Xavier Pons
Université de Toulouse
Plus que la majorité des nations, l’Australie aime à s’interroger sur ce qui constitue son identité nationale. Ce questionnement quasi-obsessionnel1, poussé parfois jusqu'au malsain2, et les incertitudes où il prend son origine, sont le signe d’un réel malaise dans la culture. Il s’agit-il peut-être d’une simple maladie infantile (l’Australie moderne a à peine plus de deux siècles d’existence) que le passage du temps suffira à guérir, mais le mal semble plus profond, comme consubstantiel à la nature même de la culture australienne, notamment dans ses manifestations littéraires.
Au terme provisoire d'un parcours qui n'a cessé de s'accélérer, le pays des Aborigènes a fait place à une colonie (plus exactement, à un ensemble de colonies) où s'exprimait une hégémonie britannique tant politique que culturelle, puis à une nation blanche mais ethniquement de plus en plus diverse, et enfin à une société multiculturelle où les races, les langues ou les religions se côtoient, se mélangent et par là se transforment. D'où la difficulté, face à cette diversité foisonnante, de se dire australien autrement qu'en un sens administratif. Sans réduire la littérature à un simple « écho sonore » des préoccupations du temps, force est de reconnaître aux écrivains un rôle éminent dans cette quête obsédante de l'australianité dont la culture du pays est empreinte, Maîtres du verbe, ils sont censés trouver les mots pour dire à leurs compatriotes ce qu'ils sont, mais on trouve chez eux plus d'interrogations que de certitudes. On comprend mieux l'attente perpétuelle, chez les critiques, de « the Great Australian Novel » censé apporter enfin la réponse à leur questionnement, et leur déception chaque fois qu'un nouveau roman vient confirmer que cette réponse n'existe pas3. Face à l'effondrement des catégories rassurantes (Blanc/Noir, Britannique/Asiatique, etc.), au brouillage des lignes et des frontières, les écrivains n'échappent pas au sentiment de malaise. Ils permettent en revanche d'en comprendre les tenant et les aboutissants.
Le malaise, au sens que je voudrais développer ici, est une forme de souffrance plus ou moins aiguë qui se manifeste lorsqu’on ne se sent pas dans son assiette, comme dit l’expression populaire, c'est-à-dire quand on n’a pas la position équilibrée du cavalier sur sa monture. La sensation de malaise naît donc quand on n’est pas à sa place, en harmonie avec ce qui vous porte ou vous entoure. Le malaise vient de notre confrontation à la dissonance, à la différence, à l’autre, qui interpelle nos certitudes et fracture notre être. Cette confrontation institue une dynamique d’attraction/répulsion qui, de quelque côté qu’elle incline, nous arrache à la position d’équilibre que nous nous efforçons de maintenir – elle nous désarçonne. Qu'on choisisse de se différencier de l’autre ou de lui ressembler, on se retrouve projeté hors de soi-même, désorienté. Inversement, un sentiment d’aise naît de la conscience d’être bien à sa place, chez soi, comme l’expliquait l’historien Henry Reynolds à propos de son sentiment d’appartenance (belonging) à l’Australie : «…it’s a sense of ease, relaxed and easy when I’m at home which I don’t feel anywhere else in the world4 ». Mais comment se sentir véritablement chez soi en Australie lorsqu’on y est un (relatif) nouveau-venu et que ses racines sont ailleurs ? Reynolds, qui doit sans doute la conviction d'être à sa place au fait qu'il s'est longuement confronté à l'histoire de son pays dans ce qu'elle a de plus sombre – la dépossession des Aborigènes – évoque à juste titre, à la source du malaise australien, un sentiment d’inquiétante étrangeté, ce « unheimlich, that post-colonial condition which seems to render our own place unfamiliar and strange, alien and inaccessible5 ». Le concept nous renvoie naturellement à Freud.
Les propos que développe Freud dans Le Malaise dans la culture (1930) sont pour la plupart applicables à la culture australienne mais sans doute trop généraux pour en faire ressortir les spécificités. Selon Freud, en effet, le malaise vient du fait que toute forme de civilisation oblige l’homme à renoncer au libre cours de ses pulsions, notamment sexuelles et agressives — c’est au prix de ce renoncement qu’il peut jouir des bienfaits de la vie en société, autrement dit de la culture : « Si la culture impose d’aussi grands sacrifices », écrit-il, « non seulement à la sexualité mais aussi au penchant de l’homme à l’agression, nous comprenons mieux qu’il soit difficile à l’homme de s’y trouver heureux6 ». En outre, poursuit Freud : « Comme la culture obéit à une impulsion érotique intérieure qui lui ordonne de réunir les hommes en une masse intimement liée, elle ne peut atteindre ce but que par la voie d’un renforcement toujours croissant du sentiment de culpabilité7 ». Ce sentiment est à ses yeux « le problème le plus important du développement de la culture8 ». Cette observation ne s’applique peut-être pas au même degré à toutes les formes de culture mais elle est d’une grande pertinence en ce qui concerne l’Australie et sa culture post-coloniale, qui repose sur la dépossession du peuple aborigène. Cela ressort bien de la description que donne Freud d’un pays civilisé :
Dans un tel pays, les fleuves qui menacent de provoquer des inondations auraient leur cours régularisé, leur eau amenée par des canaux là où on en est privé. Le sol serait travaillé avec soin et serait planté des végétaux qu’il est propre à porter, les richesses minérales des profondeurs seraient extraites avec diligence et transformées pour en faire les outils et instruments requis. Les moyens de communication seraient abondants, rapides et sûrs, les animaux sauvages et dangereux seraient exterminés, l’élevage des animaux domestiqués serait florissant9.
