Musique rap et rhétorique de l’excès

  1. David Diallo

Université de Bordeaux

  1. Dans « Goldie », un morceau de son premier album Long Live A$ap1, A$ap Rocky, un jeune rappeur de vingt-quatre ans originaire de Harlem, brosse, en rimes et en rythme, un portrait idéalisé de son style de vie hédoniste. Dans le premier couplet, il détaille avec précision chacun de ses attri­buts (chaussures de luxe de la Maison Martin Margelia, caisses de champagnes français — Cristal et Armand de Brignac —, dernier modèle de Ferrari) et affiche, avec une ostentation assumée, un statut social particulièrement élevé. Plus loin, Rocky continue de marquer sa distinction de classe en s’appuyant sur une rhétorique de l’excès. Il déclame :

You could call me Billy Gates, got a crib in every State

Man on the moon, got a condo out in space2

  1. A$ap Rocky, dont il s’agit du premier album et qui, dans un entretien de 2011 avec le maga­zine américain Pitchfork, affirmait n’avoir que 3 000 $ sur son compte en banque3, serait-il donc de­venu propriétaire d’une Ferrari, d’une cinquantaine de lieux de résidence à travers le pays et d’un appartement sur la lune après la signature de son premier contrat ? Cette présentation de soi exagé­rée, à l’image des idéalisations outrancières qui garnissent la verve hyper-stylisée des rappeurs ou à l’image de leurs ego trips, ces rimes auto-référentielles où ils déclament prouesses physiques ou sexuelles prodigieuses, s’affirment capables d’exploits violents ou extraordinaires, revendiquent des possessions matérielles exceptionnelles ou font état de dispositions morales ou intellectuelles hors du commun, illustre surtout l’intention hyperbolique qui caractérise l’expression rap.

  2. À partir de cet exemple, cet article examinera l’exagération qui accompagne invariablement les récits bigger than life des rappeurs en remontant aux origines de la musique rap comme pratique socioculturelle. En complément des explications existantes, nous nous pencherons en premier lieu sur le caractère résolument pugilistique de la musique rap. Cette dimension, déjà mise en lumière par Christian Béthune dans ses travaux4, impose aux rappeurs, nous le verrons, de puiser dans un re­gistre métaphorique riche en hyperboles afin d’emporter l’adhésion d’un auditoire. La vantardise extravagante adressée à un pair compte parmi les principaux ressorts d’expression de la musique rap puisque les rappeurs se doivent d’affirmer leur supériorité sur le terrain de la parole. Nous cherche­rons ensuite à montrer que les représentations hyperboliques d’attitudes viriles, sexistes et flegma­tiques des rappeurs, en obéissant à une logique de surenchère et à la mobilisation stratégique de nombreux effets de style, viennent renforcer des pratiques rhétoriques plus anciennes où l’hyper­bole est un outil tout aussi omniprésent.

Préciser l’excès

  1. Faute de contenu déterminé et en raison de repères fluctuants et de la grande variété d’idées qu’il regroupe, l’excès est difficile à définir avec précision. Il est en revanche plus facile à identifier. A la fois « perceptible et fuyant », l’excès ressemble, comme l’écrit Anne Marie Quint, à « une truite dans un ruisseau, bien visible en train d’ondoyer dans le courant, mais impossible à saisir à mains nues, car elle glisse et s’échappe toujours5 ». Si on convient généralement que l’excès marque un dépassement des limites d’un ordinaire et qu’il désigne une exagération disproportionnée de la norme6 ; que l’on considère qu’il marque un « trop » qui irait à l’encontre de la mesure, de la sa­gesse et d’un « juste milieu7 », il est souvent plus compliqué de déterminer où commencent cet ordi­naire, cette norme, et ce « trop ». « Tout excès renvoie forcément à une norme, qui relève à son tour d’une idéologie » remarque Haci Farina, avant d’ajouter qu’« il n’y a d’excès que si une mesure est donnée. Mais qu’est ce qui fixe la mesure que l’excès outrepasse ?8 » L’excès offre donc matière à réflexion. Le chercheur qui s’y intéresse se retrouve confronté aux mêmes problèmes que face au relativisme des notions de déviance et de norme. La difficulté consistant à savoir où placer le cur­seur qui l’aidera à identifier le moment où commence le « trop », celui où l’on s’écarte du « juste milieu ».

  2. D’où la nécessité de tenter d’établir un cadrage. Conformément aux définitions données plus haut, nous considérons ici l’excès d’après son acception étymologique (dérivée du latin excedere), composée du préverbe ex — qui signifie « hors de » — et du verbe cedere (aller, marcher)9. Il ren­verra donc à l’absence de conformité avec une mesure préalablement déterminée et sera envisagé comme un « surcroît quantitatif10 », comme une exagération. Cette exagération, ou effet de « trop », se mesurera toutefois à l’éloignement d’une représentation du sens littéral de son énoncé. Plutôt que de dire que l’on a de l’argent, l’on dira par exemple que « l’on roule sur l’or ». L’excès sera ainsi considéré comme un débordement lexical, une outrance rhétorique, une amplification hyperbolique (du grec huperbolê, signifiant « excès ») et exprimera la déformation quantitative de propriétés et d’actions réellement imputables et imputées à une personne lors de leur mise en image. En des termes plus simples, l’excès sera envisagé comme une représentation de choses « bien au-dessus de ce qu’elles sont11 » ; la magnification excessive de ses conditions de vie par A$ap Rocky évoquée en introduction offrant précisément une illustration de ce que nous entendrons par ce terme tout au long de cet article.

