Cottet, Hélène
Université Paris Diderot
Longtemps considérée comme un objet mineur, immature, illégitime notamment en comparaison d’une tradition littéraire britannique, la littérature américaine ne devint que tardivement l’affaire de l’institution universitaire aux États-Unis. Ainsi, si la fondation de Johns Hopkins, première université de recherche américaine, date de 1876, il fallut attendre 1941 pour qu’elle recrute un spécialiste de littérature américaine1. Le décalage est représentatif de la lenteur avec laquelle la littérature américaine s’est fait une place dans la nouvelle culture universitaire, qui, dans le dernier quart du XIXe, assoit avec le diplôme du Ph.D. ses exigences de spécialisation, et qui, dans le domaine de la littérature, passe par la philologie et l’histoire pour construire son discours savant2. À ce moment, la littérature américaine, trop récente, insuffisamment établie, ne se prête guère aux expertises naissantes, et peine à se faire reconnaître dans ce milieu professionnel émergeant.
Son appréciation reste l’affaire de généralistes et d’un public d’amateurs, et c’est dans ce contexte que la poésie américaine, notamment, prend une place importante à l’école à la fin du XIXe siècle. Confortant le soupçon d’immaturité qui planait sur la littérature des États-Unis, ce régime « scolaire » de la poésie américaine va devoir être largement révisé par les universitaires lorsque ceux-ci, s’autorisant enfin d’une approche formaliste et non plus historienne de la littérature, s’emparent à leur tour de la poésie américaine dans la première moitié du XXe siècle. Cette révision s’affiche entre autres dans le choix des poètes étudiés ; c’est ainsi que, comme le note par exemple Richard Brodhead, le remplacement de Henry Wadsworth Longfellow par Emily Dickinson à l’université prend une valeur symptomatique :
If there is anything the second or modern American canon is that the first or genteel canon was not, it is difficult. (The substitution of Dickinson for Longfellow is symptomatic.) This version of our literature requires the aid of expert assistance to bring it home to the common mind—and so helps support the value of expertise more generally.3
Comme le suggère Brodhead, si le passage d’un poète à l’autre représente assez bien la transition entre deux canons littéraires, c’est aussi parce qu’ils impliquent deux contrats pédagogiques distincts. Longfellow autorise une relation simple et scolaire à la poésie américaine en tant que garante des valeurs morales et civiques qui, dans la tradition « genteel » de la fin du XIXe siècle, définissent la nation. Dickinson en revanche, en raison des difficultés posées par sa poésie, permet de faire valoir l’intercession indispensable d’une expertise critique entre le lecteur et le texte. À ce titre, elle devient le poète américain programmatique des New Critics, qui dans les années 1940 installent à l’université leur pratique professionnelle de la critique littéraire, basée sur des préceptes formalistes et sur un corpus exigeant.
Brodhead inscrit ici son interprétation symptomatique d’une transition entre les deux poètes américains dans un postulat plus large : la légitimité qu’une institution confère à un écrivain dépend en retour de la manière dont cet écrivain pourra légitimer les missions de l’institution en question, si bien que la canonisation de Dickinson par les New Critics va de pair avec une légitimation de l’expertise « plus généralement ». Nous partons ici du même postulat, mais il ne nous semble pas pour autant que le remplacement de Longfellow par Dickinson puisse être interprété comme un basculement radical depuis un régime « enfantin » vers un régime « sérieux » de l’étude de la littérature américaine. En vérité, les modalités selon lesquelles l’école puis l’université se sont autorisées de chacun des deux poètes pour définir leurs missions et compétences propres sont en partie similaires. Elles tiennent notamment à ce que l’on pourrait appeler une « scolarisation » du poète américain, c’est-à-dire la manière dont la constitution de son œuvre en tant qu’objet d’étude dépend de la propension du poète lui-même à incarner un sujet à part entière à l’intérieur de la relation pédagogique — un « personnage pédagogique », en quelque sorte, qui sert d’adjuvant aux missions de l’institution dans la mesure où il occupe lui-même, symboliquement, une des fonctions clés qui la constituent. Si l’aura à la fois paternelle et professorale conférée à Longfellow, par exemple, en a fait une figure d’autorité venant relayer celle de l’école elle-même, inversement, c’est une certaine infantilisation de Dickinson qui va permettre de penser la fonction tutélaire de la critique universitaire. C’est ainsi que ceux qui s’autorisent justement de la poétesse pour construire une position d’expertise ne restent pas moins tributaires de l’amateurisme dont ils cherchent à se distinguer : déjà, en constituant l’immaturité elle-même comme un trope poétique, et d’autre part, en entérinant des figurations biographiques de la poétesse, lesquelles valaient pourtant comme exemples d’un impressionnisme critique à dépasser.