Freud rejoint en cela les colonisateurs de l’Australie, qui justifiaient leur entreprise en arguant de la doctrine dite de terra nullius : il était légitime qu’un peuple s’empare d’une terre sans propriétaire afin de la coloniser. « Sans propriétaire » ne signifiait pas vide d’habitants (l’existence des Aborigènes était connue depuis longtemps) mais peuplée uniquement de primitifs incapables de la mettre en valeur par l’agriculture et l’industrie, et par conséquent disqualifiés pour ce qui est des droits de propriété. On croyait d'ailleurs ces Aborigènes voués à s'éteindre rapidement par l'effet d'une sélection naturelle qui assurerait le triomphe de colonisateurs issus d'une race supérieure. La disparition de ce corps étranger, inassimilable, rendrait enfin possible la réunion des hommes « en une masse intimement liée », comme disait Freud, une masse homogène où chacun serait manifestement à sa place. Mais les Aborigènes ont survécu, ce qui a forcé les colons et leurs descendants à admettre, avec plus ou moins de lucidité, que leur prospérité reposait sur les malheurs des Premiers Australiens, et leur a laissé un sentiment de culpabilité. Le malaise qui en résulte ne pourra se dissiper que lorsqu'aura été effectuée la réconciliation entre colonisés et colonisateurs10.
Si ce malaise tient aux conditions mêmes qui ont présidé à la naissance et au développement de la nation — en quelque sorte, au péché originel du colonialisme — il n’est pas uniquement affaire de sentiments de culpabilité. Comme l’écrivait l’historien Lyndall Ryan : « To Aborigines, […] Europeans are a shallow people who are in constant fear not only of the people whose land they have appropriated but of the land itself11 ». Peur et culpabilité se mêlent inextricablement dans le malaise identitaire australien, comme en témoigne abondamment la littérature du pays.
On le sait depuis Bakhtine, le but de toute littérature est de déranger, de défamiliariser, de présenter le monde sous un jour inaccoutumé, au risque de créer un certain malaise — ce n’est pas pour rien que Freud donnait comme synonyme de « unheimlich » l’expression « mal à l’aise12 ». Cette tendance est peut-être plus prononcée encore dans le cas des littératures post-coloniales, qui se focalisent souvent sur les difficultés qu’éprouvent les colonisateurs à rendre familier un environnement qui les déroute et les effraie, et sur les difficultés qu’éprouvent les colonisés pour se familiariser avec un apport étranger qui perturbe leur vision du monde, et d’eux-mêmes.
Plus de deux siècles après les débuts de la colonisation britannique, persiste en Australie le sentiment que les Européens ne sont pas à leur place sur cette terre étrange. Les conditions mêmes de son acquisition remettent en question la légitimité morale des descendants de ces Européens, pourtant présents en terre australienne depuis cinq générations parfois. L’étrangeté de la terre, de ses occupants originels et de ses animaux, son irréductible différence par rapport à l’environnement européen semblent confirmer qu’il s’agit d’un autre monde, où les Blancs sont une sorte d'anomalie. Il n’y a donc rien de surprenant à voir la littérature australienne s’emparer de ce malaise, le faire sien, l’examiner sous tous les angles et lui chercher remède.