La rhétorique de l’excès comme mécanisme de défense

  1. La rhétorique de l’excès qui caractérise les textes de rap a déjà fait l’objet de plusieurs ana­lyses. Les chercheurs qui ont mis en lumière la jactance des rappeurs ont proposé plusieurs élé­ments de réponse à leur inclinaison prononcée pour la fanfaronnade. Pour bell hooks12 et Stuart Hall13 les outrances verbales et autres autocélébrations exaltées des rappeurs s’inscriraient dans un continuum culturel aux productions caractérisées par une propension à l’idéalisation exagérée. Comme le soutient Geneva Smitherman dans ses travaux sur l’oralité noire, cette disposition à l’exagération procéderait d’un mécanisme psychologique de défense répondant à une forte oppres­sion structurelle et à un système de représentation raciste et infantilisant14. A la lumière de ces expli­cations, les revendications des rappeurs se targuant d’être meilleurs que, d’avoir plus que, d’être plus grands ou plus forts que, constitueraient des réponses au régime de représentations simplistes qu’ils doivent subir en tant que Noir. Ainsi, dans leurs hyperboles du type « I’m ten times deffer than the guy who says he’s ten times deffer than me15 » ou encore « I believe there's a God above me, I’m just the God of everything else16 », les rappeurs détourneraient des stéréotypes communément attachés aux Noirs et les renverraient, par le prisme duplicateur de la hâblerie, aux oreilles de l’homme blanc. Ce renvoi se ferait par provocation, mais également, comme l’ont montré Kobena Mercer et Isaac Julien, en ayant conscience de la crainte qu’ils peuvent susciter17.

  2. En d’autres termes, en optant pour une rhétorique de l’outrance ou en présentant un hédonisme immodéré dans leurs rimes, les rappeurs ne feraient qu’employer le pouvoir et le plaisir comme moyens de résistance au racisme et à leur marginalisation socioéconomique et spatiale. Faire le choix d’un discours délibérément excessif dans sa teneur offrirait donc à une partie de la jeunesse noire l’occasion d’obtenir une reconnaissance publique, une voix, et d’atténuer une douleur psy­chique causée par des forces oppressives et déshumanisantes, qui comme l’a souligné bell hooks, la rendent invisible et lui nient une quelconque reconnaissance18. Par le biais de l’exagération, de la surenchère, et d’un recours important aux superlatifs, le choix d’une rhétorique de l’excès exprime­rait donc un désir d’attention, dans un environnement ou la jeunesse afro-américaine n’a que peu de moyens de se raconter aussi largement et, comme le suggère le linguiste Richard B. Gregg, lui per­mettrait de renvoyer à l’homme blanc, une image différente de celle du Noir fréquemment stéréoty­pé de manière négative et paternaliste19.

  3. Cet accent placé sur la dimension réactive de la musique rap privilégie cependant une ap­proche qui nierait aux rappeurs toute créativité indépendante. Comme le soulignent Claude Grignon et Jean-Claude Passeron dans Le Savant et le Populaire, les formes d’expression et cultures dites « populaires » ne sont pas mobilisées en permanence dans une attitude de résistance culturelle20. Dans leur ouvrage commun, ces deux sociologues de l’art expliquent que l’altérité des cultures dites « populaires » ne se trouve pas nécessairement dans la contestation, et que trop insister sur ce que leurs formes d’expression doivent au fait de provenir de groupes dominés, revient à minimiser de façon excessive leur relative autonomie. Aussi en complément de ces interprétations psychoso­ciales, nous semble-t-il important de nous pencher sur le processus créatif de la musique rap, plus particulièrement sur ses normes esthétiques afin mieux saisir la rhétorique de l’excès qui la caracté­rise. En effet, les explications précédemment fournies, bien qu’offrant des pistes de réflexion perti­nentes, sont principalement interprétatives et intuitives. Or, comme le souligne Roger Bastide, l’ex­plication de régularités observables dans des productions culturelles par des arguments socio-psychologiques constitue un véritable défi scientifique et s’apparente à la mission d’un « géologue du psychisme, qui essaie de descendre aux abîmes d’un feu central qu’il sait néanmoins impossible à atteindre21 ». Afin d’éviter cet écueil méthodologique, notre analyse se limitera au rap en tant que pratique socioculturelle et se concentrera principalement sur son processus créatif.

Le rap comme sport de combat

  1. Dans son livre Le Rap : une esthétique hors-la-loi, Christian Béthune explique que la musique rap, comme d’autres formes d’expression afro-américaines « véhicule des valeurs agonistiques22 » en la comparant à cette partie de la gymnastique dérivée des arts du combat. Cette dimension im­pose notamment aux rappeurs de puiser dans un répertoire métaphorique fertile en hyperboles afin de disposer d’un outil de discours particulièrement persuasif et d’emporter l’adhésion d’un audi­toire, réel ou fictif. L’accent que placent les rappeurs sur la joute verbale et la rivalité transparaît également dans les travaux de l’historien du rap Nelson George qui présente les caractéristiques for­melles de la musique rap en ces termes :

Hip-hop is a world of I opposing I over microphones aimed like Uzis. Be it East Coast versus West Coast, Bronx versus Brooklyn, activists versus gangsters, rappers versus r&b, hip hop exists in a state of perpetual combat, constantly seeking sucker MCs to define itself against23.