Penser la scolarisation du poète américain comme phénomène inhérent à son institutionnalisation, c’est d’abord prendre très au sérieux ce qu’Angela Sorby a appelé le « mode pédagogique » de la poésie américaine. Dans son livre Schoolroom Poets: Childhood, Performance, and the Place of American Poetry, 1865-1917 (2005), Angela Sorby écrit : « I propose, then, that the pedagogical be seen as a distinct literary mode that operated throughout the nineteenth century but became dominant in the period between 1865 and 19174 ». Si nous nous proposons ici d’observer des rémanences de ce mode pédagogique au-delà de la période choisie par Sorby, 1865-1917, il n’en reste pas moins que celle-ci reste décisive pour comprendre un premier régime scolaire de la poésie américaine. C’est le moment où, d’après Sorby, l’école et l’enfance s’imposent comme le site et le public de référence dans la réception de la poésie américaine. Choisissant l’appellation « Schoolroom Poets » pour désigner les auteurs qu’elle étudie plutôt que celles, par exemple, de « Fireside Poets » ou de « Household Poets », communément utilisées pour regrouper certaines des figures qui l’intéressent (Henry Wadsworth Longfellow, John Greenleaf Whittier, Oliver Wendell Holmes, James Russell Lowell, William Cullen Bryant), Sorby va au-delà de la sphère domestique pour s’intéresser plutôt aux façons dont l’institution scolaire a informé la réception de cette poésie à la fin du XIXe et jusqu’au début du XXe siècle. Le mode pédagogique qu’elle évoque ne saurait donc se restreindre aux seuls usages de la poésie dans les salles de classe, mais désigne plus largement une « infantilisation de la poésie américaine » : « the infantilization of American poetry, poets framed as children, children seen as poets, children posited as readers, children recruited as performers, and adults wishing themselves back into childhood5. »
Pour comprendre le propos de Sorby et en offrir une nouvelle illustration, c’est en se penchant brièvement sur les écrits de Horace Scudder que l’on peut prendre la pleine mesure du caractère dominant d’un mode pédagogique de la poésie américaine. La carrière de Horace Elisha Scudder (1838-1902) permet à elle seule un parcours suggestif des différentes institutions où la réception de la littérature américaine fut encadrée à la fin du XIXe siècle : édition, journalisme, école, Scudder influença chacun de ces domaines et les envisagea tous au prisme d’une mission éducative6. Associé pendant quarante ans à Henry Oscar Houghton et sa maison d’édition, il fut notamment le rédacteur en chef de deux de ses magazines : le Riverside Magazine for Young People, que Houghton lui confia en 1867, et l’Atlantic Monthly (entre 1890 et 1898). Il fut également responsable de plusieurs de ses collections, dont la American Men of Letters Series (en 1900), à laquelle il contribua en personne par l’écriture de deux biographies7. L’écriture de biographies est une occupation constante de Scudder tout au long de sa carrière8, ce qui suffirait à en faire un cas représentatif de la critique de son temps, mais en ce qui nous concerne la cohérence et la signification de son parcours s’éprouvent surtout dans la manière très suggestive dont Scudder sut mettre ses pratiques d’éditeur et de critique au service de l’institution scolaire, comme si, de fait, la préoccupation pédagogique restait le véritable dénominateur commun des différentes institutions littéraires de son époque.
Fondateur chez Houghton de la Riverside Literature Series, une collection bon marché d’œuvres intégrales, à usage scolaire, lancée en 1882, et dont le premier titre — qui resta le plus populaire — fut Evangeline de Longfellow, Scudder avait à cœur de promouvoir l’étude de la littérature dans les écoles et, tout particulièrement, de promouvoir l’étude d’auteurs américains dont plusieurs parmi les plus célèbres (« Fireside Poets » inclus) figuraient au catalogue légué à Houghton par leur éditeur d’origine, James T. Fields. Siégeant successivement au Cambridge School Committee en 1877 et au Massachussetts Board of Education en 1884, Scudder eut l’occasion de faire valoir son projet, qui fut formulé de manière particulièrement éloquente lors du discours qu’il fut invité à prononcer à San Francisco en juillet 1888 pour le congrès de la National Teachers Association9. Dans ce texte, intitulé « The Place of Literature in Common School Education », Scudder fait des poètes américains les passeurs par excellence d’un patrimoine national, et les rend à ce titre indissociables d’une mission d’américanisation assumée par l’école (« we have organized and are carrying on our magnificent system of free public schools, in order that the children of this country may grow up loyal Americans10. »)
Mêlant le destin de la littérature et de l’école américaines, Scudder proclame :
Fifty years ago there were living in America six men of mark, of whom the youngest was then nineteen years of age, the oldest forty-four. Three of the six are in their graves, and three still breathe the kindly air. One only of the six has held high place in the national councils, and it is not by that distinction that he is known and loved. They have not been in battle; they have had no armies at their command; they have not amassed great fortunes, nor have great industries waited on their movements. Those pageants of circumstance which kindle the imagination have been remote from their names. They were born on American soil; they have breathed American air ; they were nurtured on American ideas. They are Americans of Americans. They are as truly the issue of our national life as are the common schools in which we glory. During the fifty years in which our common-school system has been growing to maturity, these six have lived and sung ; and I dare to say that the lives and songs of Bryant, Emerson, Longfellow, Whittier, Holmes, and Lowell have an imperishable value regarded as exponents of national life, not for a moment to be outweighed in the balance by the most elaborate system of common schools which the wit of man may devise. (PL 25)
Scudder ménage l’entrée en scène dramatique de ses six poètes11 en puisant ici dans son talent de conteur pour enfants, dont il avait fait une première carrière12. Le fait même que ce registre infantile puisse être employé pour valoriser les figures choisies par Scudder montre bien, comme le dit Sorby, que l’enfance servait à figurer un certain pouvoir : « to consign a genre to “childhood” in the later nineteenth and early twentieth centuries was not to render it invisible or irrelevant; rather, to be childlike was to claim a degree of power13. » Le pouvoir des poètes eux-mêmes se dit en quelque sorte sur ce même registre enfantin, puisque, décrit ici par la négative, il ne relève d’aucune épreuve virile (« battle », « armies »), ni de réussites reconnues par un monde du travail (« great fortunes », « great industries »). Associés ici à l’enfance, les poètes américains deviennent de plus chez Scudder de véritables doubles de l’institution scolaire.
