Wordsworth iconoclaste

Pascale Guibert

Université de Caen

  1.  Au tournant des xviiième et xixème siècles, entre la fin d'un monde et le début d'un autre, Wordsworth écrit dans une période de crise. Sa poésie, on le sait, témoigne des bouleversements dont il est directement témoin, ici et là, en Angleterre ou en France. Confronté en chaque lieu et à chaque instant aux grands bouleversements sociétaux qui marquent le basculement d'une ère à l'autre, il s'agit pour Wordsworth comme, plus tard, pour le Walter Benjamin des années 1930, d'« organiser le pessimisme1 » dans une période qu'il voit comme de déclin. Contrairement à cette immobilisation pétrifiante d'un monde en voie de disparition — déjà disparu, au vrai — qu'on lui a parfois reproché2, sa poésie met en œuvre la fragilité, le transitoire, l'éphémère. Elle la fait œuvre, tout d'abord : en faisant de l'humain ici et maintenant sa considération première ; ensuite,  en faisant de l'humain ici et maintenant sa matière poétique même (tandis que la voix du commun des mortels entre dans le texte poétique et avec elle certaines tournures du nord de l'Angleterre, le temps humain — le temps qui passe — entre tant par l'oralité suggérée de la ballade que par l'éclatement du couplet héroïque opéré par le vers blanc) ; et enfin, en faisant de ces qualités de subjectivité, de contingence et d'évanescence le principe d'un renouvellement — non seulement d'une poétique mais, au-delà, par elle, d'une épistémè. Avec Wordsworth, le premier romantisme anglais, par une temporalité mise en avant et rendue opérante, ébranle les mythifications universalisantes de l'ère précédente et, dans le même geste, ouvre la modernité où nous continuons de séjourner. En d'autres termes, en revenant sur les constructions esthétiques et idéologiques (ensemble, cela va de soi) des Lumières — en les reprenant, pas en s'en débarrassant, en y introduisant un principe de dé-mythification dont nous détaillerons ici quelques aspects — la poétique wordsworthienne clôt un âge et en ouvre un autre, qui n'a toujours pas tout à fait pris fin.

  2. Une longue tradition de lecture tant populaire qu'universitaire a dé-historicisé, et ainsi dé-conflictualisé les romantiques en général. Paul Rozenberg écrit :

Toute une tradition critique et universitaire a fait de l'image du romantique une arme contre le romantisme. Depuis bientôt deux siècles, le petit monde de la culture entretient des clichés qui dévitalisent le romantisme en feignant de l'exalter.

Romantique = idéaliste = puéril = sentimental = rêveur impénitent qui s'en est d'ailleurs repenti = révolté pour rien = littérature = évasion = désir fou = aspiration vague = irrationaliste = déraisonnable = irréaliste. Une certaine indulgence est de mise : ils ont écrit de beaux vers ; le romantique n'est pas vraiment dangereux3.

Mais pire sort encore a été réservé à Wordsworth, dont l'œuvre entière, dès les Ballades Lyriques, a été complètement dé-radicalisée, et donc dévitalisée, puisqu'on n'a voulu voir que ses « thèmes » — conventionnels4 ; la « petite histoire » de ses textes — souvent édifiante ; et le cadre rural qu'ils privilégient — tout en le dépouillant de son audace première (en ses localisations minutieuses et le plus fréquemment hors guides touristiques et culturels), lorsqu'il est de nouveau considéré un siècle plus tard. Et pourtant … L'œuvre de Wordsworth n'a cessé de prendre parti contre le monde de productivité déshumanisé qu'il voyait se mettre en place sous ses yeux, même lorsque cette opposition a fini par prendre des airs de réaction.

  1. Pour bien prendre la mesure de l'activité politique et créatrice des textes de Wordsworth, délibérément ancrés dans un terrain géographique ainsi qu'une époque historique, il faut faire ressortir la minorité qui les travaille par là même. Par « minorité », entendons, suivant Deleuze et Guattari, « les conditions révolutionnaires de toute littérature au sein de celle qu'on appelle grande (ou établie)5. » Ces conditions sont à la fois externes et internes, c'est-à-dire à la fois le sol historique et géographique où telle littérature peut se développer et les choix poétiques propres à tout auteur :

Même celui qui a le malheur de naître dans le pays d’une grande littérature doit écrire dans sa langue, comme un juif tchèque écrit en allemand, ou comme un Ouzbek écrit en russe. Ecrire comme un chien qui fait son trou, un rat qui fait son terrier. Et, pour cela, trouver son propre point de sous-développement, son propre patois, son tiers monde à soi, son désert à soi6.