Le corollaire, bien entendu, se trouve dans les efforts des colons pour créer un sentiment de familiarité à l’égard de l’Australie, faire en sorte de s’y sentir chez eux, dans la mesure du possible, ou du moins faire disparaître ce que Germaine Greer appelait « the pain of unbelonging13 ». Ces efforts ont pris toutes sortes de formes et visaient à reproduire aux antipodes le cadre de vie qui prévalait en métropole. Les effets de langage, et par suite la littérature, n’ont pas manqué de jouer un rôle significatif dans ce processus d’acclimatation, qui n’a connu qu’un succès relatif. Il suffit pour s’en convaincre d’examiner les noms attribués par les colonisateurs à la topologie australienne et aux villes qu’ils ont fait surgir sur le continent. Ces villes reprennent souvent les noms familiers de villes britanniques — Brighton, Liverpool, Newcastle ou Perth — comme pour créer entre les deux pays une ressemblance qui relève totalement de la fiction. Si l’entreprise coloniale est, quelque part, une tentative de ré-écriture du réel pour forcer ce dernier à entrer dans un cadre discursif apte à satisfaire les désirs du colonisateur, on ne s’étonnera pas de la place qu’y tient la littérature, notamment dans ses évocations du milieu naturel. On pourrait appliquer aux écrivains australiens d’origine britannique la réflexion d’Anne McClintock à propos de la description de la côte africaine que donne Marlowe dans Heart of Darkness, de Joseph Conrad : « The effort to give voice to a landscape that is unspeakable because it inhabits a different history creates a deep confusion14 ».
Le malaise australien prend différentes formes. Il y a dès le départ le malaise des envahisseurs, ces poignées de colons britanniques qui affrontent, bon gré mal gré, l’inquiétante étrangeté d’une terre qui les déroute. Dans la deuxième moitié du xxe siècle encore, le poète Les Murray l’exprimait en écrivant :
It will be centuries
Before many men are truly at home in this country15.
A plus forte raison, les écrivains du xixe siècle ont fait une large place au sentiment d’aliénation et de désarroi qu’inspirait aux Européens le continent australien. Ses paysages inaccoutumés où s’incarnait l’irréductible étrangeté du pays, interpellaient et intimidaient des artistes formés à l’école européenne. « What is the dominant note of Australian scenery? » demandait Marcus Clarke en 1876, avant de donner sa réponse :
That which is the dominant note of Edgar Allan Poe's poetry — Weird Melancholy. A poem like « L'Allegro » could never be written by an Australian. It is too airy, too sweet, too freshly happy. The Australian mountain forests are funereal, secret, stern. Their solitude is desolation. They seem to stifle, in their black gorges, a story of sullen despair. […] All is fear-inspiring and gloomy16.
Il convient de faire la part de la rhétorique romantique dans cette évocation de l’environnement naturel australien. Son côté gothique peut être perçu comme une façon détournée d’incorporer le pays au paysage mental des colons, et de le rendre ainsi quelque peu familier malgré sa noirceur supposée, jugée sans doute préférable à ce qui était parfois considéré comme la principale caractéristique de l’environnement naturel : son indifférence à l’homme. Néanmoins, la prose de Marcus Clarke reste révélatrice d’un malaise que bien d’autres écrivains encore ont exprimé sous différentes formes. On notera par exemple la déchéance physique et spirituelle que provoque le bush chez les personnages féminins de Henry Lawson (cf. « The Drover’s Wife » ou « Water Them Geraniums ») et les dangers qu’il recèle pour les imprudents ou les malchanceux (cf. Barbara Baynton, « Squeaker’s Mate » dans Bush Studies). Même les Européens qui semblent s’être complètement adaptés à leur environnement australien peuvent devenir ses victimes : tel un fauve que l’on croyait apprivoisé, le bush profite d’un moment d’inattention et tue en un éclair. C’est ce qui arrive à un personnage de Joseph Furphy, la petite Mary O’Halloran, fille d’un travailleur du bush, née en terre australienne et parfaitement à l’aise dans son milieu :
She was a child of the wilderness, a dryad among her kindred trees. The long-descended poetry of her nature made the bush vocal with pure gladness of life; endowed each tree with sympathy, respondent to her own fellowship17.
Mais ce que Furphy dans son malaise d'Européen transplanté appelle « the anomalous and baffling nature of Australian conditions18 » lui coûtera la vie : un jour, Mary s’égare dans le bush et finit par mourir d’épuisement sans avoir pu retrouver le chemin de sa maison…
Le passage des années, voire des décennies, n’y change pas grand-chose : les occupants blancs de l’Australie continuent de s’y sentir mal à l’aise, comme en exil. Pour eux, la vraie vie est ailleurs — dans l’hémisphère nord, leur patrie spirituelle, dont ils gardent la nostalgie. Henry Lawson notait en 1890, plus d’un siècle après les débuts de la colonisation : « this country has got to be made a home for a nation19 » mais un demi-siècle plus tard la tâche n’était toujours pas accomplie. L’artiste australienne Stella Bowen — qui passa le plus clair de sa vie adulte en Angleterre — rappelait en 1941 que beaucoup d’Australiens parlaient d’un voyage en Angleterre en disant « going home » même s’ils n’avaient jamais mis les pieds dans ce pays auparavant. D’où sa conclusion : « We were a suburb of England20 ».