Comme le dit Scudder ailleurs dans ce discours, l’institution scolaire ne saurait — pas plus que le public enfantin à qui elle s’adresse — être minimisée, puisque, en dehors des acteurs spécifiques qui la composent, elle représente la nation dans son ensemble : « The public schools thus epitomize the nation. They reflect the prevailing thought of the people; they embody its ideal14 ». Exprimée par cette fonction métonymique, l’importance de l’école se dit donc de la même manière que celle des poètes eux-mêmes, « Americans of Americans », et c’est là ce que Scudder maintient dans une comparaison explicite : « They are as truly the issue of our national life as are the common schools in which we glory. » Symboliquement identiques par leur fonction partagée de métonymie de la nation, l’école et la poésie américaines connaissent également des destins parallèles (« [d]uring the fifty years in which our common-school system has been growing to maturity, these six have lived and sung »), et c’est cette scansion du temps, éprouvée et re-mise en scène dans l’acte scolaire de transmission, qui nous laisse comprendre combien un mode pédagogique de la poésie américaine a pu paradoxalement servir à produire l’assurance d’une maturité de la jeune nation.
Au moment pourtant où cette maturité semble acquise, il devient d’autant plus urgent de défaire la poésie américaine de ses associations avec le milieu scolaire. Signe éloquent de cette mise à distance, la révision agressive du statut de Longfellow qui commence dès les années 1910 manifeste très clairement l’obsolescence dans laquelle sont relégués les usages didactiques de la poésie américaine. Parmi les différents acteurs qui, dans la première moitié du XXe siècle, s’attachent à produire une critique et un savoir sérieux sur la littérature américaine et à en faire un objet d’étude universitaire, les New Critics sont certainement ceux dont les prétentions scientifiques paraissent les plus éloignées du mode pédagogique que nous évoquions. Leur mouvement, inspiré notamment par l’œuvre de T. S. Eliot et porté par des poètes et critiques tels que Allen Tate, Cleanth Brooks, John Crowe Ransom et Robert Penn Warren, insistait sur une critique esthétique des œuvres littéraires qui, conçues comme autoréférentielles, pouvaient enfin être lues sans référence philologique, historique, ou biographique — autant d’appareils contextuels que les New Critics rapportèrent à l’impressionnisme d’une critique immature. C’est en imposant l’exercice de l’explication de texte que les poètes-critiques qui avaient fondé le New Criticism entrèrent à l’université, formulant leur pédagogie dans un manuel universitaire, qui connut, au fil des rééditions, une influence remarquable tout au long du XXe siècle : Understanding Poetry (1938) de Cleanth Brooks et Robert Penn Warren.
Dans L’institution de la littérature, Jacques Dubois explique à propos des manuels littéraires :
Sous sa forme traditionnelle, ce manuel est le conservatoire ou le musée; il transmet l’héritage; il établit les découpages et les catégories. Cependant, le palmarès qu’il constitue, le panthéon qu’il édifie, répondent à des critères sélectifs qui ne sont pas exprimés en clair et à une définition du littéraire qui n’est jamais consignée. C’est qu’un empirisme préside à sa mise en oeuvre, mais doublé d’un dogmatisme idéologique dont le principe est d’écarter a priori certains types d’auteurs ou d’oeuvres. Aussi ne trouverons-nous pas dans un manuel cet échantillonnage sélectif des diverses productions d’une époque que l’on pourrait attendre, mais bien, outre les textes qu’impose la tradition culturelle la plus largement reçue, les oeuvres les plus susceptibles de conforter une idée orientée de la littérature en même temps que de remplir un office pédagogique conforme. Par l’histoire littéraire, par les anthologies, par le discours qu’elle tient sur les textes, l’école aboutit donc à fixer un “bon usage”, une “bonne image” de la littérature15.
En l’occurrence, et comme le dit notamment Alan Golding, les choix tacites effectués dans Understanding Poetry dénotent une méfiance envers l’idée même d’une poésie « américaine » (« a canon that betokens suspicion of the very idea of an “American” poetry16 »), ce qui se comprend d’autant mieux si l’on se souvient des missions patriotiques associées à un tel objet, et qui ne sauraient intéresser la critique formaliste des New Critics. Pourtant, de la même manière que les « Schoolroom Poets », Longfellow en particulier, étaient devenus au siècle précédent de véritables doubles de l’institution scolaire, autorisant son programme d’américanisation, on aurait pu penser que le statut de poète-critique d’Edgar Poe, annonçant celui choisi par plusieurs des New Critics eux-mêmes, aurait pu être brandi comme un modèle légitimant leur profession, d’autant plus que les préoccupations formelles de Poe ou que sa dénonciation de l’hérésie didactique préfigurent certains des enjeux brandis par le New Criticism.
Pour Robert Von Hallberg, ces affinités et cette filiation s’imposent maintenant comme des évidences : « Since Poe’s first literary critical effort in 1835 […] an extraordinarily distinguished line of poet-critics has established this particular combination of talents as somehow distinctly American, and perhaps especially modern17. » Mais les New Critics se réclamèrent-ils eux-mêmes de cette lignée ? Comme l’ont amplement démontré Gerald Graff, Alan Golding ou William Cain18, parmi d’autres, la légitimité de l’entreprise de New Critics, qui commence d’être reconnue à la toute fin des années 1930, fut essentiellement acquise au plan pédagogique. Graff résume : « [a]s the university increased in size, the need arose for a simplified pedagogy, encouraging the detachment of “close reading” from the cultural purposes that had originally inspired it19. » Le format de l’explication — et Understanding Poetry — gagnent rapidement en popularité du fait de leur application institutionnelle, et si, comme le rappelle Graff, cela contribuera à simplifier excessivement le programme des New Critics et à créer des malentendus sur celui-ci, il n’en reste pas moins que l’enseignement universitaire fut le principal point d’entrée de leurs idées. C’est alors en comprenant cette fonction professorale comme une condition de légitimité des New Critics que l’on saisit mieux leur statut particulier. Il est d’autant plus spécial que, comme le rappelle Graff ensuite, la position que beaucoup d’entre eux occupèrent à l’université américaine semble leur avoir été octroyée au vu de leur carrière de poètes et non de critiques (« many of the critics to achieve a foothold in the university did so on the strength of their poetry rather than their criticism20. ») En suivant son analyse, il semble donc plus juste d’attribuer aux New Critics les plus reconnus l’étiquette double de « poètes-professeurs » que celle de « poètes-critiques ».
