Johanna Renard
Université Rennes 2
Une appréhension du réel qui met l’accent sur le détail ordinaire, le rien ou le pas grand‑chose, les petites actions banales. Un temps qui dure, qui s’étend, qui pèse, qui n’évolue pas. Un flux gestuel qui se déploie dans une continuité plate, sans inflexions. Nivelant les saillances affectives, favorisant des états toniques atones et étales, pendant les années 1960, l’œuvre chorégraphique de la danseuse, chorégraphe, cinéaste, poète et théoricienne américaine Yvonne Rainer fait émerger une tonalité émotionnelle très particulière. Nous proposons de rapporter cette forme d’expérience kinesthésique à l’émergence d’une nouvelle sensibilité dans le champ de l’avant-garde à New York : dans le sillage de Marcel Duchamp et de John Cage, la décennie 1960 voit en effet s’imposer l’ennui à la fois comme stratégie esthétique et comme style affectif 1, façonné par les normes et les valeurs de cette communauté artistique. Dans le subtil intervalle entre l’intention artistique, la perception de l’œuvre d’art par ceux et celles qui la reçoivent et le désarroi de la critique d’art traditionnelle face à la dé‑définition artistique à l’œuvre, la question d’une esthétique de l’ennui se pose de manière insistante. Dans l’œuvre de Rainer, la tonalité émotionnelle de l’ennui devient prégnante, et influe sur la fabrique même du geste dansé, à partir de la pièce Parts of Some Sextets (1965) : tous les matériaux constitutifs de la danse y semblent imprégnés d'ennui. Simple coloration affective ou véritable stratégie d’avant-garde, comment interpréter le recours à l’ennui dans Parts of Some Sextets ? Au-delà, que nous enseigne ce dispositif sur le rapport au matériau émotionnel dans la danse de Rainer ? À l’appui de notre analyse, dans un moment où la chorégraphe confère une importance croissante au processus de création du geste dansé plutôt qu’à la performance finale, nous donnerons une place équivalente à la danse et à sa conceptualisation, à la lumière de l’essai "Some Retrospective Notes on a Dance for 10 People and 12 Mattresses called Parts of Some Sextets", paru à l'hiver 19652.
C’est en participant à l’aventure aussi explosive qu’éphémère du Judson Dance Theater (1962-1964) qu’Yvonne Rainer a contribué à insuffler un profond renouvellement de la conception du geste dansé et du corps dansant, aussi bien que de la structure chorégraphique. Membre fondatrice de ce collectif new-yorkais de danseurs, chorégraphes et artistes accueilli par la Judson Memorial Church à Greenwich Village, elle a profité de ce véritable laboratoire d’expérimentation chorégraphique pour développer une danse libérée de la narration, des costumes et des décors, mais aussi de tout ce qui tend à instaurer une relation de fascination avec le spectateur. Le groupe travaille le corps dans sa réalité la plus physique et la plus concrète, bouleversant la notion même de structure chorégraphique en recourant à des procédés aussi divers que le hasard, le collage, la répétition ou l’improvisation3. Les chorégraphes du Judson Dance Theater, et tout particulièrement Trisha Brown, Lucinda Childs, David Gordon, Deborah Hay, Steve Paxton et Yvonne Rainer, introduisent des gestes et des objets du quotidien, font un usage illimité de la répétition, entreprennent de niveler le rythme et l’énergie, ou encore adoptent un style performatif plutôt atone et plat.
Dans ce collectif, Rainer détient une stature particulière : membre extrêmement active, elle s’est nourrie de l’énergie du groupe pour développer des pièces majeures. Dès lors, on lui attribue souvent la position de chef de file, au déni de l’utopie collective déhiérarchisée élaborée par le groupe. Il est vrai que c’est à elle que l’on doit le label "post-modern dance", formulé dans une acception purement chronologique afin de marquer l’antagonisme vis‑à‑vis de la danse moderne4. En outre, la chorégraphe occupe une place privilégiée dans le récit de l’avant-garde des années 1960. Une majorité d’historiens de l’art et de critiques ont d’ailleurs décrit et analysé sa danse à l’aune du canon minimaliste, privilégiant une vision dépersonnalisée, formaliste et abstraite de son travail5. C’est aussi l’angle d’approche développé par Sally Banes, pionnière de l’histoire de la danse, ayant contribué à imposer la notion de danse postmoderne dans l’historiographie de la danse contemporaine. Pour elle, les œuvres de Rainer produites dans le contexte judsonnien, de We Shall Run (1963) à Parts of Some Sextets (1965), "led her to make dances even more explicitly directed against emotional expression"6. Dans son ouvrage phare, Terpsichore in Sneakers, Banes érige d’ailleurs la pièce Trio A (1966) au rang de danse emblématique de la post-modern dance. Elle déclare : "the achievement of Trio A is its resolute denial of style and expression, making a historical shift in the subject of dance to pure m
otion
"7 .
L’argument d’un refus de l’émotion chez Rainer doit beaucoup au fameux paragraphe manifestaire qui vient conclure l’article "Some Retrospective Notes on a Dance for 10 People and 12 Mattresses called Parts of Some Sextets", connu sous le nom de "NO Manifesto". Presque inévitablement cité dans les discours sur l’œuvre de Rainer (au grand dam de l’artiste, d’ailleurs, profondément lassée de voir son œuvre résumée à ces quelques lignes lapidaires8), l’extrait adopte un ton manifestaire pour résumer "the rules and boundaries of [her] own artistic game of the moment", énoncées comme "a very large NO to many facts in the theatre today"9 :
NO to spectacle no to virtuosity no to transformations and magic and make-believe […] no to seduction of spectator by the wiles of the performer no to eccentricity no to moving or being moved10.
La formule qui vient conclure l’énumération – "no to moving or being moved" – a été interprétée par Banes comme un rejet de l’expressivité et de l’émotion en danse11. Il s’agirait de se distancier de la conception classique et moderne du geste dansé comme porteur d’expressivité et d’émotion. On a en effet longtemps affirmé que la spécificité de l’art chorégraphique résidait dans l’absence de finalité pratique du geste dansé, alliée à une intention de susciter des émotions12. Dès lors, l’implication du public est généralement envisagée sur le modèle de l’empathie kinesthésique13 : Paul Valéry déclare par exemple que les sensations de durée et d’énergie produites par la danse forment une « enceinte de résonance » qui se communique puisqu’une « partie de notre plaisir de spectateurs est de se sentir gagnés par les rythmes et virtuellement dansants nous-mêmes! »14.