C'est depuis le sol même de la « grande littérature » dont il hérite, le sol de la grande culture des Lumières européennes que Wordsworth « écrit sa langue » et envoie ses dispositifs poétiques miner ce terrain-là. En minant-minorant systématiquement les éléments constitutifs de l'esthétique dominante et dominatrice antérieure (cette lumière stable, puissante et rassurante, symbole et phare du siècle finissant ; ces contours bien précis et formes nettes qu'elle a permis de laisser tracés ; l'horizon dégagé qu'elle a ouvert, où les vérités pouvaient s'afficher) Wordsworth finit un monde et ouvre la voie à notre modernité.

  1. « Les conditions révolutionnaires de toute littérature  » sont son propre sol, en ce qu'il offre la possibilité de la faille que l'on peut y ouvrir. C'est bien ce que disent les métaphores de Deleuze et Guattari : « Écrire comme un chien qui fait son trou, un rat qui fait son terrier. » La minorité n'est pas un bouleversement, mais un principe de subversion qui travaille au cœur d'une situation de domination et la mine de l'intérieur en produisant ce qui peut sembler être, au premier abord, de l'affaiblissement, de l'amoindrissement. Miner les Lumières, en leur grande confiance dans l'efficace d'une Raison toute puissante, dans un Progrès prévisible mécaniquement, dans une Science dont les Grands Principes couvrent la totalité de l'univers, ne peut pas revenir à leur opposer violemment l'ombre d'un obscurantisme ou d'une inconnaissance précédents. De cette façon, seuls les termes de la situation de domination seraient changés, pas la domination même. Laisser les Lumières derrière soi pour faire advenir cette autre époque qui déjà s'annonce dans les crises politiques, religieuses, esthétiques de ces jours troubles, Wordsworth le comprend bien, c'est donner sa place à cet élément de fragilité qu'elles portent en elles mais n'ont pas reconnu.

  2. C'est sans doute cette confiance en l'immanent, cet appui constant sur ce qui est, si typique du mouvement de la pensée de Deleuze et Guattari, qui intéresse aussi Didi-Huberman dans son Survivance des lucioles. Il y analyse la portée de la perte qui est en jeu lorsque Pasolini perd confiance en son ici et maintenant, ce terrain de l'Italie contemporaine et marginale qui avait jusqu'alors nourri son œuvre. A ce funeste moment-là, Pasolini ne voit plus que la nuit totale où se sont plongés, selon lui, ses contemporains, et la lumière aveuglante des mises en scène politiques, publicitaires, commerciales, … Et ici comme là, les lucioles ne sont plus, ces lucioles qui encadrent son œuvre, et dont Didi-Huberman, en en suivant les mouvements, fait le signe d'une résistance fragile — gage de survivance. A la fin de ses jours, lorsque Pasolini ne voit que la nuit totale et la lumière aveuglante régner sur l'Italie, il perd les lucioles. Il en perd la vision comme il en signe l'arrêt de mort. Car les lucioles, d'une luminescence si faible qu'on la distingue à peine de l'ombre, ne sont êtres ni de la nuit totale ni de la lumière aveuglante. Ces espaces apocalyptiques-là, absolus, totalitaires, font fi des lucioles. Ne reconnaître qu'eux, alors,

C'est agir en vaincus : c'est être convaincus que la machine accomplit son travail sans reste ni résistance. C'est ne voir que du tout. C'est donc ne pas voir l'espace — fût-il interstitiel, intermittent, nomade, improbablement situé — des ouvertures, des possibles, des lueurs, des malgré tout7.

De même nature que le tout, le malgré tout hubermanien est le principe de subversion par affaiblissement que le tout nourrit en lui. Dans son ouvrage de 2009, la luciole en est la métaphore. Née, dans l'œuvre de Pasolini sur laquelle le texte de Didi-Huberman se déploie, en pleine Italie fasciste, sa toute petite lueur intermittente s'inscrit en contrepoids infime aux projecteurs féroces qui balaient la nuit. Et c'est précisément par ses qualités de fragilité, par sa lueur évanescente toujours au bord du visible et de l'invisible, qu'elle fait résistance à ces projecteurs féroces, métonymie quant à eux, dans leur violent désir totalisant, des conditions dominantes au sein desquelles les lucioles émettent leur lumière propre. Didi-Huberman considère cette lueur minime comme une « lumière mineure », une création culturelle-naturelle à rapprocher de la « littérature mineure » de Deleuze et Guattari8. La fragile lueur intermittente et nomade de la luciole, en effet, créature à portée politique, a bel et bien un « fort coefficient de déterritorialisation », étant de même nature (lumineuse) que le terrain (de surexposition totalitaire) où elle naît, mais y résistant et ouvrant d'autres mondes possibles.