C’est en précisant de la sorte leur statut que l’on comprend mieux le traitement réservé à Poe dans Understanding Poetry, qui, d’après Scott Peeples, « répandit l’idée que la réputation de Poe était surfaite21 ». Tout se passe en effet comme si Poe, qui pourrait être une recrue a priori sérieuse dans le nouveau courant critique, au vu de quelques dispositions partagées, devait d’autant plus radicalement être écarté qu’il pourrait alors ternir l’image du professionnalisme des New Critics telle qu’elle est en train de se constituer. Car le discours critique de Poe, érudit mais fantasque, théorique mais fallacieux, systématique mais parfois dogmatique, ne doit pas être confondu avec l’expertise et le caractère scientifique que les New Critics attachent à leur propre pratique et prétendent, en tant que professeurs, inculquer à leurs étudiants. C’est tout le problème posé par un texte de Poe tel « The Philosophy of Composition », dont les principes soi-disant préliminaires à la création semblent en fait rationaliser a posteriori l’écriture d’un seul poème, « The Raven », au point que Barrett Wendell remarquait déjà en 1901 dans A Literary History of America que, dès lors que Poe s’aventure du côté de la théorie, on est toujours très proche de l’imposture ou du « hoax » : « When you read such papers as his “Poetic Principles,” his “Rationale of Verse,” or his “Philosophy of Composition,” it is hard to feel sure that he is not gravely hoaxing you. […] In his work of this kind one feels intense ingenuity and unlimited scholarly ignorance22 ». C’est toujours ce manque de sérieux, ou d’ethos professionnel, que Von Hallberg constate : « Seldom is he at pains to identify and somehow name a quality. Like a prosecutor, he rather pushes for conviction, which leaves him a dangerous model for other critics23. »
C’est en prenant en compte le discrédit qui menace toujours de s’abattre sur les théories de Poe que l’on comprend mieux son infantilisation sous la plume de Brooks et Warren. Peeples revient notamment sur la condescendance des auteurs envers « Ulalume », dont les « décors » préfabriqués ne servent guère qu’à effaroucher les plus jeunes : « a kind of atmosphere that we can accept only if we do not inspect its occasion too closely—for dank tarns and ghoul-haunted woodlands are stage-sets, we might say, that are merely good for frightening children24 », lit-on dans Understanding Poetry. Mais c’est surtout dans sa paraphrase parodique de Brooks et Warren que Peeples nous amène au cœur du problème posé par Poe :
In reading Brooks and Warren on Poe, one senses their hostility toward his popularity: it is as if they are saying to students, « Look, we know you like this Poe, and you’re proud of your liking him because he’s supposed to be a great writer. But when you learn to read more carefully, like a grown-up, you’ll see that he’s only a little better than the pulp fiction you read for pleasure25. »
Si plusieurs discours postérieurs d’inspiration formaliste iront au contraire démontrer la complexité de cette œuvre, le discours de Understanding Poetry, lui, la camoufle pour faire passer un autre message alors plus urgent, où la mise en avant d’un certain amateurisme de Poe (et son appréciation par des amateurs — des enfants — plutôt que par des étudiants sérieux) contraste avec le professionnalisme professoral revendiqué par les auteurs du manuel, dont le discours doit passer pour plus mature afin de construire leur autorité pédagogique. Compris de la sorte, les « enfantillages », en quelque sorte, dont Poe et ses lecteurs sont accusés, servent de fait à construire un repoussoir pour la critique sérieuse et mature prônée par les New Critics, et doivent être distingués de l’infantilisation qu’ils réservent à Dickinson en tant que faire-valoir, cette fois, de leurs missions.
Puisque les enfantillages de Poe, signalant la puérilité de ses ambitions poétiques, ne sauraient susciter l’identification de l’étudiant sérieux, et que le manque de rigueur de sa critique le rend également inapte à jouer le rôle du professeur, il apparaît que Poe ne constitue pas un personnage pédagogique viable à l’intérieur du projet institutionnel des New Critics. Il en va très différemment pour Emily Dickinson, qui prend une place importante dans Understanding Poetry où elle demeure, de fait, l’auteur américain le plus considéré par les New Critics. Ceux-ci, en creusant l’image d’une Dickinson « lacunaire », dont l’œuvre doit être supplémentée par une critique avisée, vont reprendre en large partie la persona de l’élève, voire de la mauvaise élève, qui avait déjà été associée à la poétesse à l’intérieur du mode pédagogique évoqué par Sorby.