Pour sa part, Carrie Lambert‑Beatty souligne plutôt le jeu de mots dans "no to moving or being moved"15 , qui associe émotion et mouvement16. Si l’historienne de l’art ne manque pas de relever que la chorégraphe se positionne très tôt dans la lignée de la critique brechtienne d’un « théâtre de l’empathie » qui manipulerait émotionnellement un public réduit à la passivité17, elle relève aussi que l’empathie est un principe fondateur des deux médias de prédilection de Rainer, la danse et le cinéma. Selon elle, il faut déceler "a spectatorship of 'empathy, kinetic and otherwise' as central to some of [Rainer’s] most important work"18 . Trio A, selon Lambert-Beatty, soulève une question essentielle : "[it] raises the central question of kinesthesic theory : is it possible to directly correlate what the performer feels and what audience sees?"19. Pour autant, dit-elle, ce ne serait que par la suite, en quittant la danse pour le cinéma entre les années 1970 et 1990, que Rainer aurait véritablement renoué avec l’impact émotionnel dans sa pratique artistique20.
Les pistes proposées par Lambert-Beatty en termes de régime spectatoriel et d’empathie kinesthésique sont aujourd’hui fondamentales dans l’étude de l’œuvre de Rainer. Il est indéniable que la question du partage avec le public de l’expérience physique proposée par la danse est déterminante. Mais le point de départ de notre réflexion est plus spécifiquement la remise en cause de la vision prédominante d’une danse rainerienne dépersonnalisée et dénuée d’émotions. Témoin privilégié des développements du Judson Dance Theater dès ses prémisses, Jill Johnston, la critique de danse du Village Voice, a produit un corpus de compte rendus critiques qui permettent de modérer la doxa minimaliste et formaliste21. Chantre de l’avant‑garde, la journaliste n’en pose pas moins un regard extrêmement fin et nuancé sur la nouvelle danse. Dans plusieurs textes, elle montre que le matériau émotionnel, intime et subjectif détient une place importante dans les danses de Rainer, dont elle est une fervente admiratrice22. Après avoir vu la danse Dialogues (1964), elle déclare par exemple :
Yvonne Rainer shifts the commonplace of emotions into contemporary focus […] Her communication of pain and pleasure (are there any other emotions?) is a personal exposure with the raw impact of uncontrolled insanity. Her screaming tantrum in Three Seascapes two years ago was like looking into the eye of a harmless hurricane. The harmless part of it is what makes it an exciting abstraction. She doesn't mean it, or pretend to mean it, the way older modern dancers did. She's presenting emotions as facts and not as idealized commentaries on the human condition23.
L’image du "harmless hurricane" est extrêmement parlante : ce n’est pas tant que la danse de Rainer est dépersonnalisée et « objective », qu’elle propose un renouvellement radical du traitement de l’émotion. Désormais, le matériau affectif, délivré de son intensité paroxystique, est envisagé comme un fait24. Dès lors, il est très éclairant d’étudier le style affectif rainerien non plus en termes d’absence ou de négation, mais à l’aune d’une manifestation affective de basse intensité, distante et froide : l’ennui. D’ailleurs, loin de ne susciter aucune émotion, l’art chorégraphique du Judson, et la danse de Rainer en particulier, a souvent été taxé d’ennui par des journalistes qui lui reprochent son caractère banal, monotone et répétitif25. Pour George Jackson, par exemple, "one is transported beyond boredom to see a man, a woman, men, women, being themselves"26.Or, l’ennui27 est omniprésent dans les pratiques et les discours artistiques des années 1960. Alors que le recours à une tonalité émotionnelle froide, atone et déceptive se généralise dans les œuvres, confrontés à la large entreprise de dé‑définition en cours dans toutes les disciplines artistiques, contraints de remettre à jour ses catégories et ses conceptions esthétiques, le grand public comme la critique artistique se plaignent constamment d’un accablant sentiment d’ennui. À vrai dire, dans cette période, peu d’artistes ont échappé à l’accusation d’ériger l’ennui au rang de principe esthétique. On fustige l’abstraction sèche des tableaux d’Ellsworth Kelly, la durée interminable des films d’Andy Warhol, le manque d’expressivité du travail de Roy Lichtenstein, la neutralité apathique de la danse de Merce Cunningham ou la froide sérialité des sculptures de Robert Morris. Si l’ennui est fréquemment instrumentalisé pour décrédibiliser les pratiques artistiques contemporaines, les critiques et les historiens de l’art ont mis en avant l’apparition d’une véritable aesthetic of boredom28. En 1965, dans son fameux article "ABC Art", analysant la tendance minimaliste dans les pratiques artistiques des années 1960, Barbara Rose affirme : "If, on seeing some of the new paintings, sculpture, dances or films, you are bored, probably you were intended to be. Boring the public is one way of testing its commitment."29 L’ennui relèverait donc d’une stratégie, permettant d’immerger l’audience dans l’œuvre, tout en l’encourageant à conserver une sorte de distance critique. Il s’agirait de la confronter à une angoisse quasiment existentielle, l’affrontant à une temporalité qui s’étend de manière interminable, plate et monotone, sans qu’aucun événement ne vienne troubler son cours inexorable. Pour sa part, dans l’article "Boredom and the Amiable Android"30 , le critique d’art du New York Times, Brian O’Doherty, propose de subdiviser l’ennui esthétique en deux catégories, high‑boredom et low-boredom, pour mieux saisir "the elusive attitudes and subtle contradictions through which the art of the sixties is brought into being"31. À mille lieues du sentiment lourd et abrutissant évoqué par les adversaires de ces nouveaux développements artistiques, O’Doherty argue que "far from having no content, boredom is a state of potential richness, a desert that is now being irrigated and colonized"32. C’est bien la paradoxale richesse du sentiment d’ennui que Rainer exploite dans plusieurs de ses œuvres les plus importantes et plus particulièrement dans Parts of Some Sextets.
Austère et rigoureuse, Parts of Some Sextets (1965) est une œuvre chorégraphique qui fait rupture dans le travail chorégraphique de Rainer. Étape cruciale, précédant la conception de Trio A, dont l’élaboration démarre quelques mois plus tard, l’œuvre vient couronner un renouvellement profond dans la fabrique du geste dansé rainerien. C’est le moment où la chorégraphe décide de trouver une autre façon de bouger en cessant de recourir au style excentrique qu’elle affectionnait jusque‑là33. Il faut préciser que, comme la grande majorité des pièces de Rainer des années 196034, la pièce Parts of Some Sextets n’a jamais été filmée ni recréée par la suite. Elle ne peut donc être approchée que par l’entremise de son programme artistique, accessible à travers les sources écrites35, par sa fortune critique ou encore par le biais des traces visuelles des répétitions et des représentations36.