Le corollaire de cette impression d’être exilés dans leur propre pays, c’est le sentiment d’infériorité baptisé « cultural cringe » par A.A. Phillip. Les Australiens n’arrivent pas à se convaincre que leur hémisphère vaut bien l’autre et qu’ils n’ont pas à s’excuser de l’aimer. En témoigne ce dialogue, dans le roman de Nevil Shute On the Beach, entre un officier américain et une jeune Australienne :
‘I don’t know that I ever saw a place that was more beautiful,’ he said.
‘It is beautiful?’ she asked. ‘I mean, is it as beautiful as places in America or England?’
‘Why, sure,’ he said. I don’t know England so well. I’m told that parts of that are just a fairyland. There’s plenty of lovely scenery in the United States, but I don’t know of any place that’s just like this. No, this is beautiful all right, by any standard in the world.’
‘I’m glad to hear you say that,’ she replied […] One sort of thinks that everything in England or America must be much better. That this is all right for Australia, but that’s not saying much…21’
Bien des auteurs australiens ont exprimé cette nostalgie de l’hémisphère originel, qui perdure à travers le temps. Dans les années 1930 par exemple, Brian Penton, dont le roman Landtakers s’interroge sur l’enracinement des colons en Australie, pouvait écrire dans un journal : « We are not Australians, really only Englishmen living in Australia, and trying to make the alien, un-English face of this country as much as England as we can22 ». Près de soixante ans plus tard un personnage du romancier Tim Winton semblait lui faire écho en demandant : « You think maybe we don't belong here, like we're out of our depth, out of our country?23 »
L’une des préoccupations fondamentales de la littérature australienne consiste à chercher remède à ce malaise existentiel dont la persistance a naturellement des effets délétères, tant sur la créativité artistique que sur le tissu social et politique. Comment exorciser le sentiment d’inquiétante étrangeté que l’Australie continue de susciter ? Comment lui substituer un sentiment d’appartenance qui permette enfin aux Australiens de se sentir à l’aise en Australie ?
Peut-être suffit-il de donner du temps au temps : au fil des décennies, et des générations, l’Australie change de visage, se fait plus familière, et se pare de beautés longtemps insoupçonnées, comme le suggérait la romancière H. H. Richardson en commentant l’attitude de son personnage Richard Mahony, de retour en Australie après un séjour en Grande-Bretagne :
[…] with his eyes still full of greenery and lushness, he could see less beauty than ever in its dun and arid landscape – It was left to a later generation to discover this: to those who, with their mother’s milk, drank in a love of sunlight and space; of inimitable blue distances and gentian-blue skies24.
Mais les choses ne sauraient se faire toutes seules, spontanément, et le passage du temps ne suffit pas.
Certains auteurs, désespérant peut-être de surmonter leur malaise, ont fait le choix de vivre ailleurs : tant qu’à se sentir exilé, autant aller jusqu’au bout. Pour les écrivains qui ont décidé de vivre hors d’Australie, comme Randolph Stow dans le Sussex, Peter Porter à Londres ou Peter Carey à New York, il devient plus facile de situer ses écrits dans un cadre dont l’Australie est exclue, et par suite de laisser de côté le malaise existentiel australien. Mais laisser de côté ne signifie pas résoudre ou surmonter. Contrairement à ce qu’affirmait Danton, on emporte quand même un peu de sa patrie à la semelle de ses souliers — il n’est pas forcément plus confortable d’être australien en Grande-Bretagne ou aux Etats-Unis. C’est la conclusion à laquelle est parvenu Patrick White qui, après des années passées en Grande-Bretagne, a finalement décidé que son destin d’Australien ne pouvait se jouer qu’en Australie, quoiqu'il fût loin de se sentir en harmonie avec le type de civilisation qu’y avaient créé les colons, dont le matérialisme trop évident trahissait l'absence de lien spirituel entre l'homme et son environnement : « Returning sentimentally to a country I had left in my youth, what had I really found? Was there anything to prevent me packing my bag and leaving like Alister Kershaw and so many other artists? Bitterly I had to admit, no25. » White accepta donc de retourner en Australie, même si ce ne fut pas de gaité de cœur. Ce retour, tout difficile qu’il fût, devint un ré-enracinement, un ré-enchantement : « I began to see things for the first time. Even the boredom and frustration presented avenues for endless exploration; even the ugliness, the bags and iron of Australian life, acquired a meaning26 ». Non pas que White ait cessé de pester contre le matérialisme et la vulgarité de trop de ses compatriotes ; mais ses intuitions de romancier lui avaient permis de discerner d'autres façons d'être australien, illustrées par ses personnages de Juifs, d'Aborigènes, d'artistes, etc. : grâce à leur différence, et malgré la marginalisation qui leur est souvent imposée, ils laissent entrevoir une Australie bien plus attirante — « a true civilisation of our own27 ».