Lors de cette première réception scolaire, Dickinson, à la différence de Longfellow et de ses pairs, n’incarnait pas une figure d’autorité capable d’assister l’école dans la transmission d’un héritage. Pour autant, la féminité en quelque sorte inaccomplie de Dickinson, qui pose alors problème à bien des critiques, lui confère un statut de femme-enfant qui peut tout à fait susciter l’identification d’un jeune public, expliquant alors que sa poésie ait été représentée dans les anthologies scolaires avant le tournant du siècle, et mise en circulation dans des revues pour enfants telles St Nicholas ou The Youth’s Companion. La poésie de Dickinson joue en ces instances un rôle pédagogique dans la mesure où, de manière récurrente, elle met en scène une situation d’apprentissage — néanmoins, comme le fait remarquer Angela Sorby à propos des poèmes « Sic Transit Gloria Mundi » et « Out of the Morning », ces situations ne sauraient aboutir à la transmission d’un savoir : « for Dickinson, acts of pedagogical transmission are imperative to attempt but impossible to complete26 ». En d’autres termes, la poésie de Dickinson laisse trop de jeu, trop d’espace à l’incertitude, pour accompagner un discours d’autorité — sans compter qu’à la fin du XIXe siècle, Dickinson n’a même pas d’autorité éditoriale sur sa propre œuvre. La poétesse est alors d’autant plus infantilisée que son manuscrit semble imparfait, et que, comme tout élève, elle peut ainsi être corrigée par ses maîtres.
Cette réécriture de Dickinson, qui révèle encore la priorité donnée au souci pédagogique à la fin du XIXe siècle, n’est nulle part plus frappante que dans un article de 1892, « In Re Emily Dickinson », écrit par Thomas Bailey Aldrich (1836-1907), lui-même poète, et rédacteur-en-chef de l’Atlantic Monthly entre 1881 et 1890. Dans ce texte, la valeur didactique de Dickinson atteint ses limites, et son infantilité rapportée à de simples enfantillages ne sert plus, comme dans le cas de Poe évoqué plus haut, qu’à rétablir par contraste les termes d’une bonne éducation littéraire. Corrigeant un texte de Dickinson, Aldrich présente l’amélioration apportée comme la réhabilitation peut-être trop honorable d’un effort manqué : « I have ventured to desecrate this stanza by tossing a rhyme into it […] hoping the reader will not accuse me of overvaluing it27 ». Le crime de lèse-majesté ou « désécralisation » doit bien sûr être entendu de manière ironique car il s’agit, surtout, de ne pas accorder trop d’importance à cette poésie très mineure — dont l’indiscipline ne peut cependant demeurer impunie : « an eccentric, dreamy, half-educated recluse in an out-of-the-way New England village (or anywhere else) cannot with impunity set at defiance the laws of gravitation and grammar28 ». Que ce soit Dickinson ou quelqu’un d’autre (« or anywhere else »), cela n’a guère d’importance pour Aldrich : il n’est pas question ici de reconnaître la singularité ou l’originalité de la poétesse, car la seule marque distinctive de son œuvre est son incompétence et son ignorance (« half-educated »), dont il faut pourtant faire un exemple si l’on ne veut pas, d’une part, que tout le savoir établi s’écroule (« the laws of gravitation and grammar »), et, d’autre part, que de telles lacunes puissent se faire passer pour un talent poétique. « [T]hey have such a pathetic air of yearning to be poems », « the incoherence and formlessness of her—I don’t know how to designate them — versicles are fatal » : l’accréditation générique de Dickinson demeure très problématique chez Aldrich, et s’il est important pour lui de faire valoir l’amateurisme de cette prétendue poètesse, c’est que prendre son art au sérieux exposerait sa propre ignorance (« I don’t know how to designate them »), et remettrait en question certains préceptes inviolables de sa propre éducation : « If Miss Dickinson’s disjecta membra are poems, then Shakespeare’s prolonged imposition should be exposed without further loss of time29 ».
Une trentaine d’années plus tard, dans l’article qu’Allen Tate consacre à Dickinson en 1928, celle-ci peut enfin être rangée aux côtés de Shakespeare (« [i]n Emily Dickinson the world-order is subordinated, as it is in Shakespeare, to the poetic vision30 »), mais à condition, effectivement, de réviser tout le discours critique dominant dont Dickinson a révélé les insuffisances, plongeant ses commentateurs précédents dans l’incertitude (« the uncertainty of judgment that nearly all her critics have displayed31 »). La « perplexité32» engendrée par Dickinson peut être résolue par la mise en place de nouvelles généalogies poétiques, mais cela implique une refondation de la critique : « If Miss Dickinson has not been understood, it is because we lack a critical tradition, a body of assumptions, passed on from generation to generation, which alters as the spirit of literature alters yet, in its comprehension of the past with the present, remains clear and fundamentally the same33. » De nouveau, l’énigme Dickinson pose un défi à la profession, mais que Tate souhaite relever, en s’autorisant justement de la poètesse comme du « cas spécial34 » qui exige le recours à un nouveau professionnalisme, un « New Criticism » autrement plus rigoureux que l’« impressionnisme » qui prévaut ou que la spéculation qui tient lieu de biographie35.
Figure importante du New Criticism, Allen Tate donne dans cet article le ton des réévaluations à venir de Dickinson, et s’autorise en particulier du cas de la poétesse pour réactiver les théories de T. S. Eliot. Si Timothy Morris, dans Becoming Canonical in American Poetry, va même jusqu’à faire de Tate le simple porte-voix d’Eliot dans cet article (« in his terminology and values he was writing as a virtual surrogate for Eliot36 »), il nous paraît d’autant plus intéressant de relever les dettes moins avouables de Tate envers les figurations impressionnistes et biographiques de Dickinson dont il prétend se distinguer. Car s’il en appelle à renouveler le discours critique, celui de Tate demeure ici curieusement tributaire du langage que l’on trouvait chez Aldrich.
