconsciente tant les propos de ces deux écrivains que plus de deux siècles séparent se recoupent. Diderot déplore en effet l’excès de sensibilité qui caractérise le jeu des acteurs de l’époque : « Remplissez la salle du spectacle de ces pleureurs-là, mais ne m’en placez aucun sur la scène »17. On retrouve une même exhortation à la modération chez Crouch qui décrit An Oak Tree comme une pièce devant brider l’émotion tout autant qu’elle la suscite :

Often, theater becomes about creating large actions on stage which communicate diminishing re-actions in the audience. This is the wrong way round! I am tired of those actors who give these deeply personal, heart-emptying performances. I don’t want to see real but rehearsed tears on stage. It’s not our job. Our job is to focus the generation of thought and emotion in the audience.18

  1. L’affinité de pensée entre les deux hommes atteint son apogée dans la définition du comédien comme pantin que propose Diderot, suggérant en effet qu’« un grand comédien est un autre pantin merveilleux dont le poète tient la ficelle, et auquel il indique à chaque ligne la véritable forme qu’il doit prendre »19. L’acteur jouant le rôle du père dans An Oak Tree est bien ce pantin merveilleux guidé pas à pas par Crouch qui lui dicte non seulement ses répliques mais aussi ses émotions. « Nervous? » lui demande-t-il dans la première scène, « a little » doit répondre ce dernier (58). « Not embarrassed? » enquiert l’hypnotiseur dans la scène six, « a bit » répond le père qui suit ici scrupuleusement le texte (100). Crouch va jusqu’à imaginer la répugnance du comédien à jouer son rôle, vécu comme une contrainte, comme l’indique le dialogue suivant :

FATHER: You said we could stop if I wasn’t enjoying it.

HYPNOTIST: That was just a thing to say, to encourage you.

FATHER: I want to stop. (100)

La gêne dont il est question ici n’est toutefois pas celle du comédien mais du personnage-comédien : gêne fictive donc, inscrite dans le texte et jouée par un acteur qui prétend vouloir mettre fin à cette représentation qui suscite en lui un certain inconfort. Cette émotion est ainsi identifiée par le spectateur comme étant artificielle, puisque dictée par un autre, ce qui ne revient toutefois pas à identifier l’absence de toute émotion sincère dans An Oak Tree. L’émotion du personnage doit être opposée à celle, tout autre mais bien réelle, du comédien qui joue le rôle du père. Ce dernier ne va pas puiser dans son expérience personnelle pour exprimer une émotion qui se veut mimétique, identique à celle du personnage. L’émotion qu’il ressent n’est pas travaillée mais elle est éphémère, inextricablement liée à l’instant théâtral et au travail, sinon d’improvisation, du moins d’extrême réactivité, qu’exige ce texte. Ainsi, identifier l’émotion comme étant celle du comédien plutôt que du personnage ne signifie pas que Crouch doit être considéré comme un adepte de Stanislavski. Crouch n’applique pas la méthode de la « mémoire affective »20 qui consiste pour le comédien à aller chercher des émotions personnelles semblables à celles ressenties par le personnage. Il récuse au contraire cette méthode, avertissant d’ailleurs l’acteur jouant le rôle du père quant au risque d’une proximité trop forte avec le personnage et son vécu : « One caution is that the story of An Oak Tree concerns the loss of a child ; if this experience is personally close then we would advise against you getting involved » (An Oak Tree, 55). Crouch s’inscrit une fois encore dans la lignée de Brecht qui souligne que les « sentiments propres [du comédien] ne devraient pas être par principe ceux de son personnage, afin que ceux de son public ne s’identifient pas par principe à ceux du personnage »21. L’émotion ressentie par le comédien dans An Oak Tree n’est pas celle de son personnage. Elle n’est pas forgée puisqu’elle est celle d’un homme découvrant fébrilement son texte au moment même où il le récite avec toute la crainte, l’excitation ou l’embarras qui accompagnent une telle démarche. Paradoxalement, Crouch rejoint sur ce point Stanislavski qui insiste dans La Formation de l’acteur sur le caractère essentiel de l’ « imprévu » comme vecteur d’émotion. Voici les mots de Stanislavski s’adressant à un jeune acteur dont il déplore le geste répétitif et l’émotion artificielle22 :