Créée pour dix personnes et douze matelas à partir d’une charte rigoureuse, Parts of Some Sextets fut présentée au Wadsworth Atheneum à Hartford dans le Connecticut et à la Judson Memorial Church à New York en mars 1965. Elle rassemble des danseurs professionnels ou occasionnels (Yvonne Rainer elle-même, mais aussi Lucinda Childs, Judith Dunn, Sally Gross, Deborah Hay, Tony Holder, Robert Morris, Steve Paxton, Robert Rauschenberg et Joseph Schlichter) et se compose de trente‑et‑une activités différentes inspirées de la vie quotidienne, qui se déroulent isolément ou simultanément durant quarante-trois minutes, selon un timing rigoureux – un changement brusque d’activité intervenant toutes les trente secondes. En se penchant sur les tâches détaillées dans la charte37, on s’aperçoit qu’outre les fameuses séquences de marche ou de course (racing walk, bent-over walk, bird run, etc.) et les moments d’immobilisation temporaire (par le fait de se tenir debout, de s’assoir, de se coucher), la majorité des activités nécessitent d’interagir avec les matelas38. Il s’agit de les porter, de les déplacer, de les empiler, de sauter dessus, de ramper à travers, de se tenir dessus, etc. D’autre part, les changements d’activités se produisent en fonction de « signaux » prédéterminés présents dans l’enregistrement sonore accompagnant la pièce. Ce dernier se compose d’extraits du journal intime du Révérend William Bentley, récités par Yvonne Rainer sur une bande enregistrée, offrant un exposé à la fois austère, précis et minutieux des faits du quotidien39 :
2-2-1786
A note to John Brown to join the Wednesday night singers. On Monday evening a fire broke out in Marblehead, by which was consumed a large Store, the chamber of which was a Sail loft, containing many suits of Sails belonging to fishermen. In the Store was a large quantity of fish, part of which was destroyed. […] On Wednesday, Mr. John Brown and Caleb Bengs, and Joseph Loring, joined the New Singing School. Lent Dr. Nuttig a dollar. Invited James Cushing to attend Singers40.
La pièce offre donc une savante juxtaposition d’actions ordinaire, d’objets du quotidien, de corporéités banales, de récit journalier, de répétition, de lenteur et d’énergie paisible, atone et désaccentuée. Entre rigueur et trivialité, les photographies en noir et blanc des performances de Parts of Some Sextets montrent des performeurs en tenues décontractées, consciencieusement engagés dans des activités différentes, toutes plus ordinaires les unes que les autres. Les visages sont impassibles, les gestes mesurés et précis, aucun acmé n’est décelable dans le mouvement. Face à ces images fixes, il est en effet tentant de parler de danse neutre ou de neutralité expressive. Néanmoins, on ne peut réellement comprendre la facture du geste dansé, son style affectif et la qualité du dispositif chorégraphique sans se référer à l’histoire de Parts of Some Sextets et à son processus de création.
La renommée du "NO manifesto" a quelque peu évincé la richesse théorique de l’essai qui l’abrite, "Some Retrospective Notes on a Dance for 10 People and 12 Mattresses Called Parts of Some Sextets"41. Rainer y décrit avec une fine précision la genèse et le processus de création de la danse. À la manière d’un journal, elle en retrace les différentes étapes, remontant jusqu’au printemps 1964. La pièce dérive en effet d’expérimentations en matière de transport et de manipulation d’objets mobiliers (comme c’est le cas dans la pièce Room Service en 196442). Rainer s’attarde par exemple sur une séance d’improvisation à la Judson Church où elle et Robert Morris déménagent le mobilier de l’église, générant une situation frustrante et irritante. À partir de là, la chorégraphe conserve le désir de travailler l’interaction entre les corps en mouvement et les matelas, ces objets à la fois pesants, inertes et flexibles. Concomitamment, elle élabore un duo avec Morris, à la fois athlétique et explicitement érotique, intitulé Part of a Sextet43(1964).
Surtout, la genèse de Parts of Some Sextets est marquée par le premier séjour en Europe de Rainer, entre l’été et l’automne 1964. En effet, en août, alors que la Merce Cunningham Dance Company effectue une tournée mondiale, les artistes John Cage, Steve Paxton, Robert Rauschenberg, Deborah Hay, Alex Hay, Yvonne Rainer, Robert Morris et Oyvind Fahlström sont invités à se produire par la même occasion au Moderna Museet de Stockholm. Dans "Some Retrospective Notes…", Rainer insiste tout particulièrement sur le choc que lui procure la pièce Check de Morris, présentée dans l’immense hall central du Moderna Museet44.
Au‑delà de l’historique de création de Parts of Some Sextets, l’essai de Rainer analyse la manière dont la nécessité profonde de renouveler son style chorégraphique s'est imposée à elle. Loin des dogmes minimalistes auxquels on réduit souvent son approche, elle adopte un ton très personnel, associant sa démarche artistique et conceptuelle à une période de vie bien particulière et, surtout, à un état émotionnel spécifique. De fait, après Stockholm, elle accompagne Morris à Düsseldorf, où le sculpteur minimaliste prépare une exposition à la galerie Schmela. Là, durant six semaines, Rainer se trouve désœuvrée et esseulée dans une ville étrangère dont elle ne connaît pas la langue. Confrontée à la solitude et au vide, elle tente d’organiser son quotidien :
I went every day to a tiny 6th-floor walk-up ballet studio in the Altstadt; I could see the Rhine beyond the old roof-tops. One day there was a fire in the next block. Much smoke and scurrying around. I felt like a cuckoo in a Swiss clock observing an intricate mechanized toy go thru its paces. All those little firemen and townsfolk seemed wound up. And in the distance that flat river and green-washed Rhinemeadow. The whole scene was decidedly depressing.45
Tout y est : la monotonie du paysage, les journées qui s’écoulent quasiment identiques les unes aux autres, l’humeur dépressive, la stagnation, le présent interminable et le sentiment d’être à distance du réel. L’incendie survenant dans la vieille ville aurait pu constituer un événement frappant, mais Rainer le relate à la manière d’une spectatrice distante, observant froidement le monde extérieur comme s’il s’agissait d’un curieux mécanisme. La perception du réel dans son entier, jusqu’aux tristes eaux du Rhin, semble colorée de la fadeur de l’ennui. Quel rapport avec la danse, pourrait-on se demander ? Tout d’abord, il faut noter l'écho entre l’anecdote rapportée par Rainer et le style laconique et concis du Révérend Bentley : on retrouve ce récit froid et détaché des faits ordinaires. Ce regard singulier sur le réel semble prédominer dans la recherche kinesthésique précédant la conception de Parts of Some Sextets.