D’autres écrivains se sont exilés définitivement, comme Randolph Stow, en dépit de la fascination que lui inspiraient les paysages australiens. Mais il ne pouvait se défaire du sentiment que ces paysages restaient indifférents à l’homme – du moins l’homme blanc, qui n’y serait jamais chez lui, comme Stow l’exprime dans son roman Tourmaline, situé en plein « outback » : « More truly we are tenants; tenants of shanties rented from the wind, tenants of the sunstruck miles28 ». La double répétition du mot « tenant » exprime bien le sentiment de précarité des colons en terre australienne.
Il semble plus simple de se proclamer australien et de considérer qu’on a par là résolu le problème. « Qui s’accoutume à la foi la croit », disait Pascal29, et l’on pourrait ainsi exorciser le malaise par la magie du verbe. Écrire explicitement en tant qu’Australien devient un mode performatif supposé capable de créer un sentiment d’identité authentique. En bref, il faut se mettre dans la peau du rôle… D’où l’exhortation lançée en 1899 dans le magazine nationaliste The Bulletin par le critique A.G. Stephens : « …let us look at our country and its fauna and flora, its trees and streams, and mountains, through clear Australian eyes, not through bias-bleared English spectacles; and there is no better or more beautiful country in the world30 ». Dès le début du xixe siècle des écrivains s’étaient lancés dans l’aventure, comme Michael Ackland le rappelle à propos de deux poètes qui « were pleased to think of themselves as “Charles Harpur, an Australian” and “Henry Kendall, Native Australian Poet” ». Chacun, écrit Ackland, « was primarily concerned with the interpretation and imaginative appropriation of the new land31. »
La visée appropriative se devait d’être concentrée sur ce que le pays avait de plus authentiquement australien. Ici encore, les paysages, notamment ceux de l’arrière-pays, jouent un rôle de premier plan. En proclamant que c’est dans le bush que l’Australie affirme son identité la plus authentique, alors que les villes se ressemblent plus ou moins de par le monde, et en ajoutant le corollaire que le véritable Australien, c’est l’homme du bush, divers écrivains et critiques32 procédaient avec audace à un renversement des valeurs qui permettait aux colonisateurs de s’ancrer en terre australienne. Si, comme le soutenait la romancière Margaret Atwood, les Australiens, tout comme les Canadiens, habitaient un pays où l’environnement culturel se trouvait déphasé par rapport à l’environnement naturel, alors il convenait d’adapter le premier au second, et non l’inverse, comme cela avait été mainte fois tenté.
Les colons avaient en effet cherché à « européaniser » l’Australie de multiples façons, et notamment par l’importation des formations culturelles britanniques, diffusées à travers un système éducatif qui, de l’école à l’université, reproduisait le modèle britannique et contribuait à répandre les valeurs et les pratiques de la mère-patrie. Prendre le contrepied de ces dernières et revendiquer ce que l’Australie avait de plus irréductible devait transformer de simples colons en véritables Australiens. C’est pourquoi on assiste, à la fin du xixe siècle, à une célébration du bush, tant en littérature qu’en peinture. Ce regard nouveau, pour valorisant qu’il se veuille, ne parvient pourtant pas à gommer l’image d’un environnement exotique, dangereux, peu familier à l’Australien moyen, qui est un citadin. En tentant d’imposer une image de l’australianité qui va presque à rebours de l’expérience australienne commune, elle s’avère contreproductive pour enraciner les colons dans une terre qui s’obstine à leur rester étrangère.
Une autre stratégie pourrait être celle du déplacement, autrement dit l’attribution du malaise et du sentiment d’exil non pas aux colons britanniques mais à des personnages plus aliénés, plus étrangers encore: les premiers, par contraste, feront alors figure d’occupants naturels de la terre. C’est ce qu’on retrouve dans The Tao of Shepherding, roman de John Donnelly situé au milieu du dix-neuvième siècle où deux Chinois arrachés de force à leur pays se retrouvent contraints de travailler comme bergers en plein bush et sont saisis d’angoisse devant l’étrangeté du pays où ils vont devoir vivre désormais :
Home. The word had a crushing ring to it when applied to this mean little hut surrounded by grass and trees, bounded by the river on three sides […] we are marooned on an island of grass among sheep […] Everything was strange, unfamiliar, alien; and actions occurred without a context, meaningless and threatening. It was impossible to make sense of events around us33.