  1. Lorsqu'il insère le langage des « gens du peuple et des campagnes » dans une poésie héritant en tout point compositionnel de la lignée des poètes qui l'ont précédée, c'est bien une luciole, ou, si l'on veut, une « faiblesse active » que Wordsworth introduit là dans la tradition poétique. Et c'est alors un « patois dans sa propre langue » que parle sa poésie. C'est d'ailleurs bien comme cela qu'elle est lue, et décriée, à son époque. On tourne alors en dérision son « simple style », dégénérescence affreuse et inconvenante du beau et noble « style of simplicity » de l'âge classique. On se moque de l'ingénuité de celui qui semble ainsi méconnaître Pope et Dryden. On regrette le caractère primaire de ses vers de mirliton9. Afin de retrouver toute l'énergie subversive de la poésie de Wordsworth, en tant qu'elle mine par leur minoration, par l'insertion d'éléments de fragilisation, des conventions esthétiques-et-idéologiques qui alors même s'efforcent de ne pas perdre leur hégémonie, en ces temps de crise-là, il convient de laisser apparaître les lucioles qui y agissent. L'ouvrage de Didi-Huberman, qui l'une après l'autre laisse entrevoir les modalités de leur présence intermittente, permet de faire ressortir ce principe de résistance au sein de la poésie wordsworthienne.

*

  1. « Entre 1790 et 1800, plus de deux cents lois nouvelles, dont celles qui interdisent toute association ouvrière, attestent la frénésie juridictionnelle du pouvoir et consacrent la fin de toute vie politique “normale10”. » C'est, écrit plus bas Paul Rozenberg, « l'ère de la grande réglementation11. » De 1750 à 1825, en Angleterre, « 4000 décrets permettent la confiscation de trois millions d'hectares de terres communes : à peu près un quart des terres cultivées12. » Les plus pauvres sont jetés sur les chemins, les familles sont disloquées par l'industrie naissante et Shelley devient le témoin de ses méfaits lorsqu'il assiste au sombre spectacle, à Keswick même, de jeunes employées à la filature d'à côté jetant leurs avortons dans la Greta13. L'Angleterre entre en guerre avec la France en 1793 et un système d'espionnage et de dénonciation civiques est encouragé. C'est ainsi que les 8 et 11 août 1797, Dr. Daniel Lysons, résidant à Bath, alerte le ministère britannique de l'Intérieur de l'attitude suspecte des locataires d'Alfoxden :

Repeating what his cook had told him of gossip she had heard from one Charles Hogg, a former servant at Alfoxden, Lysons identified the Wordsworths as “an emigrant family” who had “contrived” to get hold of the house. Their relationship to one another was dubious — “the master of the house has no wife with him, but only a woman who passes for his Sister” — and their behaviour even more so. “They go, says Lysons, on nocturnal and diurnal expeditions, taking notes on their observations of the terrain. They have been heard to say they should be rewarded for them and were very attentive to the river near them”14.

Des espions sont envoyés de Londres et, dès septembre, Wordsworth est avisé que le bail ne serait par renouvelé à la fin de l'année. Sur l'Europe entière, un climat de contre-révolution s'installe.

  1.  Dans ce climat-là, comment croire encore en la Raison, au Bonheur, au Progrès et en tous ces idéaux humanistes que le xviiième siècle, fondateur et confiant, avait déployés sous un soleil permanent ? Arden Reed, dans Romantic Weather. The Climates of Coleridge and Baudelaire, note :

Over the fiction of eighteenth-century France, there seems to reign a climate of perpetual summer (Prévost would be an example), and excursions into nature are confined to conventional walks in gardens. It is not until rather late in the century, with Rousseau and Bernardin, and, later still, Chateaubriand, that the weather significantly reenters French literature15.

Ce soleil est tout fictionnel, bien sûr, et français. Mais il nous éclaire parfaitement sur l'esprit d'une époque culturelle, pour laquelle les frontières géographiques ont une bien faible influence en ce qui concerne l'atmosphère — mentale, symbolique et représentative s'entend. Si en 1730, Pope pouvait sereinement écrire : « Nature, and Nature's Laws lay hid in Night. / God said, Let Newton be! and All was Light16 », ni l'obscurité de l'inconnaissance pré-newtonienne, ni la grande lumière symbolique ne sont plus disponibles à Wordsworth.

  1. Une époque s'achève et il y a « quelque chose d'impossible17 » à écrire à cet endroit-là et à ce moment-là, face au constat d'effondrement qui s'impose à tous. La mort de John Wordsworth, en mer, le 6 février 1805, personnalise pour le poète ce moment de tension extrême, de crise, véritablement, où quelque chose finit, et permet qu'autre chose se dégage. L'élégie qui naît alors affronte cette fin — sur le terrain de l'art. Sur la mort du frère, mêlée à la mort d'un classicisme italianisant et à sa maintenant impossible luminosité, les « Elegiac Stanzas Suggested by a Picture of Peele Castle… » (1806) écrivent les bases du romantisme anglais.