L’imprévu est souvent un excellent moyen de déclencher le travail. […] Mais aujourd’hui l’effet était usé, vous saviez par avance ce qui allait se passer, tout était déjà familier, vos gestes étaient réglés. Dans ces conditions il vous a paru inutile de considérer à nouveau toute la scène et de vous laisser guider par votre émotion, n’est-ce pas ?23

Dans la mesure où le texte est toujours nouveau pour l’acteur jouant le rôle du père dans An Oak Tree (le rôle n’étant jamais attribué plusieurs fois au même comédien), l’effet ne peut en aucun cas être usé ou les gestes réglés. Les automatismes du comédien font place au naturel, à ce que Stanislavski qualifie d'« élans spontanés d’émotions qui ont une force d’impulsion irrésistible »24. C’est donc à une expérience inédite qu’assiste le spectateur qui ressent tour à tour de l’empathie, de l’admiration ou de la gêne pour celui qui se trouve être dans la même situation que lui. Cela confère un surplus d’humanité à la pièce qui met en avant les failles de l’acteur plutôt que sa virtuosité, comme le souligne Crouch :

I like the human imperfection – the tensions, the blocks, the trapped voice, the wonky features. In An Oak Tree I try to create a place where those imperfections can be acknowledged and celebrated. […] The play’s strength is their human-ness, not their actorly-ness.25

Le comédien, comme le public, découvre la pièce au fur et à mesure qu’elle se joue, ce que ne manque pas de souligner Crouch dans le prologue : « But the story is as new to X as it is to you » (57). Un lien particulier se tisse ainsi entre le comédien et le spectateur26 et de ce fait entre le personnage et le spectateur. Il est en effet parfois ardu pour le spectateur de distinguer qui, du personnage ou du comédien, l’émeut. Dans la scène six, l’hypnotiseur laisse le comédien seul sur scène pendant trente longues secondes pour aller lui chercher un verre d’eau :

The HYPNOTIST exits the stage to get a glass of water for the FATHER. He is gone no more than thirty seconds, leaving the FATHER alone on stage with the audience. The sound of the roadside. Thirty seconds. The sound of the roadside stops. (91)

Cette attente suscite le trouble chez le spectateur, trouble toutefois difficilement qualifiable : partageons-nous le désarroi d’un père ayant perdu sa fille (ce que semblent suggérer les bruits de circulation en fond sonore qui évoquent l'accident) ou ressentons-nous de la gêne face à un comédien qui se retrouve pour la première fois seul sur scène sans aucune directive ? Cette impossibilité de trancher entre fiction et réalité est un facteur de déstabilisation qui fragilise le spectateur et attise sa capacité à s’émouvoir.

Métathéâtralité et émotion

  1. Le théâtre de Tim Crouch se caractérise par une constante incertitude quant à la nature de ce qui se déroule sur scène, entre fiction et réalité. Crouch n’a bien sûr pas l’apanage de ce brouillage, qui est une pratique courante dans le théâtre postdramatique, mais il le pousse à son paroxysme, comme en témoigne le scandale suscité par The Author, pièce dans laquelle Tim Crouch joue le rôle d’un dramaturge prénommé Tim aux tendances pédophiles… S’il s’agit bien évidemment d’un personnage de fiction, la ressemblance entre le personnage et son auteur a contribué à créer un extrême malaise chez nombre de spectateurs, malaise accru par la configuration spatiale et la sphère intime dans laquelle se trouvent réunis acteurs et spectateurs. C’est en effet la proximité propre à l’événement théâtral (le spectateur et l’acteur sont présents dans un même espace et conscients de cette coprésence) qui est source de malaise27. Une même hésitation caractérise An Oak Tree bien que les enjeux ne soient pas les mêmes. Il ne s’agit pas de choquer le spectateur mais de brouiller ses repères et par ce biais de le rendre plus vulnérable.