Il en faudrait plus, toutefois, pour que les colons d’origine européenne se sentent à l’aise en Australie — l’aliénation des uns n’aide guère à surmonter celle des autres. Pour la poétesse Judith Wright, la littérature australienne doit éviter deux écueils diamétralement opposés afin de promouvoir un véritable sentiment d’appartenance. Il ne faut pas qu’elle s’obsède du thème de l’exil, qui empêche de construire ce sentiment, pas plus qu’elle ne doit fermer les yeux sur les inévitables difficultés des Européens à s’enraciner en terre australienne et à se doter d’un nouveau sentiment d’identité :
[...] if we reject outright the literature of nostalgia, we fail to understand something important about ourselves, and will not be able to set about making Australia into our real spiritual home. In the same way, if we accept it too wholeheartedly, and take too seriously the notion that ours is a transplanted community, we deny the second aspect of our situation as Australians, to turn Australia into a reality, to become something new in the world; to be not, as Hope puts it, 'second-hand Europeans' timidly pullulating on alien shores, but a people who have seized the chance to make a new kind of consciousness out of new conditions34.
Ce sera rarement une question de révélation ou d’épiphanie, comme celle que connaît Shiu Pi, le Chinois devenu par la force des choses berger en Australie où, libre de tout superflu, il finit par découvrir, quoique provisoirement, sa place35. La réponse la plus satisfaisante au malaise existentiel australien serait que les Européens acceptent l'Australie telle qu'elle est, qu'ils laissent leur imaginaire s'imprégner de cette réalité, comme par capillarité, et se défassent des préjugés arrogants qui font obstacle au processus.
Il s’agit d’abord de reconnaître que l’Australie est essentiellement une terre que les Blancs ont prise aux Aborigènes, ce qui fait d’eux, comme l’écrivait le romancier Xavier Herbert, « une communauté de voleurs ». Pour surmonter ce péché originel, certains écrivains ont pensé que les Européens devaient s’indigéniser, incorporer à leur culture des éléments fondamentaux de la culture aborigène, comme le préconisait par exemple dans les années 1930 et 40 le mouvement Jindyworobak. Pour son fondateur, Rex Ingamells, il fallait que la culture des colons s’inspire de la culture aborigène, laquelle représentait l’authenticité australienne par excellence. De la sorte, « a distinctively Australian culture would emerge as disjunctions between the natural environment and the cultural conventions inherited from Europe were recognised and resolved »36. Mais Ingamells sous-estimait sans doute l’écart entre les deux cultures qui, en lieu de synthèse, ne permettait d’aboutir qu’à une sorte de simulacre dépourvu de vitalité.
Il est clair néanmoins qu’il n’y a de salut pour la culture australienne que dans l’hybridité. Il ne s’agit pas de l’hybridité artificielle et stérile des Jindyworobaks mais des interactions créatrices entre les différents courants culturels qui irriguent le pays. Après avoir longtemps pourchassé la chimère de la pureté raciale et culturelle, l’Australie s’ouvre à la différence.
Chercher à imiter les Aborigènes ne conduirait qu’à l’impasse. Mais examiner leur mode d’enracinement dans un pays qu’ils habitent depuis des dizaines de millénaires peut ouvrir les yeux des nouveaux venus à des réalités qu’ils ne soupçonnaient pas. Telle est l’expérience du berger chinois : « I begin to recognise how these people are in and of this land in a way my sheep and I are not37 ». Sans chercher à se faire aborigène lui-même mais grâce à la compagnie de jeunes Aborigènes, il se met à voir l’environnement sous un jour différent, de sorte que tout commence à faire sens :
[…] now as I look at the land around me, layered with meaning to these striplings, I begin to see something else in what seemed like an emptiness to me, and I recognise that what surrounds us represents a veritable treatise on living for my stripling companions. Whereas I have relied on volumes locked carefully away in a library, their references are all around us […] When you look at the landscape long enough, sometimes the landscape looks back at you […] I take comfort from their presence, their sense of belonging; I feel their energy in the land protecting us. They know its connections, understand and respect its interrelationships: how kangaroo is to grass is to cricket is to crow is to person. And what the rocks, trees, hills and rivers mean to the whole38.
Il est un peu ironique que ces propos soient attribués à un Chinois car les Européens ont mis bien du temps à s’apercevoir que l’expérience aborigène pourrait leur être profitable. La présence dans le roman d’un narrateur chinois rappelle que la culture australienne, notamment la littérature, ne se réduit pas à une sorte de dialogue de sourds entre, d’une part, colons britanniques et leurs descendants et Aborigènes de l’autre. L’Australie contemporaine est multiculturelle, car elle accueille, dans des proportions plus élevées qu’ailleurs, des communautés venues des quatre coins de la planète et très souvent d’Asie. Aux yeux des Européens d'Australie, les membres de ces communautés passent souvent pour avoir un sentiment d’identité plus authentique et plus fort que le leur : bien qu’ils soient eux aussi des personnes déplacées, leur culture d’origine resterait quasiment intacte et les préserverait ainsi du malaise existentiel que nous avons évoqué. Dans le roman de Simone Lazaroo Sustenance, l’Australienne Gloria Burns, en vacances à Bali, songe au slogan de l’hôtel Elsewhere, où elle séjourne : « Find yourself. That hotel slogan had appealed. It seemed to her that finding themselves was not something the Balinese needed to do »39.