C’est donc pour contrecarrer l’accablement et l’angoisse de l’ennui que Rainer entreprend de travailler le mouvement en profondeur. "Since there was nothing else to do, I worked. Worked mechanically and at times despairingly on movement"46, précise‑t‑elle. Il s’agit d’une impulsion presque vitale :
I felt I could no longer call on the energy and hard-attack impulses that had characterized my work previously, nor did I want to explore any further the “imitations-from-life” kind of eccentric movement that someone once described as “goofy glamour”.47
Dès lors, elle choisit de revenir aux gestes les plus élémentaires, dans un rythme lent et avec une énergie atone :
So I started at another place – wiggled my elbows, shifted from one foot to the other, looked at the ceiling, shifted eye focus within a tiny radius, watched a flattened, raised hand moving and stopping, moving and stopping. Slowly the things I made began to go together, along with sudden sharp, hard changes in dynamics. But basically I wanted it to remain undynamic movement, no rhythm, no emphasis, no tension, no relaxation. You just do it, with the coordination of a pro and the non-definition of an amateur.48
C’est en s’ennuyant, en regardant littéralement le plafond ou en remuant machinalement, sans but véritable, que Rainer parvient à dégager une nouvelle voie en termes de facture du geste dansé. On voit émerger une gestuelle focalisée sur le détail insignifiant, sur l’infime, sur le « presque rien » et sa répétition. Là surgit son idéal kinesthésique radical : un mouvement non virtuose, délivré de tout impératif de rythme, d’oscillation entre la tension et la relâche ou d’emphase. Un geste strictement ordinaire49, réalisé avec une énergie minimale, étale et continue : un geste dansé de basse intensité.
Elle entreprend délibérément de n’élaborer que des actions perçues comme ordinaires et ennuyeuses, qui n’apportent aucune satisfaction que ce soit en termes de « joliesse » ou de technicité. Transporter un matelas. Ramper sur les matelas empilés. S’asseoir. S’allonger. Autant de mouvements pouvant être perçus comme déceptifs, puisqu’ils déjouent totalement les conventions spectaculaires. D’ailleurs, elle conçoit l’objet comme un rempart contre toute relation narcissique entre les danseurs et les spectateurs. En effet, en offrant une place décisive à l’objet dans la chorégraphie, elle dirige l’entière attention des performeurs vers celui-ci, les empêchant ainsi d’être polarisés sur leurs propres corps. L’intériorité étant mise entre parenthèses, la danse se concentre alors sur une expérience directe, purement spatiale et temporelle, de la réalité. Il faut d’ailleurs noter que le sous-titre de la pièce ("a dance for 10 People and 12 mattresses") instaure une relation d’égalité entre danseurs et objets. Les matelas sont considérés comme des performeurs à part entière, en dépit de leur inertie et de leur non-humanité. Et, réciproquement, les corps humains sont eux aussi maniés, ramassés, transportés, et ainsi chosifiés.
D’autre part, en travaillant l’enchaînement des actions, Rainer s’emploie à éradiquer toute fluidité et toute progression : il faut donner l’impression, quoi qu’il puisse se dérouler sur scène, que rien ne se passe et que la danse ne va nulle part. "Its repetition of actions, its length, its relentless recitation, its inconsequential ebb and flow all combined to produce an effect of nothing happening"50, dit-elle. Pour ce faire, elle choisit de manipuler la matière temporelle : elle impose un intervalle de temps implacable – trente secondes – qui détermine les incessants changements d’activités et qui est signifié aux danseuses et danseurs par le biais de « signaux » énoncés dans la bande sonore51. Dans son article, elle affirme la volonté consciente et assumée d’exagérer la perception de la durée, de manière à rendre le temps aussi tangible et palpable que possible. Pour ce faire, elle associe différents procédés comme la juxtaposition d’une narration fastidieuse et d’un effet de constante réitération. Paradoxalement, si elle utilise la durée pour mettre en place une atmosphère générale profondément banale et monotone, sans événement (uneventful), elle ne recourt guère à l’extension de la durée. Au contraire, elle choisit un intervalle de temps extrêmement court qui, à première vue, pourrait conférer un rythme soutenu à la danse. Mais, parce qu’il se répète inéluctablement, empêchant de facto tout effet de surprise ou de récréation, le laps de temps choisi homogénéise l’action et donne l’impression d’un retour du même.
Il nous semble que la lecture de l’essai "Some Retrospective Notes…" communique quelque chose de ce qu’avait pu être l’expérience spectatorielle de Parts of Some Sextets. En effet, en écho au style circonstancié à l’extrême du journal du Révérend Bentley, elle ne fait l’économie d’aucune précision. Dans un style plat et répétitif, elle présente le processus de création à la manière d’un journal et, à l’instar du pasteur, multiplie des précisions chiffrées qui, pour certaines, pourraient sembler accessoires : du nombre de répétitions hebdomadaires jusqu’aux dimensions précises des feuilles de papier millimétré sur lesquelles est rédigée la charte de la pièce, de l’énumération consciencieuse des trente‑et‑une actions qui composent la danse jusqu’à la description de la méthodologie plus ou moins aléatoire adoptée pour remplir les cases de la charte. À tous points de vue, la lecture du texte procure une expérience aussi austère, redondante et saccadée que l’œuvre chorégraphique qu’elle décrit.
En définitive, "Some Retrospective Notes…" met en lumière un refus radical de plaire, allant assez loin en l’occurrence, puisque le texte affirme la volonté de créer une danse qui fait du sur-place, frustrant le désir spectatoriel de causalité, de finalité et d’aboutissement à quelque chose. À ce propos, Rainer fait appel à une métaphore particulièrement éloquente :
The dance “went nowhere”, did not develop, progressed as though on a treadmill or like a 10-ton truck stuck on a hill: it shifts gears, groans, sweats, farts, but doesn't move an inch.52
Proposer un rapport d’analogie entre la danse et un vieux camion crachotant, il fallait l’oser. Provocante, Rainer pulvérise radicalement tout relent d’une conception chorégraphique traditionnelle, en faisant primer la pesanteur sur la légèreté, l’immobilisme sur le mouvement, la lenteur sur la vitesse, le prosaïque crachotement du moteur sur le geste gracieux.