  2. Dans les premières strophes, les répétitions rythmiques et lexicales rendent compte de cette calme fixité qui ne décevait pas les attentes. Il était une fois, avant, « once » (v. 1), soutenu par un éclairage adéquat, il aurait été aisé de passer de l'oeil à la main prolongée d'un pinceau, d'une visibilité à une autre (v. 13-16). On aurait pu, comme cela se faisait couramment, dans le sillage du Lorrain, retenir les intempéries — imprévisibles, incontrôlables, fantasques — hors du tableau :

I would have planted thee, thou hoary Pile

Amid a world how different from this!

Beside a sea that could not cease to smile;

On tranquil land, beneath a sky of bliss. (v. 17-20)

Mais ce n'est plus possible. « So once it would have been, — 'tis so no more; » (v. 33). Une mort est venue bouleverser ce monde-là et ses conditions de représentation. Et c'est la création qu'elle a remis en jeu. La visibilité apparaît comme aussitôt affectée. Le climat de plate certitude, immonde en son « calme élyséen » (v. 26), est balayé. Une autre image est donnée, où les intempéries font rage. Tout aussi symbolique, culturelle et itérative que celle du monde hors du monde qu'elle renverse, elle opère cependant un déplacement dans le régime des signes. Si « This sea in anger, and that dismal shore » (v. 44), cliché pittoresque s'il en est, sont loin d'être d'une grande originalité il n'en demeure pas moins que, comme ses semblables, dont la liste est fournie dans tous les guides pittoresques à grand tirage disséminés alors en Grande Bretagne, il met la netteté et la certitude des contours à rude épreuve. C'est maintenant la visibilité de l'ère précédente qui est considérée comme « aveugle » et « pitoyable » (v. 56). Au-delà de l'image-cliché qui renverse purement et simplement une image-cliché précédente, antithétique, ce mauvais temps qui s'installe là brusquement, en en finissant avec la nettetté et la certitude de la luminosité toute éclairante, installe, dans ses brouillages et brouillards, un autre régime de signes. Avec cette impossibilité de prédiction qui le caractérise, et cette imprécision des traits qu'il répand, le mauvais temps permet aux arts de la représentation de quitter les seuls ouvrages visuels. Car la vision brouillée et l'impossibilité de prévision assurée s'expriment tout aussi bien — et mieux, même, peut-être — verbalement que picturalement. C'est ainsi l'ère de la littérature que les intempéries inaugurent, le dire et l'écrire, dans leur non-visibilité essentielle, dé-peignant parfaitement ce qui ne cesse d'échapper aux seuls sens.

  1. N'est-ce pas la domination de la science empiriste jusque sur les arts qu'elle prétend diriger et contrôler que les intempéries dans la poésie de Wordsworth commencent à saper18 ? Sa dénonciation de la « tyranie » de l'oeil19, « The most despotic of our senses20 », comme son questionnement poétique constant de l'associationisme hartleyen permettent de le penser. De cette façon, en laissant la place dans sa poésie à une météorologie changeante, imprévisible et noyant formes et contours précis, Wordsworth, à la fin des Lumières, ouvre une faille au sein même de ce terrain d'expérimentation empiriste. C'est un tout petit contrepouvoir face à la politique de surexposition que mène alors l'Angleterre visant à se révéler au reste du monde comme la puissance qui a bâti son pouvoir sur cette question du voir21. Mais dans cette faiblesse, dans son geste d'amoindrissement, réside sa RESISTANCE — en tant qu'elle se définit contre ce qui puissamment dure22.

*

Farewell, farewell the heart that lives alone,

Housed in a dream, at distance from the Kind!

Such happiness, wherever it be known,

Is to be pitied; for 'tis surely blind. (« Elegiac Stanzas … » , v. 53-56)

  1.  Dans la mort, la douleur et le mauvais temps, un autre régime non seulement de visibilité, mais d'être, qui plus est, est inauguré. Avec le mauvais temps, c'est l'in-quiétude qui définit cet autre monde — le nôtre, en fait. Pour exagéré qu'il soit, dans le tableau de George Beaumont comme dans le poème de Wordsworth, ce mauvais temps est au demeurant ce qui est assez couramment partagé par les habitants d'Europe du nord. Il n'est pas là l'élément tantôt décoratif, tantôt disgracieux que Wordsworth discute sur le ton assuré du connaisseur dans le cadre purement esthétique de cette production commerciale et rentable qu'est le Guide to the Lakes qu'il publie en 1810 sur le modèle de celui de Thomas West, en 1778. On peut y lire, par exemple :

The atmosphere, however, as in every country subject to much rain, is fequently unfavourable to landscape, especially when keen winds succeed the rain which are apt to produce coldness, spottiness, and an unmeaning or repulsive detail in the distance; — a sunless frost, under a canopy of leaden and shapeless clouds, is, as far as it allows things to be seen, equally disagreeable23.