Il est bien sûr illusoire de penser que les cultures autres qu’anglo-saxonne, plus authentiques, protègent en toutes circonstances contre le sentiment de l’étrangeté du monde et le malaise identitaire qui en résulte. Les Aborigènes contemporains et les immigrés non-britanniques y sont aussi exposés que quiconque, ainsi que le reflète la littérature (cf. entre autres exemples Birds of Passage de Brian Castro ou Benang, de Kim Scott). Le sort des uns est en effet intimement lié à celui des autres dans une même expérience de l’inquiétante étrangeté de l’Australie. Comme le rappelaient Ken Gelder et Jane Jacobs :
An “uncanny” experience may occur when one’s home is rendered, somehow and in some sense, unfamiliar; one has the experience, in other words, of being in place and “out of place” simultaneously. […] it is not simply the unfamiliar in itself which generates the anxiety of the uncanny; it is specifically the combination of the familiar and the unfamiliar40.
Au début des années 80, évoquant l’évolution prévisible de la culture australienne, le sociologue John Carroll formulait l’hypothèse que « the twenty-first century will be marked on this continent by some cross-breed of our adapted Anglo-Saxon culture with Asian, and predominantly Chinese, culture – whether our descendants choose this or not41 ». Comme le suggèrent les derniers mots, pareille évolution ne correspond pas aux souhaits du groupe majoritaire, et se fera sans doute contre son gré. Il est vrai que les Anglo-Saxons doivent faire leur deuil d’une Australie réservée exclusivement aux Blancs et accepter par là une hétérogénéité culturelle qui les effraie parce qu'elle remet en question leur sentiment d'identité. Mais le texte même de Carroll illustre un autre aspect de ce fantasme raciste : l’occultation des Aborigènes, qu’il élimine complètement de sa vision de la culture australienne à venir. Il était admis que l’appropriation de l’Australie par les colons anglo-saxons passait par la disparition de ses premiers occupants. Mais les Aborigènes ont survécu, et sont devenus la mauvaise conscience de l’Australie. La culture de celle-ci ne se conçoit plus sans une présence aborigène: qu’il s’agisse de peinture, de littérature ou de musique, c’est du côté aborigène qu’on trouve les affirmations identitaires les plus fortes. Les Anglo-Saxons n’ont pas complètement pris acte de cette résurgence, et c’est pourquoi leur culture bute toujours sur l’inquiétante étrangeté du pays. Le « Unheimliche », écrivait Freud,
n'est en réalité rien de nouveau, d'étranger, mais bien plutôt quelque chose de familier, depuis toujours, à la vie psychique, et que le processus du refoulement seul a rendu autre. Et la relation au refoulement éclaire aussi pour nous la définition de Schelling, d'après laquelle l' « Unheimliche », l'inquiétante étrangeté, serait quelque chose qui aurait dû demeurer caché et qui a reparu42.
Le peuple aborigène, qu’on a voulu effacer du pays et des mémoires, resurgit dans la psyché australienne et y sème le trouble. En témoigne le débat persistant pour savoir si la présence des Anglo-Saxons en Australie relève d’une invasion ou d’une simple « installation » (settlement). Les Australiens blancs ont bien du mal à admettre la pertinence du premier terme, avec ses conséquences politiques, morales ou culturelles43. On tient là le refoulé australien par excellence, ce refus obstiné d’accepter la réalité du pays et de son histoire, qui fait pourtant, et non moins obstinément, retour dans le psychisme national. De façon comparable, l’Australie a cherché à nier la réalité de son environnement géopolitique, qui est asiatique, pour se considérer comme un morceau d’Europe qui aurait inexplicablement dérivé aux confins du Pacifique et de l’Océan Indien. C’est pour cela qu’elle a si longtemps rejeté les immigrés asiatiques et la culture dont ils étaient porteurs.
L’évolution de l’Australie vers le multiculturalisme, qui implique l’acceptation de la différence, vue comme un atout et non une menace, laisse entrevoir une issue au malaise identitaire australien : si l’Australie accepte de se confronter à son refoulé raciste (et les réticences sont encore vives), si elle ouvre son imaginaire à la différence culturelle, elle pourra se forger un sentiment d’identité qui ne sera plus en décalage manifeste avec la réalité. Lorsque les Australiens compris que, comme l'écrivait Edouard Glissant, « toute identité s'étend dans un rapport à l'Autre44 » et que « Je peux changer en échangeant avec l’Autre sans me perdre pourtant ni me dénaturer45 » ils seront véritablement en passe de surmonter leur malaise.