Mais qu’en est-il de l’expérience spectatorielle singulière occasionnée par la performance de Parts of Some Sextets ? Pour s’en faire une idée, on peut se rapporter à la réflexion critique de Jill Johnston, élaborée après avoir vu la pièce à quatre reprises. Pour sa part, elle parle de "striking bore" :
Dance and tape together, the work is a tour de force of factual information. The dance is tough and pure and unrelenting in its constant reiteration of material. At some point the success of the dance considered from any norm of desire for the maintenance of tension with a certain time span (how much of what? and how long?) was out of the question. Just so the tape. How long would you listen to the Reverend Bentley's pedestrian observations before you flaked out or began to daydream or excused yourself or told the good man to take a powder? On the other hand, why not, and why not look at the interior decoration which is a polka-dot expanse outside important trips from bed to icebox? Existentially, why not anything?53
Louant la rigueur de la construction chorégraphique, la journaliste n’en pointe pas moins le caractère profondément excessif de la pièce : la structure temporelle aussi démesurée que statique, le recours immodéré à la répétition, le dépouillement et la banalité de l’espace et des objets, l’insignifiance volontaire de l’action ou encore l’aspect outrageusement systématique de la partition.
Se faisant l’écho des problématiques esthétiques posées par la danse, l’article adopte une démarche inhabituelle : pour mieux souligner la singularité de l’expérience affective suscitée par Parts of Some Sextets et afin de provoquer un sentiment équivalent par le biais de l’écriture, Johnston raconte sans fioritures les petits faits de son propre quotidien (une rencontre imprévue avec la parade de la Saint-Patrick dans les rues de New York, un trajet en métro, quelques digressions au sujet du mobilier de son studio). Comme chez Gertrude Stein, autre modèle absolu de l’avant-garde américaine des années 1960, la fusion de l’art et de la vie façonne une expérience esthétique où priment l’ordinaire, la temporalité réelle et le prosaïsme. Il faut, nous dit Johnston, s’ouvrir à un art où "nothing matters, not too much anyways, because everything matters, equally"54.
Comparant le rapport sec et sans agrément présenté en bande sonore avec la célèbre musique d’ameublement imaginée par Erik Satie55, Johnston insiste sur la singularité d’une expérience esthétique où les notions de plaisir et de déplaisir deviennent presque caduques. On touche ici à une problématique récurrente de la nouvelle danse et de l’avant-garde contemporaine, puisque ces pratiques artistiques refusent l’obligation faite à l’œuvre d’art de séduire et de prodiguer du plaisir esthétique.
Il est intéressant de mettre en regard l’approche de Rainer et celle de l’artiste Fluxus Dick Higgins, qui s’est attelé à théoriser le recours à l’ennui dans les pratiques artistiques d’avant-garde. En 1966, il rédige un essai intitulé "Boredom and Danger", publié dans The Something Else Press Newsletter en 196856, dans lequel il démontre que le recours à l’ennui constitue une véritable stratégie artistique, particulièrement mobilisée par les pratiques performatives telles que la danse, le happening ou les events Fluxus57. Ce phénomène aurait été insufflé par John Cage, et notamment par son travail sur l’œuvre musicale d’Erik Satie58. Higgins cite à l’appui la pièce Vexations composée par ce dernier en 1893, mais jamais jouée ni rendue publique du vivant du compositeur. Parmi les premières œuvres à interroger l’exagération de la durée en musique, la composition de Vexations, intentionnellement redondante et monotone, est aux antipodes de la conception traditionnelle de la musique de son temps : de fait, elle refuse toute apothéose, couleur, variété ou rythmes. Les instructions en sont particulièrement simples : il s’agit de jouer à 840 reprises et très lentement le même motif pour piano. On doit la première représentation de Vexations, organisée entre le 9 et le 10 septembre 1963 au Pocket Theater de New York, à l’initiative de John Cage. Il s’agit en fait d’un véritable marathon, au cours duquel dix pianistes (parmi lesquels Cage lui‑même, Viola Farber, Christian Wolff, David Tudor ou encore Philip Corner) se succèdent sans interruption durant dix‑huit heures et quarante minutes, à partir de six heures du soir jusqu’à midi quarante le lendemain. En définitive, l’expérience concrétise le fameux adage de Cage :
If something is boring after two minutes, try it for four. If still boring, try it for eight, sixteen, thirty-two, and so on. Eventually one discovers that it's not boring at all but very interesting.59
Selon Higgins, la performance de Vexations a foncièrement transformé le rapport spectatoriel à l’œuvre d’art en prenant l’exact contrepied de l’impératif de divertissement spectaculaire :
The music first becomes so familiar that it seems extremely offensive and objectionable. But after that the mind slowly becomes incapable of taking further offence, and a very strange, euphoric acceptance and enjoyment begin to set in.60
Il ajoute que Cage aurait été le premier à mettre à jour dans son œuvre et son enseignement l’existence d’une dialectique entre l’ennui et l’intensité, dans laquelle "the boredom played a comparable role, in relation to intensity, that silence plays with sound where each heightens the other and frames it"61. En définitive, l’usage de l’ennui dans les pratiques performatives serait donc fortement redevable aux expérimentations sonores cagiennes. Dans cette lignée, en une remise en cause radicale du concept de divertissement, les œuvres performatives issues du courant Fluxus, du happening ou du Judson Dance Theater tendent à impliquer le spectateur dans l’œuvre mais en l’extrayant de sa zone de confort. Dès lors, "boredom often serves a useful function: as an opposite to excitement and as a means of bringing emphasis to what it interrupts, causing us to view both elements freshly"62. Il s’agit donc de confronter le public au sentiment d’irritation et d’inconfort qui résulte de l’exagération de la durée, de la monotonie et de la répétition interminable, jusqu’à ce que ce sentiment premier d’insatisfaction évolue peu à peu vers ce qu’Higgins identifie comme une forme d’enrichissement de l’expérience perceptive spectatorielle. Finalement, recourir à l’ennui, c’est accepter de mettre l’œuvre en danger : "In order to build intellectual excitement into work, there must always be the sense that it was near‑miss – a near‑failure" affirme Higgins63.