  2. Or, de la même manière qu’il peut paraître surprenant de percevoir le théâtre de Crouch comme à la fois brechtien et émouvant, la constante métathéâtralité n’apparaît pas de prime abord comme un vecteur d’émotion. Briser le quatrième mur à travers des adresses au public et rappeler fréquemment la nature fictive de ce qui se déroule sur scène revient en effet a priori à interrompre la suspension consentie de l’incrédulité telle que l’a définie Samuel Taylor Coleridge28. Il s’agit là du paradoxe de la fiction29 qui veut que le lecteur-spectateur soit ému tout en étant conscient de l’illusion théâtrale. Or le caractère paradoxal de ce constat peut être réfuté : les émotions du spectateur ne s’expriment pas malgré le processus de dénégation mais au contraire grâce à celui-ci. La conscience de l’artifice est un vecteur d’émotion plutôt qu’un inhibiteur. Comme le souligne Florence Naugrette, le plaisir théâtral repose sur cette oscillation entre illusion et dénégation : « L’excitation du spectateur est entretenue par cette tension constante entre l’abandon à la chose représentée, qu’on appellera fiction, et la conscience de l’événement qu’il est en train de vivre »30. Or cette tension est à son apogée dans An Oak Tree, comme l’indique cette citation d’Arthur Koestler mise en épigraphe : « The distinction between fact and fiction is a late acquisition of rational thought – unknown to the unconscious, and largely ignored by the emotions ». Selon Koestler, la pensée rationnelle distingue fiction et réalité tandis que l’inconscient et les émotions ignorent cette distinction. A contrario, le brouillage entre fiction et réalité serait donc un vecteur d’émotion. Or An Oak Tree se caractérise par des allers-retours constants entre illusion et rupture d'illusion qui viennent étourdir le spectateur, ce dernier ne sachant plus qui du comédien ou du personnage se trouve sur la scène. Ce trouble est celui du spectateur tout autant que du comédien qui s’interroge sans doute souvent sur son propre rôle dans cette pièce. Cette confusion est entretenue par Crouch qui demande à l’acteur de porter ses propres vêtements dans les notes qui précèdent la pièce, « FATHER in whatever everyday clothes the actor chooses to wear » (56), et le présente au public en tant qu’acteur dans le prologue :

HYPNOTIST: Ladies and gentlemen. Good evening/afternoon. My name is (the name of the actor playing the HYPNOTIST). Welcome to (the name of the venue). […] This is X (the name of the second actor). X will be performing in the play this evening. X has neither seen nor read it. (57)

Rien de bien surprenant en soi si l’on considère le prologue selon sa fonction habituelle, c’est-à-dire comme une introduction précédant la pièce proprement dite : la pièce n’aurait pas commencé et le metteur en scène pourrait donc se permettre de présenter son acteur avant de franchir le seuil de la première scène qui le plongera dans l’univers fictif. Mais Crouch laisse en réalité planer le doute quant au point de départ de la fiction puisque les didascalies nominatives précisent bien que c’est l’hypnotiseur, c’est-à-dire le personnage, et non pas Tim Crouch qui prononce ces mots. C’est non seulement la distinction entre acteur, auteur et personnage qui est brouillée mais aussi celle entre temps et espace scénique et temps et espace dramatique, selon la typologie de Patrice Pavis31. Les événements scéniques appartiennent-ils au hic et nunc du spectateur ou à un univers fictif ? Il est impossible de trancher dans la mesure où ces deux espaces-temps s’entremêlent comme en témoignent les portraits des deux hommes dans la première scène. L’hypnotiseur se décrit de la manière suivante : « I’m forty-two years old. I’ve got a red face, a bald head and bony shoulders. (This must be an accurate description of the actor playing the HYPNOTIST) ». C’est donc bien l’acteur (ici Tim Crouch) qui est décrit, contrairement au portrait fictif du père :

You’re a father. Your name’s Andy. You’re 46 years old, you’re six foot two. Your lips are cracked. Your fingernails are dirty. You’re wearing a crumpled Gore-tex jacket. Your trousers are muddy, say, your shoes are muddy. You have tremors. You’re unshaven. Your hair is greying. You have a bloodshot eye. (59)