Les mentalités ne changent que lentement et, tout autant que les hommes politiques, les écrivains et plus généralement les créateurs artistiques ont un rôle à jouer dans cette évolution. En mettant l’accent sur l’inévitable hybridité de la culture australienne, puisque celle-ci se situe au confluent d’influences diverses mais longtemps tenues comme incompatibles, ils déjouent ce piège qu’est la recherche d’une impossible pureté et transforment l'imaginaire australien. Les auteurs issus des minorités ethniques, qu’ils soient aborigènes, chinois ou grecs, affirment des façons d’être australien qui rendent obsolète le modèle anglo-saxon traditionnel et refondent l’identité nationale, dont ils donnent une image plus complexe, moins impérialiste, moins basée sur l’exclusion et le déni.
Il ne faudrait pas pour autant tomber dans l’optimisme béat. Comme le suggérait Freud, il serait illusoire de penser qu’il puisse exister une culture sans refoulement et par suite sans malaise. Par ailleurs, même si l’homme rêve d’équilibre et de stabilité, la marche ininterrompue de l’histoire viendra forcément perturber ce rêve en créant de nouveaux déséquilibres, source de nouveaux malaises, et notamment de ce que Chateaubriand appelait « le malaise de tous, le produit du siècle, la lutte de l'ancienne société avec la nouvelle, le combat de la décrépitude des vieilles institutions contre l'énergie des jeunes génération46 ».
Ouvrages cités
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1 « [This] very Australian obsession » (R. Feneley, « After the Empire »).
2 Cf. ce qu'en disait l'ancien Premier Ministre John Howard : « Endless bouts of introspection and navel gazing are unhealthy » (ibid.)
3 Ce n'est pas un hasard si le principal prix littéraire australien, le Miles Franklin, est destiné à récompenser une œuvre « portraying Australian life in any of its phases ».
4 P. Read, Belonging, 187.
5 Ibid., 11.
6 S. Freud, Le Malaise dans la culture, 57.
7 Ibid., 76.
8 Ibid., 77.
9 Ibid., 35.
10 Cf. Paul Keating, discours de Redfern.
11 L. Ryan, The Aboriginal Tasmanians, 260-61.
12 S. Freud, L’Inquiétante étrangeté , 19.
13 Cf. S. Collingwood-Whittick, dir., The Pain of Unbelonging.
14 A. McClintock, « “Unspeakable Secrets”: The Ideology of Landscape in Conrad’s Heart of Darkness », 42.
15 L. Murray, « Noonday Axeman », 6.
16 M.Clarke, Preface to Adam Lindsay Gordon’s Poems.
17 J. Furphy, Such Is Life, 91.
18 Ibid., 77.
19 H. Lawson, « Straight Talk », Autobiographical and Other Writings, 10.
20 S. Bowen, Drawn From Life, 6.
21 N. Shute, On the Beach, 112.
22 B. Penton, « Why not Be Hot and Happy ».
23 T. Winton, Cloudstreet, 231.
24 Cité in John Barnes, « “Through Clear Australian Eyes” — Landscape and Identity in Australian Writing », P. R. Eaden and F. H. Mares, dir., Mapped But Not Known, 88.
25 P. White, « The Prodigal Son », 37.
26 Ibid.
27 Patrick White, cité in David Marr, Patrick White – A Life, 369.
28 R. Stow, Tourmaline, 1.
29 B. Pascal, Pensées, 679.
30 A.G. Stephens, The Bulletin, 9 décembre 1899.
31 Michael Ackland, « Nature Through Currency Lad Eyes » dans P.R. Eaden and F.H. Mares, dir., Mapped But Not Known, 74.
32 Cf. R. Ward, The Australian Legend.
33 J. Donnelly, The Tao of Shepherding, 199 et 218.
34 J. Wright, Preoccupations in Australian Poetry, « Introduction », xix.
35 J. Donnelly, The Tao of Shepherding, 343.
36 Bruce Clunies Ross, « Landscape and the Australian Imagination » dans Eaden et H. Mares , dir., Mapped But Not Known, 232.
37 J. Donnelly, The Tao of Shepherding, 352.
38 Ibid., 353-54.
39 S. Lazaroo, Sustenance, 75.
40 K. Gelder et J. M. Jacobs, Uncanny Australia, 23.
41 J. Carroll, dir., Intruders in the Bush, 209.
42 S. Freud, L’Inquiétante étrangeté, 64.
43 Cf. « Settlement, invasion, or both? », 29 Juin 2011
<http://australiadayblog.blogspot.com/2011/06/settlement-invasion-or-both.html>
44 E. Glissant, Poétique de la Relation, 23.
45 E. Glissant, La Cohée du Lamentin, 25