C’est bien la gageure que choisit de soutenir Rainer dans Parts of Some Sextets, "at the risk of losing the audience before it was half over"64. Les différents procédés mis en œuvre – de l’inéluctable répétition alimentant l’impression que la pièce ne va nulle part à l’extrême banalité des actions, du caractère fastidieux du texte à l’insistance sur l’accablante pesanteur du moment présent – relèvent tous de technologies de l’ennui, visant à produire une esthétique déceptive. Entre inconfort et irritation, le sentiment d’ennui permet de favoriser une posture de retrait de la part des membres de l’audience, et de démanteler le processus d’identification ou de fascination à l’égard des corps dansants. En usant de la froide et ironique distance de l’ennui, elle en appelle à un public actif et émancipé nullement happé par le phénomène d’empathie kinesthésique.
"A daring assault on the tolerance-attention of any audience"65, pour reprendre les mots de Jill Johnston, Parts of Some Sextets, œuvre aussi ambitieuse que radicale, prend le risque d’indisposer son public tout en l’impliquant dans le processus artistique par le biais de l’ennui. Comme l’expose Higgins, les pratiques performatives des années 1960 envisagent l’œuvre comme un véritable environnement, englobant ensemble les performeurs, les objets, les sons, l’espace, les spectateurs en recourant à un style affectif incolore, distant et modéré, celui de l’ennui. Cette tonalité émotionnelle prend une place de plus en plus importante dans la danse de Rainer à partir de Parts of Some Sextets, une pièce qui inclut précisément l’ennui dans l’ADN de son geste dansé et dans la structure chorégraphique. Pour autant cette tonalité émotionnelle n’est pas seulement un outil stratégique puisque, comme le narre Rainer dans "Some Retrospective Notes…", le mouvement est coloré par l’état d’esprit très particulier de l’artiste, entre dépression et ennui profond, qui a présidé à sa conception. D’Ordinary Dance (1962) à Trio A (1966) et de Rose Fractions (1968) à Grand Union Dreams (1971), pour ne citer que ces exemples, les technologies de l’ennui sont récurrentes dans le travail chorégraphique rainerien, souvent alliées avec des allusions autobiographiques traitées de manière froide et distanciée. Parmi celles-ci, le langage détient un rôle crucial : le format de la récitation monochrome et fade placé en juxtaposition avec la danse, remarquable dans Parts of Some Sextets, est déterminant dans la création de la tonalité affective. Lorsque Rainer opte pour le cinéma à partir du début des années 1970 (son premier film, Lives of Performers, date de 1972), elle choisit d’explorer de manière plus approfondie la narration fragmentaire associée au traitement factuel de l’émotion. Dès lors, le discours devient central, remplaçant l’action et se déployant sans limites, narrant les problématiques personnelles d’une subjectivité féminine dans Film About a Woman Who (1974), Kristina Talking Pictures (1978) ou encore Journeys from Berlin/1971 (1980). Cela s’ajoute à une extension de la durée, une pratique du plan séquence, un recours constant à la répétition et un rythme étale, tout un ensemble d’éléments producteurs d’ennui.
Nous n’avons fait qu’effleurer une partie de la problématique de l’ennui dans l’œuvre de Rainer mais, pour terminer, il nous semble important de souligner la dynamique circulaire entre les médias chorégraphiques et cinématographiques dans la carrière de l’artiste. À ce propos, il faut citer les mots de l’artiste, qui éclairent son approche de l’ennui cinématographique entrant en résonance avec sa sensibilité chorégraphique66 informée par la musique expérimentale de son temps :
I make films which may drive viewers to distraction, but also provide this arena where they have room, plenty of space and time to contemplate issues or their own place and position within certain issues. You may say that the way I use this very slow pacing and extended time, repetitive framing, long shots and shots of long duration derives from the music concert of the ’60 – La Monte Young and John Cage – where you listen and your mind starts going away67.
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1 C’est à partir des années 1980 que l’histoire des émotions prend son envol, au moment où l’exclusivité cognitive de la raison est remise en cause, tout autant que le caractère naturel et universel des états affectifs. L’un des principaux apports au chantier de l’histoire des émotions est celui de l’anthropologie constructiviste, qui stipule que les manifestations émotionnelles sont façonnées par des systèmes culturels de croyance et se conforment aux normes sociales d’une société donnée. En ce sens, on pourrait dégager un « style affectif » propre à chaque période historique et à chaque aire culturelle, qu’il conviendrait de mettre à jour à travers l’étude des différents discours contemporains. La notion de style affectif est prégnante dans le champ de l’histoire des émotions : William Reddy, notamment, a étudié l’importance décisive du politique dans la transformation des styles émotionnels dans une société donnée (voir W. M. Reddy, The Navigation of Feeling: A Framework for the History of Emotions). Barbara Rosenwein montre, elle, que plusieurs styles affectifs coexistent au sein d’un même contexte socio-historique, développés par des groupes qui adoptent les mêmes normes d’expressions émotionnelles (B. H. Rosenwein, Emotional Communities in the Early Middle Ages).
2 Y. Rainer, "Some Retrospective Notes on a Dance for 10 People and 12 Mattresses called Parts of Some Sextets, performed at the Wadsworth Atheneum, Hartford, Connecticut, and Judson Memorial Church, New York, in March, 1965".
3 On pense à des pièces telles que Mannequin Dance (1962) de David Gordon, Transit (1962) de Steve Paxton ou encore à Newspaper Event (1963) de Carolee Schneemann.
4 Voir G. Bray, "Yvonne Rainer, Post-Modern Dancer, Is a Riddle in Movement", 15.
5 B. Rose, "ABC Art" ; A. Michelson, "Yvonne Rainer, Part I : the Dancer and the Dance" ; R. Krauss, "Mechanical Ballets: Light, Motion, Theater ".
6 S. Banes, "An Open Field: Yvonne Rainer as Dance Theorist".
7 S. Banes, "Yvonne Rainer: The Aesthetics of Denial", 54.
8 "The NO manifesto is brought up over and over again. I wish it could be buried.” Helmut Ploebs, "Meeting Yvonne Rainer".
9 Y. Rainer, "Some Retrospective Notes…", 178.
10 Ibid.
11 S. Banes, "An Open Field", 27-28.
12 Voir l’analyse des discussions autour de la définition ontologique de la danse proposée par J. Beauquel, Esthétique de la danse. Le Danseur, le réel et l'expression.