  1. Marc Costello et David Foster Wallace considèrent également la volonté d’attester sa supério­rité sur un rival par une stratégie de la surenchère comme un des éléments constitutifs du rap. Les rappeurs se doivent, dans leurs paroles stylisées, de démontrer à l’auditoire combien leurs rimes sont élaborées et dans quelle mesure chacune de leurs caractéristiques présentées surpasse celle d’un rival avéré ou potentiel24.

  2. Enfin, dans son ouvrage How to Rap, Paul Edwards explique que la rhétorique de l’excès de la musique rap trouve sa raison d’être dans le boast, une figure imposée dans la composition des pa­roles de rap. Comme il l’explique :

bragging and boasting, known as braggadocio content, have always been an important part in hip-hop lyrics and are an art form all in themselves. This type of content, combined with put downs, insults, and disses against real or imaginary opponents, makes up the form known as battle rhyming25.

  1. Ces observations clairvoyantes se retrouvent par exemple dans les paroles du rappeur Redman qui, dans le morceau « City Lights », attribue la supériorité de son style vestimentaire (flyness en anglais) à son improbable naissance en altitude sur un vol de la compagnie Continental Airlines par une association lexicale humoristique :

Who am I? That nigga too fly

My mama gave birth on Continental Airlines (I ain’t lyin’)26

  1. Dans le même registre, dans son morceau « Better than the Best», le rappeur Murs insiste sur le fait que sa prosodie, sa cadence et ses rimes sont incontestablement supérieures à celles de tout autre rappeur :

Couldn't beat anybody other than myself man

The best to ever do it

The best that ever did it27

  1. Ces deux exemples, tout comme les multiples autres qui agrémentent les textes de rap illus­trent combien les rappeurs doivent se conformer à un agôn institutionnalisé dont le contenu hyper­bolique, par sa propriété « persuasive28 », le rapproche de la rhétorique aristotélicienne, notamment par un même recours à l’ethos (l’art de la parole), au pathos (en faisant appel aux émotions de l’au­diteur), et au logos (par la construction d’une argumentation logique).

Un recours ritualisé à l’excès

  1. Pour saisir pleinement l’institutionnalisation de l’esprit de rivalité qui traverse la musique rap, il est nécessaire de remonter aux débuts du mouvement hip-hop, qui rassemble sous une même dé­nomination, les pratiques connexes du DJing, du breakdance, du graffiti et de la musique rap. Ces pratiques culturelles, qui s’imposèrent au début des années 1970 en se substituant, de manière lu­dique et non-violente, à la forte rivalité qui opposait les gangs de rue New-yorkais, restent forte­ment empreintes de leurs caractéristiques. Dj Kool Herc, Africa Bambaataa, Grandmaster Flash, unanimement considérés comme les pionniers du hip-hop29 et qui instituèrent les premières normes de référence de la musique rap faisaient, comme la grande majorité des premiers participants au mouvement, tous partie d’un gang30. En déplaçant la rivalité des gangs sur le terrain de la danse et de la musique, ils importèrent dans ces nouvelles pratiques artistiques le sens du défi qui y préva­lait.

  2. Lors de la transition de la musique rap d’une musique de DJ (Disc-Jockeys) principalement instrumentale avec quelques ornementations vocales à une pratique musicale et verbale où les chan­teurs (les MCs) occupaient désormais le devant de la scène, les textes relativement sommaires des premiers raps s'étoffent progressivement. Les rimes élaborées des pionniers du genre (The Cold Crush Brothers, The Fantastic Five, Grandmaster Caz, The Furious Five) passent d’invitations à la danse et aux plaisirs adolescents insouciants à de longues tirades semi-improvisées qui vantent leurs prouesses verbales et le panache du crew auquel ils sont affiliés. La chanson « Rapper’s Delight », du groupe Sugarhill Gang, le premier disque de rap sorti en 1979, offre une illustration convain­cante du caractère hyperbolique des textes déclamés par les premiers MCs qui animaient les soirées hip-hop de l’époque. Les rimes des MCs Wonder Mike ou de Master G, dont les noms de plume laissent déjà poindre l’exagération rhétorique et l’esprit de compétition qui régnaient entre les paro­liers rap, regorgent en effet de propos outranciers. Dans des rimes ostentatoires qui réifièrent sur vi­nyle les thèmes rap en vogue à l’époque (matérialisme, hédonisme, machisme) Wonder Mike af­firme par exemple avoir une garde-robe plus fournie que celle du boxeur Muhammad Ali, disposer de gardes du corps et de plusieurs voitures de luxe, tandis que Master Gee soutient que son nom est reconnu par les jeunes filles du monde entier et qu’il restera gravé dans l’histoire comme apparte­nant au meilleur rappeur de tous les temps.