Deux hommes sont présents sur la scène, l’un appartenant à l’espace scénique, l’autre à l’espace dramatique. Le spectateur lui-même ne sait plus à quel espace-temps il appartient lorsqu’il est invité à se dédoubler lui aussi : « In a short time I’ll be asking for volunteers from the audience but I’m not asking you. I’m asking some people in a pub a year from now. So please don’t get up » (60). Crouch place ainsi son spectateur dans une situation d’instabilité constante entre crédulité et incrédulité et fragilise le processus de dénégation selon lequel « tout ce qui se passe sur la scène (si peu déterminé et clôturé que soit le lieu scénique) est frappé d’irréalité »32. La frontière entre rêve et réalité se délite dans An Oak Tree si bien que le spectateur ne peut pas percevoir la pièce comme « une construction imaginaire dont [il] sait qu’elle est radicalement séparée de la sphère de l’existence quotidienne »33. L’illusion dramatique s’infiltre dans la sphère quotidienne du spectateur et vice versa, venant déstabiliser ses repères. Le spectateur lui-même est invité à douter de ses propres émotions lorsque l’hypnotiseur commente l’échec de son spectacle : « The show was a failure ; they became embarrassed and left. It’s what I’m used to » (94). Il est ici question du personnage-spectateur que l’humour déplacé de l’hypnotiseur aurait poussé à quitter la salle. Mais cette réplique peut également se lire comme un commentaire métathéâtral : cette gêne est aussi celle du spectateur de An Oak Tree qui, s’il ne quitte pas la salle, ne sait jamais sur quel pied danser et hésite constamment entre une interprétation littérale et figurée de ce qui lui est raconté. Tim Crouch parvient ainsi à émouvoir le spectateur tout en l’invitant à réfléchir aux modalités de cette émotion. Il détourne en outre les codes et brouille les relations empathiques qui reposent habituellement sur une identification du spectateur au personnage. Le dramaturge propose dans An Oak Tree d’autres configurations, à savoir non seulement l’empathie déjà mentionnée que ressent le spectateur pour l’acteur (plutôt que pour le personnage), mais aussi l’empathie de l’acteur pour son personnage : « I feel sorry for his wife », confie le père à la scène six (93). Une fois encore, les repères du spectateur sont ébranlés : il s’agit d’une compassion forgée, car intégrée au script, mais qui semble refléter la compassion bien réelle que l’acteur et le spectateur ressentent pour cette mère endeuillée.

 

Conclusion

  1. Le choix du personnage de l'hypnotiseur qui peine à remplir ses salles n'est pas anodin de la part de Tim Crouch. L'état d'hypnose est en effet une métaphore récurrente dans la critique théâtrale et plus particulièrement dans le vocabulaire brechtien pour désigner l'engourdissement des sens dont est victime le spectateur qui se laisse aller tout entier à l'émotion : « Il fallait donc sortir le spectateur de l’état d’hypnose et délivrer le comédien du fardeau de sa métamorphose totale en personnage »34. Or dans An Oak Tree, Crouch critique de manière sous-jacente le théâtre dramatique dans sa forme conventionnelle en donnant à voir un hypnotiseur de pacotille qui peine à convaincre son public. Il parviendra toutefois à ses fins, avec l'aide du spectateur, comme en témoigne l'anaphore de la scène huit. Dans cette scène citée précédemment qui retranscrit l'accident par bribes, la formule hypnotique « When I say sleep » est répétée à outrance à la fois par l'hypnotiseur et par le personnage du père (105) :

HYPNOTIST: When I say sleep, a girl is there. Her eyes are wide open.

When I say sleep, she looks at you.

When I say sleep everything slows.

FATHER: When I say sleep a car is coming towards you. You're listening to music.

When I say sleep, the music stops.

HYPNOTIST: When I say sleep, she lifts her hand up.

When I say sleep, you say goodbye.

FATHER: When I say sleep, everything stops.

HYPNOTIST: Sleep.

FATHER: Sleep. (105)

Le rythme de ce dialogue peut en effet être assimilé au débit lancinant des hypnotiseurs : l’allitération sibilante de la formulation « when I say sleep » ainsi que la cadence très régulière des échanges, constitués presque exclusivement de tétramètres iambiques, donnent à cette stichomythie des allures d’incantation. Le changement brutal d’accentuation dans la réplique « when I say sleep, everything stops » (le trochée se substituant à l’iambe dans le mot « everything ») suivi de deux répliques monosyllabiques ne font que renforcer cette impression et confèrent au dialogue une dimension inquiétante. Cependant, contrairement à la relation traditionnelle entre hypnotiseur et victime consentante, l'anaphore suggère ici un travail collectif : afin de se figurer l'accident et l'horreur qui l'accompagne, l'hypnotiseur (figure du metteur en scène) et le père (figure du spectateur) font un effort conjoint d'imagination. Les deux dernières répliques de la pièce invitent le spectateur de An Oak Tree à se joindre à cet effort à travers l'utilisation de la deuxième personne :

HYPNOTIST: When you open your eyes.