13 À propos de la notion d’empathie kinesthésique, voir D. Reynolds et M. Reason (ed.), Kinesthetic Empathy in Creative and Cultural Practices.
14 P. Valéry, « La Philosophie de la danse », 91.
15 C. Lambert, “Moving Still: Mediating Yvonne Rainer's Trio A”, 94-95.
16 Dérivant du latin movere (« remuer, agiter, pousser, déterminer, émouvoir, provoquer »), le verbe to move, désigne le fait de se déplacer, de se mettre en mouvement, de danser, mais aussi "to rouse or excite feeling in (a person); to affect with emotion". The New Shorter Oxford English Dictionary, Oxford, Oxford University Press, 1993, 1846.
17 En 1955, Rainer découvre en effet la scène en intégrant une troupe théâtrale à San Francisco influencée par les principes du théâtre épique. Yvonne Rainer, Work, 3.
18 C. Lambert, "On Being Moved: Rainer and the Aesthetics of Empathy", 43. Elle a par ailleurs consacré un ouvrage aux nouveaux possibles ouverts par Rainer, entre les années 1960 et 1970, en termes de relation entre performeurs et spectateurs, regardés et regardants. Voir C. Lambert‑Beatty, Being Watched. Yvonne Rainer and the 1960s.
19 C. Lambert-Beatty, "On Being Moved", 49.
20 Ibid.
21 Une partie des textes critiques de Jill Johnston ont été publiés dans l’ouvrage Marmalade Me.
22 J. Johnston, "Yvonne Rainer: II", 11, 18 ; Jill Johnston, "Rainer's Muscle", 29.
23 J. Johnston, "Pain, Pleasure, Process", 15.
24 "Feelings are facts" est d’ailleurs l’adage que Rainer a retenu de son premier psychanalyste et qui est devenu le titre de son autobiographie. Yvonne Rainer, Feelings Are Facts: a Life.
25 Lorsque l’on se penche sur la réception critique de la danse du Judson Dance Theater, dans laquelle le travail de Rainer occupe bonne place, on voit émerger un écart considérable entre l’horizon d’attente du spectateur traditionnel de danse et la nouveauté de l’expérience esthétique qui lui est proposée. Dès lors, le sentiment d’ennui est souvent évoqué en rapport avec le manque d’intensité ou d’“intérêt” d’œuvres qui rompent avec les codes spectaculaires et narratifs. Voir entre autres : M. Munt, "For Dancers Only...", 11 ; W. Sorell, "Phyllis Lamhut, Albert Reid, William Davis, and Yvonne Rainer", 41 ; A. Hughes, "An Avant-Garde Series Begins" ; W. Terry, "More Avant-Garde Dance - With Swatches of Sousa",
26 G. Jackson, "Naked in its Native Beauty", 37.
27 Surgissant dans nombre de circonstances et actions du quotidien tout en demeurant quasiment indéfinissable et fuyant, l’ennui peut être défini comme une « sorte de vide qui se fait sentir à l'âme privée d'action ou d'intérêt aux choses » (« Ennui », in Émile Littré, Dictionnaire de la langue française, Chicago, Encyclopedia Britannica, 1994, 2092. Il s’agit donc d’un état affectif généralement décrit comme pénible et désagréable, lié à au sentiment d’un temps qui se traîne, à une impression de désœuvrement et de monotonie (voir notamment Vladimir Jankélévitch, L'aventure, l'ennui, le sérieux ; Martin Heidegger, Les Concepts fondamentaux de la métaphysique : monde, finitude, solitude, 122-220). En anglais, les mots ennui et boredom sont utilisés, sans pour autant véritablement désigner le même sentiment : en fait boredom désignerait la forme triviale et prosaïque de cet affect, quand le terme d’ennui, emprunté au français, avec ses connotations nobles et sublimes, évoquerait plutôt une tragique maladie de l’âme. Dans le cadre des pratiques artistiques des années 1960, qui mettent l’accent sur l’ordinaire, c’est le terme boredom qui est donc utilisé pour désigner le style affectif des œuvres.
28 Voir par exemple M. Kirby, Art of Time. Essays on the Avant-Garde ; S. Hunter, "The Aesthetics of Boredom: Abstract Painting Since 1960" ; H. Kramer, "An Art of Boredom?" ; F. Colpitt, "The Issue of Boredom: Is It Interesting?".
29 B. Rose, "ABC Art", 55.
30 B. O’Doherty, "Boredom and the Amiable Android", 232-239.
31 Ibid., 232.
32 Ibid., 237.
33 Yvonne Rainer, "Some Retrospective Notes…", 170.
34 Parmi les rares archives filmiques des danses de Rainer, on peut citer quelques exemples de captations : Barbro Schülz Lundestam, Yvonne Rainer, Carriage Discreteness - 9 Evenings: Theatre and Engineering, The 69th Regiment Armory, New York, N.Y., United States, October 14-23, 1966, 2008, couleur et noir et blanc, sonore, 38 minutes ; Michael Fajans, Connecticut Rehearsal, 1969, The Yvonne Rainer Papers, Series VIII, Box 125, DVD2, Getty Research Institute, Research Library, Los Angeles; Trio A with Flags (1966), performed at the opening of the People's Flag Show, Judson Church, 1970 Nov 9, 1970, The Yvonne Rainer Papers, Series VIII, Box 125d, DVD4, Getty Research Institute, Research Library, Los Angeles; Yvonne Rainer, Dance Fractions for the West Coast, The Dilexi Series, KQED-TV, San Francisco, 1969, The Yvonne Rainer Papers, Series VIII, Box 125b, DVD3, Getty Research Institute, Research Library, Los Angeles. En 1978, Sally Banes a aussi produit un film de Trio A, dans lequel Yvonne Rainer danse la pièce sous la forme d’un solo pour la caméra. Yvonne Rainer, Trio A, Sally Banes et Robert Alexander, 1978, 16mm, noir et blanc, muet, environ 10 minutes.
35 Les archives de la pièce (carnet de la chorégraphes, notes diverses, programmes, etc.) se trouvent dans le fonds Yvonne Rainer conservé à la Research Library du Getty Research Institute à Los Angeles. D’autre part, la chorégraphe a publié une partie de la documentation de la pièce dans son ouvrage Work (Y. Rainer, Work 1961-73, 45-61). Enfin, nous y reviendrons, Rainer a publié un essai analysant le processus de création de la pièce : Y. Rainer, "Some Retrospective Notes on a Dance for 10 People and 12 Mattresses called Parts of Some Sextets".