  3. On retrouve une exagération semblable dans « Super Rappin’ », le premier disque de Grand­master Flash and the Furious Five où le rappeur Melle Mel, conformément aux thèmes prisés de l’époque, affirme gagner plus d’argent que n’importe quel autre MC et posséder plusieurs voitures de luxe (Mercedes, Seville, Cadillac, Star Stutz, Rolls Royce) :

And if a Stutz break down, I make another choice

I will dull my grill in a new Rolls Royce

  1. Avec l’attachement à un territoire spécifié, l’esprit de rivalité qui alimentait les défis où les B-Boys et B-girls s’affrontaient à coup de pas de danse et d’acrobaties au sol et qui entretenait les ba­tailles de décibels auxquelles se livraient les premiers DJ du mouvement, constitue un vestige mani­feste de la culture des gangs. En visant à établir une hiérarchie en termes de virtuosité verbale, les premières joutes rap, avec le renfort de textes fondateurs comme « Rapper’s Delight », « Super Rappin’ », « Spoonin’ » et « The Adventures of Super Rhymes », où des MCs manifestaient leur aptitude à affirmer leur suprématie sur des rivaux potentiels, vont institutionnaliser organiquement la rivalité, l’esprit de conflit et le défi ostentatoire lancé à un pair comme l’un des principaux res­sorts d’expression de la musique rap. Tandis que les DJ devaient impressionner les danseurs et de­vancer la concurrence par leur virtuosité technique aux platines et par une sélection discographique la plus dansante possible31, les MCs selon la même logique agonistique, célèbrent leur virtuosité verbale, leurs conquêtes romantiques, et s’inventent des marqueurs de statut résolument supérieurs à ceux d’éventuels rivaux pour remporter l’adhésion du public.

  2. Dès les débuts du mouvement hip-hop, ces démonstrations verbales, parsemées d’hyperboles, d’un pédantisme délibérément exagéré et d’une prétention démesurée gagnent rapidement en popu­larité et s’imposent comme un pilier essentiel d’une musique rap en pleine phase de consolidation. Les fanfaronnades élaborées des MC établissent ainsi les critères de légitimité de la pratique rap en attribuant un fort rendement symbolique à une présentation de soi excessive. En maintenant l’esprit de rivalité de la culture des gangs, elles instituent le battle rhyming, qu’il soit concret — avec un ri­val identifié —, ou abstrait — s’adressant à une concurrence tacite —, comme une des figures im­posées de cette musique. Pour bénéficier d’une légitimité incontestable dans la pratique rap, leurs successeurs et concurrents à travers tout le pays doivent désormais se conformer à ces nouvelles normes et à la logique de surenchère et de mesurage désormais implicite à toute production rap.

  3. Les formes et les contenus des textes de rap vont donc se systématiser rapidement à une ex­pression rap ou chaque MC se retrouve dans l’obligation, à moins de vouloir s’affranchir de l’ortho­doxie thématique et formelle, de produire un discours emphatique dont l’objectif est de surpasser dans le contenu la production existante. La rhétorique de l’excès du rap exprime précisément cette volonté d’imposer ou de maintenir, autrement que par la virtuosité verbale et que sur le plan de la forme, une autorité symbolique sur la concurrence en la prévenant que quel que soit son discours, celui qui dispose de la parole lui est supérieur dans des domaines stratégiques (dextérité verbale, vente de disques, conquêtes sexuelles, statut social).

« It’s a song, Donna! »

  1. Si la logique antagoniste et la contrainte de surenchère imposées par des conventions tacites exigent un recours normalisé à une rhétorique de l’excès, il est important de souligner qu’en re­vanche aucune corrélation entre la parole et les actes n’est requise et que le rappeur n’a aucune obli­gation d’accorder ses actes à ses propos bigger than life. Comme l’explique le linguiste Thomas Kochman, les boasts des rappeurs ne sont pas destinés à être pris au sérieux. Aucune corrélation entre la parole et les actes n’est en effet exigée, tout comme une éventuelle obligation du boaster d’accorder ses actes à ses dires. Le boast n’exige aucune preuve32. Les boasters exercent précisé­ment les ressources de leur inventivité comique dans une logique performative du « faire croire ». L’objectif principal étant d’impressionner le public (dans un premier temps, puis les auditeurs au moment du passage à un support vinyle) et la concurrence par un sens remarquable de la formule en restant strictement sur le terrain de la parole. Conformément à la démarche de pacification des rap­ports violents entre les gangs qui animait les premiers participants au mouvement hip-hop, le but était précisément d’exprimer sa supériorité sur un rival sur le plan artistique en évitant d’en venir aux mains. Seuls les traits d’humour, le sens de la formule, la qualité de l’articulation, ou le rythme de la scansion d’un MC lui permettent de sortir vainqueur d’un défi et de jouir d’un prestige parti­culier.

  2. Une fois cet élément pris en compte et replacé dans un contexte culturel propre aux classes po­pulaires de la population afro-américaine, il devient plus facile de comprendre certaines compo­santes de la musique rap qui s’ancrent dans une tradition orale et musicale omniprésente. Considé­rons par exemple cette citation de Muhammad Ali : « I'm so fast that last night I turned off the light switch in my hotel room and was in bed before the room was dark33 ». Cette célèbre bravade consti­tue précisément une illustration de cette oralité qui se retrouve dans les exagérations lyriques des rappeurs et dont l’unique objectif est d’impressionner l’auditoire et l’adversité par un trait d’esprit et des talents d’orateur34. Non seulement les rimes des rappeurs qui s’inscrivent dans ce continuum socioculturel mettent-elles en évidence la logique de compétition et la contrainte de surenchère, im­posée par les conventions tacites d’un mode d’expression ou le rhéteur est, comme dans la boxe, ta­citement ou ouvertement dans la compétition et la mesure à l’autre, elles permettent par ailleurs par la recherche d’images percutantes et par des acrobaties verbales, d’affirmer une supériorité sur le plan rhétorique et esthétique.