Ainsi pour l’image du vacillement par laquelle Aldrich infantilisait d’emblée la poétesse (« for the most part the ideas totter and toddle, not having learned to walk37 »), et que Tate reprend à la fin de son article : « The world of Emily Dickinson, perfect for her moment, tottered; it was ripe for disintegration. Emerson was due to come38 ». Utilisée alors pour figurer non plus l’enfance mais le déclin, l’image continue néanmoins de signifier la fragilité de Dickinson, à laquelle Emerson apporte un rectificatif, comme pour rétablir un bon équilibre. L’association de ces deux figures était déjà proposée par Aldrich : « The very way she tied her bonnet-strings, preparatory to one of her nunlike walks in her claustral garden, must have been Emersonian39 », et le petit tableau qu’il dresse annonce une autre interprétation biographique de l’inaccomplissement féminin chez Dickinson, un récit complémentaire de celui de la femme-enfant, celui de la vocation monastique de la poètesse. Chez Tate, qui privilégie une lecture « confessionnelle » de Dickinson, c’est cette interprétation qui prévaut — à la fois pour figurer l’individualité de la poètesse (« It is all a magnificent personal confession40 »), et en même temps pour l’inscrire dans une tradition, pour le moins patriarcale, qu’elle rejoindrait par son propre renoncement au monde :
when she went upstairs and closed the door she mastered life by rejecting it. Others had done it in their way before; still others did it later. The love affair was incidental, a kind of pretext; she would have found another. (It was probably not an incident that her lover was a married man.) Mastery of the world by rejecting the world is the doctrine of Edwards and Mather, the meaning of fate in Hawthorne; it is the exclusive theme in Henry James41.
Que le personnage de la nonne soit inspiré par une lecture condescendante (chez Aldrich) ou, au contraire, valorisante (chez Tate), il semble de toutes manières impliquer ou conforter une mise sous tutelle de la poètesse, dont les choix propres ne se comprennent réellement que par déférence envers quelques maîtres à penser.
Cette complémentation masculine de Dickinson s’avère en réalité nécessaire dès lors que l’identité enfantine de la poétesse est épuisée ou dépassée et qu’il faut évoquer son destin singulier en tant que femme : tout se passe alors comme si l’inaccomplissement féminin de Dickinson — c’est-à-dire, son renoncement à un accomplissement domestique traditionnel, et notamment à une vie amoureuse — devait être compensé par des attaches masculines a posteriori. De ce point de vue, le « mariage » proposé en 1933 par le critique marxiste Granville Hicks est particulièrement suggestif : « As Henry James somehow complements Howells, so that, as Emerson once said of Hawthorne and Alcott, the two of them might make one real man, so Emily Dickinson complements Walt Whitman, and the two of them, one feels, might make a poet42. » Dans l’enchaînement de noms proposés, l’insuffisance de Dickinson est clairement rapportée à sa féminité, celle-là même dont Hawthorne et James sont symboliquement coupables chez Hicks, puisqu’il leur manque une réelle virilité artistique, « the vigor that is found in an artist for whom self-expression is also the expression of the society of which he is part43 ». Cette insuffisance est ensuite, toujours sous l’égide d’Emerson, rapportée à la jeunesse : « one sighs with Emerson, “So many promising youths and never a finished man!44” ». L’inaccomplissement de Dickinson est donc toujours double : c’est sa féminité qui n’a jamais été équilibrée par un élément viril, et c’est donc aussi son immaturité, qui sont regrettées par Hicks à la fin du portrait qu’il lui consacre, et qui seraient comme rachetées par une alliance posthume avec Whitman.
Si, pour Morris, « [o]ne reason for Dickinson’s achievement of canonical status was her availability as the ultimate virginal site for criticism45 », la virginité ou le vide que la poétesse rend sensibles sont d’abord la cause d’une panique critique : déjà chez Aldrich, extrêmement réticent à faire table rase de ses préjugés sur le genre — poétique et féminin —, et toujours chez Hicks, pour qui l’absence de trace biographique laissée par la poète occasionne un véritable bégaiement critique. « Presumably, after her love had proven fruitless, she wanted to live as she did live and write as she did write; it is, however, worth observing that, whether she knew it or not, she had no choice46 » : Hicks ne sait jamais comment écrire le destin de Dickinson, et ne sait quelle confiance accorder à l’autorité qu’elle pourrait elle-même avoir sur le sujet. L’essentiel du portrait qu’il propose est complètement déséquilibré entre, d’un côté, des explications contextualistes d’ordre biographique, et, de l’autre, en l’absence d’information, la place belle faite au tempérament du génie ; autrement dit, ce portrait expose l’incohérence et les hésitations inhérentes au système critique de Hicks. Entre spéculation — doute permanent —, et déterminisme outré, tout le discours de Hicks oscille et vacille, montrant bien ici combien le cas de Dickinson révèle plus que tout autre les tentations mais aussi les limites du biographique.