36 Parmi les photographies (en noir et blanc), il faut citer la documentation des répétitions réalisée par Al Giese et les photographies des représentions de la pièce en mars 1965 au Wadsworth Atheneum d’Hartford et à la Judson Church par Peter Moore (Photographs - Performances, 1964-1966, The Yvonne Rainer Papers, Series VII, Box 69, Getty Research Institute, Research Library, Los Angeles).
37 La charte est reproduite dans Yvonne Rainer, Work, 52-53.
38 À propos des relations entre le corps et l’objet dans Parts of Some Sextets, et plus précisément des mouvements que ce dernier peut subir ou causer, voir J. Renard, « Un arrangement d’objets et de personnes : étude de Parts of Some Sextets d’Yvonne Rainer ».
39 Voir William Bentley, The Diary of William Bentley, D.D., Pastor of the East Church, Salem, Massachusetts. Durant près d’une trentaine d’années ce pasteur protestant rendit consciencieusement compte des événements de la vie quotidienne à Salem, Massachusetts. Rainer avait déjà utilisé l’une de ces histoires dans le solo At My Body’s House (1964). Durant l’automne 1964, elle passe cinq semaines à lire et copier des extraits de ce journal à la New York Public Library afin de préparer la bande sonore de Parts of Some Sextets. Elle choisit intentionnellement les épisodes les plus inhabituels dans cette chronique, comme la survenue d’un incendie, la visite d’un montreur d’éléphant ou encore la narration d’une éclipse solaire.
40 Y. Rainer, Work, 55.
41 Y. Rainer, "Some Retrospective Notes on a Dance for 10 People and 12 Mattresses Called Parts of Some Sextets".
42 Sally Banes considère d’ailleurs Room Service comme une étape charnière dans la carrière chorégraphique de Rainer. Voir Sally Banes, "Yvonne Rainer : The Aesthetics of Denial", 42‑43.
43 À partir de 1964 jusqu’au début des années 1970, Robert Morris et Yvonne Rainer développent un partenariat amoureux, nourri d’incessants échanges artistiques. Membre du Judson Dance Theater, Morris danse dans plusieurs productions de Rainer (We Shall Run en 1963, Part of a Sextet en 1964 et Parts of Some Sextets en 1965). Pour sa part, Rainer performe dans les pièces chorégraphiques Check (1964) et Waterman Switch (1965) de Morris. Entre 1964 et 1966, les deux artistes rencontrent un succès considérable et sont fréquemment programmés dans les mêmes évènements artistiques.
44 Particulièrement ambitieuse et fortement influencée par les premières chorégraphies de Simone Forti, telle Rollers (1960), Check implique la participation d’une quarantaine de performeurs et d’environ sept cents membres du public. Près de huit cents chaises sont placées au centre, où l’audience peut prendre place, assise ou debout, et, tout autour, dans la périphérie, où sont performées diverses actions.
45 Yvonne Rainer, "Some Retrospective Notes…", 170.
46 Ibid.
47 Ibid.
48 Ibid..
49 En effet, le geste dansé rainerien reproduit les qualités de l’action ordinaire sans induire de différence esthétique. Ici, nous utilisons la notion d’« ordinaire » pour qualifier le mouvement au sens de banal, mineur et insignifiant.
50 Yvonne Rainer, "Some Retrospective Notes…", 178.
51 En l’occurrence, les signaux sont des bribes de phrases de la bande sonore, choisis à l’aide d’un chronomètre. Rainer précise d’ailleurs que puisque toute continuité « organique » ou « kinesthésique » est annihilée, il en résulte que la danse est particulièrement ardue à apprendre pour les danseuses et danseurs, qui finissent par la mémoriser mécaniquement, comme s’il s’agissait de tables de multiplication ou de dates historiques. Yvonne Rainer, "Some Retrospective Notes…", 177.
52 Yvonne Rainer, "Some Retrospective Notes…", 178.
53 Jill Johnston, "Waring-Rainer", 26.
54 Ibid..
55 Inventée pour satisfaire les besoins utiles, dans l’objectif de meubler le quotidien de manière purement décorative, la musique d’ameublement est développée par Erik Satie à partir de 1917, avec des pièces comme Carrelage Phonique ou Tapisserie en fer forgé. Pour Cage, "Furniture Music was Satie’s most far-reaching discovery, the concept of a music to which one did not have to listen". R. Kostelanetz, Conversing with Cage, 48.
56 D. Higgins, "Boredom and Danger". Au sujet de Fluxus et de l’ennui, voir aussi I. Blom, "Boredom and Oblivion".
57 Se dérobant à toute définition stricte et figée, Fluxus est un non-mouvement artistique apparu en 1962 lors du festival de musique de Wiesbaden, et dont les protagonistes sont, entre autres, George Maciunas, Benjamin Patterson, Nam June Paik, Yoko Ono, Alison Knowles ou Wolf Vostell. Fluxus recouvre des pratiques extrêmement diversifiées, parfois indiscernables de la vie : film, composition musicale, livres d’artistes, objets, actions ou encore les events. Forme privilégiée d’intervention artistique, l’event est une pratique ambiguë créée par George Brecht qui désigne la création d’une expérience esthétique totale et multi-sensorielle, ne nécessitant pas obligatoirement un public. Voir N. Feuillie, Fluxus Dixit. Une anthologie vol. I.
58 Rappelons à ce propos que le Judson Dance Theater s’est formé entre 1960 et 1962 dans le cadre d’un atelier de composition, le Robert Dunn’s Worshop, mené par le musicien Robert Dunn, disciple de John Cage et Merce Cunningham, dont il enseigne les techniques de composition.
59 J. Cage, "Four Statements on the Dance", Silence: Lectures and Writings, 93.
60 D. Higgins, "Boredom and Danger", 21.
61 Ibid., 22.
62 Ibid.
63 Ibid., 26.
64 Y. Rainer, "Some Retrospective Notes…", 178.
65 J. Johnston, "Waring-Rainer", 26.
66 Il n’est pas lieu ici de développer davantage ce mouvement circulaire entre danse et cinéma, cinéma et danse, mais il est passionnant de noter les résonances et les correspondances dans toute la carrière de Rainer, d’autant plus que cette dernière a repris son œuvre chorégraphique depuis le début des années 2000.
67 Y. Rainer, "Profile: Interview by Lyn Blumenthal", 77.