  3. S’ils profèrent des paroles violentes, orientées vers la concurrence, les rappeurs le font généra­lement à travers des hyperboles, en employant une image visant, comme cela est précisément le cas avec la tirade d’Ali, à intimider la concurrence et à gagner la faveur du public. Ainsi la volonté sou­vent exprimée d’un rappeur de détruire ses rivaux (murder en anglais) comme le fait Kendrick Lamar dans le passage qui suit ne doit être appréhendée dans son acception littérale mais bien dans le cadre de la logique de compétition qui caractérise la musique rap où, comme dans un sport de combat, l’opposition doit être mise au tapis :

I'm important like the Pope [] I'm the king of New York

And that goes for Jermaine Cole, Big KRIT, Wale

[…] Big Sean, Jay Electron', Tyler, Mac Miller

I got love for you all but I’m tryna murder you niggas35

  1. Ces vers, tirés du morceau « Control », éclairent la logique agonistique qui imprègne la mu­sique rap. Lamar y provoque plusieurs membres éminents de la scène rap en les mettant au défi de parvenir à son niveau de virtuosité verbale. Il est d’ailleurs intéressant de noter que les bravades de ces quelques lignes, en complète conformité avec les conventions thématiques du rap, suscitèrent de très nombreuses réactions dans la presse musicale, qui soit par paresse intellectuelle, soit par sensa­tionnalisme, a présenté l’événement comme un affront aux musiciens mentionnés36. Les exemples récents des paroles d’« Open Letter » du rappeur Jay-Z ou du morceau « Hustlin’ » de Rick Ross démontrent également combien un manque de contextualisation et une lecture stricte du caractère excessif des paroles de rap peuvent donner lieu à un malentendu37.

  2. La controverse autour d’« Open Letter » débuta après un séjour en famille du rappeur Jay-Z à Cuba alors que cette destination fait l’objet de restrictions touristiques imposées par les autorités américaines. Afin de répondre aux critiques formulées à son encontre par des élus républicains de la Chambre des Représentants d’origine cubaine, lui reprochant son manque de respect pour les vic­times des atrocités commises par le régime de Fidel Castro, Jay-Z répondit sous la forme d’une chanson : « Open Letter ». Dans cette lettre ouverte à ses détracteurs, le rappeur évoque sa proximi­té avec le Président Obama, et laisse entendre qu’il en aurait profité pour se rendre à Cuba (« Boy from the hood / but got White House clearance »). Il suggère même au Président de le rejoindre sur la plage pour un moment de détente : « Obama said “Chill, you gonna get me impeached” / But you don't need this shit anyway, chill with me on the beach ».

  3. Ces paroles, anodines dans le contexte concurrentiel de la musique rap, une musique animée, nous l’avons vu, par un impératif d’amplification et un contraste délibéré entre faits et dires, déclen­chèrent toutefois une polémique à laquelle Jay Carney le porte-parole de la Maison Blanche dut mettre fin lors d’une conférence de presse. Il expliqua alors que le permis de séjour de Jay-Z avait été délivré non pas comme l’affirme Jay-Z, par la présidence mais par le Ministère des Finances, et qu’il s’agissait de toute façon d’une simple chanson, dont les paroles ne devaient être prises au sens littéral. « It’s a song Donna! » répondit-il à une journaliste politique qui l’interrogeait sur le sujet38.

  4. L’exemple qui suit met en lumière le besoin pour un rappeur de se conformer à une rhétorique de l’excès imposée par un processus créatif codifié pour acquérir une légitimité culturelle dans la musique rap. Dans son morceau « Hustlin’ », le rappeur floridien Rick Ross, se présente comme un important vendeur de drogues et énumère dans le détail ses activités criminelles. Ross, dont le nom de plume est une référence au célèbre trafiquant « Freeway » Rick Ross, déclame notamment être un proche des célèbres narcotrafiquants Pablo Escobar et Manuel Noriega. Il aurait rendu une cen­taine de services à ce dernier.

I know Pablo, Noriega

The real Noriega, he owe me a hundred favors

  1. Nombreux furent alors les fans et rivaux de ce rappeur à remettre en question l’authenticité de ces affirmations. Dans plusieurs entretiens portant sur l’étroitesse de ces liens, Ross un ancien gar­dien de prison, après avoir tenté de nier ce passé embarrassant et à l’opposé du mafieux influent sous les traits duquel il se présente à ses auditeurs, a clairement nuancé ses propos en expliquant que ces liens prétendus n’étaient effectivement pas de la nature évoquée et que son texte restait un texte figuratif, destiné à consolider la légitimité de sa persona gangsta dans un mode d’expression où celles-ci sont fortement valorisées39.

  2. A l’image des fanfaronnades d’A$ap Rocky évoquées au début de cet article, dont le contenu tranchait nettement avec ses conditions de vie objectives, les exagérations de Ross où de Jay-Z, même si elles sont présentées comme des vérités incontestables et susceptibles d’être interprétées comme telles car entrelacées de manière délibérément ambiguë avec une certaine authenticité fac­tuelle, n’en restent pas moins des exagérations verbales dont la lecture et le déchiffrage doivent être effectuées à la lumière des codes et conventions propres à l’expression rap.