FATHER: When you open your eyes. (106)

La pièce de Tim Crouch se clôt ainsi sur une double invitation à fermer et à ouvrir les yeux, en d'autres termes à l'engourdissement des sens suivi d'un éveil. Le caractère éminemment pathétique de cette scène finale ne fait pas obstacle à la réflexion sur l'illusion théâtrale, nous rappelant que dans le théâtre de Tim Crouch, raison et émotion ne sont pas antinomiques.

Œuvres citées

Brecht, Bertolt. Écrits sur le théâtre. Paris : L'Arche, 2000.

Coleridge, Samuel Taylor. Biographia Literaria. 1817. Princeton: Princeton UP, 1983.

Crouch, Tim. An Oak Tree. 2005. Plays One. Londres: Oberon Books, 2011.

Crouch, Tim. My Arm. Londres: Faber & Faber, 2003.

Crouch, Tim. "One Night Stand". The Guardian, Wednesday January 17, 2007.

Crouch, Tim. "Tim Crouch's Theatrical Transformations". A Conversation with Caridad Svich. http://www.hotreview.org/articles/timcrouchinterv.htm

Decuvellerie, Jacques. "Pouvoirs de l’émotion". OutreScène : la revue de la Colline 11. Paris : Les Solitaires intempestifs, 2008.

Diderot, Denis. Paradoxe sur le comédien. 1830. Paris : Flammarion, 1981.

Ilter, Seda. "'A Process of Transformation': Tim Crouch on My Arm." Contemporary Theatre Review 21.4 (2011): 394-404.

Jauss, Hans Robert. Pour une esthétique de la réception. Paris : Gallimard, 1978.

Koestler, Arthur. The Act of Creation. 1964. Londres: Penguin Books, 1984.

Lehmann, Hans-Thies. Le Théâtre postdramatique. 1999. Trad. Philippe-Henri Ledru. Paris : L’Arche, 2002.

Naugrette, Florence. Le Plaisir du spectateur de théâtre. Rosny-sous-Bois : Bréal, 2002.

Pavis, Patrice. Dictionnaire du théâtre. Paris : Gallimard, 1993.

Rebellato, Dan. "Tim Crouch". Modern British Playwriting 2000-2009. New York: Bloomsbury Methuen Drama, 2013.

Ridout, Nicholas. Stage Fright, Animals and Other Theatrical Problems. Cambridge: Cambridge UP, 2006.

Stanislavski, Constantin. La Formation de l'acteur. Paris : Payot, 1963.

Ubersfeld, Anne. Lire le théâtre I. Paris : Belin, 1996.

1  H. T. Lehmann, Le Théâtre postdramatique, 44.

2  Crouch s’est inspiré de l’œuvre d’art éponyme de Michael Craig-Martin qui nous invite, par le biais du cartel, à percevoir un verre d’eau comme étant un chêne : « It’s not a symbol. I’ve changed the physical substance of the glass of water into that of an oak tree. […] I didn’t change its appearance. But it’s not a glass of water, it’s an oak tree ». Cité dans T. Crouch, Plays One, 51.

3  T. Crouch, An Oak Tree, 55.

4  B. Brecht, Écrits sur le théâtre, 326.

5  La « pièce bien faite », ou « well-made play » en anglais, étant, comme le rappelle Patrice Pavis dans son Dictionnaire du théâtre, « un moule dans lequel les événements sont systématiquement coulés selon l’application mécanique d’un schéma emprunté à un modèle classique périmé ».

6  D. Rebellato, « Tim Crouch ». Modern British Playwriting 2000-2009, 135.

7  B. Brecht, 228.

8  B. Brecht, 230.

9  Cette idée selon laquelle l’émotion du spectateur est une condition préalable à toute réflexion sur le spectacle est partagée par Jacques Delcuvellerie, fondateur du collectif Groupov : « Si un spectacle n’est source ni de plaisir sensuel, ni d’émotions, ça ne sert à rien de vouloir lui faire dire quelque chose. […] Oui, il y a un plaisir de l’intelligence, la manière de voir fonctionner des signes. Mais si ça ne vous touche pas, si vous n’avez pas besoin de vos ressources intellectuelles, pour essayer de juguler, comprendre, identifier, explorer le séisme qui vous ébranle émotionnellement, je trouve ça de peu d’intérêt ». Pouvoirs de l’émotion, 108-109.