De tels guides sont des machines à produire des stéréotypes. Combien de paysages sous la pluie et le vent le Wordsworth de la Golden Decade nous a-t-il déjà offerts lorsqu'il écrit, se débattant déjà avec la stérilité poétique qui le gagne, que la pluie est « fréquemment l'ennemie du paysage »? Qu'est-ce qu'un « détail dont on ne saurait faire sens, voire repoussant, au loin » pour celui qui a su rencontrer l'admirable et valeureuse humanité d'un ramasseur de sangsues qui, au loin sur la lande, apparaissait

Like a sea-beast crawled forth, that on a shelf

Of rock or sand reposeth, there to sun itself24;

L'« opération hautement idéologique de la sémiotisation des territoires25 » que constitue le pittoresque n'a pas seulement transporté « la nature à l'intérieur des foyers bourgeois26 » en la reproduisant sur papier peint, elle a aussi fait des hommes et des femmes des éléments d'une mode, des objets — plus ou moins décoratifs —, des « objects of sympathy » dont on peut dresser la liste d'après le remplissage des pages « Coin du Poète » des magazines de l'époque. Ainsi Robert Mayo peut-il énumérer ces sujets-objets les plus prisés des rimailleurs : « bereaved mothers and deserted females, mad women and distracted creatures, beggars, convicts and prisoners, and old people of the depressed classes, particularly peasants27. » Les Ballades Lyriques, puisant à ce fonds d'images communes, ne tireraient pas leur originalité de tels sujets élimés. Quelques années après leur publication, dans sa grande œuvre de conscience critique, le Prélude, Wordsworth juge sévèrement ce qu'il fait passer pour une erreur de jeunesse :

[…] Where the harm

If when the woodman languished with disease

From sleeping night by night among the woods

Within his sod-built cabin, Indian-wise,

I called the pangs of disappointed love,

And all the long etcetera of such thought

To help him to his grave? — […]28

Rien que la question suffirait à montrer qu'il y a bien eu du mal de fait (« harm »), que de tels enjolivements pittoresques étaient nocifs. La strophe suivante arrive aussitôt pour confirmer la prise de conscience de cette nocivité et sa remédiation, en d'autres temps (v. 624) :

[…] Then rose

Man, inwardly contemplated, and present

In my own being, to a loftier height —29

De même que notre monde (celui où il ne fait pas toujours beau) a pu advenir du renversement de la lumière fixée sur toutes les scènes qu'alors elle monumentalisait dans leurs contours fixes, l'homme ordinaire, « Man », a pu naître dans toute sa dignité lorsque furent rejetés les listes égalisatrices et les clichés répandus en discours. C'est dans sa singularité à la fois fragile et fière que la poésie de Wordsworth le fait naître. Préparé par le suspens de l'enjambement, annoncé tout en splendeur par le « rose » du vers 631, le voici, syllabe unique, suffisante cependant pour bouleverser le rythme tranquillement binaire des iambes de ce pentamètre.

  1. Revenant sur le monde arrêté des conventions artistiques chosifiantes, Wordsworth donne bel et bien dans ses vers, par ses vers, la liberté à l'être vivant, qui se distingue ainsi de la figure. Un autre passage du Prélude (VIII: 183-191) retrace, par le lexique ainsi que la voix passive, l'emprisonnement dont naguère les figures de bergers étaient victimes, avant que lui ne les libère, en les aimant, d'abord (v. 178) ; en les dé-déguisant, ensuite.

[…] My first human love,

As hath been mentioned, did incline to those

Whose occupations and concerns were most

Illustrated by Nature, and adorned,

And shepherds were the men that pleased me first:

Not such as, in Arcadian fastnesses

Sequestered, handed down among themselves,

So ancient poets sing, the golden age;

Nor such — a second race, allied to these —

As Shakespeare in the wood of Arden placed,

Where Phoebe sighed for the false Ganymede;

Or there where Perdita and Florizel

Together danced, Queen of the feast and King;

Nor such as Spenser fabled. […]

[…] This, alas,

Was but a dream: the times had scattered all

These lighter graces, and the rural ways

And manners which it was my chance to see

In childhood, were severe and unadorned,

The unluxuriant produce of a life

Intent on little but substantial needs,

Yet beautiful — and beauty that was felt30.

Ces « un- » privatifs opèrent comme un dépouillement : sous les décorations et les fioritures, l'être vivant ordinaire apparaît dans le monde du vécu quotidien. Car il s'agit bien de sortir les figures d'Arcadie (v. 183) et de la forêt d'Arden (v. 187) pour les plonger dans le monde historique des vivants. Wordsworth se situe et les situe en effet dans « the times » (v. 204). « The times », c'est ce que l'Oxford English Dictionary définit comme « A period considered with reference to its prevailing conditions; the general state of affairs at a particular period31 », par rapport au générique singulier et à l'abstraction sans article. L'expression du regret qui introduit le changement est alors toute rhétorique puisque tout le reste du texte prépare et réalise la venue au  monde historique de ces vrais bergers-là.