La transition des joutes verbales de la jeunesse noire de la rue au micro des MCs

  1. Cette rhétorique de l’excès, à travers laquelle le rappeur manifeste une aptitude à triompher et à affirmer sa suprématie sur des rivaux potentiels, fictifs ou identifiés trouve ses origines dans l’ora­lité des ghettos noirs qui ont vu naître la musique rap. En effet, les représentations hyperboliques d’attitudes viriles, sexistes et flegmatiques des rappeurs, les rimes exagérées, irréalistes, en obéis­sant à une logique de surenchère et à la mobilisation stratégique de nombreux effets de style, viennent renforcer des pratiques rhétoriques plus anciennes telles que les dirty dozens ou les toasts, des divertissements verbaux où l’hyperbole est un outil tout aussi omniprésent que dans les textes de rap.

  2. Plusieurs travaux ont montré combien l’usage de la langue de manière créative, même dans la vie de tous les jours, faisait partie d’une tradition de longue date. Jon Michael Spencer explique par exemple que le pattin’ Juba, réalisé par deux personnes où le patter produit la base rythmique ou mélodique et la seconde personne l’accompagne en improvisant des vers était un mode de distrac­tion des esclaves au milieu du xixème siècle40. Selon Spencer, il évolua jusqu’au début des années 1970 pour se manifester sous de nombreuses formes de street talk ou de street-corner harmonies comme les dirty dozens, considérées par de nombreux spécialistes comme les ancêtres directs du rap. L’historien Nelson George explique cette filiation en ces termes :

Maybe boasting is just in the bones of the brothers. That urge travelled with us on the slave ships, in­spiring the blues, spawning saxophone cutting contests, sliding into the heads of Little Richard and James Brown, and leading to rappers to ejaculate mouthfuls of Is. Boasting is a black male essence, a verbal one-upmanship that thrives in the dozens, that noble, street-corner endeavour41.

  1. Si l’essentialisme qui transparaît du commentaire de Nelson George atténue quelque peu la va­leur de son analyse, sa localisation des boasts, sous la forme des dozens, dans les rues du ghetto est en revanche très clairvoyante. De nombreux autres travaux se sont penchés sur ces dozens et d’autres pratiques rhétoriques spécifiques à l’oralité des ghettos noirs. Leurs caractéristiques princi­pales sont mises en évidence dans Mother Wit From the Laughing Barrel une série de comptes ren­dus de recherches qui en examinent la production culturelle42. Les dozens, invariablement invoquées comme explication du caractère concurrentiel de la musique rap, consistent à composer un discours stylisé en rimes à l’intention d’un adversaire et à l’humilier par des formules obscènes, violentes, ou comiques, tout en marquant les esprits du public43. On rejoint ici ce que Claudia Claridge appelle l’exagération compétitive (competitive exaggeration), à savoir une surenchère de propos outranciers et aberrants (calculated absurdities) ou chaque exagération dépasse la précédente44.

  2. A la fin des années cinquante, Roger D. Abrahams, un étudiant en folklore réunit plusieurs en­registrements de joutes verbales réalisés dans le quartier à prédominance afro-américaine de Camingerly, Philadelphia, où il vivait. Dans son livre intitulé Deep Down in the Jungle, il souligne l’importance des beaux parleurs (good talkers) dans la communauté afro-américaine et se concentre particulièrement sur le rôle crucial des qualités oratoires au sein de la gent masculine :

Verbal contest accounts for a large portion of the talk between members of this group. Proverbs, turns of phrases, jokes, almost any manner of discourse is used, not for purposes of discursive communica­tion but as weapons in verbal battles. Any gathering of the men customarily turns into « sounding », a teasing or boasting session45.

  1. Comme le souligne Abrahams, ces compétitions avaient souvent lieu entre des garçons et des hommes de 16 à 26 ans et consistaient en une joute ritualisée où deux protagonistes s’envoient des énormités jusqu’à ce que l’un d’eux s’avoue vaincu. Chaque prise de parole devait être courte, sèche et faire appel à des images à la fois comiques et cruelles. Elle s’intègre toutefois dans une joute entre pairs, entre complices ; son exportation hors du cercle aurait pour résultat de déclencher une bagarre. Les remarques formulés en rimes et en rythme pouvaient être des attaques personnelles mais étaient le plus souvent tournées vers la famille de l’adversaire, généralement sa mère. William Labov qui en fit l’étude à Harlem dans les années soixante, donne également plusieurs exemples de ces inventions verbales dans son ouvrage de référence Language in the Inner City46. Chaque méta­phore extrême est contredite et dévaluée par celle qui suit, encore plus excessive.

  2. Cette rivalité s’est retrouvée transposée aux battle rhymes des premiers MC dont les petites histoires et scénettes à la première personne empruntent leur forme et leur structure aux dozens et aux toasts qui circulaient précisément au même moment (mais dans d’autres lieux et contextes) chez les jeunes noirs désireux de faire prévaloir, identiquement et d’une même manière ludique, leur dextérité verbale. Ces rimes, soit bon enfant, soit violentes et phallocrates suivant le contexte de performance, reprenaient les principaux éléments constitutifs des toasts en mettant en scène des exploits à la première personne. Les premiers raps se sont d’ailleurs enrichi rapidement d'histoires de conquêtes sexuelles, d'échanges de coups de feu, de fantasmes d’homicides envers les forces de l'ordre et de voyages crûment réalistes qui se déroulent dans des quartiers noirs défavorisés. Ils ré­sonnent d’histoires mettant en scène des héros au charme irrésistible et à la sexualité prodigieuse identiques à celles alors en circulation dans les ghettos.