Cette impasse biographique est à la fois sublimée et réactivée par les New Critics. Dans un premier temps, la tension entre vie et œuvre semble pouvoir être résolue par cette proposition de Tate : « There is no poet in American literature who is so closely bound up with his poetry, no one of whom it is so accurate to say that the poet is the poetry47 ». Voilà qui devrait, une fois pour toutes, couper court aux spéculations biographiques, mais en réalité c’est dans une large mesure l’absence de récit biographique — et donc une rémanence paradoxale de l’explication biographique — qui semble motiver par la suite la qualité lacunaire que Tate trouve en Dickinson, poète et œuvre. « Miss Dickinson's intellectual “deficiency” is, for her purpose, her greatest distinction48 », explique notamment Tate, pour qui la marque du grand poète, où il en va de Dickinson comme de Shakespeare, est sa capacité à être inconsciemment agi par son contexte : « It might be said that the greatness of a poet depends, first, upon the thoroughness of his absorption in a world-scheme like the Puritan theology, and, secondly, upon the degree to which he is unconscious that he is working in such material49. » On peut se demander cependant si cette relative transparence observée chez Shakespeare comme chez Dickinson n’est pas partiellement due à l’absence de récit biographique cohérent disponible pour chacun de ces deux auteurs, et si leur « inconscience » postulée n’est pas une manière pour la critique de s’arranger de leur apparente inexpérience. Dickinson devient alors un exemple paradigmatique de l’impersonnalité du poète, une théorie qui permettrait justement de résorber l’hésitation entre explications contextualistes et mystique du génie idiosyncratique, mais dont on voit ici qu’elle recycle en partie le « biographème » de la virginité de la poètesse. Ici constamment figurée par ce registre (« pure of systematized ideas », « innocent of intellectualism », « one of the rarest integrities in all literature50 »), Dickinson occupe la même présence spectrale que chez Hicks, et doit constamment être présentée par la négative : « Miss Dickinson was spared the risk that imperiled a man like Hawthorne, for she could not reason at all », « she had no education », « she never reasoned about the world around her51 ». Tate revisite ici le cliché de la femme-enfant et s’en autorise pour produire sa vision, qui deviendra canonique, de la poètesse, où l’on voit que celle-ci crée effectivement un « site vierge » pour la critique, et fournit le « cas spécial » dont on peut se saisir pour exposer les apories des discours usuels et appeler à un renouveau : « She needs a tradition of criticism, and in its absence one must be contented to guess52 ».
Si Dickinson devient ainsi l’occasion de reformuler les missions de la critique, et, particulièrement, d’exposer l’amateurisme et les insuffisances d’une critique impressionniste dominée par l’explication biographique, c’est donc pourtant en en maintenant certains présupposés. Dickinson devient le poète américain programmatique des New Critics, celle qui, d’après Brodhead, fait le mieux valoir leur expertise propre, dont l’exercice confirme cependant les hypothèses de déficience et d’inaccomplissement déjà élaborées par des spéculations d’ordre biographique fournies à son sujet, et qui, à la fois transposées et perpétuées, prennent alors force de théorie. Autant l’inexpérience de Dickinson, l’intraçabilité de son vécu, permettent de couper court à l’appareil biographique ou plus simplement contextualiste dont les New Critics veulent se dispenser (cet arsenal positiviste, en somme, que Tate déconstruit en le rapportant à un simple montage de conjectures), autant cette inexpérience relocalisée dans le caractère « irréfléchi » ou encore confessionnel de l’œuvre semble exiger et légitimer alors un autre type d’intercession — qui doit suppléer le raisonnement et l’unité perdus de l’œuvre — et donc une autre mission pédagogique, fondée sur cette démarche herméneutique.
La persistance d’une lecture infantilisante de Dickinson et l’encadrement qu’elle vient appeler chez les New Critics sont donc particulièrement éloquents pour la manière dont, d’une part, ils révèlent la continuité entretenue entre des discours « experts » et « amateurs » au lieu même de leur distinction, et dont, d’autre part, ils fragilisent la notion d’une autonomie de la littérature, dans la mesure où ceux-là mêmes qui la professent doivent aussitôt l’invalider pour construire leur propre utilité et leur propre légitimité professionnelle. La mise sous tutelle de Dickinson expose cette contradiction, alors que, dans la discipline dédiée aux lettres américaines qui émerge dès les années 192053, et malgré l’influence des New Critics sur le renouvellement de la critique, cette autonomie du fait littéraire ne sera jamais tout à fait reconnue. Si la pertinence historique de la littérature américaine et son rôle d’index culturel furent problématisés tout particulièrement dans le mouvement des American Studies, dont l’institutionnalisation dans les années 1940 est contemporaine de celle du New Criticism, c’est la canonisation de Whitman qui, dans ce nouveau contexte, permit de relayer les prétentions intellectuelles et institutionnelles du mouvement. Cette fois, la scolarisation du poète américain fut liée à l’invention d’une paire pédagogique, la relation entre Emerson et Whitman servant alors à fonder non seulement un rapport exemplaire entre maître et disciple mais aussi, en lisant Whitman au prisme de l’ « American Scholar » d’Emerson, à fonder le caractère politique d’une poétique américaine.
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1 Il s’agit de Charles Anderson, spécialiste de Melville.
2 Pour cette histoire institutionnelle, voir notamment : Kermit Vanderbilt, American Literature and the Academy: The Roots, Growth and Maturity of a Profession, Philadelphia : University of Pennsylvania Press, 1986 ; David R. Shumway, Creating American Civilization: A Genealogy of American Literature as an Academic Discipline, Minneapolis : University of Minnesota Press, 1994 ; Elizabeth Renker, The Origins of American Literature Studies: An Institutional History, Minneapolis : University of Minnesota Press, 2007.
3 Richard Brodhead, The School of Hawthorne, New York : Oxford University Press, 1986, 5.
4 Angela Sorby, Schoolroom Poets: Childhood, Performance, and the Place of American Poetry, 1865-1917, Durham : University of New Hamphsire Press, 2005, xxiii.
5 Ibid., xvii.
6 Quoique le cas de Horace Scudder soit très intéressant pour comprendre le paysage institutionnel dans lequel la littérature américaine fut représentée durant la deuxième moitié du XIXe siècle, critiques et historiens se sont relativement peu interessés à lui. C’est encore dans l’ouvrage qu’Ellen Ballou consacrait à la maison d’édition Houghton que l’on trouve le traitement le plus compréhensif de ce personnage. Voir Ellen Ballou, The Building of the House: Houghton Mifflin’s Formative Years, Boston : Houghton, 1970.
7 Il écrivit lui-même la biographie de Lowell, parue dans la collection en 1901, ainsi que celle de Noah Webster, en 1882.