10  « Oaken Dramaturgy: Tim Crouch » : http://vilearts.blogspot.fr/2015/07/oaken-dramaturgy-tim-crouch.html

11  H. R. Jauss, Pour une esthétique de la réception, 53.

12  « A Conversation with Caridad Svich » : http://www.hotreview.org/articles/timcrouchinterv.htm

13  A. Koestler, The Act of Creation, 307.

14  Crouch adopte une stratégie similaire dans My Arm. A propos d’une réplique dans laquelle il affirme avoir pris l’habitude de pleurer comme un bébé (« I had now taken to crying like a new-born lamb »), Crouch fait la remarque suivante : « It is very important that I don’t emote at that moment, or I don’t try to demonstrate that emotion. And I hope that each member of the audience will have a different image of what is happening in the narrative and where that character is emotionally. If I were to show it, that would be the only image they would have in their heads ». S. Ilter, « “A Process of Transformation”: Tim Crouch on My Arm », 403.

15  D. Rebellato, 130.

16  T. Crouch, My Arm, 9.

17  D. Diderot, 131.

18  “A Conversation with Caridad Svich”: http://www.hotreview.org/articles/timcrouchinterv.htm

19  D. Diderot, 161.

20  « C’est ce genre de mémoire, capable de faire revivre en vous les sentiments que vous avez éprouvés autrefois […] que l’on appelle la mémoire affective. […] La mémoire affective peut ressusciter des sentiments qu’on croyait oubliés jusqu’au jour où, par hasard, une pensée ou un objet les fait soudain resurgir avec plus ou moins d’intensité ou d’acuité » C. Stanislavski, La Formation de l'acteur, 171.

21  B. Brecht, 370.

22  Il s’agit d’un metteur en scène fictif, double de Stanislavski, prénommé Torstov s’adressant à un acteur fictif, double du jeune premier qu’était Stanislavski à ses débuts.

23  C. Stanislavski, 169.

24  C. Stanislavski, 178.

25  “A Conversation with Caridad Svich”: http://www.hotreview.org/articles/timcrouchinterv.htm

26  Crouch commente ce lien dans un article publié dans le Guardian le 17 janvier 2007: « The play gives the second actor an unusual connection with the audience because both are discovering the story at the same time » http://www.theguardian.com/stage/2007/jan/17/theatre2.

27 Nous utilisons indifféremment les termes de « gêne » et de « malaise » dans cet article pour traduire le terme anglais « unease », soit un inconfort moral et physique que Nicholas Ridout définit comme étant l’essence même du théâtre.

28 « My endeavours should be directed to persons and characters supernatural, or at least romantic; yet so as to transfer from our inward nature a human interest and a semblance of truth sufficient to procure for these shadows of imagination that willing suspension of disbelief for the moment, which constitutes poetic faith ». S. T. Coleridge, Biographia Literaria, 5.

29  On renverra ici à l’article de Colin Radford, « How Can We Be Moved by the Fate of Anna Karenina? » (1975) et à l’analyse qu’en fait Dan Rebellato dans Modern Playwriting.

30  F. Naugrette, Le Plaisir du spectateur de théâtre, 75.

31   Le « temps scénique » est le « temps vécu par le spectateur confronté à l’événement théâtral, temps événementiel, lié à l’énonciation, au hic et nunc, au déroulement du spectacle » tandis que le « temps extra-scénique (ou dramatique) » est le « temps de la fiction dont parle le spectacle, la fable et qui n’est pas lié à l’énonciation hic et nunc, mais à l’illusion qu’il se passe ou s’est passé ou se passera quelque chose dans un monde possible, celui de la fiction ». P. Pavis, Dictionnaire du théâtre, « Temps ».

32  A. Ubersfeld, Lire le théâtre I, 35.

33  A. Ubersfeld, Lire le théâtre I, 35.

34  B. Brecht, 846.