  1. Cet autre monde, le nôtre, bien sûr, ne se transmet pas inchangé et immuable. Il n'est pas arrêté comme l'était celui de la Pastorale, passé et reproduit de génération de poète en génération de poète, de Théocrite (X: 1015) à Spenser et Shakespeare. Son mode de représentation ne peut plus naître alors par approbation  —  grâce à laquelle l'héritage d'images conventionnelles se transmet d'âge en âge. Mais il ne naît pas, non plus, d'une simple réprobation qui, en condamnant, efface, impose une toute autre image. On sait de toute façon la juste admiration que Wordsworth porte aux Classiques latins qui ont depuis toujours nourri son développement en tant que poète ; Shakespeare aussi est un père reconnu32. Dans le passage cité du livre VIII, les quasi anaphores des vers 183 et 186, « Not such » et « Nor such », présentent syntactiquement ce mélange complexe de réprobation-ET-approbation dont fait l'objet le mode esthétique antérieur. L'autre monde, historique, sujet aux « humeurs » et aux saisons33, de toute façon ne relève pas tant de tels processus d'évaluation intellectuelle que de l'épreuve — à la fois sensorielle et affective. Lorsque Wordsworth affirme la « beauty that was felt » d'une vie sans luxe, tendant principalement à répondre aux besoins matériels ordinaires (v. 209-210), ce « felt », doublement accentué par sa position rythmique et syntagmatique, pointe doublement aussi et vers le domaine de l'affect et vers celui des sens. Ainsi s'exprime la critique wordsworthienne, combinant l'approuver et le réprouver pour les dépasser dans un geste qui met fondamentalement en jeu l'ÉPROUVER. Et c'est bien là le mode d'appréhension qui convient aux choses courantes, fluctuantes, qui ne se présentent pas comme vérités premières ou dernières sur fond d'horizon apocalyptique. C'est en tout cas le mode critique qui, pour Georges Didi-Huberman, permet seul de prendre toute la mesure de la fragilité essentielle d'une luciole34. « Pour savoir les lucioles, il faut les voir dans le présent de leur survivance : il faut les voir danser vivantes au cœur de la nuit35. »

*

  1. De la même façon qu' « il serait criminel et stupide de mettre des lucioles sous un projecteur en croyant les mieux observer », il serait peu profitable aussi, pour qui veut les rencontrer dans la singularité de leur éphémère présence dansante, de les observer sous la plaque d'un microscope ou de derrière la lentille d'un téléscope. Tout écran — qu'il soit métaphorique, formé par quelque convention dirigeant et informant le regard ; ou non métaphorique mais lié aux conventions artistiques d'une époque, tel que le verre du Claude Glass — nie la présence spécifique du sujet considéré. Il l'abstrait du temps historique pour l'exposer dans la vitrine des Vérités épistémiques et, ce faisant, le chosifie. C'est ce procédé de dénégation de l'être vivant singulier, voulu par la pratique pittoresque de sémiotisation guidée du monde alentour, que Wordswsorth dénonce avec autant de force que d'honnêteté dans « A Narrow Girdle of Rough Stones and Crags » (1800). Le début du poème nous présente la petite troupe de promeneurs, armés de culture classique et pittoresque, transportant allègrement la Grèce à Grasmere, sautant d'une époque à l'autre (v. 34-38). Ces consommateurs semi-oisifs (Wordsworth insiste à plusieurs reprises sur ce fait, marquant ainsi le contraste avec la révélation qui va bientôt lui être faite) profitent d'un ici et maintenant parfaitement innocent tout mis à leur disposition.

— Ill suits the road with one in haste; but we

Played with our time; and, as we strolled along,

It was our occupation to observe

Such objects as the waves had tossed ashore—

Feather, or leaf, or weed, or withered bough, (v. 10-14)

Un cabinet de curiosités se monte à même les vers. Bientôt, il va même renfermer des figures :

— So fared we that bright morning: from the fields

Meanwhile, a noise was heard, the busy mirth

Of reapers, men and women, boys and girls. (v. 39-41)

Rapportés ainsi, dans leur « joie », ces faucheurs correspondent très certainement beaucoup plus aux clichés de l'époque qu'à la réalité d'êtres humains en plein labeur nécessaire et physique. Ils répondent d'ailleurs très précisément à la description que l'analyse de nombreuses œuvres picturales et poétiques permet à John Barrell de faire de telles figures : « at the end of the century, [the poor work] cheerfully, to reassure us that they do not resent their condition, or blame us for it36. » Tous les dispositifs de la formule pittoresque encadrent, bordent, tiennent à distance et le plan du spectateur et le plan observé : Wordsworth prend bien soin de retracer d'une part cette bande rocailleuse où ses amis et lui circulent, et d'autre part les autres plans qui s'offrent à eux à partir de là. Chaque chose est à sa place, dans son espace défini et clos. Cela redouble l'impossibilité pour le touriste pittoresque d'être en contact immédiat avec l'objet de son intérêt, l'impossibilité de l'éprouver. Wordsworth le sait parfaitement — et il l'écrit : ces bruits qu'il entend, trop confus (« a noise », v. 40) et trop lointains (« those sounds », v. 42) ne relèvent ni du ressentir ni même du sentir, mais de la « divagation » — « And feeding thus our fancies, we advanced » (v. 43). Et tout ce qui précède apparaît alors comme préparatif rhétorique, comme contraste didactique au grand bouleversement qu'il amène non seulement au sein de l'esthétique, mais, en même temps, de l'éthique qui l'accompagne toujours :