8 Scudder écrivit également la biographie de son employeur Henry Oscar Houghton en 1897 ainsi que la biographie de son frère, David Coit Scudder (1864), et celle de Washington (1889). Les ouvrages critiques sur la littérature dont il fut l’auteur étaient aussi des études biographiques, notamment Men and Letters: Essays in Characterization and Criticism (1887).
9 Ce discours lui avait été commandé sur la foi de deux articles précédemment publiés par Scudder dans l’Atlantic Monthly en 1887, « Nursery Classics in School », et « American Classics in School . »Ces trois textes furent ensuite publiés ensemble dans Horace E. Scudder, Literature in School : An Address and Two Essays, Boston, Houghton Mifflin, 1888.
10 Scudder, « The Place of Literature in Common School Education » in Literature in School : An Address and Two Essays, 32.
11 Il est fortement probable qu’Emerson lui-même, reconnu en tant que tel à l’époque, soit cité ici comme poète, et c’est ce que laisse également entendre le participe « sung » qui conçoit l’activité des six écrivains cités en termes lyriques.
12 Cette carrière consistait dans la production d’œuvres originales ou d’anthologies de textes pour le jeune public. On peut lister notamment Seven Little People and Their Friends (1862), Dream Children (1864), Stories from my Attic (1869), The Children’s Book (1881), The Book of Fables and Folk Stories (1882). Scudder est par ailleurs connu pour avoir publié Hans Andersen dans le Riverside Magazine for Young People.
13 Sorby, Schoolroom Poets, xxi.
14 Scudder, « The Place of Literature in Common School Education », 7.
15 Jacques Dubois, L’institution de la littérature, 1978, Bruxelles : Éditions Labor, 2005.
16 Alan Golding, From Outlaw to Classic: Canons in American Poetry, Madison : University of Wisconsin Press, 1995, 113.
17 Robert Von Hallberg, « Edgar Allan Poe, Poet-Critic » in A. Robert Lee (ed.), Nineteenth-Century American Poetry, London : Vision, 1985, 81.
18 Voir Golding, From Outlaw to Classic ; Gerald Graff, Professing Literature: An Institutional History, Chicago : University of Chicago Press, 1987 ; William E. Cain, « Literary Criticism 1900-1950 », in Sacvan Bercovitch (ed.), The Cambridge History of American Literature, Cambridge : Cambridge University Press 2003, vol. 5.
19 Graff, Professing Literature, 145.
20 Ibid., 153.
21 Voir Scott Peeples, The Afterlife of Edgar Allan Poe, Rochester : Camden House, 2004, 69 : « The New Critical approach had become entrenched in college literature classes, and in their influential primers of the late 1930s and early 1940s, Cleanth Brooks and Robert Penn Warren spread the word that Poe was overrated. »
22 Barrett Wendell, A Literary History of America, 1901, New York : Haskell House Publishers Ltd., 1968, 211.
23 Von Hallberg, « Edgar Allan Poe, Poet-Critic », 86.
24 Cleanth Brooks and Robert Penn Warren, Understanding Poetry, New York : Henry Holt, 1938, 359-360.
25 Peeples, The Afterlife of Edgar Allan Poe, 69. On trouve la même notion d’enfantillage chez le maître-à-penser des New Critics, T. S. Eliot, dans son article « From Poe to Valéry », Hudson Review, vol. 2, n° 3 (Autumn 1949), 329-330 : « I believe the view of Poe taken by the ordinary cultivated English or American reader is something like this: Poe is the author of a few, a very few short poems which enchanted him when he was a boy, and which somehow stick in the memory. I do not believe that he re-reads these poems […]. They seem to him to belong to a particular period when his interest in poetry had just awakened. »
26 Sorby, Schoolroom Poets, 156.
27 Thomas Bailey Aldrich, « In Re Emily Dickinson », The Atlantic Monthly, 69 (Jan. 1892), 143.
28 Ibid., 144.
29 Ibid.
30 Allen Tate, « Emily Dickinson », The Outlook, August 15, 1928, 622.
31 Ibid., 621.
32 Ibid. : « Not only have they been undecided about her in everything but their admiration; they have not looked for her problem; for they have not made up their minds why they are perplexed. »
33 Ibid.
34 Ibid. : « her case is special. »
35 Ibid., 621 pour cet impressionnisme critique : « Our criticism of poetry seldom gets beyond impressionism; it starves in the famine of general ideas », et 622 pour les spéculations biographiques : « It is reasonable, of course, to suppose that her love affair made her a recluse, but there is a great discrepancy, a great disjunction, between what her seclusion produced and what brought it about; it is quite as reasonable to suppose that another experience of another kind might have brought her to the same result. »
36 Timothy Morris, Becoming Canonical in American Poetry, Urbana : University of Illinois Press, 1995, 76.
37 Aldrich, « In Re Emily Dickinson », 143.
38 Tate, « Emily Dickinson », 623.
39 Aldrich, « In Re Emily Dickinson », 143.
40 Tate, « Emily Dickinson », 623.
41 Ibid., 622.
42 Granville Hicks, The Great Tradition, New York : The Macmillan Company, 1933, 130.
43 Ibid.
44 Ibid.
45 Morris, Becoming Canonical, 73.
46 Hicks, The Great Tradition, 126.
47 Tate, « Emily Dickinson », 621.
48 Ibid., 622.
49 Ibid.
50 Ibid., 622 et 623, nous soulignons.
51 Ibid., 622.
52 Ibid., 623.
53 C’est alors que la littérature américaine devient l’objet d’une sous-division au sein de la Modern Language Association (fondée en 1883).