  3. Il est d’ailleurs important de préciser que ces héros, comme ceux placés au centre des premiers raps, sont le produit d’une création héroïque exclusivement masculine. La misogynie omniprésente dans les récits hyperboliques de l’oralité des ghettos noirs et de la musique rap résulte d’une logique d’exclusion des valeurs féminines qui coïncide avec une affirmation surdimensionnée de valeurs masculines. Cette tendance phallocrate trouve principalement son expression dans les représenta­tions excessives des exploits sexuels des rappeurs, caractérisées aussi bien par leur violence que par leur sexualité explicite. Dans « ’Flicted Arm Pete » un toast recueilli par Bruce Jackson en 1966, le personnage central possède sexuellement une nymphomane jusqu’à que celle-ci rende l’âme. Il ne trouvera satisfaction qu’avec une chèvre tenace qui lui ôtera la vie à son tour. Le passage qui suit expose les circonstances de son enterrement :

They took old Pete and buried Pete down in the graveyard,

Pete was stone dead and Pete’s prick was still hard

Say they put old Pete about six feet down

About four inches of Pete’s prick still stood above the ground47

  1. La prévalence de ce motif dans le folklore du ghetto a d’ailleurs fait l’objet de plusieurs tra­vaux. Dans leur ouvrage Black Rage, Williams H. Grier and Price M. Cobbs font l’observation sui­vante : « The mythology and folklore of black people is filled with tales of sexually prodigious men48 ». Cette observation, malgré son caractère globalisant, trouve néanmoins une confirmation, dans le contexte social du ghetto, dans le travail d’observation réalisé dans un quartier noir d’Oakland par Neil A. Eddigton. Dans « Genital Superiority in Oakland Negro Folklore: a Theme », ce dernier recueillit, au début des années 1960, tout un ensemble de calculated absurdities et de plaisanteries49 dont les thèmes se retrouvent dans de multiples textes de rap. L’exemple suivant, tiré d’une chanson rap où le rappeur Mickey Avalon compare la taille de son sexe à celle de rivaux éventuels, recoupe les observations précédentes :

My dick bigger than a bridge

Your dick look like a little kid's

My dick size of a pumpkin

Your dick look like Macaulay Culkin []

My dick don't fit down the chimney []

  1. Avalon revisite ici les codes établis du rap en déclamant des battle rhymes dont l’objectif, nous l’avons dit, est à la fois de divertir et de remporter l’adhésion d’un auditoire. Il est d'ailleurs intéres­sant de noter que la proximité entre les narrations orales des ghettos noirs et les lyrics exagérées du rap ne s’arrête pas uniquement aux motifs et aux dispositions de leur héros. Elles sont en effet com­parables aussi bien au niveau de leur contenu que de leur forme. Les textes de rap sont en effet ex­primés dans un même sociolecte, à travers un même style hyperbolique (exagération, humour), une même prosodie (métrique, versification, rythme) et les mêmes techniques narratives que les narra­tions orales qui circulaient dans les ghettos noirs dans lesquels cette musique a vu le jour.

Conclusion

  1. En examinant une musique rap où l’exagération rituelle et la vantardise occupent une place centrale, nous souhaitions attirer l’attention sur un genre où l’hyperbole et l’excès ont un rôle im­portant et institutionnalisé à jouer. En complément des interprétations existantes, nous voulions montrer qu’à travers un usage stratégique de l’aspect persuasif de l’hyperbole et par leur exploita­tion du sensationnalisme inhérent à l’excès, les rappeurs disposent d’un moyen de communication des idées et images efficace pour impliquer l’auditeur émotionnellement et surpasser la concur­rence. L’important succès commercial rencontré par les premiers raps et la possibilité de profession­nalisation offerte par cette musique dans une économie où les jeunes noirs avaient du mal à se faire une place, a conduit très rapidement à l’uniformisation de propos exagérés fortement concurrentiels hérités des pratiques des gangs de rue.

  2. D’autre part, en privilégiant un registre de l’excès, les rappeurs prolongent une longue tradi­tion orale de l’art de la persuasion en signalant leur volonté de « faire croire » et de communiquer figurément leur pensée à travers un filtre grossissant, tout en exhibant, dans un exercice ludique, l’exagération convenue sur laquelle elle repose. Cette propension à l’exagération des rappeurs trouve probablement son principe dans les conditions de vie des populations noires, marginalisées socialement, économiquement et géographiquement depuis leur arrivée sur le sol américain. Il nous a toutefois semblé important de mettre ici en lumière ses ramifications socioculturelles afin de saisir comment elles s'est retrouvé érigée en une véritable convention.

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1 Long Live A$ap, A$ap Rocky, RCA, 2013.

2 « Appelle-moi Billy Gates, j’ai un toit dans chaque État/ ++Man on the Moon++, j’ai un appart’ sur la lune ». « Man on the Moon » est ici une référence intertextuelle au titre d’un célèbre film de la fin des années 1990. Traduction de l’auteur.

3 C. Battan, « A$AP Rocky Talks $3 Million Record Deal, Mainstream Acceptance ».

4 C. Béthune, Le Rap :une esthétique hors-la-loi.

5 A. M. Quint, « Les Enjeux de l'excès », 32.

6 M. C. Pais Simon, « La Satire dans Eusébio Macàrio », 47.

7 J. Penjon, Trop c'est trop, 7.

8 H. Farina, « La Fête, lieu de tous les excès », 162.

9 S. Auroux, Les Notions philosophiques.

10 J. Penjon, TCT, 8.

11 P. Fontanier, Les Figures du discours, 123.

12 bell hooks [Gloria Jean Watkins], Outlaw Culture.  (Les minuscules du nom de plume sont un choix délibéré de G. J. Watkins).