[…] when suddenly,

Through a thin veil of glittering haze was seen

Before us, on a point of jutting land,

The tall and upright figure of a Man

Attired in peasant’s garb, who stood alone,

Angling beside the margin of the lake.

'Improvident and reckless,' we exclaimed,

'The Man must be, who thus can lose a day

Of the mid harvest, when the labourer's hire

Is ample, and some little might be stored

Wherewith to cheer him in the winter time.'

Thus talking of that Peasant, we approached

Close to the spot where with his rod and line

He stood alone; whereat he turned his head

To greet us — and we saw a Man worn down

By sickness, gaunt and lean, with sunken cheeks

And wasted limbs, his legs so long and lean

That for my single self I looked at them,

Forgetful of the body they sustained. —

Too weak to labour in the harvest field,

The Man was using his best skill to gain

A pittance from the dead unfeeling lake

That knew not of his wants. I will not say

What thoughts immediately were ours, nor how

The happy idleness of that sweet morn,

With all its lovely images, was changed

To serious musing and to self-reproach. (v. 44-70)

  1. De nouveau, tout un dispositif poétique met en scène l'être humain qui surgit, hors des cadres pré-établis, contre toute attente. Si cette mise en scène donne effectivement la vedette à UN homme, seul, surprenant dans sa singulière visibilité, ce seul appel à la vue, relevant toujours de la sensorialité pittoresque exacerbée, ne le sort pas complètement du tableau : c'est encore une « figure » (v. 47), « habillée en paysan » (v. 48) qui se tient là tout d'abord — quoique en dehors des espaces idoines. L'inconvenance aussitôt est dûment condamnée. Seul le rapprochement, qui permet de compléter la vision par l'affect, provoque l'abandon de cette morale abstraite, déguisée en Raison. Les réponses à une situation éprouvée, approchée d'au plus près, en dehors des cadres culturels et sociétaux en cours, ne peuvent plus alors être dictées. Tout dogmatisme est foulé aux pieds car il n'y a plus d'horizon, à ce moment là, pour projeter ses vérités générales et définir ainsi attentes et parcours d'accession37. Dans cet espace rétréci au point de ne plus avoir sous les yeux, tout d'abord, que la canne et le fil à pêche (v. 56), il n'y a plus un spectateur et l'objet de son regard, mais deux singularités humaines ressentantes. Le rapprochement organise l'espace de la rencontre, qui se fait entre deux êtres humains ressentant, dans un certain présent du monde historique, où l'hiver arrivera bel et bien après la saison des fenaisons et touchera les plus faibles d'entre les faibles.

  2. Comment ne pas voir, dans ce rétrécissement volontaire de l'espace habitable en art comme dans le vécu quotidien, dans ce déni de tout horizon physique et métaphysique, exactement ce qui permet à « l'affaire individuelle », chez Deleuze et Guattari, d'apparaître « indispensable », « absolument nécessaire » en ce que « son espace exigu », ne pouvant la replier plus sur elle-même, la branche immédiatement sur les affaires du monde38 ? C'est bien ainsi que l'éprouve et l'écrit Wordsworth. L'enfoncement jusqu'aux tréfonds de soi de l'expérience à tirer de cette rencontre (comme de tant d'autres chez lui) change le monde : le lac « calme » du début de la promenade (v. 19) devient « unfeeling » (v. 65), et le lieu même de la rencontre est renommé, « And POINT RASH-JUDGMENT is the name it bears. » (v. 80) Le romantisme s'écrit là, dans cette redéfinition du monde — qui est aussi l'ouverture d'une indéfinition — à partir de la minoration de l'espace la plus intense qui puisse être : « within ourselves » (v. 71).

*

  1. Voici comment Wordsworth tourne la page du long xviiième siècle. En tant que jeune poète commençant à écrire dans une période de fin d'un monde, il ne s'agissait pour lui, on l'a vu, ni de tourner le dos à l'ère qui l'avait vu naître, ni d'y mettre un terme — comment cela se serait-il pu ? Sa révolution à lui aura consisté à modifier si profondément les paradigmes des Lumières finissantes en laissant se développer au sein de la tradition esthétique héritée une fragilité essentiellement humaine, historique et locale, qu'une épistémè nouvelle a pris forme.