13 S. Hall, Representations, Cultural Representattions and Signiying Practices, 263.

14 G. Smitherman, Talkin' and Testifyin'.

15 « Je suis dix fois meilleur que celui qui dit qu’il est dix fois meilleur que moi », LL Cool J, Bigger and Deffer, Def Jam, 2012.

16 « Je crois bien qu’il y a un Dieu qui veille sur nous, je suis juste le Dieu de tout le reste ». (Kanye West, featuring. Pusha T, Ghostface Killa, « New God Flow », Cruel Summer, G.O.O.D, 2012).

17 K. Mercer & I ; Julen, « True Confessions », 137-138.

18 b.hooks, Black Looks, Between the Lines, 35.

19 R.B. Gregg, « The Ego Function of the Rhetoric of Protest », 78.

20 C. Grignon et J.-C. Passeron, Le Savant et le Populaire.

21 R. Bastide, Estudos Afro-Brasileiros, 8. (Traduction de l’auteur).

22 C. Béthune, Le Rap ; 67.

23 N. George, Buppies, B-boys, Baps and Bohos, 86 : « Le hip hop est un univers d’egos opposés les uns aux autres à travers des micros faisant office de Uzis. Qu’il s’agisse de la côte Est qui défie la côte Ouest, du Bronx face à Brooklyn, des rappeurs intellos aux discours politiques qui s’en prennent aux gangstas, du rap face au R&B, le hip hop existe dans un état de perpétuel combat où les rappeurs sont constamment à la recherche de mauvais MCs pour faire valoir leurs qualités. » (Traduction de l’auteur).

24 M. Costello et D. F. Wallace, Signifying Rappers, 24

25 P. Edwards, The Art of Rap, 25. La vantardise (bragging) et la fanfaronnade (boasting), que l’on trouve aussi sous l’expression braggadocio, ont toujours occupé une place importante dans les paroles de rap et constituent une forme d’art à elles seules. Ce type de propos, combiné à des insultes, des paroles humiliantes, ou des lyrics irrévérencieux envers des adversaires avérés ou imaginaires, composent la forme connue sous le nom de battle rhyming.

26 Method Man & Redman, « City Lights », The Blackout !2, Def Jam, 2009.

27 Murs, Better than the Best, Murs For President, Warner Bros, 2008.

28 C. Claridge, Hyperbole in English, 217.

29 N. George, « Hip-Hop's Founding Fathers Speak the Truth ».

30 C. Ahearn, Yes, Yes, Y'all.

31 U. Poschardt, Dj Culture.

32 T. Kochman, Black and White Styles in Conflict, 63-64.

33 « Je suis tellement rapide que hier soit en éteignant la lumière dans ma chambre j’étais déjà couché avant qu’il ne fasse noir. »

34 V. Edwards et T. J. Siuenkiewicz, Oral Culture Past and Present.

35 « Je suis aussi important que le Pape, je suis le Roi de New York / le Roi de la Côte West, je jongle avec les deux (côtes)/ (…) et je m’adresse à vous Jermaine Cole, Big KRIT, Wale, Big Sean, Jay Electron’, Tyler, Mac Miller/ je vous apprécie mes négros, mais je suis en train de vous détruire ».

36 E. Gundersen, « In a boastful tirade, Lamar name-checks the competition and declares himself the rap king of both coasts ».

37 L. Perrin, L'Ironie mise en trope, 65-75.

38 Eddie « Stats »,  « The White House Addresses Jay-Z’s “Open Letter” In Today’s Press Briefing ».

39 S. Frere-Jones, « The Sound of Success: Rick Ross’s Confidence Game ».

40 J. M. Spencer, The Emergency of Black, 2.

41 N. George, Buppies, 86

42 A. Dundes, Mother Wit, 1973

43 Pour des études détaillées des Dozens et d’autres types de joutes verbales se référer aux travaux suivants : Roger D. Abrahams, « Playing The Dozens », Journal of American Folklore (1962), 75, 209-20 ; John Dollard, « The Dozens: Dialectics of Insult » dans Alan Dundes, éd., Mother Wit From The Laughing Barrel: Readings in the Interpretation of African-American Folklore, Englewood Cliffs, NJ : Prentice-Hall Inc. 1973, 277-294 ; William Labov, « Rules for Ritual Insults », dans Language in the Inner City, Philadelphie : University of Pennsylvania Press, 1972.

44 C. Claridge, 160.

45 R. D. Abrahams, Deep Down in the Jungle, 73.

46 W. Labov, Language in the Inner-City, 1972.

47 « ’Flicted Arm Pete » : « Ils amenèrent ce vieux Pete au cimetière pour l’y enterrer/ Pete était bien mort mais sa queue encore bien dure/Il parait qu’il ont mis deux mètres sous terre / Plus d’une dizaine de centimètres de la queue de Pete dépassait de sa tombe ».

48 W. H. Grier et P. M. Cobbs, Black Rage, 53.

49 N. A. Eddington, « Genital Superiority in Oakland Negro Folklore: A Theme », 642.