  2. Ainsi Wordsworth a-t-il dé-fini le monde, ou in-fini, temporairement. En faisant jouer dans ses représentations le pas très clair, l'éphémère et le vulnérable. De cette façon, c'est bel et bien d'une survivance principielle qu'il l'a doté, celle-là même dont les lucioles hubermaniennes témoignent, par leur présence si fragile. Nous habitons toujours l'espace wordsworthien, ce monde romantique-là, imprévisible, historique, partagé,

Not in Utopia — subterraneous fields,

Or some secreted island, heaven knows where —

But in the very world which is the world

Of all of us, the place in which, in the end,

We find our happiness, or not at all39.

Œuvres citées

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1 G. Didi-Huberman, Survivance des lucioles, 101 et 110.

2 Voir M. Friedman, The Making of a Tory Humanist. Wordsworth and the Idea of Community, 10, par exemple.

3 P. Rozenberg, Le Romantisme anglais. Le défi des vulnérables, 5.

4 On relira avec intérêt, sur ce sujet, l'article de R. Mayo, « The Contemporaneity of the Lyrical Ballads ».

5 G. Deleuze et F. Guattari, Kafka : pour une littérature mineure, 33.

6 Ibid.

7 G. Didi-Huberman, Survivance des lucioles, 36.

8 G. Didi-Huberman, Survivance des lucioles, 44.

9 Pour un développement de ces épithètes, on relira avec intérêt la revue anonyme que Robert Heron publie dans la New London Review de janvier 1799, 33-35. Citée dans R. Woof, dir., William Wordsworth: The Critical Heritage, vol. I, 70-73.

10   P. Rozenberg, Le Romantisme anglais : le défi des vulnérables, 31.

11 Ibid., 33.

12 R. Williams, The Country and the City, 96.

13 S. Prickett, The Romantics, 66.

14 S. Gill, William Wordsworth: a life, 127-128.

15  A. Reed, Romantic Weather: The Climates of Coleridge and Baudelaire, 53.

16 A. Pope, « Epitaph. Intended for Sir Isaac Newton, In Westminster-Abbey », The Poems, 808.

17 G. Deleuze et F. Guattari, Kafka : pour une littérature mineure, 29.

18  Dans son ouvrage sur Turner, Frédéric Ogée nous rappelle le poids de l'empirisme sur les arts lorsqu'il écrit de l’École anglaise de peinture qu'elle « avait trouvé son programme : elle allait se mettre passionnément au service de cette quête de « connaissance expérimentale », en revisitant les genres du portrait et du paysage à l’aune des nouvelles valeurs d’observation et d’approche empirique des sujets, à l’écart des théories et autres injonctions des académies du continent. Peu après la naissance de Turner, lorsque la Royal Academy of Arts s’installa en 1780 dans le magnifique bâtiment de Somerset House, construit à Londres par William Chambers, ses locaux jouxtaient ceux de la Royal Society. Les arts et les sciences se retrouvaient symboliquement côte à côte, leurs salles des conseils étaient mitoyennes, scientifiques et artistes se voyaient chargés par la nation de travailler au même projet, au cœur de la ville qui devenait le centre du monde. » (J. M. W. Turner : les Paysages absolus, 18.)

19 W. Wordsworth, The Prelude 1805, XI: 179.

20 Ibid., 173.

21 Voir F. Ogée, J. M. W. Turner : les Paysages absolus, 15-16.

22 Voir G. Didi-Huberman, Survivance des lucioles, 21, par exemple.

23 E. de Sélincourt, Wordsworth's Guide to the Lakes, 46.

24 W. Wordsworth, « Resolution and Independence », v. 62-63.

25 M. Jakob, Le Paysage, 108.

26 Ibid., 109-110.

27 R. Mayo, « The Contemporaneity of the Lyrical Ballads », 495.

28 W. Wordsworth, The Prelude 1805, VIII: 610-616.

29 Ibid., 631-633.

30 W. Wordsworth, The Prelude 1805, VIII, 178-191 et 203-210.

31  Oxford English Dictionary, « Time » 5.

32 Voir par exemple, la Préface aux Ballades Lyriques, § 9.

33 W. Wordsworth, « Elegiac Stanzas … », v. 10.

34 G. Didi-Huberman, Survivance des lucioles, 33. Didi-Huberman donne là une belle leçon de lecture en confrontant ces trois moments d'une critique que sont le réprouver, l'approuver et l'éprouver.

35 Ibid., 43.

36 J. Barrell, The Dark Side of the Landscape, 21.

37 Voir G. Didi-Huberman, Survivance des lucioles, 74.

38 G. Deleuze et F. Guattari, Kafka : pour une littérature mineure, 30.

39 W. Wordsworth, The Prelude 1805, X, 723-727.